--Joaquim
Un soir, dans la région du Minho au Portugal, région frontalière de la Galice.
Un homme dâge mur, assis une plume à la main, est penché sur un parchemin.
Lhomme, grand gaillard aussi fort quun ours, les cheveux blancs coupés à la brosse, de longues moustaches tout aussi blanches et une barbe de trois jours rédige une missive.
Lair sévère, il se tient les côtes.
Malgré sa carrure imposante il semble très marqué par la douleur.
Lettre à mon fils Rodrigo don Setubal,
Moi, Dom Joaquim Joao Do Setubal do Minho, je te réclame mon fils. Malgré nos différents, nos brouilles, il est temps pour toi de venir retrouver ton pauvre père qui te réclame.
Hâte-toi mon fils !
Sinon, il se pourrait que tu arrives trop tard.
Jai, je dois le dire, une santé de fer. Mais devant les derniers évènements, je me demande si ma dernière nest pas arrivée. Il est vrai que ma retraite sur mes terres ma rouillée.
Moi, qui aie servi mon pays. Moi un bâtard de feu notre roi Jean. Me voici minable, bloqué sur une chaise à me faire torcher par des laquais.
Peste soit sur la vieillesse !
Mon fils, il faut que tu saches quavant ta naissance moi aussi jai parcouru les routes, fais des guerres, et même si cela peut te surprendre jai brigandé.
Je tai négligé, et ignoré mais il arrive un âge où les fautes appellent à être réparées.
Je dois te confesser que ma vie na pas été toujours aussi tranquille et champêtre quaujourdhui.
Jai connu la guerre et les champs de bataille. Jai même pris une fois une nef pour me rendre sur un lieu de conquête. Tu vois lappel du large est dans nos veines, fils !
Certes tu es le premier notonier, mais tu nes pas le premier de la famille à navier.
Même si je hais tous ces sacs à foutres de grands nobles et de courtisans, jai servi mon roi et mon pays. Il est vrai que je me suis fourvoyé avec un homme que lon surnommé l'Empereur des brigands ou l'Écorcheur. Nous avons mis à feu et à sang une grande partie du royaume de France.
Notre compagnie de brigandage était puissante, avec elle nous avons connus de nombreuses batailles. Hélas, et je me repends nous avons également perpétré nombre dactes répréhensibles :
pillages, massacres, viols, enlèvements, buchers, tortures, oui jai participé à tous ça !
Les rançons, les ripailles, les tueries, les catins étaient mon quotidien.
Nous avons changé plusieurs fois de camps dans les guerres qui ravageaient le royaume, servant tour à tour la Bourgogne, la Savoie, le Dauphiné, le Bourbonnais et les trahissant tous dès que largent manqué. On sest également distingué en infligeant une raclée aux fourriers du roi de France.
Jétais un des lieutenants du chef de cette armée. Il sappelait Rodrigue, tu devineras doù te vient ton prénom. Dorigine espagnole, notre capitaine voulait revoir son pays. Cest un castillan, quelle ironie, moi qui est combattu la castille dans ma jeunesse ! Me voici au service dun de leur plus fameux capitaine ; héritant au passage de mon surnom dArminho en lhonneur de ma région le Minho et de mon caractère aussi teigneux quune hermine.
Imagine, cette troupe hétéroclite se déplaçant et ne laissant rien debout après son passage. Les « Attila » médiévaux navaient aucune pitié. Ces mercenaires sanguinaires de toutes nationalités ne connaissaient nul repenti.
Imagine, ce mélange dangloys, castillans, français, espagnols, portugais, savoyards, lorrains, bretons, bourguignons, francs-comtois, et jen passe. Notre unique patrie était la brigande. Est-ce pour largent ou le combat ?
Nuls châteaux, bastides, ou places fortes ne résistaient, nous entrainant sans cesse vers leuphorie de la victoire. Nous étions grisés par tant de réussites.
Nous avons terrorisé le sud, et traversé les Pyrénées. Notre capitaine a rejoint la Castille et sest rangé. Jen ai fait pareil. Il mène à présent une vie de reclus. On ma rapporté quil était gravement malade. On dirait que nous sommes maudits et que nos crimes nous rattrapent.
Je me suis donc retiré sur mes terres. Je me suis repenti depuis cette époque, grâce à ta mère. Tu es né sur une de mes propriétés à Setubal.
Tu hériteras de toutes ces terres à ma morte. : une partie du Minho, Setubal, Braga et quelques arpents de terre dans le Tras-Os-Montes.
Je técris cette confession pour le salut de mon âme. Mais ce qui mimporte le plus est dêtre en paix avec toi.
Tant dannées dabsence, tes combats, tes aventures je veux que tu me contes tout.
Et noublie pas Isabella !
Le mariage est encore dactualité.
Il faut maintenant que je texplique pourquoi ce désir soudain de te voir et de me confesser. Jai défendu la vie de ta belle contre une bande de brigands amateurs. Je lescortais jusquà ses parents. Lors dun arrêt dans une taverne, trois gredins nous ont attaqués, voulant nous détrousser et certainement abuser de lhonneur de ta promise. Jen ai retenu deux, serrant leur tête sous mes bras. Par contre le troisième larron ma brisé les reins avec un tabouret. Sous la douleur de mille poignards, jai brisé la nuque des deux jeunes freluquets. Le dernier a été abattu par mon écuyer.
Seul face contre terre jai cru ma dernière heure arrivée, ce nest que partie remise. Je crains de sentir à nouveau le souffle fétide de la morte.
Je voudrais me racheter de mes crimes et faire une bonne uvre avant de rejoindre les enfers.
Les excès de madère ou de vin de porto ne mapportent la tranquillité de lesprit que quelques heures. Les parents dIsabella ont contracté une dette envers moi. Le mariage pourra se faire quand tu le souhaiteras. Rapidement jespère !
Je ne sais pas si je me remettrais de mes blessures.
Ce mariage est un gage davenir radieux pour toi. Je te le jure sur le sceau de notre famille. Ce sceau sacré que je garde en sureté.
Une dernière fois, Rodrigo jimplore ta visite.
Mon fils que ton voyage soit sans danger.
Dom Joaquim Joao Do Setubal do Minho dit Arminho
Le vieil homme posa sa plume, soufflant sur le parchemin. Il fit fondre un peu de cire et appuya fortement le sceau où figuraient ses armoiries.
Il appela un page :
Mon fils se trouve à Paris, à la cour des miracles. Retrouve-le ! Remet lui cette missive !
Inutile de revenir si tu ne le trouves pas !
Lancien était craint de ses serviteurs. Il était aussi doux et aimable quun ours affamé.
Borne RP rajoutée par Milo