Hyacinthe
[A mi-ch'min entre Cosne et Sémur.]
Laissons le petit matin poindre pour commencer l'histoire de la famille bourgeoise des Castello de la Belletière-Belleville.
Tout (re)commence au domaine de la Belletière-Belleville, autrefois cette gentilhommière était ce que l'on peut appeler une demeure opulente. D'un premier regard, le visiteur , attentif, aurait remarqué que la demeure reste fort simple et classique. En briques, avec quelques "Italianades", comme des colonnes et des des terrasses . Si le visiteur attentif s'approchait de plus près, il se serait aperçu alors de la grandeur et la parfaite organisation du manoir. Sur trois étages, la Belletière-Belleville comptait environ une trentaine de pièces différentes, sans compter les dépendances, habitations des gardes et des serviteurs, cellier, poulaillers, remises, pigeonniers, étables et grange. Des terrasses assombries par l'ombre des arbres et les colonnes semblant sortir tout droit de la Grèce Antique font face aux écuries aux pierres claires. Et une chapelle en construction rappelait à quel point la foi était chose sérieuse pour feu Marco Ignazio Castello de la Belletière-Belleville, dit Mimmome. Foule se pressait dans ce domaine, servants, gardes et paysans, pour cette famille italienne fort aisée aux moyens insolents. En effet, les affaires de feu Mimmome , et donc de la famille, reposaient sur la laine et sa transformation en toiles, draps et vêtements. Ce commerce lucratif , associé à la teinture de vêtements, avait contribué à la richesse de la famille, qui pouvait se dire la plus riche en Europe d'un point de vue monétaire. Elle n'avait pas le pouvoir des nobles de par ses origines, ni celle des citadins de par sa localisation , mais avait un pouvoir qui les valait tous : l'argent . Ah, l'argent, quel bel outil. Utile en tout contexte, aurait di le père de Mimmome, le vieux Marco Ignazio senior.
Aujourd'hui, Mimmome mort, tout comme son père Emmomi, et Erasmino parti à l'ouest, c'est la jeune Hyacinthe qui revient au domaine familial, avec la ferme intention de remettre la Belletière-Belleville et les affaires familiales à flot.
Comme promis, à sa mort, Mimmome ayant fait de sa nièce son héritière universelle, la jouvencelle hérite de quatre millions de livres tournois, en plus des innombrales proprietés et manufactures.
Avec cet héritage, Hyacinthe décide de réembaucher les gens qu'autrefois entretenaient le domaine, les jardins et les champs des alentours.
C'est donc au petit matin, du premier jour de février de cette année, que la Belletière-Belleville connait ses premières palpitations qui lui avaient tant manquées depuis la mort du chef de famille.
L'on retape le toit, qui s'effrondrait. L'on répare les vitres brisées et les portes défoncées par d'éventuels brigands qui auraient cédé à la tentation de dévaliser une demeure... Vide. L'on remet bestiaux aux étables et aux poulaillers, et chevaux aux nobles écuries, défriche les jardins et taille les haies, retire mauvaises herbes qui avaient envahi la cour du manoir et les moults escaliers en-dehors. L'on dépoussière et s'active dans les métairies, cellier et remises du domaine. L'ont fait apporter des meubles d'une finesse rare et d'un modèle classique, au matériau précieux et aux couleurs tantôt sombres, tantôt pastels. La moitié de l'héritage y passe, mais qu'importe : l'oncle Erasmino, alors chef de famille à présent, revient dans quelques semaines, si ce n'est quelques jours. Il faut bien se dépêcher. Et pour cela, Hyacinthe n'a aucune pitié pour ses gens de la Belletière-Belleville : elle reste intransigeante, exigeante et intolérante sur les délais. Une semaine, pas plus, pour restaurer le faste d'antan et montrer à Erasmino que la famille Castello reste toujours sur pied quoi qu'il arrive.
A la fin de la semaine, la gentilhommière est enfin habitable. La Blondeur, qui a élu domicile à Sémur depuis peu, monte dans son fiacre, accompagnée de sa gouvernante qui fait plus office de suivante qu'autre chose à dire vrai. Elles partent de Sémur à l'aurore, voyagent à travers la campagne bourguignonne, avant d'arriver aux abords de la Belletière-Belleville. Traversant le long chemin d'entrée qui mène vers le domaine, bordé de cèdres, le fiacre passe la première garde et pénètre enfin dans la cour du châtelet. Un page s'empresse d'ouvrir la porte du fiacre et d'aider mademoiselle Castello à descendre en lui proposant sa main. La jeune fille lève les yeux vers la magnifique demeure, les yeux captivés. Un fin sourire se peint sur ses lèvres, la satisfaction du travail accompli. Elle descend lentement du fiacre, et scrute autour d'elle les gens de maison qui lui font l'honneur de l'accueillir ce matin-là, droits comme des piquets.
La gouvernante descend à sa suite, et affiche un large sourire à la vue d'une Belletière-Belleville revenue à sa gloire passée.
Le page précède la pucelle Castello pour lui ouvrir les portes du manoir et la laisser entrer pour une collation, suivie de la gouvernante polonaise Katarzyna.
Toute la journée se passe comme une longue promenade de courtoisie de la part de Hyacinthe. Elle salue les garçons d'écurie, les jardiniers, les apiculteurs, les servantes et servants, les pages, les coursiers, les métayers et la petite garnison du domaine. Histoire de se faire connaître de ces gens, et de marquer les lieux de son empreinte. Elle commence déjà à prendre goût à cette gestion passionnante du domaine : avec fermeté et froideur, elle mène rondement ses affaires.
A la fin de l'après-midi, elle revient à son bureau, écrivant moult courriers. A son oncle Erasmino, d'abord. Puis à quelques Sémurois. Et enfin, à des maîtres compétents afin de les envoyer aux manufactures de feu son oncle Mimmome dans le but de ne pas laisser la bride trop longue auxdites manufactures et contrôler ce qu'il s'y passe. Elle donne ses lettres au jeune garçon chargé du pigeonnier du manoir, et part souper dans la vaste salle à manger où on l'attend déjà. C'est seule qu'elle dîne, et c'est seule qu'elle part dans la bibliothèque, lire ce livre de Saint Augustin qu'elle avait commencé avant sa longue maladie, pour quelques heures au coin du feu. Demain arrivent les gens pour finir la construction de la chapelle sainte Louise. Il lui faut être fraîche et disposée à leur dicter ses directives. Une bonne et première nuit de sommeil depuis longtemps, à la Belletière-Belleville, et Hyacinthe reprendra l'intendance du domaine.
Laissons le petit matin poindre pour commencer l'histoire de la famille bourgeoise des Castello de la Belletière-Belleville.
Tout (re)commence au domaine de la Belletière-Belleville, autrefois cette gentilhommière était ce que l'on peut appeler une demeure opulente. D'un premier regard, le visiteur , attentif, aurait remarqué que la demeure reste fort simple et classique. En briques, avec quelques "Italianades", comme des colonnes et des des terrasses . Si le visiteur attentif s'approchait de plus près, il se serait aperçu alors de la grandeur et la parfaite organisation du manoir. Sur trois étages, la Belletière-Belleville comptait environ une trentaine de pièces différentes, sans compter les dépendances, habitations des gardes et des serviteurs, cellier, poulaillers, remises, pigeonniers, étables et grange. Des terrasses assombries par l'ombre des arbres et les colonnes semblant sortir tout droit de la Grèce Antique font face aux écuries aux pierres claires. Et une chapelle en construction rappelait à quel point la foi était chose sérieuse pour feu Marco Ignazio Castello de la Belletière-Belleville, dit Mimmome. Foule se pressait dans ce domaine, servants, gardes et paysans, pour cette famille italienne fort aisée aux moyens insolents. En effet, les affaires de feu Mimmome , et donc de la famille, reposaient sur la laine et sa transformation en toiles, draps et vêtements. Ce commerce lucratif , associé à la teinture de vêtements, avait contribué à la richesse de la famille, qui pouvait se dire la plus riche en Europe d'un point de vue monétaire. Elle n'avait pas le pouvoir des nobles de par ses origines, ni celle des citadins de par sa localisation , mais avait un pouvoir qui les valait tous : l'argent . Ah, l'argent, quel bel outil. Utile en tout contexte, aurait di le père de Mimmome, le vieux Marco Ignazio senior.
Aujourd'hui, Mimmome mort, tout comme son père Emmomi, et Erasmino parti à l'ouest, c'est la jeune Hyacinthe qui revient au domaine familial, avec la ferme intention de remettre la Belletière-Belleville et les affaires familiales à flot.
Comme promis, à sa mort, Mimmome ayant fait de sa nièce son héritière universelle, la jouvencelle hérite de quatre millions de livres tournois, en plus des innombrales proprietés et manufactures.
Avec cet héritage, Hyacinthe décide de réembaucher les gens qu'autrefois entretenaient le domaine, les jardins et les champs des alentours.
C'est donc au petit matin, du premier jour de février de cette année, que la Belletière-Belleville connait ses premières palpitations qui lui avaient tant manquées depuis la mort du chef de famille.
L'on retape le toit, qui s'effrondrait. L'on répare les vitres brisées et les portes défoncées par d'éventuels brigands qui auraient cédé à la tentation de dévaliser une demeure... Vide. L'on remet bestiaux aux étables et aux poulaillers, et chevaux aux nobles écuries, défriche les jardins et taille les haies, retire mauvaises herbes qui avaient envahi la cour du manoir et les moults escaliers en-dehors. L'on dépoussière et s'active dans les métairies, cellier et remises du domaine. L'ont fait apporter des meubles d'une finesse rare et d'un modèle classique, au matériau précieux et aux couleurs tantôt sombres, tantôt pastels. La moitié de l'héritage y passe, mais qu'importe : l'oncle Erasmino, alors chef de famille à présent, revient dans quelques semaines, si ce n'est quelques jours. Il faut bien se dépêcher. Et pour cela, Hyacinthe n'a aucune pitié pour ses gens de la Belletière-Belleville : elle reste intransigeante, exigeante et intolérante sur les délais. Une semaine, pas plus, pour restaurer le faste d'antan et montrer à Erasmino que la famille Castello reste toujours sur pied quoi qu'il arrive.
A la fin de la semaine, la gentilhommière est enfin habitable. La Blondeur, qui a élu domicile à Sémur depuis peu, monte dans son fiacre, accompagnée de sa gouvernante qui fait plus office de suivante qu'autre chose à dire vrai. Elles partent de Sémur à l'aurore, voyagent à travers la campagne bourguignonne, avant d'arriver aux abords de la Belletière-Belleville. Traversant le long chemin d'entrée qui mène vers le domaine, bordé de cèdres, le fiacre passe la première garde et pénètre enfin dans la cour du châtelet. Un page s'empresse d'ouvrir la porte du fiacre et d'aider mademoiselle Castello à descendre en lui proposant sa main. La jeune fille lève les yeux vers la magnifique demeure, les yeux captivés. Un fin sourire se peint sur ses lèvres, la satisfaction du travail accompli. Elle descend lentement du fiacre, et scrute autour d'elle les gens de maison qui lui font l'honneur de l'accueillir ce matin-là, droits comme des piquets.
La gouvernante descend à sa suite, et affiche un large sourire à la vue d'une Belletière-Belleville revenue à sa gloire passée.
Le page précède la pucelle Castello pour lui ouvrir les portes du manoir et la laisser entrer pour une collation, suivie de la gouvernante polonaise Katarzyna.
Toute la journée se passe comme une longue promenade de courtoisie de la part de Hyacinthe. Elle salue les garçons d'écurie, les jardiniers, les apiculteurs, les servantes et servants, les pages, les coursiers, les métayers et la petite garnison du domaine. Histoire de se faire connaître de ces gens, et de marquer les lieux de son empreinte. Elle commence déjà à prendre goût à cette gestion passionnante du domaine : avec fermeté et froideur, elle mène rondement ses affaires.
A la fin de l'après-midi, elle revient à son bureau, écrivant moult courriers. A son oncle Erasmino, d'abord. Puis à quelques Sémurois. Et enfin, à des maîtres compétents afin de les envoyer aux manufactures de feu son oncle Mimmome dans le but de ne pas laisser la bride trop longue auxdites manufactures et contrôler ce qu'il s'y passe. Elle donne ses lettres au jeune garçon chargé du pigeonnier du manoir, et part souper dans la vaste salle à manger où on l'attend déjà. C'est seule qu'elle dîne, et c'est seule qu'elle part dans la bibliothèque, lire ce livre de Saint Augustin qu'elle avait commencé avant sa longue maladie, pour quelques heures au coin du feu. Demain arrivent les gens pour finir la construction de la chapelle sainte Louise. Il lui faut être fraîche et disposée à leur dicter ses directives. Une bonne et première nuit de sommeil depuis longtemps, à la Belletière-Belleville, et Hyacinthe reprendra l'intendance du domaine.