Tetedefer
Tête de fer, qui s'était comme toujours posté dans un recoin propice à la sieste, était en proie pour l'heure à des affres inattendus. Pourtant tout avait été prévu pour le mieux : il avait un coussin pour son siège et même un pour le dossier, qui pouvait s'y reposer et caler confortablement les épaules. Il avait une cote discrètement matelassée qui le maintenait au chaud dans cette grande salle de pierre, et il avait une colonne derrière laquelle dormir paisiblement en attendant que Jeannot le réveille quand ce serait son tour. Il avait même une flasque d'un calvados particulièrement ravivant, et un morceau de saucisse de sanglier dans une besace posée à ses pieds!
Mais non : ça n'allait pas du tout. Aux premières interventions du Héraut visiblement en communion avec le Grand Machin, et à ses appels à Boudiné premier, il avait senti un sourire imbécile lui monter au visage. De grands efforts de contrôle sur ses zygomatiques lui avaient un instant fait penser qu'il ne serait pas remarqué et que la crise s'apaiserait d'elle même.
Hélas, entra en scène le borgne. Saisi d'effroi, Têf tenta désespérément et conjointement deux choses : repousser de son esprit le souvenir du dernier 'recueil' de poésie de l'individu, et contenir les gloussements d'un rire frénétique qui montait à ses lèvres.
Peine perdu, il dût laisser s'échapper quelques pouffements, qu'il transforma en quinte de toux dans ses poings serrés, les yeux exorbités, le visage rouge. Il se détourna pour ne plus regarder la scène et reprendre le contrôle. Mais c'était compter sans son ouïe. Il s'étrangla sur les quatrains de la comtesse, commença à pleurer et à se faire saigner les lèvres de tant les mordre, et lorsque le paon s'auto-cita, s'en fut trop.
Aveuglé par les larmes, il prit son coussin et se le colla sur le visage, laissant un hurlement de rire primal s'y étouffer, et s'y étouffer encore. Impossible à réfréner, le fou rire le secouait, il pleurait, hoquetait dans son pose-fesses rembourré, se pliait et se dépliait sur sa chaise au rythme de son hilarité incontrôlable. Il laissa ses yeux larmoyants et suppliants se lever au dessus du rempart de brocard, vers Jeannot, qui comprit et cessa de lui taper dans le dos pour l'entraîner par le coude hors de la salle, marchant à l'aveuglette, spastique et tête dans le coussin.
On lui fit place jusqu'à l'huis, pensant qu'il était malade, et lorsque la porte se referma derrière lui, il s'assit au pied du mur, s'effondra sur le côté, se secouant de droite et de gauche, reprenant haleine quand il pouvait, s'essuyant le visage inondé. Les gardes qui plantaient devant les vantaux furent gagnés par son fou rire, et avaient toutes les peines du monde à conserver leur sérieux, durant que le baron, épuisé, vidé, regardait ses mains sur ses genoux, détendu comme il ne s'était pas senti depuis longtemps, secoué de quelques hoquets résiduels.
Finalement, il trouva la force de se relever, se rhabilla, rajusta sa tenue, et affronta la grand porte de nouveau. Derrière se tenait l'épreuve du jour... ne pas lâcher de nouveau la bride à ce fou rire qui le hantait encore, replié sournoisement dans un recoin de son esprit... Il inspira... expira... inspira... hoqueta... secoua la tête, se tendit, et pénétra de nouveau dans la salle, le regard sur ses chausses.
Il regagna sa chaise, levant à peine le regard vers la comtesse qui était entrain de sceller quelques missives. sa gorge se serra... il respira, le nez pincé...
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"non quaerenda ratio quorum non est ratio."
Mais non : ça n'allait pas du tout. Aux premières interventions du Héraut visiblement en communion avec le Grand Machin, et à ses appels à Boudiné premier, il avait senti un sourire imbécile lui monter au visage. De grands efforts de contrôle sur ses zygomatiques lui avaient un instant fait penser qu'il ne serait pas remarqué et que la crise s'apaiserait d'elle même.
Hélas, entra en scène le borgne. Saisi d'effroi, Têf tenta désespérément et conjointement deux choses : repousser de son esprit le souvenir du dernier 'recueil' de poésie de l'individu, et contenir les gloussements d'un rire frénétique qui montait à ses lèvres.
Peine perdu, il dût laisser s'échapper quelques pouffements, qu'il transforma en quinte de toux dans ses poings serrés, les yeux exorbités, le visage rouge. Il se détourna pour ne plus regarder la scène et reprendre le contrôle. Mais c'était compter sans son ouïe. Il s'étrangla sur les quatrains de la comtesse, commença à pleurer et à se faire saigner les lèvres de tant les mordre, et lorsque le paon s'auto-cita, s'en fut trop.
Aveuglé par les larmes, il prit son coussin et se le colla sur le visage, laissant un hurlement de rire primal s'y étouffer, et s'y étouffer encore. Impossible à réfréner, le fou rire le secouait, il pleurait, hoquetait dans son pose-fesses rembourré, se pliait et se dépliait sur sa chaise au rythme de son hilarité incontrôlable. Il laissa ses yeux larmoyants et suppliants se lever au dessus du rempart de brocard, vers Jeannot, qui comprit et cessa de lui taper dans le dos pour l'entraîner par le coude hors de la salle, marchant à l'aveuglette, spastique et tête dans le coussin.
On lui fit place jusqu'à l'huis, pensant qu'il était malade, et lorsque la porte se referma derrière lui, il s'assit au pied du mur, s'effondra sur le côté, se secouant de droite et de gauche, reprenant haleine quand il pouvait, s'essuyant le visage inondé. Les gardes qui plantaient devant les vantaux furent gagnés par son fou rire, et avaient toutes les peines du monde à conserver leur sérieux, durant que le baron, épuisé, vidé, regardait ses mains sur ses genoux, détendu comme il ne s'était pas senti depuis longtemps, secoué de quelques hoquets résiduels.
Finalement, il trouva la force de se relever, se rhabilla, rajusta sa tenue, et affronta la grand porte de nouveau. Derrière se tenait l'épreuve du jour... ne pas lâcher de nouveau la bride à ce fou rire qui le hantait encore, replié sournoisement dans un recoin de son esprit... Il inspira... expira... inspira... hoqueta... secoua la tête, se tendit, et pénétra de nouveau dans la salle, le regard sur ses chausses.
Il regagna sa chaise, levant à peine le regard vers la comtesse qui était entrain de sceller quelques missives. sa gorge se serra... il respira, le nez pincé...
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"non quaerenda ratio quorum non est ratio."