--Jean_mouloud
Je m'appelle Jehan-Mouloud. Jehan comme Jehan et Mouloud comme mon père le mauresque, qu'il paraît. Mon vieux je le connais pas, tout comme ma mère, d'ailleurs. Je suis né un petit matin d'été, c'est Chantal qui me l'a dit. Chantal c'est la bonne sur qui m'a élevé et qui m'a viré le jour où j'ai commencé à avoir du poil au menton et que j'ai demandé à voir ses nichons. Et parmi les histoires qu'elle aimait me raconter le soir, y avait celle de mes parents. Une mère qui porte un nom à particule, un père qui frottait le plancher de son château jusqu'à ce qu'il soit forcé de prendre la fuite. Il avait sauté la fille du châtelain : ma mère. (Ca va, tu suis jusque là ?) Alors je me suis retrouvé à la rue, comme beaucoup de copains, avec mes braies et mon foulard à l'envers pour seuls bagages.
Maintenant je suis un homme. De ces hommes made in la cour des miracles. Je me suis longtemps demandé le pourquoi du comment ce nom. Peut-être la vitesse à laquelle on te vide les poches ou celle que mettent que les filles du coin à lever le jupon contre quelques pièces. Ouais, ça tient du miracle. J'ai appris à faire des miracles aussi quand j'y pense. En plus de vider les poches, je te vends tout et n'importe quoi. J'ai aussi appris à m'éloigner pour mieux ferrer le bon pigeon, pas dans le local que je vais faire fortune. Quoi qu'il y a des jours de chance comme celui là. Des jours où les pigeons étrangers se perdent dans le coin. Tu reconnais le pigeon à son regard fuyant, à sa façon de raser les murs ou d'enfoncer sa capuche sur la tête et cet air qu'il affiche « Mais je suis chez les sauvages ! ». Aujourd'hui le pigeon porte jupon, c'est plus facile. La pigeonne tu l'impressionne plus facilement. Bienvenue chez nous, bienvenue chez les fous. Et dans ma tête je me demande à quelle sauce je vais les manger. Oui, la pigeonne se perd en groupe aussi. Faut toujours qu'elle entraine une copine à elle dans sa perdition... Jackpot.
B'jour la gazelle.
Cherche pas à comprendre. J'ai jamais vu de gazelle de ma vie, mais je trouve que ça sonne bien. J'allais pas l'appeler pigeonne, tss. Tu veux ma faillite ou quoi ?
Je sors mon sourire des grands jours, celui qui laisse entrevoir une grande partie de ma dentition gâtée par le mastication de plantes en tout genre. J'approche la plus grande des deux donzelles, en la frôlant au passage. Ca va encore plus l'impressionner, je sais.
Elle est pas moche, je pourrai la trousser là vite fait si elle avait été toute seule. Mais non, à peine touchée que ça copine se mettrait à crier comme une truie, ameutant les frères de la rue voisine et aujourd'hui, j'ai aucune envie de partager mes gains. Les deux embourgeoisées, je les garde pour ma pomme. Je suis égoïste aussi, oui.
J'attends que la fille se décide à me regarder pour lui attraper le bras, toujours le sourire aux lèvres. Faut toujours laisser croire à la clientèle qu'elle a le choix, hinhin.
Dis, t'veux pas m'acheter un truc avec ta copine ?
Et là j'enchaine en déballant la liste des produits que j'ai en st... hum en poche. Ça va du parfum aux senteurs venus d'ailleurs à la falsification de sceaux des gens de la Haute, passant par ma « poudre des merveilles ».
Et puis discrètement je laisse paraître le métal menaçant de ma dague.
Dépêche, j'ai pas que ça à faire.
Le client est roy tant qu'il abuse pas. Le temps c'est de l'argent.
--Pierre_mathieu
Il ne fait pas bon posséder une charrette lorsque Pierre Matthieu traine dans les parages.
En effet le Pierrot, comme il aime à se faire appeler, est un spécialiste... du braquage de charrettes à main armée. Dès qu'il voit une charrette laissée là sans surveillance par son propriétaire qui s'en est allé on ne sait où, il ne peut s'empêcher de se jeter dessus, de fracturer le noeud par lequel la monture est attachée et de s'enfuir vite fait, ni vu ni connu. Ah il en avait volé des charrettes, beaucoup. Et après il les revendait à un entrepreneur louche qui avait un coin aux Miracles, un gars bizarre a qui il refilait les charrettes contre quelques sacs d'écus.
Pierrot avait rencontré Mouloud alors qu'ils étaient bien plus jeunes et ils avaient décidé de mener leur barque ensemble et de faire un petit bout de chemin cote à cote. Tandis que le second s'était tourné vers le marché du recel et de la revente d'objets en tout genre, le truc du premier, c'était plutot le petit banditisme à l'échelle de Paris.
Et le soir venu, les deux compères se retrouvaient pour comparer leur pécule. Celui qui avait gagné le moins d'argent devait payer le repas à l'autre... Bah oui, il avait perdu, c'est la dure loi des affaires.
La journée avait été bonne pour Pierrot, qui en l'honneur de la réception qui se déroulait au Louvre avait décidé d'élargir son périmètre et de voir si y'avait pas quelques carrosses à voler, parce qu'on lui avait dit que la haute noblesse venait de partout pour l'occasion. Devaient bien avoir quelques voitures à voler, ces gens là. Il avait donc réussi à dérober un beau carrosse en assommant le conducteur, et comme d'habitude, il était parti retrouver son pote Mouloud, persuadé d'avoir remporté leur petit jeu.
Déjà il salivait rien qu'à l'idée de se faire payer une bonne petite tambouille dans un bouge miteux.
Le pas trainant et nonchalant, il se dirigea vers le lieu de rendez vous. Visiblement, Mouloud n'avait pas fini sa journée : il était très occupé à convaincre deux jeunes filles qui n'avaient pas l'air du coin de lui acheter quelque chose.
Il a un défaut, l'Pierrot. Dès qu'il voit une fille bien habillée avec des traits pas trop repoussants, il ne peut pas s'empêcher de ressortir son attirail de dragueur et d'aller tester sur elles toutes les phrases qu'un maitre en la matière lui avait un jour enseignées, alors qu'ils attendaient leur tour dans un bordel du coin.
Il s'approcha alors, un sourire grimaçant sur le visage, et comme le Mouloud marchandait avec la plus âgée des deux, il se tourna vers la plus jeune :
Hé dis madeuuuh-moiselle ! Tu t'appelles pas Biscotte ? Nan pasque t'es craquante !
Bon. On en sait un peu plus sur le personnage et ses techniques de drague.
En tout cas, tes pieds ils doivent surement te faire très mal pasque tu t'es promenée dans mes rêves toute la nuit... Et j'suis sûr que j'connais ton père et que c'est un voleur comme moi, pasque il a volé toutes les étoiles pour les mettre dans tes yeux.
Il sourit encore plus, il sent qu'il y est presque là, il sent que cette nuit il se passera du repas généreusement offert par Mouloud et qu'il ira passer un peu de bon temps dans un coin avec la jolie donzelle.
Chuis nouveau ici... T'as pas un plan qui mène jusqu'à là où t'habites ?
Clin d'oeil à l'appui, elle va craquer la Biscotte.
Laisse ta copine, elle fait des affaires, viens !
Et Pierrot saisit le bras de la fille, tout comme son compère l'avait fait avec l'autre fille quelques minutes auparavant.
--Jean_mouloud
Je me serai bien frotté les mains. C'est jour de fête, ce soir je vais mangé de la viande et pas qu'un peu. La fille est prête à m'acheter ma poudre magique.
A quoi elle sert ? Héhé. Là je sors mon sourire mystérieux et ma tête dodeline à la façon d'un psychopathe sorti tout droit de l'hôtel Dieu. Dodeline pas trop longtemps, faudrait pas que les pigeonnes s'envolent.
Ton de la confidence, doucement je me penche à l'oreille de la plus jeune. Oreille ? P'tain ! La sorcière, elle en a pas. Là où devrait se trouver une esgourde, y a un trou. La jeunette fait pas trop tâche dans le décors. Je m'en écarte l'air de rien, la vie de moi qu'elle fait peur.
Cette poudre mes tourterelles perdues... CETTE poudre elle fait des miracles.C'est d'ailleurs de là qu'vient le nom du coin. La cour des Miracles... *Hochement de tête, air grave* Elle t'fait voir la vie en rose...s't'aimes pas le rose, elle te la fait voir d'une autre couleur, c'pas grave et même des fois tu vois des arc en ciel partout. Elle fait s'envoler tout tes soucis et...euh même toi tu peux t'envoler. T'fera vivre dans le monde de tes rêves quoi. Surtout s't'en prends beaucoup.
Une pause et je baisse encore d'un ton.
Et si j'vous la propose, c'est que vous m'avez l'air d'être de sacrées crét...hum connaisseuses et que z'êtes bien sympathiques.
En parlant de crétin, voilà que mon ami Pierrot fait son entrée en scène. Je grimace, j'avais dit que je voulais être seul !
Au clair de la lune, vas voir ailleurs s'y j'y suis, steplé.
j'bosse là.
--Pierre_mathieu
Stop !
Tout se passait pourtant pour le mieux : sa Biscotte semblait sur le point de céder à ses avances, elle avait même eu l'air impressionné une seconde ou deux ; son compère n'était pas trop content de le voir, mais pas grave ça, ils auraient tout le temps de se réconcilier plus tard ; et pour compléter le tableau, l'autre fille s'était décidée à jouer les apprenties chevalières et à défendre l'honneur de sa compagne coute que coute.
Ca va encore, ça. La Biscotte ouvrit la bouche et le visage du Pierrot s'éclairait au fur et à mesure des paroles qu'elle prononçait : il allait se la faire, sortez le jus de pomme ! Mais il déchanta vite fait et son égo se dégonfla tel un ballon de baudruche dès qu'il entendit le mot "vérole".
Et là, c'est plus de la pitié mélangée à de l'envie de fuir loin, très loin, qui se lit sur le visage du Pierrot.
Si jeune et déjà en vrac... L'monde c'plus ce que c'était, Biscotte !
Il ne savait pas trop lui même s'il était le plus désolé pour sa diète forcée ou pour cette pauvre gamine perdue.
Quel gâchis... Mouloud j'te laisse finir ou quoi ? C'quoi que tu vends ? J'espère pas cette poud... J'veux dire j'espère que tu vends cette poudre au prix qu'elle vaut au moins !
D'la qualité mesdemoiselles. D'la qualité et d'la quantité. C'est rare ça mademoiselle Biscotte, tu vas pas en trouver ailleurs ! Faut y mettre le prix !
Coup de coude à cousin Mouloud. T'as vu mon pote, j't'aide à faire des affaires.
--Jean_mouloud
Y a un sourire qui s'étire là au coin de mes lèvres quand la brunette Nakunoreille parle de vérole. Et j'ai juste envie de taper l'arrière du crâne du Pierrot le crédule. Mais ça se fait pas de discréditer ses potes devant la clientèle et puis je vois là un nouvel argument de vente.
'tombe bien. Ma poudre elle soigne les véroles imaginaires avant de faire tout le reste. J'l'ai dit : elle est juste miraculeuse.
J'ai pas l'impression d'avoir besoin de plus d'arguments que ça. Les minettes s'arracheraient presque la poudre que je sors délicatement de ma poche. Délicatement pour mieux faire croire à la préciosité et la rareté du produit. Je la traite avec tellement de délicatesse cette poudre qu'elle a pris place dans ma bourse. A la place de ce que j'aime le plus au monde : mes écus. Oui bon d'accord je l'avais peut-être mise là parce que j'en avais pas d'écus, mais ça fait plus classe.
J'en déverse juste ce qu'il faut dans une main et la présente aux deux paires d'yeux curieuses.
Elle vient de loin et c'est un copain qui livre ça au Louvre qui me fournit sous le mantel, si vous voyez ce que je veux dire. Et ouais ouais ouais ouais mes m'zelles ! C't'à un produit que les Roys se gardent égoïstement que j'vous donne accès là ! On appelle ça de la muuuuuuuscade.
Je fais genre le mystérieux quand je lâche le nom du produit. Ca aussi, ça fait classe. Normalement.
Et ATTENTION ! J'ai pas fait que leur mentir. Sur la vie de moi que c'est mon cousin Charles-Driss livreur d'épices chez l'Roy qui me fournit. Le seul truc que j'ai pas dit c'est que la Reyne et ses cuistots doivent pas trop s'en servir pareil. Je vais pas leur dire "Ouais bon dans les cuisines royales on l'utilise pour assaisonner des mets pas pour se ravager le cerveau comme z'allez le faire vous". Je suis fou mais pas à ce point. Et puis c'est toujours une histoire de classe tout ça. Vous allez finir par me comprendre.
Ca se mange. Faut en manger beaucoup pour planer loin.
Un clien d'oeil et j'ajoute le prix.
500 écus le sach...hum la bourse.
Et c'est pas négociable.