--Torgnole
Le panneau d'entrée de la taverne en bordure des docks s'ouvrit brusquement, en un coulissement bruyant, libérant le passage à la haute stature du plus mastoc des sous-fifres écaillés, Torgnole. En grimaçant, il tira une chaise à lui, et s'assit lourdement, parfaitement inconscient de rompre l'épais manteau de silence qui enveloppait les lieux. Il ne décolérait pas. Le Borgne n'était pas même là, lui qui lui avait donné rendez-vous ici, et Mieko, furibarde, qui l'avait envoyé bouler alors qu'il ne faisait que lui transmettre les commandes de la plèbe... Quelle foutue corvée.
En soupirant sans retenue, il s'appuya des deux coudes sur la table de granit brut, passa ses grandes mains rugueuses dans sa chevelure en bataille, et se releva, d'un geste puissant, pour arpenter le comptoir nerveusement, à grands pas.
Il n'y a donc rien à boire, ici!! Où sont les frangines?! Mais...
La brute se retourna d'un coup, et fut soudain frappée par l'étrange vacuité des lieux... Et par la présence de Mieko, en personne. Allons bon, elle n'était même plus à la forge... C'était un comble. Enfin, il n'avait pas son mot à dire, et n'avait pas d'autre choix que de poireauter en attendant le Borgne. Avec fracas, il quitta la pièce pour se diriger vers l'onsen et, dès qu'il y aperçut les jumelles en train de se prélasser, il se mit à aboyer, soulagé de pouvoir enfin décharger son trop-plein d'agressivité sur quelqu'un.
Et alors, les donzelles??! Z'êtes payées à rien foutre?? Vous allez me renfiler vos petits kimonos et venir me servir une bonne bouteille de saké, et en vitesse mes mignonnes.
Joignant le geste à la parole, il s'empara de l'une d'elles par le bras, et la força hors de l'eau, avant de lui coller son vêtement entre les mains. Sans attendre de se faire malmener à son tour, la seconde jeune femme sortit prestement, et récupéra le léger tissu afin de se vêtir, avant de se reprendre, un léger sourire aux lèvres. Le kimono toujours à la main, dénudée, elle s'approcha du grand gaillard en rage, et tenta une approche plus douce, lui caressant le torse de sa paume libre, tout en tâchant de le flatter un peu.
Allons, allons, beau Lézard... veux-tu te joindre à nous, peut-être...? Nous saurons te détendre, tu sais...
L'oeillade qu'elle lui lança n'eut pourtant pas le temps de faire son effet, qu'une gifle magistrale s'abattait déjà sur le doux minois...
Je veux du saké, tu comprends! Allez hop, au boulot!!
La phrase fut ponctuée d'une grosse claque sur la croupe encore nue, en guise d'incitation à se dépêcher un peu. Quelques minutes plus tard, le trio était de retour à l'intérieur, et Torgnole était de nouveau attablé, toujours pestant à tout va, avec quelques bouteilles alignées sur la table, en face de lui. L'autre avait intérêt à se magner.