Dariusz
[Sur les routes, quelque part, entre la Guyenne et la Bourgogne, oui, je sais, c'est vaste. Mais j'ai pas le sens de l'orientation.]
Bâillements évasifs.
Craquement des membres étirés.
P'tite luxation du poignet, rapidement remit en place.
Un pied levé, puis l'autre. Rattrapage au sol. Cul, qui assit, se tint en un coup dans le vide, supporté par des gaillardes bien grandes.
La voûte quittant le sol, le tronc droit s'élançant. Un homme fit ses premiers pas.
Une nouvelle naissance! Non, en fait, ce n'est qu'une nouvelle journée.
Dariusz, à l'aurore, se réveille, essuyant le filet larmoyant d'une bave décrivant une nuit à la fois reposante et aussi mouvementée.
Visiblement point si reposante, vu la tronche de déterré qu'il se tapait.D'ailleurs, il le savait, si bien qu'il évita totalement de regarder son reflet dans un quelconque objets détenant cette propriété miroitante.
L'air, tout de même, décidé. La mine renfrognée mais aventureuse, il s'apprêtait à affronter pleinement les vicissitudes de la vie, combattre chaque instant comme si c'était le dernier, cracher sur son passé virulent.
Un petit verre de wodka, puis un autre, et un dernier pour la route. Il se décida à héler le valet, le presser à venir écouter ses ordres, le conjurer de faire au plus vite, bref, à gueuler de sa pleine gorge à l'encontre du pauvre qui, visiblement, ne s'était point encore éveillé.
En fripes de nuit, le domestique vint recevoir l'ordre d'atteler ce qui doit l'être. Ainsi d'envoyer destrier, propre et bien fait, à l'attente devant l'entrée de l'hôtel. Etrange ordre que voici, à bonne heure.
L'idée étant de prendre les routes afin de partir au loin, bien loin toujours plus loin afin de retourner en son pays natal.
Certainement que rien ne pouvait plus, à présent, le retenir en cette triste province, en ce satané et fichu pays qu'est la France.
La perte d'un être cher (c'est à ce moment que vous devriez pleurer en fait!) lui était pénible, fatal, enlevant tout sourire sur ce minois irrité.
Avoir passé quelques semaines à ramasser les boyaux visqueux lâchés par la pulpeuse et éclatante bouche de sa compagne, n'avait pas été une partie de plaisir.
La soutenir ainsi que la porter chaque jour pour lui faire toilette et la ramener au lit pour la regarder finalement se plaindre puis dormir, cela n'avait point de quoi offrir la gaîté.
La mort l'emporta finalement, loin de lui. Un rictus s'afficha pourtant sur son visage, cette femme avait tout de même réussie à le tromper, avec la mort. Un comble, triste comble.
A présent, ce svelte et magnifique corps féminin devait nourrir les insectes, sales bestioles affamées, bientôt il n'en restera que poussière. Tant pis, tant pis...
Enfourchement d'étalon.
Pieds dans l'étrier.
Coup porté au flanc.
Départ définitif.
Un dernier passage au cimetière, puis au lac, et encore devant cette taverne. Des souvenirs qu'il effaça instantanément, rapidement, péniblement, radicalement.
Le jour se fit plus clair, le soleil plus haut, la forêt plus présente.
Les chemins sinueux, la poussière virevoltantes, les oiseaux gazouillants.
Bonheur infime d'une tranquillité sans failles.
L'allure se fit plus vive, le vent plus rafraichissant. Liberté d'un instant.
Les pensées s'en trouvaient emprisonnées dans une enveloppe cachetée sans que nulle envie n'ait eu à souhaiter l'ouvrir, de nouveau, cette boîte de Pandore.
Gaïa semblait avoir fait du bon travail, vraiment, avec ces décors sublime qui entouraient l'homme et son fidèle compagnon. Deux petites choses dans un monde titanesque.
Si grand que les premiers signes de fatigue se firent percevoir, pointant le bout de leur nez l'air de stipuler qu'un instant de grâce et de répit serait pas de refus à cette heure.
Il est vrai qu'après avoir flirté avec les arbres, surtout les branches, le repos était mérité.
Bâillements entrecroisés, comme au petit matin. La visibilité d'une ville, d'un village, d'un hameau. Une cheminée offrant à la vue du voyageur quelques volutes de fumée. Une odeur de lard fumé.
Miam.
Le ventre se mit à résonner, terriblement, comme s'il y eut un orage dans l'air.
Dariusz laissa son étalon, ce bougre qui avait trouvé nourriture ainsi qu'un lieu confortable pour passer la nuit, et poussa la fine et pauvrette porte.
Décadence, pauvreté. A croire que le destrier avait eu la meilleure des chambrées!
Vision horrifiée, le Duc resta médusé, sur place, se demandant s'il était bien dans une auberge digne de ce nom, comme lui avait indiqué la charmante pancarte en dehors.
Il évacua son indignation, sa surprise, son trouble, dans un soupire grinçant.
L'hôte ne semblait point vouloir l'accueillir comme il se devait. Quelques pas vers ce rustre, un coude sur une sorte de comptoir pourri et rongé par les bestioles, Dariusz le toisa du regard, osant un toussotement calme et maîtrisé.
L'aubergiste leva le regard mais aussi ses épaules.
-Wep... t'veux quoi toi?
Air dérangé vers l'acariâtre, mêlé d'une colère naissante. Il fallut bien quelques longues secondes au polonais afin de trouver à nouveau ses mots.
Pour l'aider à se calmer, il fit une tournée d'inspection dans le minuscule habitat, voyant ci et là quelques lits de très mauvaise qualité, à même l'entrée.
Ne pas s'énerver, ne jamais s'énerver avec ce genre de personne. Ils détiennent un toit sous lequel il faut s'abriter des dangers de la nuit, surtout de l'humidité.
-Vous avez des chambres? J'entends par là, des vraies?
-T'as d'la maille?
Soupire de désolation. Une main portée vers la bourse, chopant quelques écus puis les jetant sur le vieux comptoir.
Il y avait bien là assez pour racheter cette bicoque pourrie, dans ce cas il pouvait bien espérer obtenir le confort qu'il méritait.
Visiblement, il avait touché juste à constater le sourire béat de vilain homme pustuleux.
Toujours trouver le point faible d'un homme afin d'en obtenir le meilleur.
Un dernier coup d'oeil vers les écus qui ne serviront sans doute qu'à obtenir l'approbation de quelques femmes répugnées par l'aspect nauséeux d'un tel tenancier.
Il n'y a que les gueux pour pouvoir vivre là dedans...
Bâillements évasifs.
Craquement des membres étirés.
P'tite luxation du poignet, rapidement remit en place.
Un pied levé, puis l'autre. Rattrapage au sol. Cul, qui assit, se tint en un coup dans le vide, supporté par des gaillardes bien grandes.
La voûte quittant le sol, le tronc droit s'élançant. Un homme fit ses premiers pas.
Une nouvelle naissance! Non, en fait, ce n'est qu'une nouvelle journée.
Dariusz, à l'aurore, se réveille, essuyant le filet larmoyant d'une bave décrivant une nuit à la fois reposante et aussi mouvementée.
Visiblement point si reposante, vu la tronche de déterré qu'il se tapait.D'ailleurs, il le savait, si bien qu'il évita totalement de regarder son reflet dans un quelconque objets détenant cette propriété miroitante.
L'air, tout de même, décidé. La mine renfrognée mais aventureuse, il s'apprêtait à affronter pleinement les vicissitudes de la vie, combattre chaque instant comme si c'était le dernier, cracher sur son passé virulent.
Un petit verre de wodka, puis un autre, et un dernier pour la route. Il se décida à héler le valet, le presser à venir écouter ses ordres, le conjurer de faire au plus vite, bref, à gueuler de sa pleine gorge à l'encontre du pauvre qui, visiblement, ne s'était point encore éveillé.
En fripes de nuit, le domestique vint recevoir l'ordre d'atteler ce qui doit l'être. Ainsi d'envoyer destrier, propre et bien fait, à l'attente devant l'entrée de l'hôtel. Etrange ordre que voici, à bonne heure.
L'idée étant de prendre les routes afin de partir au loin, bien loin toujours plus loin afin de retourner en son pays natal.
Certainement que rien ne pouvait plus, à présent, le retenir en cette triste province, en ce satané et fichu pays qu'est la France.
La perte d'un être cher (c'est à ce moment que vous devriez pleurer en fait!) lui était pénible, fatal, enlevant tout sourire sur ce minois irrité.
Avoir passé quelques semaines à ramasser les boyaux visqueux lâchés par la pulpeuse et éclatante bouche de sa compagne, n'avait pas été une partie de plaisir.
La soutenir ainsi que la porter chaque jour pour lui faire toilette et la ramener au lit pour la regarder finalement se plaindre puis dormir, cela n'avait point de quoi offrir la gaîté.
La mort l'emporta finalement, loin de lui. Un rictus s'afficha pourtant sur son visage, cette femme avait tout de même réussie à le tromper, avec la mort. Un comble, triste comble.
A présent, ce svelte et magnifique corps féminin devait nourrir les insectes, sales bestioles affamées, bientôt il n'en restera que poussière. Tant pis, tant pis...
Enfourchement d'étalon.
Pieds dans l'étrier.
Coup porté au flanc.
Départ définitif.
Un dernier passage au cimetière, puis au lac, et encore devant cette taverne. Des souvenirs qu'il effaça instantanément, rapidement, péniblement, radicalement.
Le jour se fit plus clair, le soleil plus haut, la forêt plus présente.
Les chemins sinueux, la poussière virevoltantes, les oiseaux gazouillants.
Bonheur infime d'une tranquillité sans failles.
L'allure se fit plus vive, le vent plus rafraichissant. Liberté d'un instant.
Les pensées s'en trouvaient emprisonnées dans une enveloppe cachetée sans que nulle envie n'ait eu à souhaiter l'ouvrir, de nouveau, cette boîte de Pandore.
Gaïa semblait avoir fait du bon travail, vraiment, avec ces décors sublime qui entouraient l'homme et son fidèle compagnon. Deux petites choses dans un monde titanesque.
Si grand que les premiers signes de fatigue se firent percevoir, pointant le bout de leur nez l'air de stipuler qu'un instant de grâce et de répit serait pas de refus à cette heure.
Il est vrai qu'après avoir flirté avec les arbres, surtout les branches, le repos était mérité.
Bâillements entrecroisés, comme au petit matin. La visibilité d'une ville, d'un village, d'un hameau. Une cheminée offrant à la vue du voyageur quelques volutes de fumée. Une odeur de lard fumé.
Miam.
Le ventre se mit à résonner, terriblement, comme s'il y eut un orage dans l'air.
Dariusz laissa son étalon, ce bougre qui avait trouvé nourriture ainsi qu'un lieu confortable pour passer la nuit, et poussa la fine et pauvrette porte.
Décadence, pauvreté. A croire que le destrier avait eu la meilleure des chambrées!
Vision horrifiée, le Duc resta médusé, sur place, se demandant s'il était bien dans une auberge digne de ce nom, comme lui avait indiqué la charmante pancarte en dehors.
Il évacua son indignation, sa surprise, son trouble, dans un soupire grinçant.
L'hôte ne semblait point vouloir l'accueillir comme il se devait. Quelques pas vers ce rustre, un coude sur une sorte de comptoir pourri et rongé par les bestioles, Dariusz le toisa du regard, osant un toussotement calme et maîtrisé.
L'aubergiste leva le regard mais aussi ses épaules.
-Wep... t'veux quoi toi?
Air dérangé vers l'acariâtre, mêlé d'une colère naissante. Il fallut bien quelques longues secondes au polonais afin de trouver à nouveau ses mots.
Pour l'aider à se calmer, il fit une tournée d'inspection dans le minuscule habitat, voyant ci et là quelques lits de très mauvaise qualité, à même l'entrée.
Ne pas s'énerver, ne jamais s'énerver avec ce genre de personne. Ils détiennent un toit sous lequel il faut s'abriter des dangers de la nuit, surtout de l'humidité.
-Vous avez des chambres? J'entends par là, des vraies?
-T'as d'la maille?
Soupire de désolation. Une main portée vers la bourse, chopant quelques écus puis les jetant sur le vieux comptoir.
Il y avait bien là assez pour racheter cette bicoque pourrie, dans ce cas il pouvait bien espérer obtenir le confort qu'il méritait.
Visiblement, il avait touché juste à constater le sourire béat de vilain homme pustuleux.
Toujours trouver le point faible d'un homme afin d'en obtenir le meilleur.
Un dernier coup d'oeil vers les écus qui ne serviront sans doute qu'à obtenir l'approbation de quelques femmes répugnées par l'aspect nauséeux d'un tel tenancier.
Il n'y a que les gueux pour pouvoir vivre là dedans...