Abraxes
[Au pied de mon arbre
]
L'atmosphère était devenue bigrement électrique, mot encore peu usité au sens propre mais qui était venu comme ça à l'esprit d'Abraxes pour qualifier ce mélange d'orageux, chair-de-poulesque et hautement nervosifère qui semblait avoir gagné l'esprit de la forêt et tous ses occupants, lui inclus. Il était comme ça, le péquenot, poète fangeux ou précurseur de sciences à venir, tout le temps à inventer des mots en dorlotant ses cochons. En attendant, au lieu de cogiter il aurait mieux fait de vérifier ses appuis, car une branche qui casse et c'est tout le polygone de sustentation qui se trouve déplacé vers le bas. Ce qui arriva. Ce qui devait arriver, donc, si on considère les choses d'un point de vue finaliste, comme font les théologiens : Aristote devait considérer que, dans un plan d'ensemble harmonieux, il était bon que le cochonnier se cassât la tronche pour prendre définitvement en grippe le grimper d'arbre.
La branche se rompit. Abra chût de l'arbre branchu. Et, comme un malheur n'arrive jamais seul (Aristote aime le pair), il croisa dans sa dégringolade une boule poilue griffue qui grimpait tandis qu'il descendait. Loin d'être amorti par le pelage épais de la chose, le choc se doubla de frénétiques lacérations : la bête, car c'en était une, se cramponnait au dos de ce qui lui tombait dessus. Heureusement ce fut rapide, car déjà le sol arrivait et la violence de l'impact sépara les aéronautes.
Un instant plus tard, Abraxes put voir le monstre : c'était une de ces bêtes diaboliques qu'on appelle minou, celle-ci n'avait jamais dû dormir sur un coussin, elle était noirâtre et la queue striée, les poils de son dos hérissés par l'orage ou par la colère ne donnaient nulle envie de risquer une caresse. Les poils du Boucher eux aussi se dressèrent, même si l'effet dissuasif moins spectaculaire ne lui donnait pas un égal avantage psychologique sur l'adversaire. En tout cas ses réflexes étaient décuplés car, lorsque l'animal en furie bondit vers lui, il roula prestement sur le côté pour l'éviter et, saisissant sa fourche restée au pied de l'arbre, lui en porta un coup de manche qui l'estourbit provisoirement.
Tiens, prends ça, Méphistofélix !
Se remettant sur ses pieds tandis que l'autre vacillait, il hésita brièvement sur la conduite à adopter. Abandonner le combat, et du même coup le possible trésor qui lui avait fait de l'il depuis le nid de pie ? Après tant d'efforts, avec ou sans l'approbation d'Aristote, ce serait dommage Rosser le chat sauvage avec les dents de la fourche et l'étaler pour le compte ? Le boucher n'était pas si sanguinaire, et puis, une autre urgence se profilait : le cataclop cataclop s'était visuellement concrétisé en un bestiau de taille imposante qui fonçait dans leur direction, écrasant les fourrés sur son passage une espèce de gigantesque cerf, par chance dépourvu de ramure. Autant dire une biche, alors ? Tant mieux, Abraxes en toutes circonstances préférait le genre féminin, moins rugueux. Mais, bois ou pas sur le crâne, bibiche n'avait pas l'air commode, et était bel et bien en train de charger.
Donc, jaugeant la situation en un éclair (là, justement, il en tombait un pas loin), Abraxes tenta la conciliation : sans quitter du regard le félin qui hésitait aussi, il recula sans gestes brusques afin de prouver son désir de cesser le combat, et contourna le tronc de l'arbre, pour signifier que rien n'interdisait d'escalader chacun de son côté sans se chercher querelle.
Restait à espérer que le matou ait l'intelligence (et Ari aussi) de raisonner pareillement. Chacun pour soi !
_________________
Le plus pimpant éleveur de cochons de toute la côte ouest, et un vrai Saumurois s'il en est.
(la petite Reyne de l'Anjou, le 21 avril 1457 à Bourges lors du 5e GFC)
L'atmosphère était devenue bigrement électrique, mot encore peu usité au sens propre mais qui était venu comme ça à l'esprit d'Abraxes pour qualifier ce mélange d'orageux, chair-de-poulesque et hautement nervosifère qui semblait avoir gagné l'esprit de la forêt et tous ses occupants, lui inclus. Il était comme ça, le péquenot, poète fangeux ou précurseur de sciences à venir, tout le temps à inventer des mots en dorlotant ses cochons. En attendant, au lieu de cogiter il aurait mieux fait de vérifier ses appuis, car une branche qui casse et c'est tout le polygone de sustentation qui se trouve déplacé vers le bas. Ce qui arriva. Ce qui devait arriver, donc, si on considère les choses d'un point de vue finaliste, comme font les théologiens : Aristote devait considérer que, dans un plan d'ensemble harmonieux, il était bon que le cochonnier se cassât la tronche pour prendre définitvement en grippe le grimper d'arbre.
La branche se rompit. Abra chût de l'arbre branchu. Et, comme un malheur n'arrive jamais seul (Aristote aime le pair), il croisa dans sa dégringolade une boule poilue griffue qui grimpait tandis qu'il descendait. Loin d'être amorti par le pelage épais de la chose, le choc se doubla de frénétiques lacérations : la bête, car c'en était une, se cramponnait au dos de ce qui lui tombait dessus. Heureusement ce fut rapide, car déjà le sol arrivait et la violence de l'impact sépara les aéronautes.
Un instant plus tard, Abraxes put voir le monstre : c'était une de ces bêtes diaboliques qu'on appelle minou, celle-ci n'avait jamais dû dormir sur un coussin, elle était noirâtre et la queue striée, les poils de son dos hérissés par l'orage ou par la colère ne donnaient nulle envie de risquer une caresse. Les poils du Boucher eux aussi se dressèrent, même si l'effet dissuasif moins spectaculaire ne lui donnait pas un égal avantage psychologique sur l'adversaire. En tout cas ses réflexes étaient décuplés car, lorsque l'animal en furie bondit vers lui, il roula prestement sur le côté pour l'éviter et, saisissant sa fourche restée au pied de l'arbre, lui en porta un coup de manche qui l'estourbit provisoirement.
Tiens, prends ça, Méphistofélix !
Se remettant sur ses pieds tandis que l'autre vacillait, il hésita brièvement sur la conduite à adopter. Abandonner le combat, et du même coup le possible trésor qui lui avait fait de l'il depuis le nid de pie ? Après tant d'efforts, avec ou sans l'approbation d'Aristote, ce serait dommage Rosser le chat sauvage avec les dents de la fourche et l'étaler pour le compte ? Le boucher n'était pas si sanguinaire, et puis, une autre urgence se profilait : le cataclop cataclop s'était visuellement concrétisé en un bestiau de taille imposante qui fonçait dans leur direction, écrasant les fourrés sur son passage une espèce de gigantesque cerf, par chance dépourvu de ramure. Autant dire une biche, alors ? Tant mieux, Abraxes en toutes circonstances préférait le genre féminin, moins rugueux. Mais, bois ou pas sur le crâne, bibiche n'avait pas l'air commode, et était bel et bien en train de charger.
Donc, jaugeant la situation en un éclair (là, justement, il en tombait un pas loin), Abraxes tenta la conciliation : sans quitter du regard le félin qui hésitait aussi, il recula sans gestes brusques afin de prouver son désir de cesser le combat, et contourna le tronc de l'arbre, pour signifier que rien n'interdisait d'escalader chacun de son côté sans se chercher querelle.
Restait à espérer que le matou ait l'intelligence (et Ari aussi) de raisonner pareillement. Chacun pour soi !
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Le plus pimpant éleveur de cochons de toute la côte ouest, et un vrai Saumurois s'il en est.
(la petite Reyne de l'Anjou, le 21 avril 1457 à Bourges lors du 5e GFC)