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[RP] Et l'attente suscite l'espoir

Eilinn_melani
La Champagne.

Ses principaux souvenirs de cette province remontaient à sa plus tendre enfance, lorsque sa mère était encore en vie. Il y avait dans sa mémoire des éclats de rire enfantins, les premiers gâteaux chipés en cuisine, les bêtises, les confidences faites à son grand frère.

Il y avait la mort, il y avait le sang, qui avait poussé sa mère à fuir ces lieux, laissant Avize à la bonne gestion d'un intendant, laissant Lorenzo s'occuper de l'hôtel de Reims.

Il y avait aussi le sacre de la Reyne Béatrice 1ère à Reims, ou le pire et le meilleur s'étaient mêlés, entre sa première prestation en tant que Premier Maitre d'Hôtel de la Reyne, et le refus de son tuteur de la voir prononcer ses vœux. Son emploi du temps avait fait qu'elle n'avait guère eu le temps de flâner, de repenser au passé.

Il y avait... rien d'autre. Le temps avait délavé les images des lieux, les éclats des voix, l'ardeur du soleil printanier. Et c'était presque vierge de tout préjugé et sentimentalisme qu'Eilinn arriva en Champagne.

Pourtant le hasard n'y était pas pour grand-chose. Prenez deux jeunes filles nobles un peu fofolles, une baronnie en Bourgogne, une envie de prendre l'air, et un petit groupe mené par une rouquine et une brune était arrivé à Dijon quelques semaines plus tôt. Le tout avec la bénédiction tacite du duc Eusaias de Blanc-Combaz, en souvenir d'un pacte dans une chapelle ensanglanté.
Il y avait eu alors ce courrier, cette demande du Duc de voir ses vassaux rallier sa bannière pour s'unir contre des brigands. Eilinn n'avait plus l'excuse de son poste d'Ambassadeur Apostolique, et c'était presque autant par curiosité que par sens du devoir qu'elle avait rejoint la Champagne.

Après quelques affaires laissées à Langres, ou elle devait gonfler les effectifs, Eilinn était remontée à Reims, dans l'espoir un peu fou de revoir son frère. Mais aussi pour s'occuper un peu de cette vicomté, visiter Avize, comprendre l'amour de sa mère pour cette terre.

Une première missive partit pour Beaurepaire.


Citation:
Mon frère,

Me voici désormais en Champagne, ou j'aimerai te revoir. Me feras-tu l'heur de venir me voir à Reims ?

Si hélas, tu n'étais pas guéri de cette fièvre qui t'alitait déjà en Janvier, je te demanderai alors d'écrire quelques missives pour moi, pour une affaire héraldique.

Eilinn


Et l'attente débuta.

rp ouvert

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Lorenzo_melani
Vicomté de Beaurepaire.

Depuis combien de temps Lorenzo était-il plongé dans ses livres ? Jours, semaines, mois ?
La marche du monde était oblitérée par les connaissances qu'il avait englouties, par les tomes qu'il avait dévorés.
La fièvre qui l'avait cloué au lit cet hiver avait fait naître en lui l'Idée de la Mort et un désir insatiable de lire, d'apprendre, de comprendre, en somme de Vivre au travers d'autres. Même guéri - s'était-il seulement rendu compte de son changement d'état ? - il avait continué.
L'expérience de dizaines d'hommes était étalée, là, dans son étude ; fragmentée entre les livres empilés par terre ou sur son secrétaire et les parchemins annotés de sa main.

Lorsque son serviteur lui apporta une missive, le jeune homme se sentit comme arracher à son monde d'élection; de cet univers de rêverie où il avait vécu au travers de tant d'Hommes, il retombait dans celui qui abritait son frêle corps.
Sa sœur, la seule famille qui lui restait, et peut-être tout ce qui le rattachait au monde réel.
Il parcourut la lettre, saisit un parchemin et, de sa délicate écriture, composa sa réponse.

Sans doute était-il temps.

Citation:
Chère soeur,

Je serai à Reims dans quelques jours.


À très bientôt,

L.

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Ecrit depuis mon iEcritoire


Lorenzo vérifia que le réservoir d'encre était bien plein et referma son iEcritoire, une révolution, qu'il prit avec lui.

Quelques jours plus tard, il arriva à l'Hôtel Melani.

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Eilinn_melani
[Miroir, mon beau miroir]

C'était la séance de torture quotidienne. Assise à une coiffeuse, Eilinn se laissait triturer les cheveux par Narcisse, sa gouvernante qui ne la quittait plus depuis plusieurs années. La discussion n'était guère sereine entre la pyrénéenne domestique et sa vicomtale maitresse.

- Vous devriez laisser repousser vos cheveux, avec votre livrée du Louvre on arrive pas à distinguer si vous êtes homme ou femme...
- Quelle idée... Cela est plus pratique pour ma charge... A-t-on idée de cuisiner en robe ?
- Pourquoi ne pas acheter une de ces magnifiques houppelandes que vous avez admiré dans les jardins du Louvre ? Cela siérait au baron de Boiscommun que vous vous habilliez comme une vraie jeune fille.
La lueur dans les yeux bleus se fit changeante, tandis qu'Eilinn regardait Narcisse dans le reflet de la psyché.
- Rappelle-moi qui paye ton salaire... Moi, ou mon beau-père ?
Le silence s'installa dans la pièce, tandis que la gouvernante continuait de lisser les cheveux courts, tentant d'y inculquer une discipline utopique. Eilinn poussa un soupir, tentant d'évacuer la tension provoquée par cette discussion déplaisante.
- Je me fiche de l'opinion de Rhân, plus il aura du mal à me trouver un époux, mieux je m'en porterai. La discussion est close, pas de cheveux longs, pas de houppelande brocardée pour parader...
Une des domestiques pénétra alors dans la pièce, déposant un pli. Eilinn le regarda d'un air absent, se doutant de l'expediteur, et de surcroit du contenu qu'elle lirait. D'un mouvement d'humeur, elle bougonna, tout en décachetant d'un geste sec la missive.
- Quel excuse a-t-il trouvé cette fois ?
Le sourcil se fronça, tandis que les quelques phrases griffonnés sur le vélin s'imprimaient sur la rétine eilinienne.

Stupéfaction.
Revoir son frère, c'était un peu comme tenter de cueillir les fruits de Tantale, on essaye, on essaye, en vain, sauf que là, au moment ou on se fait une raison, BAM, la branche vous revient dans la tronche.

*BAM*


Les jours qui suivirent furent plein d'effervescence, à préparer de quoi accueillir le Vicomte de Beaurepaire.

Puis...

Narcisse vint avertir la jeune fille, assise à son bureau, plongée dans la rédaction d'une recette de cuisine pour le Louvre. Un instant, la plume resta levée en l'air, une goutte d'encre menaçant dangereusement de faire un pâté sur le joli vélin culinaire.

Que fallait-il faire ? Aller lui sauter au cou ? Attendre qu'il se soit un peu installé et reposé ? Le choix était délicat, surtout après toutes ces années... Avait-il changé ? Peut-être était-il devenu vieux et bougon après tout...

La plume revint se poser sur l'encrier, et la jeune fille se leva finalement, encore un peu hésitante, pour rallier l'entrée de la demeure, afin d'accueillir son frère. Descendant les escaliers presque en courant, Eilinn manqua pousser un glapissement en distinguant dans l'entrée une grande silhouette empâtée surmontée de cheveux blancs. Par Aristote, il avait donc tant changé !


Lorenzo !?!

La silhouette se retourna, et Eilinn se vexa en constatant que c'était juste un vieux garde. Un peu déconfite, Eilinn fit la grimace.

Je vous avais prit pour quelqu'un d'autre...


Genre on s'en doutait pas.
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Lorenzo_melani
Durant tout le voyage, Lorenzo avait essayé d'étudier, espérant sans doute maintenir une bulle protectrice face au monde.
En vain. Toutes ses pensées étaient accaparées par les retrouvailles qui l'attendaient. Il rangea finalement ses affaires et prit son mal en patience, regardant défiler le paysage depuis la fenêtre de son carrosse.


Reims

A mesure que les murailles de la ville grandissaient, l'anxiété diffuse qui le taraudait s'était muée en une crainte plus forte. Comment allait-il être accueilli ? Après tout, s'était peu dire qu'il avait négligé sa sœur et qu'elle aurait raison de lui en vouloir.
Des tics nerveux le parcouraient de plus en plus. Tantôt ses doigts tambourinaient contre la banquette, tantôt sa respiration s'accélérait de plus en plus, ne reprenant son rythme normal qu'après un profond soupir.


Hôtel Melani

Désormais, tu ne peux plus reculer... se dit-il, essayant de se calmer comme il pouvait.
Il descendit promptement, tandis que son serviteur déchargeait ses bagages. A la vue de la bâtisse familiale de nombreux souvenirs remontèrent.
Lorenzo se résolût à s'approcher du garde et à lui demander de le faire annoncer. Ce qui fût fait.
Quelques instant plus tard, il entendit son nom. Son cœur fît un bond et il manqua de défaillir, avant de se rendre compte de la méprise d'Eilinn.


Probablement pour cette personne ? répondit l'homme d'armes, goguenard.

Le sourire amusé du vieux garde laissa place à Lorenzo lorsqu'il fît un pas de côté.

Le Vicomte regarda sa jeune sœur. Tant d'années s'étaient écoulées depuis leur dernière rencontre. Ses cheveux blonds en bataille, son gilet négligemment entrouvert, un carnet de notes qui dépassait de la poche de son mantel donnait de lui l'impression qu'il n'avait toujours pas quitté ses études. Ce qui n'était pas totalement faux.
Hébété par ce retour à la réalité, face à une personne de chair - sa soeur qui plus est -, et non de papier, il ne savait comment réagir.


Je... je... hum... cela me fait plaisir de te revoir Eilinn.

Incertain de cette entrée en matière, il ouvrit ses bras en direction de sa sœur, un sourire timide mais encourageant aux lèvres.
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Eilinn_melani
Le garde sourit devant la méprise de la jeune fille, visiblement amusé d'être pris pour un jeune homme noble.
Voyez-vous ça, ça dirigeait d'une main de fer les cuisines du Louvre, mais il suffisait qu'un garde l'asticote un peu pour qu'Eilinn se retrouve comme une enfant perdue.


Probablement pour cette personne ?

Les mains d'Eilinn se crispèrent, alors qu'elle était sur le point de fondre en larmes, hésitant presque à faire demi-tour sur l'instant, bien trop lâche pour rabattre le caquet du garde. Ce dernier s'effaça alors pour laisser place au vicomte de Beaurepaire, et Eilinn eut un hoquet de surprise. Non pas pour l'allure négligée du jeune homme, mais parce qu'elle ne s'attendait pas à le voir.

Tu es venu ?

C'était presque autant une affirmation qu'une interrogation, la jeune fille ayant pensé jusqu'au dernier instant qu'il se désisterait. Perturbée par la situation, n'ayant pas l'habitude de perdre la maitrise de ses émotions, Eilinn resta plantée un instant à dévisager l'homme devant elle.

Je... je... hum... cela me fait plaisir de te revoir Eilinn.

Et dans la cervelle de moineau d'Eilinn, des dizaines de répliques fusaient, parfois insolentes, violentes, ou enjouées. Les bras de Lorenzo s'ouvrirent, et une scène plus ancienne s'interposa dans l'esprit d'Eilinn. La dernière personne à avoir fait cela était son beau-père, avant de la poignarder en plein cœur en lui refusant la vie monacale.

Tout ce qu'elle trouva à dire fut :


Tu as vieilli !

Eilinn retrouva à nouveau la maitrise de ses sentiments lorsqu'elle s'entendit parler, rompant le maléfice. Les mains se délièrent et finalement la jeune fille se retrouva dans les bras ouverts de son frère. Elle, par contre, n'avait guère grandi, maigre et androgyne sans formes féminines, vêtue presque comme un homme. Comme chuchotant un secret à son frère, elle lui répondit.

Moi aussi, je suis contente de te revoir...
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Lorenzo_melani
Lorenzo serra sa jeune sœur contre lui. Finalement, ces retrouvailles n'étaient pas aussi atroce qu'il l'avait imaginé. C'était même tout le contraire. Après quelques instants, il relâcha son étreinte.

Je... je dois t'avouer que je ne m'attendais pas à un accueil aussi... chaleureux. Je t'ai bien trop négligée, me pardonneras-tu ?

Le visage et le sourire apaisé du Vicomte traduisait bien le soulagement qu'il éprouvait.

Les laissant se retrouver, le garde alla donner des ordres pour que les bagages de Beaurepaire fussent monter dans sa chambre. Lorsqu'il revint dans la hall, le vieux garde éprouva un petit pincement au cœur. Ayant servi sous les parents, il savait que la vie de cette famille n'avait pas été de tout repos, loin de là. Voir un peu de joie dans l'Hôtel le toucha, même s'il n'en laissa rien paraître. Il ressortit, plongé dans ses souvenirs.

À l'intérieur, l'intendant de l'Hôtel vint avertir les jeunes gens que le salon était prêt à les accueillir.

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Eilinn_melani
Cela faisait étrange, d'être dans les bras d'un autre. Ce n'était pas le contact humain et physique qui caractérisait le plus son quotidien, et rares étaient ceux qui avaient droit à ce genre d'embrassades.

Je t'ai bien trop négligée, me pardonneras-tu ?

Il y aurait pu avoir la réponse religieuse "Seul le Très Haut peut nous pardonner nos actes" ; ou bien une réponse diplomatique pour ne pas le froisser, comme "Oui par amour je te pardonne". Mais peut-être n'avait-elle pas envie de faire cette faveur à son frère. Et elle était une adolescente bien trop tourmentée pour jouer l'hypocrisie.

Je ne sais pas... ce fut si dur sans toi.
Tout aurait été tellement différent si tu avais été là.


Il y avait le son du regret dans ce triste constat. Si ce n'était pas son beau-père qui s'était retrouvé à être son tuteur, probablement qu'en ces instants elle serait ordonnée au sein de l'Ordre Cistercien, ce qui avait été son vœu le plus cher, autrefois.
Eilinn se détacha de son frère, pour finalement rejoindre le petit salon à pas mesurés, comme pour être sure qu'il venait avec elle.

Une collation avait été préparée, suivant la volonté d'Eilinn. La cuisinière de la demeure avait eu pour mission ces derniers temps de se mettre à niveau des commis du Louvre, la jeune fille ayant décidé que l'approximation culinaire n'avait pas lieu d'être au sein de la demeure rémoise. Doigts de fées, dattes farcies, pain d'épices, ainsi que du lait de chèvre relevé au miel et aux épices trônaient sur un guéridon.

Les mains jointes, crispées à nouveau, n'osant s'asseoir, Eilinn interrogea Lorenzo.


Te portes-tu mieux désormais ? Cette fièvre dont tu m'as parlé, est-elle partie ?
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Lorenzo_melani
Confortablement installé dans l'un des fauteuils, Lorenzo réfléchit à sa réponse. La fièvre... elle lui était sortie de l'esprit. Il se rendit soudain compte du temps qui s'était écoulé.

Oui... oui, je vais mieux. Si tu veux tout savoir, j'ai beaucoup lu pour passer le temps. Au final, j'étais comme hors du monde. Ma nature contemplative ne m'a pas aidé.

Le jeune noble avait le regard perdu dans le vague. Machinalement, il saisit une date et l'avala.

Peut-être aurais-je dû sortir de Beaurepaire plus souvent.

Le ton n'était pas celui du regret, mais celui du doute. C'était là une question à laquelle il n'aurait jamais de réponse définitive.

Enfin, ma solitude n'est guère passionnante. Parlons plutôt de toi. Comment vas-tu ? Que deviens-tu ?

À peine ses questions posées, Lorenzo fût assailli d'une pensée étrange : quoiqu'il aimait énormément sa sœur, posait-il ces questions uniquement pour s'enquérir de son état, ou l'interrogeait-il comme il interrogeait les ouvrages qui garnissaient sa bibliothèque ?
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Eilinn_melani
Eilinn s'était résolue à s'asseoir. La froideur de Lorenzo lui laissait une impression étrange, et ce fut à paroles mesurées qu'elle lui répondit. Elle aurait pu manifester un grand enthousiaste, tenter de prouver à son frère à quel point elle avait réussi, mais cela lui sembla déplacé.

Et bien... je fais partie de l'Ordre Cistercien de Noirlac, que j'ai intégré après la mort de maman. Je comptais prononcer mes vœux et prendre le voile, mais Rhân s'y est opposé.

J'ai donc décidé de... trouver une autre occupation, comme la carrière ecclésiastique m'était désormais fermée... J'ai intégré les cuisines du Louvre, et maintenant je suis Premier Maitre d'Hôtel de la Reine Béatrice de Castelmaure.

J'ai... fais un court passage à l'AAP, été Ambassadeur pour l'Église, conseiller au culte en Languedoc, je suis aussi professeur de théologie à Noirlac... bref... j'ai toujours trouvé de quoi remplir mes journées.


Son postulat depuis des mois face à son beau-père était que si Lorenzo décidait pour elle, il irait en faveur de ses choix. Mais l'attitude rêveuse de son frère commençait à lui faire douter de cette belle assurance. Comment pouvait-on renouer les liens après tant de temps ?
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Lorenzo_melani
Si jeune... et déjà tant de choses à ton actif. Ta capacité à l'action est remarquable.

Les yeux violets de Lorenzo - héritage de sa mère - étaient rivés sur sa sœur. On pouvait toutefois deviner à son regard que son esprit était ailleurs.

J'admire l’énergie dont tu fais preuve ; j'aimerais en être capable. Parfois me vient l'envie de réaliser un projet, de créer, de bâtir. Je me met alors à imaginer comment je pourrais parvenir à mes fins ; et lorsque enfin je sais comment je vais m'y prendre... plus rien. Il me suffit d'imaginer un projet pour le faire exister dans mon esprit et par conséquent le condamner dans la réalité.
Et puis je crois que si mon œuvre devait devenir réelle, elle perdrait la beauté que lui confère son aspect onirique. Elle deviendrait bassement... matérielle, imparfaite, mortelle : humaine, en somme.


En ayant fini avec ses considérations philosophiques, Lorenzo revint à sa sœur.

Rejoindre l'Ordre Cistercien... parle-moi de ce qui a motivé ta décision, et ce qui a poussé Rhân à s'y opposer.
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Eilinn_melani
Eilinn écoutait son frère, un peu circonspecte sur ses propos. Il semblait bien éloigné des préoccupations des hommes nobles, à chercher querelle ou épouse suivant l'humeur du jour. l lui rappelait ce qu'on disait du précédent Roy, qui tenait des propos parfois à mille lieues de la réalité.

Je voulais servir Dieu, bien entendu. J'étais... heureuse à Noirlac... Je m'y voyais passer le reste de mon existence sans heurts, avec seulement quelques occasions mondaines pour y voir mes amies ou ma famille. Cela me plaisait...

Mais quand j'ai demandé l'accord de Rhân, il a refusé, arguant que j'avais encore des idées folles ! Lui pense que je serai plus heureuse en me mariant, en ayant des enfants... En devenant une de ces pondeuses nobles...

Du mépris transparût dans ses derniers propos. Visiblement la vision de la femme enceinte ou pouponnant n'émouvait pas la jeune fille.

Il veut donc me trouver un époux...

Amertume, dépit, découragement. Soudain, comme un élan du cœur, la jeune fille se récria en se levant presque d'un bond.

Mais je ne veux pas me marier !

Et comme un soufflé, Eilinn de retomber dans le siège, abattue.

Si j'étais né garçon on ne m'aurait pas imposé cela...

Et changeant de sujet sans transition, comme à son habitude.

Pourquoi ne m'accompagnerais-tu pas en Bourgogne ? J'y suis bien accueillie, j'ai quelques amis là-bas. Tu pourrais reprendre goût à l'existence... et nous serions ensemble...
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Lorenzo_melani
Lorenzo écouta attentivement sa sœur. La voir ainsi lui déplaisait profondément. Et puis, de quel droit moral - le plus important à ses yeux - lui interdisait-il ses projets ? Une émotion étrange l'envahit, quelque chose qu'il n'avait plus éprouvé depuis son enfance. Un appel résonnait en lui ; pas seulement celui de la sœur en détresse, mais quelque chose de plus profond, qui provenait de son être même.

L'action.

Ne plus seulement regarder la pièce se jouer, mais monter sur scène et y prendre part.
Le Vicomte se leva et s'approcha de la fenêtre. Reims. En d'autres temps, la ville tremblait à la seule mention du nom de leur famille. N'avaient-ils pas défier le Roy de France ? Briser et exiler leurs ennemis ? Fait tomber un Duc indigne ?

Mais déjà revenait la passivité, déferlant et ravageant les souvenirs.
Tous ces efforts avaient étés vains. La Champagne n'était plus que l'ombre de son ombre, leurs parents et leurs alliés étaient morts depuis longtemps, les hauts faits de la vieille Noblesse n'existaient plus que dans l'esprit de quelques vieillards. L'action n'est qu'absurdité.

Beaurepaire se retourna vers Eilinn. Ce n'était plus un livre passif qu'il avait face lui, mais un être de chair, de son propre sang qui plus est. Il se mordit les lèvres. Impossible de se cacher cette fois.


Parle-moi de la Bourgogne.

Le ton était déterminé. S'il ne saisissait pas cette occasion, il retournerait à sa vie de contemplation, qui, tout bien considéré, n'avait pas beaucoup plus de sens.
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Eilinn_melani
Eilinn releva les yeux vers son frère. Dire qu'elle était surprise était un euphémisme. Les mains d'Eilinn commencèrent à s'agiter et à se tordre un peu, la question la prenait de court.

Eh bien... Actuellement c'est Eusaias de Blanc-Combaz qui est sur le trône. C'est un proche de la Reyne, qui est elle-même bourguignonne.

La Bourgogne est donc devenue bien plus puissante, sur le plan politique c'est une certitude, et la Reyne a bien entendu, lors de son accession au trône, placé quelques proches à des postes clés.

Et puis en Bourgogne, il y a mes amis qui y sont restés, Jehanne Elissa de Volpilhat, la petite-fille de Raphaël d'Appérault et de Marguerite de Volpilhat, et quelques connaissances comme Clémence de l'Epine, la fille d'Alsbo... tu pourrais faire aussi la connaissance d'Alice, c'est une ... orpheline que j'ai recueilli sur le pas de ma porte, et dont je compte bien qu'elle devienne pupille de la Reyne Béatrice. C'est d'ailleurs à ce sujet que j'ai besoin des paperasseries héraldiques mentionnées dans ma lettre.

Eusaias de Blanc-Combaz, en plus d'être inféodé à la Reyne, est disons... un homme étrange. La rumeur lui octroie quelques meurtres de nobles bourguignons, on le dit sans pitié envers ses ennemis, mais... pour je-ne-sais quelle raison, il m'apprécie, et j'ai sa protection.


Menteuse. Mais avait-elle le choix de faire autrement que de continuer à dissimuler le vieux pacte entre elle et le duc de Bourgogne ? A la dernière phrase, elle s'était levée et détournée de son frère. Elle finit par se retourner vers Lorenzo, et le port de tête d'Eilinn avait subtilement changé, plus droit, moins courbé.

Cette protection je pourrais l'étendre à toi, si tu le désires. Il y aurait bien des alliances à nouer là-bas...
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Alors qu'Eilinn lui exposait la situation, Lorenzo hochait imperceptiblement la tête. Si son regard était à nouveau dans le vague, les traits dures qu'affichaient son visage laissaient deviner qu'il avait laissé la contemplation derrière lui. Ses considérations étaient davantage d'ordre stratégique.
S'il faisait ce voyage, l'un des premiers loin de chez lui, il lui faudrait laisser des instructions pour ses terres. À cette pensée, il se rendit compte qu'il n'avait plus véritablement gouverné Beaurepaire depuis bien longtemps. Son départ n'y changerait pas grand chose.
Cette idée lui fît ressentir encore plus violemment la vacuité de l'existence qu'il avait vécu jusqu'à présent. Il ignorait où tout cela allait bien pouvoir le mener, mais était-ce si grave après tout ?


Bien, ma décision est prise. Je te suivrai.

Le Vicomte fît appeler un serviteur et lui donna quelques instructions, avant de se retourner vers Eilinn.

Mais avant, j'ai quelques questions. Déjà, de quels papiers héraldiques as-tu besoin ? Puis-je te les fournir sur l'heure ou dois-je demander au messager de me rapporter certaines pièces de Beaurepaire ?

Quant à Blanc-Combaz, j'y reviendrai lorsque je connaîtrai mieux le personnage. Vu la description que tu m'en fais, il m'a l'air d'être un personnage intéressant, d'autant plus s'il accorde sa protection sans raison apparente...


Melani avait noté le changement d'attitude de sa sœur lorsqu'elle avait abordé le sujet. Mais peut-être n'était-ce qu'un hasard ? Dubitatif, le Vicomte préféra laisser la question en suspens.

Enfin, tu me parles d'alliances. On ne noue pas d'alliances si l'on n'éprouve pas le besoin de s'en servir. Aurais-tu quelque plan en tête ?
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Eilinn_melani
Eilinn eut un sourire satisfait. Elle ne s'attendait pas à tout cela, et se dit que son retour en Bourgogne allait probablement en étonner quelques-uns.

J'en suis ravie.

Pour les papiers, il suffit juste d'une autorisation pour qu'Alice puisse porter notre nom de famille, ainsi qu'un blason brisé. Et pour ce genre de choses, assez futile, seul le chef de famille peut le faire. Le vélin sera à destination de Phylogène à l'hérauderie.

Lorenzo s'enquit alors des plans éventuels de sa soeur. Elle n'était pas habituée à penser de façon politique, mais il était vrai que l'arrivée au pouvoir d'une Reyne avait changé la donne.

Et bien, disons que le pouvoir Royal a subi beaucoup de remous dernièrement. Ceux que l'on pensait inamovibles ne l'ont plus été longtemps, et peut-être serait-il bon de ... voir ou se dirige le vent. Même si je suis relativement à l'abri de concurrents pour mon poste au Louvre, je me dit qu'il serait peut-être bon de renforcer quelques liens avec ceux qui sont puissants présentement, ou qui le seront...

Je t'attendrai à Langres, j'ai encore quelques affaires à y traiter, ainsi cela te laisse le temps de préparer tes malles. Et je vais écrire au Duc de Bourgogne pour t'obtenir un laisser-passer, ce qui, le connaissant, ne devrait pas poser de problème.
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