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[RP] Où il est question de disparus et de disparitions

Aurelien87
Aristominus avait été efficace et convainquant. Aussi, Mgr Aurélien vit arriver Brixius, le médicaste de Bordeaux. Il le laissa agir promptement, observant d'un oeil inquiet le déroulement.

Eminence, Messire Brixius est notre meilleur médcaste de Guyenne. ...

Alors, Messire Brixius, qu'en pensez-vous ?

Il semblerait que notre malade soit l'ancien cardinal et primat de France, Mgr Savoie. L'affaire est délicate, c'est pour cela que je vous ai fait mander promptement...

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Brixius
" Je puis vous garantir qu'avec ce que je lui ai prescrit, son Éminence s'en remettra et à présent qu'il ai ici, ses jours ne sont point comptés. Quoiqu'il advienne, il a grand besoin de repos. Respecter les repas que je vous ai indiqués en pensant bien au fait qu'il ne faut pas qu'il se ré-alimente trop vite en grande quantité. Si vous ne respectez pas mes indications, il est de grande chance pour que la situation empire en peu de temps. N'oubliez pas de soigner se plaies et de changer ses pansements tous les jours. La guérison n'en sera que meilleurs. "

Il repositionna ses binocles puis ajouta :

" Si les moyens vous manquent, je puis m'arranger pour inscrire son Éminence dans le circuit de mes visites. Il me faudrait quelques renseignements supplémentaire le concernant afin d'avoir un meilleur suivit de sa guérison. "
Savoie

Le lit douillet avait fait son effet. Savoie rêvait. Du moins c'est ce qu'il pensait. En fait, il revenait à lui, après avoir souffert trop longuement de la faim.

"Un nuage. Je tombe. Non, je descends. Doucement dessus, puis, dedans. Tout autour de moi passe soudainement du noir au blanc. Pourrais-je être un oiseau? Non, j'ai trop le vertige...

La ouate m'entoure et me câline, me serre et me retient de faire une chute plus violente. Je me sens enfant. Nouveau-né. Je sens ma tête se débarrasser d'étaux qui la resserrait. Leur absence me fait réaliser la pression qu'ils me faisaient. Je les avais oublié tant il faisait longtemps qu'ils y étaient. Je sens mon nez se remplir d'oxygène. Je sens ma trachée s'ouvrir et laisser passer tout l'air du monde. Je sens mes membres se détendre, comme s'ils s'ouvraient, s'allongeaient, et voulaient embrasser le monde entier.

Puis, je me rappelle Aristote, dans son Panégyrique I:


Citation:
Tout être vivant possède une âme que je nommerais anima en ce qu’elle est la puissance qui l’anime, mise en œuvre dans la formation de l’être vers sa forme achevée. Etant le principe d’organisation du corps vivant l’anima est inséparable de celui-ci. »


Je pense comprendre cette impression de flottement que j'éprouve en ce moment. C'est mon âme qui retrouve mon corps. Ou mon corps qui retrouve mon âme. En tous les cas, nous faisons deux à nouveau... Je me retrouve entier, je me retrouve entièrement. Je n'éprouve plus le besoin de me battre contre moi-même. Je renais, voilà ce qui m'arrive. Je me ré-aggrège. Après toutes ces épreuves, me voilà en train de me recomposer. J'ai du trop souffrir de la faim.

Ai-je donc été mort? Suis un revenant?


Sypous a écrit:
Livre de l’Éclipse, Chapitre VIII - « La résurrection »
Ceux qui ont opté, comme toi, pour la résurrection ne gardent pas traces de leur périple céleste dans leur mémoire.


Alors je ne peux pas savoir si j'en reviens. C'est donc qu'il ne faille pas le considérer. Une chose est sure, cependant: je pense. Ainsi, ce moment, je le vis bel et bien. Je ne suis décidément plus le moribond qui m'habitait avant. Tout cela a changé en moi, est changé en moi, quelque chose s'est passé dans mon corps. Je le sais, le sens, je me sens. Vivre à nouveau. J'entends le chant du coq sonner. C'est l'heure du réveil.

Suis-je un nouvel homme? Suis-je transformé? Suis-je donc un autre? Un nouveau Savoie? Souviens-toi de la Pangégyrique III.


Citation:
Quand une chose change, il faut bien en elle quelque chose qui demeure, sinon elle ne changerait pas, elle serait radicalement autre.


Alors je suis bien moi. Simplement, quelque chose à changé en moi. Je suis empli de vie. Suis-je celui que j'étais? Ai-je plutôt toujours été celui que je suis maintenant? C'est un peu l'histoire de la poule ou de l'oeuf...

Je reprends conscience. Je sens des gens autour de moi. On me veille. Je suis bien de retour parmi les hommes, ceux qui prennent soin les uns des autres. Je suis dans un lit. Douillet. Ce doit être celui-ci qui m'a fait me sentir dans les nuages. J'ai faim. Horriblement...J'ouvre les yeux. Avec un immense envie de manger un oeuf à la coque. Serti de poulet grillé. Allez savoir pourquoi."

C'est alors que Savoie ouvrit les yeux. Et qu'il trouva, à ces côtés, un homme qui le tenait par la main, par l'avant-bras, en fait. il devait l'avoir entendu se réveiller, et désirait s'assurer que son pouls soit bon. Derrière, il aperçu un autre homme. Ses habits trahissaient non pas le moine en lui, mais son statut d'évêque. Mais Savoie ne le connaissait pas. Puis, il aperçu un visage qu'il connaissait bien. Qui était-il? Oui! Son frère franciscain, son ancien élève... Ce petit clerc à l'avenir prometteur... Rehael... Il lui esquissa un sourire. La vue de ce dernier lui confirma ce qu'il pensait: il était effectivement de retour parmi les hommes.


Mes amis... Mon frère...

Il toussota, puis reprit tranquillement, difficilement:

Quelle joie de trouver enfin des visages amis... Mes prières ont été exhaussées... Me revoilà dans le royaume du Très-Haut: le royaume des hommes. Quelle joie...

Mais dites-moi: j'ai faim... grande faim... Vous avez des oeufs, dites-moi, à m'offrir?

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Robert Savoie, qui se remet doucement.
Rehael
Rehael avait de larges cernes sous les yeux, des "valises", après avoir veillé plusieurs jours Robert Savoie. Les premières heures, il l'avait longuement regardé pour être bien sur que c'était lui, ne comprenant toujours pas comment, alors même que tout le monde le croyait mort depuis des années, il était là, devant lui, en chair et en os, bien que mal en point.

Rehael s'était assoupis, laissant Aurélien le veiller quelques instants. Il sursauta cependant en entendant cette voix si familière.

Robert se réveillait...


Mon frère, ne t'épuises pas trop, tu as subis une bien grande épreuve... J'ai tant de questions à te poser, mais je les réserve pour quand tu iras mieux. Sache simplement que je suis très heureux de te revoir, loué soit Saint François d'avoir permis cela en ce monde. J'ai prévenu les frères de Bruz par courrier, ils doivent mourir d'impatience de te revoir.

Des oeufs...

Il regarda Savoie d'un air gêné.


Robert, je pense qu'il vaut mieux suivre les recommandations du médicastre qui est venu te voir durant ton sommeil. Un grand bol de bouillon de viande de veau avec de la soupe t'attend.
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Savoie
-Mmmm... Tu as sans doute raison, mon frère. Mais d'abord, et avant tout, nous devrions peut-être faire une prière tous ensemble pour remercier la grâce du Très-Haut de nous permettre de nous avoir réunis tous ensemble, ici, en ce jour. Hier encore, je ne pensais plus ceci possible...

Il offrit faiblement ces mains à tous ceux qui l'entouraient, et prononça le septième logion:



Puis, tous ensemble, ils partagèrent le pain de l'amitié. Ensuite, tel le médicastre l'avait suggéré, il ingurgita un bouillon de viande. Sur quoi, Savoie se rendormit profondément, et, pour la première fois depuis longtemps, paisiblement.

Le Deuxième Jour.

Savoie n'eut cette journée-là que quelques heures de conscience, encore une fois. Il retrouva l'usage normal de ces dix doigts. Il bu le bouillon, et pu manger un petit légume. Il se régala comme si c'était un festin.

Le Troisième Jour.

Ce jour là déjà Savoie affichait meilleure mine. S.E. Rehael et lui purent commencer à discuter pour vrai. Savoie ingurgita un bouillon de poisson, ce qui le ravigota incroyablement.

-J'avais oublié le goût même de la vrai nourriture! Même cette branche de thym est un délice!!

Le Quatrième Jour.

Savoie ne fit qu'une sieste dans l'après-midi, quoi qu'il resta alité toute la journée. Lui et son vieux frère de couvent discutèrent, discoururent, même, sur les évènement qui étaient arrivés les trois années précédentes. Où résidait la bête? Quel était la volonté du Très-Haut la-dedans? Disputes dignes des années de collèges, Rehael fut impressionné par la disponibilité mentale de Savoie, qui, déjà, avait retrouvé ces facultés des beaux jours.

Il avait seulement encore très mal aux articulations, particulièrement dans le bas de son corps...


Le Cinquième Jour.

Même régime. Pain et bouillon. Un seul repas. Mais ce jour là, Savoie demanda à ce qu'on le change de lit.

-Ce lit est par trop confortable! Ceci est trop pour moi... Je n'ai jamais eu l'habitude de temps si nombreuses plumes... J'aimerais que vous me fassiez venir un lit plus... indiqué pour le franciscain que je suis... Je ne guérirai que plus rapidement...

On lui monta un lit de camps. Savoie afficha d'abord un large sourire, puis, de fait, une meilleure mine de jour en jour.

Le Sixième Jour.

Pour la première fois depuis si longtemps, Savoie pu se lever. Aidé de ces compatriotes, il pu faire le tour de la chambre, au petit matin. Puis, en après-midi, il insista pour aller faire quelques pas dans le jardin. Le médicastre insista pour qu'on le transporte sur une chaise. D'accord pour l'air pur, mais pas encore pour la promenade... Il croisa dans les jardins Uride Goumtèche, qu'il reconnu, et salua. Celui-ci lui offrit une poire à même l'arbre.

-Je vous dois la vie, mon fils... Lui dit-il, en pensant pleinement ces mots.

Le Septième Jour.

Il se reposa. Évidement.

Le Huitième Jour.

Savoie se sentait en pleine forme. Enfin. En meilleure forme que jamais. Il insistait pour qu'on lui apporte un vrai repas. Mais le médicastre s'obstina, et Savoie se résilia. Tout de même, il mangea comme un goinfre tout ce que le médecin consenti à lui amener.

-Je voudrais aller à la messe, aujourd'hui. Dites-moi, Brixius, c'est possible?

Malheureusement, il n'y avait pas de service en ce jour. Ils descendirent tous à la chapelle du palais, et purent célébrer un service en toute intimité. Ils célébrèrent, ce jour là, la vie, telle que décrite par le dogme aristotélicien:



Le Neuvième Jour.

Se déplaçant avec une canne, mais ce déplaçant par lui-même, Savoie, toujours faible mais au moins autonome, se sentait prêt. Prêt pour passer à autre chose. Prêt pour que sa nouvelle vie débute. Prêt pour retourner vivre parmi les hommes, tous les hommes. Prêt pour dire que l'étape son rétablissement, plus que celle de sa convalescence, était terminée. Car de sa convalescence, peut-être en fait n'en aura jamais-t-il terminé...
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Robert Savoie, qui se remet doucement.
Rehael
Rehael avait surveillé de prêt, mais sans en avoir trop l'air, le rétablissement de Savoie, qu'il jugea spectaculaire. Bien entendu, il était loin d'être pleinement remis, mais il avait récupéré toutes ses facultés intellectuelles et semblait fort bien se remettre physiquement, après ces neuf jours de convalescence.

Il lui faudrait de long mois, voir plus, pour se remettre totalement, si il le pouvait un jour, mais il ressemblait désormais a nouveau a celui que Rehael avait quitté bien des années auparavant. Il avait naturellement vieillis, et ses rides étaient accentués par son visage encore émacié, mais il retrouvait son vieux maître et frère.

Le séjour de Rehael à Bordeaux commencait a toucher à sa fin, et il fit en sorte de commencer à préparer ses bagages.

Lors du neuvième jour, Rehael vint à la rencontre de Savoie.


Eh bien, Robert, tu marches désormais comme un jeune homme ! dit il en plaisantant.

Puis, plus sérieusement :

Je sens que tu commences à avoir l'envie de parcourir à nouveau le vaste monde, comme il y a bien des années. J'en déduis que mon séjour à Bordeaux touche également à sa fin.

M'accompagneras-tu à Arles, mon frère ?

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Savoie
L'invitation de frère Rehael était ce qu'il attendait, mais en même temps, elle lui faisait peur. Il n'avait qu'une envie: quitter cette ville qui lui avait apporté tant de malheur ces derniers mois. Pour mieux y revenir, certes! Savoie n'aimait pas laisser des choses en plan, et il sentait que cette ville avait des comptes à lui rendre. Depuis qu'il était debout à nouveau, il avait rencontré de grand bordelais. Et d'autres, alors qu'il était à terre, l'avaient fait durement souffrir. Il fallait donc qu'il passe du temps ici, beaucoup de temps, afin que tous les bordelais découvrent la parole du Très-Haut, la vivent, et en jouisse, comme il se devait. Pour ceux qui le méritaient, comme pour ceux qui en avaient besoin.

Oh! Il se passait de bonnes choses, d'un point de vue aristotélicien. Mais il y en avait tant d'autre à faire... Savoie s'était donc donné comme mission d'y voir... En son temps.

Car il sentait bien qu'il fallait laisser retomber un peu la poussière, avant de s'investir pleinement dans cette paroisse... Les évènements qu'il avait vécu lui avaient trop demandé. A écouter son coeur, en ce moment, il appellerait purement et simplement les Saintes Armées à venir nettoyer les bas quartiers... Mais sa tête lui disait bien que c'était d'autre chose que la ville avait besoin. De l'écoute. De la compréhension. Du travail. Et le prêche par l'exemple. L'Église Aristotélicienne était grande et belle, et Aristote disait que la beauté résultait de la copie des Idées. Il ne restait donc plus qu'à faire le "mauvais" élève, c'est à dire le bon...

Cependant... partir de suite... y penser le paralysait. La route. Les brigands... Autrefois, il n'avait pas peur de partir. Seul s'il le fallait. Mais dans son état... il ne pourrait pas se défendre...

En même temps, il avait hâte de fouler à nouveau le sol de Rome. Il avait tant d'amis à retrouver, et hâte de voir ce qu'il était advenu de la cité durant toutes ces années. Arles était à mi-chemin de la-bas. Il pourrait certainement trouver un bateau, et naviguer doucement vers la ville aux sept collines. L'idée d'Arles avait du charme. Et Rehael pouvait le protéger, sur la route. Savoie devait se décider.


Mon frère, toi qui fut un jour mon élève, c'est aujourd'hui à moi de te suivre. Arles, cela sera! J'ai également le désir de retourner à Rome le plus rapidement possible. Après une petite retraite dans ton archevêché, seras-tu disposer à m'y accompagner?

Ce n'était donc qu'une question de temps avant qu'il ne revienne dans les parages...
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Robert Savoie, qui se remet doucement.
Rehael
Rehael esquissa un sourire. Savoie était en grande forme, et Dieu seul savait que ce qu'il pouvait accomplir avec cette forme là.

Naturellement mon frère, nous irons à Rome. Je n'osais pas encore aborder le sujet, mais il va de soi que nous devons faire part de ton retour à la Ville Eternelle.

Il n'osait encore imaginer la surprise que cela risquait de provoquer, bien que nombre des anciens collègues de Savoie fussent mort depuis son départ. Il était cependant évident que tout cela ferait couler beaucoup d'encre. Il n'aborda cependant pas ce sujet pour le moment.

Parfait mon frère. Tu verras, l'air provençal, le soleil, l'air marin, la lavande, la marjolaine..., tout cela aidera promptement à ton rétablissement, j'en suis certain. J'ai de nombreuses personnes à t'y présenter, dont un jeune frère franciscain plein d'avenir qui réside en Provence.

Il s'interrompit, regardant autour de lui, et ajouta :

J'ai croisé Uride Goumtèche ce matin, je pense qu'il sera d'accord pour t'aider à faire tes bagages, au moins de la nourriture et quelques vêtements. J'ai moi même une robe franciscaine de rechange avec moi, je pense qu'elle t'iras très bien, nous faisons à peu près la même taille. En parlait d'Uride Goumtèche, je l'ai croisé l'autre jour, chérissant contre son coeur le drap avec lequel nous t'avons transporté.

Il sourit à ce souvenir, puis repris :

Prend ton temps mon frère, je vais pour ma part dire au revoir à notre hôte qui nous a fort bien aidé, et j'ai demandé au cocher de préparer le fiacre pour la route.
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--Uride_goumteche
Les jardins du palais épiscopal



Alors qu'il jardinait tristement dans le jardin de l'archevêché, se demandant pourquoi le jardinier en chef lui soumettait toujours des tâches somme toute sommaires voir inutiles, Uride Goumteche vît se promener dans le jardin celui qu'il avait aidé à rescaper. Il marchait tranquillement, aidé d'une canne.

Simplement qu'en le voyant, la joie revînt sur son visage. Celui qu'on avait dit Cardinal se dirigea droit sur lui. Soudainement, Goumtèche se senti fébrile. Savoie s'adressa à lui directement.


-S.E. Rehael me dit que vous pourriez peut-être me rendre un nouveau service... Voyez-vous, je dois me rendre bientôt à Rome... Mais, comme vous pouvez vous en douter, je suis plutôt... sans bagage. Et vu mon état, il m'est difficile de me déplacer en ville. Pensez-vous pouvoir faire quelques courses pour moi, très cher ami?

La réponse fut évidement affirmative. "Tout-de-suite-sur-le-champ-dans-la-seconde!" pensa immédiatement Uride. Il ressentait pour cet homme un immense attachement. Cet homme malade, affaibli, mal rasé, ayant de toute évidence subi de dures épreuves récemment transcendait un énorme sentiment d'empathie et de sympathie chez Goumtèche. Quoiqu'il était absolument incapable de le formuler ainsi.

Mais à l'évocation de Rome, une autre idée lui traversa l'esprit. Celle du voyage.


-Avec joie, mon bon m'sieur. Euh... M'seigneur, c'est ça qu'on dit, nan? Rapport que je sais jamais comment vous appeler, vous autres, les bonhommes de Rome... M'enfin. Dites moi ce que z'avez besoin, pis m'en va vous charcher toute ça.

Mais... si je peux me permettre...


Goumtèche changea de ton d'un coup, et apparu gêné...

-Vous z'allez à Rome? C'est-ti pas un peu dangereux, de traverser tout le continent comme ça? Vous z'auriez pas besoin d'une p'tite protection, pour vous assurer de vous rendre jusqu'au vous devez vous rendre? Rapport que j'ai pas besoin de vous dessiner mes muscles qui se dessinent devant vous et que vous pouvez comprendre le sens que j'essaie de me faire dire pour que vous compreniez la question de mes paroles...

Savoie comprit aussitôt ce qui se passait. Il avait connu dans sa vie plusieurs hommes de ce type. Des gens prêt à tout sacrifier sur le champ, comme marqué d'un mission lorsqu'il voyaient en lui un envoyé du Très-Haut qu'il était devenu lorsque Rome l'avait nommé cardinal. L'offre était tentante, d'autant plus que le besoin était réel. Mais il devait s'assurer que l'homme n'agissait pas sur un coup de tête. Il lui demanda donc:

-N'avez-vous pas femme et enfant? Responsabilité, en votre foyer et ici-même? Le voyage sera long, et dangereux... Peut-être n'en reviendrez-vous pas, mon bon ami. J'apprécie votre offre, mais en saisissez-vous complètement la portée?

-Mon plus vieux est en âge de protéger ma vielle mère... Et ma plus jeune de la nourrir, rapport qu'elle travaille déjà avec les paysans du coin, toué jours au marché... Quant à ma femme... Elle est morte depuis longtemps. M'sgneur, c'est justement pour mes enfants que j'aimerais vous 'compagner. Y serètaient fort impressionné de leur vieux, si jamais vous acceptiez mon aide...


Et c'est sur cet argument que Goumtèche fut choisit pour partir, lui aussi, vers Rome. Il prit l'après-midi pour compléter les bagages de Savoie, la soirée pour raconter l'aventure à sa famille, et la nuit pour rêver de l'épopée à laquelle il venait de s'enrôler...
Rehael
Pendant ce temps, Rehael avait rejoint le bureau de Monseigneur Aurélien.

Monseigneur, moi même et Robert Savoie allons désormais prendre le chemin du retour. Je vous remercie infiniment pour votre aide et votre soutien.

En venant ici, je pensais éclaircir une étrange affaire, mais surement pas ramener un frère censé être mort depuis plusieurs années. Quelle joie !

Tout n'est pas encore très clair sur les évènements qui ont eu lieu, mais je pense que Robert Savoie m'en dira plus au fil du temps. Nul homme n'aurait vécu ce qu'il a vécu sans subir un traumatisme, mais je suis sur qu'il ressortira encore plus fort d'une telle épreuve.

Si jamais vous passez par chez moi, Monseigneur, vous serez plus que le bienvenu.


Rehael rejoignit alors la cour de l'archevêché ou le cocher finissait de ranger les quelques bagages sur le fiacre.
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Savoie
Savoie s'en allait donc... après cet intermède interminable pour lui dans la cité de Bordeaux. L'heure était au départ.

Mais il ne partait pas définitivement de Bordeaux. Si certains lui avaient fait la vie dure, d'autres la lui avait rendue! S'il devait quitter, c'était donc pour mieux revenir, éventuellement.

Avant de quitter Bordeaux, il se devait de remercier particulièrement l'archevêque qui avait permis les recherches qui l'avaient retrouvé, et qui l'avait si bien accueilli. Il alla le retrouver dans ces bureaux.


-Monseigneur, je vous remercie de tout ce que vous avez pu faire pour moi. Je vous en serai toujours redevable!

Sachez que je vous demande un dernier service. Notre ami, Uride Goumtèche, qui travaille pour vous, a manifesté le désir de venir avec nous... Auriez-vous l'amabilité de nous le confier? Nous en prendrons grand soin.

Je reviendrai un jour, car je suis redevable aux paroissiens de Bordeaux. J'espère qu'alors, on m'offrira l'accueil de ces derniers jours, plutôt que celui de ces dernières années!

N'hésitez pas, donc, à me demander quoi que ce soit, si jamais vous en eussiez besoin.

N'oubliez pas non plus, je vous prie, de remercier ce médicastre qui fut si bon pour moi. Je lui doit quelques fières chandelles!

Qu'Aristote soit avec vous en tous moments, très chers...

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Robert Savoie, qui se remet doucement.
--Le_moine_stylite
Dans une sombre ruelle, quartier Port de Lune, Bordeaux



Après sa folle course poursuite contre les pleureuses, plusieurs jours plus tôt, le moine stylite n'était pas allé au confessionnal comme elles le lui avaient exigé. Il n'était pas non plus allé se confier à aucun clerc. Ni a personne, d'ailleurs. Il avait erré. Seul. Maugréant. Seul et contre lui même. S'était, en fait, abandonné à son sort.

Il déambulait dans les rues sombres d'un quartier sale, comme il se sentait sombre et sale. Raté. Toute sa vie il avait poursuivi un idéal. Jamais on ne pourrait le reconnaître. Par sa faute. Par ces choix. Par son comportement. En raison, donc, de lui-même et de lui-même seul.

Il était, en deux mots, découragé et dépressif. Et souhaitait sa perdition. Mais son éducation aristotélicienne l'avait programmé à ne jamais penser au suicide. Il se laissait mourir à petit feu. Il se suicidait, donc, véritablement, mais à son insu...

Il avait observé ce qui c'était passé dans l'entrepôt. Il avait vu l'homme de son rêve sortir de là. Mais il ne pouvait en parler à personne. On le prendrait pour fou.

Alors qu'il touchait le fond, un soir, affamé mais saoul (car il avait renié ces voeux) le moine eut une énième vision. Du moins, c'est ainsi qu'il le prit.


-Ne vous laissez pas abattre, vieil homme! Relèvez-vous!

-Ah non, pas toi encore, saleté!

-Ne parlez pas ainsi d'une créature divine! Relèvez-vous!

-Qui es-tu, à la fin?

-Je suis l'archange Galadrielle, et cette fois, je suis ici pour VOUS sauver VOUS!

-Mais cela est impossible! Le Très-Haut ne communique pas ainsi avec ces créatures! Je ne peux pas t'entendre! Je suis fou, et rien d'autre!

-Avez-vous vu le corps que je vous ai fais voir en songe, en ces rues? L'avez-vous bien vu de vos yeux vu? N'étais-je qu'un tour de l'esprit?

-C'est bien là toute l'affaire! Même mes sens peuvent se jouer de moi. Le Sans Nom connaît maintes formes. Je le sais, je la sais, je le sais!

-Suivez cet homme! Lui vous expliquera. Vous comprendra. Et vous aussi, vous le comprendrez. Suivez-le, ou mourrez!

-Comment peux-tu m'ordonner des choses? Tu es responsable de mon malheur! Sans toi, vue de mon esprit, je n'aurais jamais vécu tout cela! Je serais heureux, aujourd'hui!

-Alors, c'est que vous n'avez toujours pas compris. vous êtes seul maître de votre désespoir. Et nous n'en avons pas fini avec vous. Vous devez devenir mâitre de votre destin, et non pas son esclave! Il nous faut travailler ensemble. Cet homme vous aidera à mieux comprendre. Suivez-le! Soyez de chacune de ses prêches! Ne lui adressez la parole qu'au moment ou vous aurez compris! Que cela prenne un siècle s'il le faut, mais d'ici-là, VOUS N'AVEZ PAS LE DROIT DE VOUS LAISSER ALLER! Reprenez-vous, bon sang de bon sang!

Eberlué une fois de plus de cette vision, mais surtout, apeuré, le moine stylite se dirigea droit, en pleine nuit, affamé et saoul, vers le palais épiscopal. Il se planta devant, et attendit, mendiant sa nourriture chaque jour. Il attendait que l'homme qu'il avait vu se présente à nouveau à ces yeux.

Chose qu'il fit ce matin là. Il le suivit. Comme on lui avait ordonné. Comme il s'était ordonné. En fait, il ne savait pas... Mais voulait comprendre.

Il en avait besoin. Plus que tout.

Il le suivit de loin, gardant ces distances. Ils quittèrent les murs de Bordeaux...
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