Gnia
[De Sémur à Dijon ou comment faire en deux jours ce qui peut être fait en un - Transhumance avinée et contrôle de sécurité.]
Iras-tu vir el fêt' d'Arras ?
Disait Jacq'line au gros Colas.
Tu sins bien que j'n'y manquerai pas;
Pour eun' si bell' fêt'
Je viens d'faire implett';
J'ai acaté in biau capieux
Car el miun étot rempli d'treux !
Qui n'a jamais entendu une picarde beuglant, sur son cheval juchée, les chansons populaires de par chez elle, ne peut prendre en cet instant toute la mesure de l'horreur qu'il est donné d'entendre à ses compagnons de voyage. Tout ça c'est la faute au vin de Bourgogne, d't'façons.
Qui n'a jamais entendu une languedocienne pucelle jouer du flutiau, aussi sur son cheval perchée, pour accompagner/couvrir les chants tonitruants de la Saint Just, ne peut comprendre pourquoi soudainement dans les vignes qui parsèment la route entre Sémur et Dijon, on entend plus âme qui vive.
Le tout explique probablement pourquoi le reste de l'escorte se tient à distance raisonnable du duo qui a décrété après le déjeuner que l'après midi serait consacrée à l'édification des pécores par la musique...
Atttaaaaa.. dez ! Z'ai mieux ! Ladizève, 'coutez ça.
Mais avant, à boire ! La Saint Just, tanguant dangereusement sur son destrier qu'elle laisse aller sans le guider, les rênes lâches depuis au moins quelques lieues après Sémur, parvint à tâtons à farfouiller dans ses fontes et à en sortir une nouvelle outre de vin dont elle s'enfila une bonne rasade avant de la tendre à sa compagne.
Z'ai un truc d'circons'tance...
Et de glousser tandis qu'elle entonne
C'est à ville, à ville, ville d'un grand renom,
Y a de si braves fill's et de brav's compagnons.
Jamais, jamais,
D'ami ne changerai.
Y a de braves fill's et de brav's compagnons;
Y en a un' qui vit dans une grand' langueur.
Son père lui demand' si ell' veut se marier.
Non, non mon père, non, mon ami j'attendrai.
Elle monte à sa chambr' si haut qu'ell' peut monter.
Regarde à travers Franc' voit son ami tomber.
Ami ! ami ! on dit que vous mourez
A qui donnerez-vous tous vos terr's et vos prés ?
Je les donnerai tous aux fill's à marier.
Donnez-les moi, je suis à marier.
Suis brave fill' pour vous faire enterrer.
Un petit clerc d'écol' chantera Domine.
Il chantera et moi je répondrai.
Jamais, jamais,
D'ami ne changerai.
Et de conclure sur un grand éclat de rire, avant que son attention ne soit captée par... Des murs d'enceinte, là, devant les chevaux, à quelques toises. Dans le genre grandiose la capitale des Bourguimignons, y a pas à dire, ça a de la gueule... Le temps de réaliser que déjà les montures les mènent droit sur le poste de guet où marinent dans leur cottes et plates une poignée d'hommes et femmes du guet qui ont l'air d'avoir l'administratif sensible.
Et comme de bien entendu, on y coupe pas, toute comtesse emméchée qu'on soit. Petit reniflement avant de se redresser sur sa monture, de toiser un instant les trois... six... pas moyen de savoir, ils bougent trop... gardes de faction et de lancer un hautain
Agnès Adélaïde de Saint Just, Comtesse du Lavedan, Vicomtesse de Bapaume, Baronne de Desvres, Dame de Seuiri et d'Herlies...
Alors, la prouesse d'arriver à le dire sans zozoter ou manquer des mots, c'est la force de l'habitude, c'est tout.
Geste théâtral dirigé vers ses arrières
Et nos gens...
Z'arrivons d'Sémur et escomptons passer queques jours à Dijon. Sommes zinvitée par Sa Grasce l'Duc.
Q'nous zattend.
D'pied ferme.
Hop hop hop.
Zou.
Fissa.
Toussa.
Vala.
Sauf qu rien ne se passe, mis à part un resserrement sensible dans les rangs des troufions qui gardent la porte de la ville et un des leurs qui sort du rang pour faire ranger sur le bas côté l'escorte ainsi annoncée. C'est qu'on gêne le passage d'un bouvier et son troupeau de charolaises là.
Le patibulaire garde fait le tour des montures et cavaliers, observant avec circonspection l'ensemble de l'équipage et sans décrocher un mot. Agnès a abandonné l'idée de le suivre de l'oeil tant l'effort demandé est par trop violent dès que l'homme passe hors de champ de vision. Toutefois, lasse d'attendre maintenant qu'elle approche de son but, titillée par la prestance du palais ducal qu'elle devine dominant l'enceinte de la ville, s'imaginant déjà devant moult plats en sauce, force boisson puis plongée un bain parfumé, elle s'impatiente. Un peu.
Oh là ! Du troufion !
T'nous laisse entrer céans où faut qu'j'fasse déplacer l'Duc pour te botter l'arrière-train ?
Et devant l'air impassible du milicien, qui fait mine de ne rien entendre, et n'a pas l'air du tout décider de laisser le passage à la comtesse, elle s'échauffe, tout doucement.
App'lez-moi M'sieur l'Duc !
J'ai dit !
Etrangement, soit le ton, soit le regard, soit quelque chose dans l'attitude de celle qui lance cet ordre d'un ton sec souffle une brise légère d'agitation dans les rangs. Quelques chuchotements avant que ne se détache de la masse compacte qui garde la porte, un des leurs qui s'engouffre prestement dans la ville.
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Iras-tu vir el fêt' d'Arras ?
Disait Jacq'line au gros Colas.
Tu sins bien que j'n'y manquerai pas;
Pour eun' si bell' fêt'
Je viens d'faire implett';
J'ai acaté in biau capieux
Car el miun étot rempli d'treux !
Qui n'a jamais entendu une picarde beuglant, sur son cheval juchée, les chansons populaires de par chez elle, ne peut prendre en cet instant toute la mesure de l'horreur qu'il est donné d'entendre à ses compagnons de voyage. Tout ça c'est la faute au vin de Bourgogne, d't'façons.
Qui n'a jamais entendu une languedocienne pucelle jouer du flutiau, aussi sur son cheval perchée, pour accompagner/couvrir les chants tonitruants de la Saint Just, ne peut comprendre pourquoi soudainement dans les vignes qui parsèment la route entre Sémur et Dijon, on entend plus âme qui vive.
Le tout explique probablement pourquoi le reste de l'escorte se tient à distance raisonnable du duo qui a décrété après le déjeuner que l'après midi serait consacrée à l'édification des pécores par la musique...
Atttaaaaa.. dez ! Z'ai mieux ! Ladizève, 'coutez ça.
Mais avant, à boire ! La Saint Just, tanguant dangereusement sur son destrier qu'elle laisse aller sans le guider, les rênes lâches depuis au moins quelques lieues après Sémur, parvint à tâtons à farfouiller dans ses fontes et à en sortir une nouvelle outre de vin dont elle s'enfila une bonne rasade avant de la tendre à sa compagne.
Z'ai un truc d'circons'tance...
Et de glousser tandis qu'elle entonne
C'est à ville, à ville, ville d'un grand renom,
Y a de si braves fill's et de brav's compagnons.
Jamais, jamais,
D'ami ne changerai.
Y a de braves fill's et de brav's compagnons;
Y en a un' qui vit dans une grand' langueur.
Son père lui demand' si ell' veut se marier.
Non, non mon père, non, mon ami j'attendrai.
Elle monte à sa chambr' si haut qu'ell' peut monter.
Regarde à travers Franc' voit son ami tomber.
Ami ! ami ! on dit que vous mourez
A qui donnerez-vous tous vos terr's et vos prés ?
Je les donnerai tous aux fill's à marier.
Donnez-les moi, je suis à marier.
Suis brave fill' pour vous faire enterrer.
Un petit clerc d'écol' chantera Domine.
Il chantera et moi je répondrai.
Jamais, jamais,
D'ami ne changerai.
Et de conclure sur un grand éclat de rire, avant que son attention ne soit captée par... Des murs d'enceinte, là, devant les chevaux, à quelques toises. Dans le genre grandiose la capitale des Bourguimignons, y a pas à dire, ça a de la gueule... Le temps de réaliser que déjà les montures les mènent droit sur le poste de guet où marinent dans leur cottes et plates une poignée d'hommes et femmes du guet qui ont l'air d'avoir l'administratif sensible.
Et comme de bien entendu, on y coupe pas, toute comtesse emméchée qu'on soit. Petit reniflement avant de se redresser sur sa monture, de toiser un instant les trois... six... pas moyen de savoir, ils bougent trop... gardes de faction et de lancer un hautain
Agnès Adélaïde de Saint Just, Comtesse du Lavedan, Vicomtesse de Bapaume, Baronne de Desvres, Dame de Seuiri et d'Herlies...
Alors, la prouesse d'arriver à le dire sans zozoter ou manquer des mots, c'est la force de l'habitude, c'est tout.
Geste théâtral dirigé vers ses arrières
Et nos gens...
Z'arrivons d'Sémur et escomptons passer queques jours à Dijon. Sommes zinvitée par Sa Grasce l'Duc.
Q'nous zattend.
D'pied ferme.
Hop hop hop.
Zou.
Fissa.
Toussa.
Vala.
Sauf qu rien ne se passe, mis à part un resserrement sensible dans les rangs des troufions qui gardent la porte de la ville et un des leurs qui sort du rang pour faire ranger sur le bas côté l'escorte ainsi annoncée. C'est qu'on gêne le passage d'un bouvier et son troupeau de charolaises là.
Le patibulaire garde fait le tour des montures et cavaliers, observant avec circonspection l'ensemble de l'équipage et sans décrocher un mot. Agnès a abandonné l'idée de le suivre de l'oeil tant l'effort demandé est par trop violent dès que l'homme passe hors de champ de vision. Toutefois, lasse d'attendre maintenant qu'elle approche de son but, titillée par la prestance du palais ducal qu'elle devine dominant l'enceinte de la ville, s'imaginant déjà devant moult plats en sauce, force boisson puis plongée un bain parfumé, elle s'impatiente. Un peu.
Oh là ! Du troufion !
T'nous laisse entrer céans où faut qu'j'fasse déplacer l'Duc pour te botter l'arrière-train ?
Et devant l'air impassible du milicien, qui fait mine de ne rien entendre, et n'a pas l'air du tout décider de laisser le passage à la comtesse, elle s'échauffe, tout doucement.
App'lez-moi M'sieur l'Duc !
J'ai dit !
Etrangement, soit le ton, soit le regard, soit quelque chose dans l'attitude de celle qui lance cet ordre d'un ton sec souffle une brise légère d'agitation dans les rangs. Quelques chuchotements avant que ne se détache de la masse compacte qui garde la porte, un des leurs qui s'engouffre prestement dans la ville.
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