Jusoor
Ju s'était échappée en courant de la nuit poussiéreuse de la mine. Avec un sourire aux lèvres, elle allait retrouver ce soleil qui commençait à tiédir l'hiver. Elle cligna des yeux et fronça le nez, comme à chaque fois qu'elle sortait de là.
Elle était rentrée depuis peu à Sémur, après des mois à cheminer sur les sentes du royaume. Elle devait s'installer et « grandir » désormais. Elle n'avait jamais été sédentaire, elle ne connaissait que les voyages, et se mettre face à cette nouvelle vie l'avait paniquée : angoisses, maux d'estomacs, sueurs froides, l'incertitude et la peur de l'inconnu avait provoqué tout cela...
Elle avait été agitée, troublée et était passée par mille états d'âme. Aujourd'hui elle acceptait l'idée et allait mieux.
C'est d'humeur joyeuse qu'elle arrêta le temps ce jour là.
Elle adorait faire ça. Pour y parvenir elle s'allongeait dans l'herbe moelleuse d'un pré, la terre chaude et rassurante sous elle et le ciel pour la protéger.
Le nez dans les primevères qui réapparaissaient précocement en cette fin d'hiver, elle coinça entre ses doigts des brins d'herbe, et les talons solidement plantés dans le sol, elle se perdit dans le ciel bleu et ses souvenirs. Elle ferma les yeux...
C'était ça "arrêter le temps".
De sa mémoire, son enfance à La Trémouille lui revint, sa douce amie Anjuli avec qui elle faisait moultes découvertes mais aussi moultes bêtises, ainsi que la Mère Gautier, petite vieille que les fillettes allaient voir pour se réchauffer le cur.
Un moment précis lui revint en plein visage et fit naître un sourire, un de ces sourires innocents qu'on ne garde que pour soi...
Ju se revit juchée sur une botte de foin, dans le pré de la Mère Gautier, 8 ou 9 ans à peine, écartant les bras, levant la tête au ciel et respirant à pleins poumons sous ce même soleil chaud. Un sentiment de toute puissance l'avait envahie, elle était maîtresse du monde et n'avait rien à craindre...
Elle n'avait pas vu Anjuli essayer de grimper et la rejoindre.
La botte avait perdu en solidité sous les assauts des deux enfants et Ju s'était étalée de tout son long en lâchant un retentissant «Aïeeeeeeuuuuhhhhh ».
Paniquée, la douce Anjuli avait hurlé et ainsi, averti la petite vieille qui les chérissait malgré tout.
Cette dernière, boiteuse, était arrivée en claudiquant et s'était penchée sur Ju pour la regarder. Malgré ses yeux aimants elle n'en avait pas moins tenu ces paroles :
« Ça ira Fille ! Fais donc point tant d'bruit pour si peu ! Serres tes poings P'tite ! T'en auras d'aut' eud' misères... ».
Ju, toujours les brins d'herbe coincés entre ses doigts, sourit de ce sourire qui était vraiment elle, et rouvrit des yeux pleins de douceur sur le ciel, comme au sortir d'une nuit rassurante.
Elle murmura alors :
"Temps, reprends ton cours maintenant... " et elle se leva au bout d'une minute ou deux, sereine, en direction du marché sémurois.
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Elle était rentrée depuis peu à Sémur, après des mois à cheminer sur les sentes du royaume. Elle devait s'installer et « grandir » désormais. Elle n'avait jamais été sédentaire, elle ne connaissait que les voyages, et se mettre face à cette nouvelle vie l'avait paniquée : angoisses, maux d'estomacs, sueurs froides, l'incertitude et la peur de l'inconnu avait provoqué tout cela...
Elle avait été agitée, troublée et était passée par mille états d'âme. Aujourd'hui elle acceptait l'idée et allait mieux.
C'est d'humeur joyeuse qu'elle arrêta le temps ce jour là.
Elle adorait faire ça. Pour y parvenir elle s'allongeait dans l'herbe moelleuse d'un pré, la terre chaude et rassurante sous elle et le ciel pour la protéger.
Le nez dans les primevères qui réapparaissaient précocement en cette fin d'hiver, elle coinça entre ses doigts des brins d'herbe, et les talons solidement plantés dans le sol, elle se perdit dans le ciel bleu et ses souvenirs. Elle ferma les yeux...
C'était ça "arrêter le temps".
De sa mémoire, son enfance à La Trémouille lui revint, sa douce amie Anjuli avec qui elle faisait moultes découvertes mais aussi moultes bêtises, ainsi que la Mère Gautier, petite vieille que les fillettes allaient voir pour se réchauffer le cur.
Un moment précis lui revint en plein visage et fit naître un sourire, un de ces sourires innocents qu'on ne garde que pour soi...
Ju se revit juchée sur une botte de foin, dans le pré de la Mère Gautier, 8 ou 9 ans à peine, écartant les bras, levant la tête au ciel et respirant à pleins poumons sous ce même soleil chaud. Un sentiment de toute puissance l'avait envahie, elle était maîtresse du monde et n'avait rien à craindre...
Elle n'avait pas vu Anjuli essayer de grimper et la rejoindre.
La botte avait perdu en solidité sous les assauts des deux enfants et Ju s'était étalée de tout son long en lâchant un retentissant «Aïeeeeeeuuuuhhhhh ».
Paniquée, la douce Anjuli avait hurlé et ainsi, averti la petite vieille qui les chérissait malgré tout.
Cette dernière, boiteuse, était arrivée en claudiquant et s'était penchée sur Ju pour la regarder. Malgré ses yeux aimants elle n'en avait pas moins tenu ces paroles :
« Ça ira Fille ! Fais donc point tant d'bruit pour si peu ! Serres tes poings P'tite ! T'en auras d'aut' eud' misères... ».
Ju, toujours les brins d'herbe coincés entre ses doigts, sourit de ce sourire qui était vraiment elle, et rouvrit des yeux pleins de douceur sur le ciel, comme au sortir d'une nuit rassurante.
Elle murmura alors :
"Temps, reprends ton cours maintenant... " et elle se leva au bout d'une minute ou deux, sereine, en direction du marché sémurois.
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