Aldyr
[Les puces rêvent-elles de plumes en dentelles ?]
« Aldyr, jai une envie soudaine de boulanger De faire des petits pains avec vous, à laide du manche Baguette ou tire-bouchon, peu importe le nom »
« Je pétrirai vigoureusement pendant que vous manipulerez les miches précautionneusement »
« Affublé de votre tablier, votre tâche sera de veiller à la levure Tandis que mes poulaines farineront au fur et à mesure de la levée »
« De notre désir de boulanger naisse une multitude foisonnante de pelagineux-duveteux ! »
Brides de paroles dans un brouillard changeant, voix familière mais lointaine, comme un écho sans fin, tous les types de viennoiserie possibles et inimaginables défilaient devant ses yeux. La sarabande pâtissière lévitait autour de la caboche du vagabond. Pains, miches et autres baguettes semblaient, dans leur sautillement, le dévisager dun regard de plus en plus torve à chacun des passages devant son visage.
Immobile, comme spectateur enchaîné, paralysé, Aldyr contemplait la scène dans une incompréhension totale, une expression lunaire.
La brumaille liminaire se commuait maintenant en un décor plus commun, tandis que la danse boulangère avait subitement disparue. Quatre murs sans fenêtre, une chaleur étouffante à en faire donner le chant du cygne sur linstant à la plus résistante des cigales, le foyer de la fournaise se matérialisait par ce qui devait être une bouche crevant lun des pans de la pièce par sa luminosité rougeoyante et son rayonnement insoutenable. Se tenant devant, tournant apparemment le dos au vagabond, toujours pétrifié, trois pommes se chevauchant lune sur lautre saffairaient dans de rapides oscillations de leur hauteur contre cette bouche en brasier.
De sa posture de marbre, sans pour autant que sa volonté toute crottée dirigea ses pas ou que cela ne fut le mur où était ancré le fournil qui sapprocha, Aldyr se retrouva dans un battement de paupière aux côtés de ces trois pommes à la verticalité étrange, marnant incessamment. Sans crier gare, ces dernières firent volte-face. La plus haute des trois leva son trognon vers son visage avec lexpression à linstar des viennoiseries farandolant. Esquissant un sourire aux commissures angoissantes, le totem pommier brandit un tire-bouchon gigantesque de lextrémité dune de ses ailes assimilables à des bras, la partie en métal rougeoyé, une miche encore fumante et presque calcinée trônait au bout. La voix doutre-tombe résonna de nouveau, lampleur de lécho apparemment décuplé par la pièce surchauffée qui ne cessait point dêtre exigüe :
« Votre attirail est très approprié pour mon four Pétrir mes miches Surchauffer votre tire-bouchon Entre baguette, laligoté saurait être à point...Vous méritez votre tenue »
Les tenailles lâchèrent dun coup la faune et la flore du vagabond. La bombarde avait disparu. Médusé par cette voix, Aldyr baissa le nez contre sa poitrine. Incrédule, il put découvrir, parsemé de ses poils grandissant exponentiellement un tablier immaculé. De lautre, virevoltant dans le coin de son il, une bouteille dun liquide brun sapprochait imperceptiblement du tire-bouchon tenu par les trois pommes. Avant même quil ne réagisse dune façon ou dune autre, la ronde encore plus saccadée des viennoiseries reprit.
Tour à tour, dune miche, dune baguette ou dun autre pain, ses oreilles sifflaient :
« Pétrissez-moi...Trifouillez-moi De votre tablier !...Empoignez-moi Fourrez-moi De votre manche !...Besognez-moi Plumez-moi Poilez-moi De votre tire-bouchon ! »
Les murs de la boulangerie onirique tournoyaient de plus en plus, les yeux dAldyr avaient sans aucune mesure une difficulté réciproque à suivre lexcitation dansante. Dun sursaut inconscient et sans contrôle, il entreprit darracher ce tablier qui lui collait au corps et aux poils, les surchauffant. Avant même, entre deux gouttes de sueurs, que ses mains ne se saisissent des plis de la vêture, les pommes, revêtant un visage plus que familier, fondirent sur lui, tire-bouchon en avant, et de lautre aile un manche tout aussi immense.
La bouche déformée par un cri silencieux, les yeux se refermant par réflexe instinctif, souvrirent après un bref moment qui paru une éternité. Aldyr, dévisageant ce nouveau paysage, se surprit assis sur une berçante. Lavoisinant semblait être une masure dune couleur rose acidulée. Tout autour se faisait entendre le bruissement dune prairie herbeuse. De son côté, le soleil chatouillait son visage. Le paysage reflétait le bien être, lapaisement absolu. Baissant le regard vers ses bras en croix, une forme indescriptible se tenant au creux, se retourna sous les couvertures. Un visage informe, de poils, de plumes tout en ayant un visage angélique empourpré de farine lui cracha :
« Aldyr ! Je suis ton père ! »
[Apocalypse augurant]
Les puces déchine furent prises dune urgence vitale. Se relevant comme un salué dénudé, le vagabond poussa un cri en conséquence de son sommeil agité. Sa cape gisait à ses bottes. Dévêtu, les braies à lair, il se frotta lentièreté du visage tout en sentant perler des gouttes de sueurs contre le creux de son dos. Lil hagard ne reconnaissant point sur le moment le lieu ni le jour, des cloches se firent entendre au loin. Secouant la tête perlée, Aldyr maugréa, détachant chaque mot tel un murmure entre ses lèvres, constatant létendu de son sommeil :
Mâcon Cacahuète Je suis encore à Mâcon Seulement Mâcon...
Rejetant sa protection nocturne au contrebas du trou, le vagabond se campa sur ses deux pieds. Dodelinant de la tête en se passant une main sur le front, il se remémora les dires de sa duettiste, la veille :
« Je vais devoir vaquer »
En dautres termes, cela était une annonce, une invitation pour le premier jour où sinaugurait une boulangerie vagabonde Pire, on naurait pas mieux fait.
Balayant du regard son gourbi bourguignon, se revêtant, Aldyr ramassa et jeta sur son épaule le tablier si pieusement et plumeteusement offert. Dodelinant encore une fois sa caboche pour chasser la migraine naissante, il prit à plein bras le tas de branchages promis pour le bon fonctionnement de ce numéro qui sentait la roue libre et laléatoire jusquaux tréfonds de ses poils.
Mâcon, mâconnaise, faisons, faiseur, pérégrinant suivant les ruelles primesautières, dautant plus avec les premières lueurs du jour, ses pas le menèrent, vraisemblablement dans le quartier adéquat.
Tentant de lever le nez et dobserver derrière son tas de bois qui lui mangeait le visage les devantures qui soffraient à son aspect tout crotté, Aldyr articulait lentement ce quil pouvait lire tour à tour :
« Chez Bibi et Mimi La miche dorée à point »
« La boulangerie Mâconnaise Une miche Offerte La seconde En taverne Avec une baguette Frétillante »
« Lamour du pétrin Sous le comptoir »
« La belle miche Et la bête baguette »
« Prendre un pain Par la mie »
Dun pas chassé tout en manquant de trébucher, retenant son costume épaulé, à terre, les environs se faisaient dévisager. Lextrême limite de la ruelle subodorait les remparts puis la campagne à saluer, peut-être un jour Pour dautres générations de tous crottés. Aldyr remarqua dans une moue baguenaudant une devanture en ruine, où, quelques lettres à son frontispice se laissant deviner. Seul au monde, au moins il ne copulait pas avec une baudruche en attendant.
« Aldyr, jai une envie soudaine de boulanger De faire des petits pains avec vous, à laide du manche Baguette ou tire-bouchon, peu importe le nom »
« Je pétrirai vigoureusement pendant que vous manipulerez les miches précautionneusement »
« Affublé de votre tablier, votre tâche sera de veiller à la levure Tandis que mes poulaines farineront au fur et à mesure de la levée »
« De notre désir de boulanger naisse une multitude foisonnante de pelagineux-duveteux ! »
Brides de paroles dans un brouillard changeant, voix familière mais lointaine, comme un écho sans fin, tous les types de viennoiserie possibles et inimaginables défilaient devant ses yeux. La sarabande pâtissière lévitait autour de la caboche du vagabond. Pains, miches et autres baguettes semblaient, dans leur sautillement, le dévisager dun regard de plus en plus torve à chacun des passages devant son visage.
Immobile, comme spectateur enchaîné, paralysé, Aldyr contemplait la scène dans une incompréhension totale, une expression lunaire.
La brumaille liminaire se commuait maintenant en un décor plus commun, tandis que la danse boulangère avait subitement disparue. Quatre murs sans fenêtre, une chaleur étouffante à en faire donner le chant du cygne sur linstant à la plus résistante des cigales, le foyer de la fournaise se matérialisait par ce qui devait être une bouche crevant lun des pans de la pièce par sa luminosité rougeoyante et son rayonnement insoutenable. Se tenant devant, tournant apparemment le dos au vagabond, toujours pétrifié, trois pommes se chevauchant lune sur lautre saffairaient dans de rapides oscillations de leur hauteur contre cette bouche en brasier.
De sa posture de marbre, sans pour autant que sa volonté toute crottée dirigea ses pas ou que cela ne fut le mur où était ancré le fournil qui sapprocha, Aldyr se retrouva dans un battement de paupière aux côtés de ces trois pommes à la verticalité étrange, marnant incessamment. Sans crier gare, ces dernières firent volte-face. La plus haute des trois leva son trognon vers son visage avec lexpression à linstar des viennoiseries farandolant. Esquissant un sourire aux commissures angoissantes, le totem pommier brandit un tire-bouchon gigantesque de lextrémité dune de ses ailes assimilables à des bras, la partie en métal rougeoyé, une miche encore fumante et presque calcinée trônait au bout. La voix doutre-tombe résonna de nouveau, lampleur de lécho apparemment décuplé par la pièce surchauffée qui ne cessait point dêtre exigüe :
« Votre attirail est très approprié pour mon four Pétrir mes miches Surchauffer votre tire-bouchon Entre baguette, laligoté saurait être à point...Vous méritez votre tenue »
Les tenailles lâchèrent dun coup la faune et la flore du vagabond. La bombarde avait disparu. Médusé par cette voix, Aldyr baissa le nez contre sa poitrine. Incrédule, il put découvrir, parsemé de ses poils grandissant exponentiellement un tablier immaculé. De lautre, virevoltant dans le coin de son il, une bouteille dun liquide brun sapprochait imperceptiblement du tire-bouchon tenu par les trois pommes. Avant même quil ne réagisse dune façon ou dune autre, la ronde encore plus saccadée des viennoiseries reprit.
Tour à tour, dune miche, dune baguette ou dun autre pain, ses oreilles sifflaient :
« Pétrissez-moi...Trifouillez-moi De votre tablier !...Empoignez-moi Fourrez-moi De votre manche !...Besognez-moi Plumez-moi Poilez-moi De votre tire-bouchon ! »
Les murs de la boulangerie onirique tournoyaient de plus en plus, les yeux dAldyr avaient sans aucune mesure une difficulté réciproque à suivre lexcitation dansante. Dun sursaut inconscient et sans contrôle, il entreprit darracher ce tablier qui lui collait au corps et aux poils, les surchauffant. Avant même, entre deux gouttes de sueurs, que ses mains ne se saisissent des plis de la vêture, les pommes, revêtant un visage plus que familier, fondirent sur lui, tire-bouchon en avant, et de lautre aile un manche tout aussi immense.
La bouche déformée par un cri silencieux, les yeux se refermant par réflexe instinctif, souvrirent après un bref moment qui paru une éternité. Aldyr, dévisageant ce nouveau paysage, se surprit assis sur une berçante. Lavoisinant semblait être une masure dune couleur rose acidulée. Tout autour se faisait entendre le bruissement dune prairie herbeuse. De son côté, le soleil chatouillait son visage. Le paysage reflétait le bien être, lapaisement absolu. Baissant le regard vers ses bras en croix, une forme indescriptible se tenant au creux, se retourna sous les couvertures. Un visage informe, de poils, de plumes tout en ayant un visage angélique empourpré de farine lui cracha :
« Aldyr ! Je suis ton père ! »
[Apocalypse augurant]
Les puces déchine furent prises dune urgence vitale. Se relevant comme un salué dénudé, le vagabond poussa un cri en conséquence de son sommeil agité. Sa cape gisait à ses bottes. Dévêtu, les braies à lair, il se frotta lentièreté du visage tout en sentant perler des gouttes de sueurs contre le creux de son dos. Lil hagard ne reconnaissant point sur le moment le lieu ni le jour, des cloches se firent entendre au loin. Secouant la tête perlée, Aldyr maugréa, détachant chaque mot tel un murmure entre ses lèvres, constatant létendu de son sommeil :
Mâcon Cacahuète Je suis encore à Mâcon Seulement Mâcon...
Rejetant sa protection nocturne au contrebas du trou, le vagabond se campa sur ses deux pieds. Dodelinant de la tête en se passant une main sur le front, il se remémora les dires de sa duettiste, la veille :
« Je vais devoir vaquer »
En dautres termes, cela était une annonce, une invitation pour le premier jour où sinaugurait une boulangerie vagabonde Pire, on naurait pas mieux fait.
Balayant du regard son gourbi bourguignon, se revêtant, Aldyr ramassa et jeta sur son épaule le tablier si pieusement et plumeteusement offert. Dodelinant encore une fois sa caboche pour chasser la migraine naissante, il prit à plein bras le tas de branchages promis pour le bon fonctionnement de ce numéro qui sentait la roue libre et laléatoire jusquaux tréfonds de ses poils.
Mâcon, mâconnaise, faisons, faiseur, pérégrinant suivant les ruelles primesautières, dautant plus avec les premières lueurs du jour, ses pas le menèrent, vraisemblablement dans le quartier adéquat.
Tentant de lever le nez et dobserver derrière son tas de bois qui lui mangeait le visage les devantures qui soffraient à son aspect tout crotté, Aldyr articulait lentement ce quil pouvait lire tour à tour :
« Chez Bibi et Mimi La miche dorée à point »
« La boulangerie Mâconnaise Une miche Offerte La seconde En taverne Avec une baguette Frétillante »
« Lamour du pétrin Sous le comptoir »
« La belle miche Et la bête baguette »
« Prendre un pain Par la mie »
Dun pas chassé tout en manquant de trébucher, retenant son costume épaulé, à terre, les environs se faisaient dévisager. Lextrême limite de la ruelle subodorait les remparts puis la campagne à saluer, peut-être un jour Pour dautres générations de tous crottés. Aldyr remarqua dans une moue baguenaudant une devanture en ruine, où, quelques lettres à son frontispice se laissant deviner. Seul au monde, au moins il ne copulait pas avec une baudruche en attendant.