Brygh_ailean
Peut-être le tournant de la cérémonie
Taratata, Enguerrand... Vicomte...
Le ton de la grande baissa légèrement et elle mira le borgne droit dans son oeil, le sourcil levé et le front haut également.
Vous vouliez qu'on l'engeôle ou qu'on vous fasse éloge... Puisqu'il me faut le garder jusqu'à la fin de cette journée, je prends sur moi de vous faire cette éloge...
Pour satisfaire le borgne, ou du moins contenir un instant ses aspirations à transformer cette journée en un capharnaüm pire que celui qu'avait déjà créé le Héraut, Bryn ressassa dans sa tête quelques vers de la Complainte de Bertrand de Born, un autre enfant du Périgord, avant de se lancer dans l'éloge qu'avait réclamé Enguerrand Louis Perceval. Pour se donner du cur, elle se rappela les vates de son pays, qui apaisaient les guerriers et arrêtaient des batailles rien que par leurs chants. La Mcfadyen devait bien avoir quelque part dans son sang ce gêne si particulier
Ailean en doutait fortement mais rien n'empêcherait Brygh de tenter.
Vicomte de Mussidan,
Mon très cher Enguerrand,
Oserai-je vous comparer à ma cheville foulée ?
Cette cheville si elle ne cesse de me tourmenter,
Me rappelle aussi de l'utilité du pied,
Non seulement pour marcher, mais danser et botter.
Botter quelques trains, comme cela aurait réjoui la Comtesse en cet instant ! Elle avait réussi à pondre un quatrain d'alexandrins dans une langue qui n'était pas la sienne. Si la qualité en était tout à fait pathétique, cela n'en demeurait pas moins un effort de taille.
Vicomte de Mussidan,
Mon très cher Enguerrand,
Je vous vois telle la cheville de notre Comté,
De notre Noblesse, le Parangon d'Intégrité,
Vous n'avez de repos de vouloir alerter
Le moindre des faux pas, le geste déplacé.
Nouvelle respiration. Finalement, par nécessité, il lui arrivait aussi de pouvoir composer la pire des imbécillités. Elle n'en revenait pas elle-même. Bryn en avait les larmes aux yeux de se conformer à l'étiquette imposée par son rôle mais aussi et surtout, par la présence de Dame Elayne. Elle déglutit avec peine, serrant un instant les mâchoires pour ne pas éclater de rire, serrant un instant les poings pour ne pas défigurer Eudes.
Vicomte de Mussidan,
Mon très cher Enguerrand,
Comme nous partageons ensemble moultes amitiés,
Donc celle, inestimable, de notre Boudiné,
J'espère que vous rendrez grâce à ces petits couplets,
Et accepterez ce compliment tel que je le chantai.
Bryn aspira l'air profondément pour se remettre de cet exercice qui avait amusé son esprit le temps de le composer, à la volée, mais également perturbé son calme et sa concentration. Elle chercha le regard du borgne, un instant, retenant son sourire car avec Flex, mieux valait prévoir le pire bien avant le meilleur.
Si vous voulez l'embrocher, pour l'Amour du Très Haut, attendez demain... Aujourd'hui, de toutes façons, vous ne laveriez rien dans le sang... Le Héraut me semble être irrigué à la bière de mauvaise qualité...