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[RP] De la roulotte à l'hacienda

--Malika



Malika ne pèse guère plus qu’une bulle de savon entre les bras vigoureux de son amant. Soulevée sans effort et déposée sur Tempête, elle se pelotonne contre son beau Portugais et lui rend ses baisers avec passion. L’angoisse de sentir de rudes mains masculines se poser sur elle s’est évaporée, désormais ,elle apprécie de plus en plus toute la tendresse de son Rodrigo, ainsi que les caresses qu’il lui prodigue à la moindre occasion, de manière inattendue ou non.

Mais soudain le bel étalon de son compagnon s’agite, après s’être longuement désaltéré. C’est le signal du départ. Malika reprend sa place sur Terra, et ils franchissent au galop le petit pont de bois qui enjambe le ruisseau. Direction le sud ,la route était encore longue, les Pyrénées, difficile a franchir et, au-delà, la péninsule ibérique et les parents de Rodrigo.

Elle se demandait comment ceux-ci allaient l’accueillir ? Surement sans plaisir, elle, une fille qui n’avait aucun titre de noblesse, du moins dans leur monde, parce que dans le sien elle était fille d’un grand lettré et d’une fille de chef de clan, ce qui était l’équivalent des titres qu’ils pouvaient avoir.
Il fallait qu’elle leur montre qu’ils ne l’intimidaient pas et qu’elle était leur égale.

Après une longue chevauchée, les deux cavaliers, suivis comme leur ombre par le brave Igor empruntent une route plus large, en meilleur état que les précédentes. Sans doute mène t’elle à une agglomération plus importante, et ils y dénicheront certainement une auberge accueillante avant que la nuit ne tombe.
Ils arrivent aux portes de Poitiers , ses cousins lui ont fait une description précise de la flèche de la cathédrale et lui ont raconté la célèbre bataille qui s’est déroulée ici.
Pas d’erreur possible ! Ils repartent au galop et pénètrent dans la ville alors que l’obscurité s’installe progressivement.

Rodrigo repère une gargote à l’aspect sympathique, et ils confient leurs montures à un gamin souriant et très intrigué par le petit singe qui lui saute dessus, il se présente à eux comme le fils de l’aubergiste. Igor se couche sous une table tandis qu’ils s’assoient face à face, hélant le patron qui surgit des cuisines en s’essuyant les mains à son tablier. D’excellentes odeurs de cuisson l’accompagnent et déclenchent chez eux une forte envie de commander tous les mets que le brave homme énumère.
Ils se décident pour un pâté bien chaud ,un petit fromage de chèvre et quelques fruits accompagnés d’un vin léger.
La route et l’amour ouvrent l’appétit et c’est les yeux dans les yeux qu’ils trinquent au bon déroulement de leur voyage……
Amorrr!!!à la vie!!!!à l'Amourrrrrr!!
--Joaquim



J’entends un coq au loin, je vois la lumière à travers mes paupières fermées, je me réveille doucement, j’ai un peu froid, je remonte la couverture sur moi…

J’ouvre les yeux. C’est une étrange sensation, je vois bien une chambre cossue, confortable, mais je ne sais pas où je suis…
Aurais-je abusé du porto hier ?

J’ai beau essayer de me rappeler ; je ne me souviens de rien…
Qu’ai-je bien pu faire hier soir ?
Avec qui étais-je ?
Qui a bien pu profiter de cette soirée avec moi ?
Mais au fait j’essai de me rappeler, mais aucun nom ne vient.
Quel est mon nom ?
Euuhhh…

Non, non, ne panique pas !
Piuuffff, voilà que je transpire, je sens mon visage rougir et chauffer comme une buche dans un âtre.
Arrrr mon cœur !
Arrrrrrgggg sssssccchhttt j’ai mal !
AAAAhhh pas possible d’appeler !
AAHH AHHH… mon bras est engourdi !
Respire ! Calme-toi ! Respire !

AAAAHH cette douleur….
Mon dieu, je suis en train de mourir !
NOOONNN…NNOOOOONNNN…pas maintenant, pas maintenant…

Pppppffffffoouu …hhaaaaaaann….ppppfffffffooouuu

AAhh palsembleu !
Quelle douleur !
Quelle panique !

On dirait que ça s’atténue !

Mon heure n’est donc point arrivée.
Me redresser, il faut que je me lève.

Voilà ! Assis, ça ira mieux. Respire profondément Joao… Ah voilà la mémoire me revient…
Pourquoi, avais-je oublié jusqu’ à mon nom tout à l’heure…en tout cas pas besoin de ce choc, de cette douleur à la poitrine pour pouvoir me souvenir… ça va me tuer ce type de médecine…

Mon fils, presse-toi… Mon temps sur ce lopin de terre est compté.
Cette partie de cache-cache avec le diable ne va pas durer éternellement. Je réussirai peut être encore une ou deux parties d’échec avec ce baiseur de destins, mais il va vite me tirer par les pieds pour retrouver les bougres de pécheurs.
Et c’est pas maintenant que je vais aller voir un de ces sodomites de curés pour me faire absoudre. Seul mon fils saura me laver de mes péchés.

D’abord la caboche qui me joue des tours… un jour je ne me rappellerai plus qui je suis… Remarque c’est peut être la seule issue à une vie de tueries et de débauches… la seule possibilité d’aller voir les verts pâturages de l’au-delà et de retrouver toutes les vierges que j’ai engrossé… et celles que j’ai égorgé après avoir fait couler le sang de leur innocence.

Et puis mon cœur, ce fidèle compagnon va me lâcher !
Peut être est-il trop fatigué d’avoir pleuré… Trop triste d’avoir dû supporter mes horreurs…
C’est pourtant moi qui lui en veux de ne pas avoir lâché avant…
Avant que ma vie ne dérape et ne deviennent le théâtre des turpitudes et des tortures infâmes…
Oui ! Je lui en veux, il a été trop lâche de ne pas s’être arrêter avant le grand massacre.

Je vais enfin voir ce qui retourne de la justice des dieux, celle des hommes est inexistante, et ne va qu’aux possédants…
Bientôt, fils du diable tu rejoindras les cohortes des ténèbres ou tu paieras pour tes atrocités.
Diantre, cette transpiration… je dois faire de la fièvre…
Que dois-je faire ? Me laisser mourir à petit feu ? Est-ce que je paie déjà pour cette vie d’immondices.
Je ne savais pas que le trait d’union était assuré entre la vie présente et la vie future.

Par le sang de mes ancêtres, il n’est pas dit que je mourrai dans cette couche !
Je fais le serment de me racheter un peu… seigneur, même sans être ton débiteur, donne moi la force d’accomplir une dernière mission… Une seule ! Une du côté du bien…

Je vais pas crever comme un chien, foi de Joao.

Après avoir régler mes affaires avec mon fils, je quitte ces terres et j’entreprends une « quête du bien »…
Elle vient peut être tard. Il y a des années que je n’ai pas fait le mal autour de moi. Hélas dans mes jeunes années j’ai accumulé des siècles de damnations.

Il faut bien rééquilibrer tout ça… J’espère le faire avec toi mon fils.

Mes ambitions m’ont trahi, mes engagements aussi… je m’en aperçois bien tard !

Mon fils presse-toi, un mourant te réclame !
Seigneur accorde lui ses volontés comme tu donnes le pain de ce jour…
Je connais le cœur des hommes et la bonté des femmes mais je suis désarmé devant la volonté du seigneur…
--Dona_isabella


Un mélange de joie et de tension se forme dans le boudoir luxueux d'Isabella, qui crie et donne des ordres, s'affole, ne sait plus où se donner la tête. Les bagages s'empilent, tous aussi pleins les uns que les autres, remplis de babioles inutiles, de cadeaux à offrir à sa belle famille, de robes, de bijoux, d'accessoires... Tout y passe, de la vieille broche payée par Joachim Joao Do Setubal do Minho, le père de Rodrigo, qu'elle n'avait mise qu'une fois car celle-ci n'était réellement pas à son goût, à des poulaines très chaudes malgré le temps estival. Des fois qu'il pleuve, qu'il fasse plus froid, répondait t-elle lorsqu'Inès, en raisonnable domestique, lui en demandait l'utilité.
Celle-ci l'aide à enfiler sa robe d'Ourém, tout un combat d'ailleurs. Le corset, si difficile à enfiler... Il faut cesser de respirer pendant une minute complète, rentrer son ventre, le temps que les lacets se soient serrés dans son dos. C'est à peine si sa poitrine déborde, mais c'est ce qui la met en valeur.
Une fois la guerre terminée avec le corsage, tout va beaucoup plus vite. En deux temps trois mouvements, la voilà magnifiquement habillée de sa robe de velours blanche et pourpre brodée aux armoiries de sa famille, un ceinture de cuir sous les seins, et pour la touche finale une chaine fine de perles d'or. Elle avait décidé de laisser ses cheveux détachés, ce qui lui donnait une pointe de sauvagerie et accentuait sa sensualité.


L'excitation s'était poursuivie jusqu'à ce que la gouvernante lui pose quelques questions auxquelles elle n'avait pas réfléchi, la réponse était pourtant claire.
Elle s'assoit de nouveau près de sa coiffeuse en croisant les jambes, habitude coquette qui ne la quittait pas depuis ses 3 ans.


Mmmh... oui, tu viens avec moi. Je vais avoir besoin de ton aide, surtout pour me préparer. Tu sais donner les bons conseils, Inès, toi seule me connais bien. Donc, vas faire ta malle, et dépêche toi. Je vais prévenir mes parents en attendant.

Aussitôt dit, aussitôt fait, la voilà qui dévale les escaliers, une main glissant sur la rambarde de bois, l'autre tenant ses jupons interminables.
Sur le fauteuil du salon, son père, Diogo Gonzales d'Almirante, une moue sérieuse et les sourcils gris froncés sur le visage, est concentré sur une lecture d'un livre intellectuel, parlant sûrement de médecine ou d'armée.
Sa mère, Silvia Gonzales d'Almirante, belle femme aux traits fins bien que dominée également par l'âge, pensive, assise près de la fenêtre qui laisse apercevoir un soleil radieux à l'extérieur, écrit sur un parchemin, comme tous les jours. Des notes, des souvenirs, des pensées. Plus tard, elle sera célèbre grâce à ses chroniques, avait-elle annoncé à la famille.

Isabella roule des yeux par ce spectacle Ô divertissant. Ses parents n'avaient que ça à faire de la journée : parfaire leurs connaissances ou espérer un jour devenir riche et glorieux. Ils le sont déjà, ils ne s'en sont pas encore rendu compte?


Père, mère, j'ai reçu une lettre de doña Philippa. Elle nous invite à passer quelques jours chez eux car Rodrigo est de retour! Souhaitez-vous venir? La famille des Joao Do Setubal do Minho sera ravie de vous revoir... finit-elle en regardant en coin Diogo, un sourire presque moqueur sur les lèvres.

Après un long silence, alors que la jeune fille s'apprête à répéter tout ce qu'elle venait de dire, se souvenant que ses parents sont vieux et qu'ils ont sûrement des problèmes d'audition, son père prend la parole :

Revoir ce sottard d'Arminho, ce vieux prétentieux qui se croit meilleur que les autres et le remercier de t'avoir sauvé la vie ? Non merci, ça sera sans moi.

Silvia, toujours le nez dans son parchemin, laisse échapper un soupir éreinté. Ça, c'est du Diogo tout craché. Grognon et rancunier. Et surtout peureux, ne voulant pas affronter sa futur belle famille en face.


Alors je vais venir avec toi, Isabella. Je vais préparer mes affaires et nous partirons ce soir, lâche t-elle simplement. C'est toujours la même chose, elle suit sa fille comme son ombre, la gâtant de son mieux et acceptant ses choix les plus dingues et des fois indignes d'une Gonzales d'Almirante, mais c'est surtout pour combler l'absence de son père qui, lui, se montre invisible depuis plusieurs années déjà.
--Rodrigo




Une myriade d’étoiles illumine leurs regards, à présent qu’ils se mangent des yeux avec une infinie tendresse. Après un bref instant de réflexion, qu’il tente en vain de dissimuler, Rodrigo répète les derniers mots de Malika en hochant la tête.

Oui, mon ange, trinquons à notre rencontre et à notre amour … Mais vois-tu, trésor, je suis quand même inquiet par cette lettre de mon père. Ce n’est pas dans ses habitudes de réclamer ainsi ma présence.

Le jeune officier continue, son ton affectueux démentant ses mots … Ce vieux brigand est bâti comme un chêne, têtu comme une mule, fort comme un taureau, et jamais il n’a eu besoin de moi, ni de personne d’autre d’ailleurs. Faut-il en déduire que son état est vraiment préoccupant ? Ou bien a t’il certaines préoccupations qui l’incitent à me rappeler auprès de lui ? Je l’ignore …

Rodrigo tend la main par-dessus les plats et les couverts disposés sur la table, et caresse doucement le visage de sa compagne. Malika ferme un instant les paupières, et pose sa joue dans la paume de la main de son amant. La jolie frimousse de l’adorable gitane est couverte de poussière fine, celle qui tourbillonne dans l’air selon les caprices de ce vent froid qui mord la peau à pleines dents. Sa chevelure dorée est emmêlée, mais jamais il ne l’a trouvée aussi ravissante, aussi désirable. Son cœur déborde d’amour, comme un torrent jaillissant de son lit de rochers lorsque survient l’orage.

Un large sourire, et il poursuit … Mais ce soir est à nous ! Profitons de ce somptueux dîner. C’est un véritable festin de roi que ce brave aubergiste nous a concocté !

Puis, à voix basse, avec un regard coquin … Mais la chose la plus appétissante est assise en face de moi, mon cœur, et j’y goûterais volontiers, mais pas devant tout le monde. Peut-être là-haut, en guise de dessert, qu’en penses-tu ma chérie ?

Son sourire est contagieux, leurs doigts se joignent et se serrent tendrement. Sous la table, près du museau d’Igor, qui ne s’attendait pas à une telle compagnie, ils allongent la jambe, et leurs pieds se frôlent en un attouchement exquis et révélateur. Oui, ce même désir est en eux, puissant, intense. Et ils ne font guère honneur à la gastronomie française. Ils mangent rapidement, ils dévorent sans apprécier les mets. Oui, ils sont déjà là-haut, en pensées, enlacés sur un lit moelleux. Quelques écus passent vivement dans les mains de l’aubergiste affable, un peu surpris de leur précipitation, et le gamin souriant les précède dans les escaliers en jouant avec un impressionnant trousseau de clefs.

Chambre 3, au fond du couloir. Enfin. La porte à peine refermée par le mioche, Rodrigo soulève Malika par la taille et la dépose sur la couche. Leurs bouches se dévorent, et ses doigts impatients dénudent le corps superbe de la fille du vent, leurs vêtements épars formant aussitôt de petits tas soyeux sur le plancher. Leur passion, leur fougue, les emportent dans ce sublime voyage qu’on entreprend à deux, dans ce tourbillon infini de volupté et de tendresse. Leurs gémissements étouffés, leurs aveux enflammés, se font écho dans la nuit, jusqu’à cet ultime cri d’amour qui s’échappe au même instant de leurs lèvres. Haletants, ils se serrent l’un contre l’autre, et le matin les surprend, encore enlacés, leurs corps naviguant entre sommeil et caresses mille fois renouvelées.

Comme convenu la veille avec le patron de l’auberge, des coups discrets retentissent à la porte. C’est déjà l’aurore, et ils reprennent rapidement la route après un petit déjeuner copieux.

--Malika



La nuit a été courte, leurs corps sont rompus par le plaisir, par cet amour immense qui les emporte tel un ouragan en furie et qui les dépose dans un monde que Malika ne connaissait pas. Un monde rien qu’à eux, dont elle découvre toutes les facettes dans les bras de son amant.

Mais déjà un grattement à la porte, il n’ont pas le loisir de paresser, il est temps de se lever et de reprendre la route.

L’Esprit de Malika est en alerte. Cette nuit, elle a vu en songe un homme aux cheveux blanc souffrir atrocement. Traversé par une douleur fulgurante, il perdait même conscience après avoir appelé Rodrigo d’une voix faible et pitoyable. Ses songes ne l’ont jamais trompée, sa grand-mère l’a aidée à apprendre et écouter ce qu’ils lui révèlent, c’est un sens qu’elle a développé et qui n’est pas à la portée de tout le monde.

Heureusement, elle maîtrise parfaitement ce don, toutefois sans jamais l’avouer à personne. Elle ne tient pas à monter sur un bûcher et à finir en cendres, considérée telle une sorcière comme bien souvent les filles de son peuple? Elle sait que seul le silence la protége.

Mon Chérrri ! Il faut fairrre la rroute au plus vite. Ton père va mal, trrrès mal.

Rodrigo la regarde, les yeux ronds, remplis d’incompréhension. Elle lui sourit en baissant les yeux.
Des questions lui brûlent les lèvres, ça paraît évident. La fille du vent aurait-elle réellement quelques pouvoirs surnaturels ? Est-ce une légende, cette faculté attribuée aux gitanes de visualiser des événements lointains, ou bien est-ce simplement une intuition, un pressentiment, auxquels elles attachent une valeur considérable ? Malika les connaît à l’avance, les interrogations de son beau portugais. Elle sait qu’elle peut lui parler ouvertement et en toute franchise de ses dons ancestraux, remettant ainsi sa vie entre ses mains.

Mais l’aubergiste est là, à deux pas, occupé à débarrasser les tables des petits déjeuners, et échangeant quelques mots aimables avec ses clients les plus matinaux.
Non, pas question d’aborder ce sujet devant lui, bien entendu. Une parole qui échappe, un air entendu et c’en sera fait d’elle. L’Inquisition est partout, ici mais surtout dans les pays du Sud, le Royaume d’Espagne qu’ils doivent traverser, et le Portugal, fief des parents de Rodrigo.
Elle a peur de la cruauté des humains, la jeune gitane, elle qui ne croit qu’en la beauté des choses, les arbres centenaires ou les frêles pousses fleuries dès le printemps, les saisons qui inlassablement reviennent d’une année sur l’autre, toutes aussi belles et différentes, l’astre brûlant du jour, et ceux de la nuit, d’un blanc pur et lumineux, aux forces de la terre, des océans, du vent qui sait se faire doux et rafraîchissant, ou puissant et dévastateur.

Oui elle est bien la fille du vent, de la liberté, de l’amour !

Ils sortent après un ultime remerciement pour le propriétaire. Rolio fait diversion en venant se poster sur l’épaule de sa maîtresse, tenant dans ses petites mains une pièce d’argent. Petit voyou tu ne peux pas t’empêcher de fairrre des bétises ? Où l’as-tu prrrrise ?

Leurs chevaux sont déjà dans la cour, soignés et bichonnés par le fils du patron, et Malika tend l’écu au gamin. Il en fera bon usage. Et les deux cavaliers reprennent leur long périple. Cependant, après quelques dizaines de mètres, Malika interrompt la course de sa monture, et insiste auprès de Rodrigo pour qu’il en fasse de même. Elle lui doit la vérité. Pas de dissimulations entre eux,Elle pose la main sur le bras du jeune officier.


Amourrr ! Je ne sais comment t’expliquer, mais j’ai quelquefois des révélations qui s’imposent à mon esprrrit. Et cette nuit, à plusieurs rrreprises, j’ai distingué le visage souffrant de ton papa. Il t’appelle, il ne va pas bien du tout. Je me trrrompe rrarement, mon coeurr, il est préférrable que nous ne perrrdions pas de temps.

Rodrigo hoche la tête. Croit-il à ces affirmations ? Malika l’ignore. De toute manière, elle ne désire pas lui imposer les croyances de son peuple. Mais, visiblement, son amant a décidé d’en tenir compte. Il lui serre doucement la main, lui sourit, puis pousse un grand cri qui la fait sursauter, et les deux montures repartent au galop vers les Pyrénées, poussées par leurs cavaliers pressés d’arriver à destination.
--Rodrigo




Limoges, Périgueux, et ensuite une large boucle à travers la campagne pour éviter Bordeaux. Ils chevauchent à présent depuis plusieurs jours, réduisant au maximum le nombre de haltes, ainsi que leur durée. Les yeux continuellement fixés sur la ligne d’horizon, par dessus la cime des arbres, ils espèrent. Oui, ils espèrent apercevoir enfin les premiers contreforts escarpés des Pyrénées. D’après leurs estimations, bien approximatives cependant, ils en seront alors à la moitié de leur expédition.

Et soudain, au détour d’un sentier se glissant dans l’ombre épaisse d’une forêt de pins, les voilà ! Le paysage est à couper le souffle ! Droit devant, les montagnes grandioses sur lesquelles viennent s’appuyer un long chapelet de nuages qui s’effilochent. Magie de l’instant. Malika et Rodrigo se sentent minuscules face à ce cortège de sommets baignés de lumière. Et là, en contrebas, entre deux bouquets de pins et de cèdres s’étirant vers le ciel, l’Atlantique, qui vient se briser en vagues incessantes et mourir contre les rochers de la côte. Silencieux, les deux cavaliers, à l’arrêt, ne peuvent décrocher leurs regards de tant de beauté et d’harmonie.

Adiù, quin te va ? Un vieux paysan à l’accent rocailleux, la hache posée sur l'épaule et tirant derrière lui son âne lourdement chargé, les fait sursauter par son bonjour joyeux et amical. La conversation s’engage. Le montagnard leur indique les sommets les plus remarquables, les nomme, les décrit, avec affection, comme s’il s’agissait de ses enfants. Il leur dépeint les torrents glacés et tumultueux se faufilant entre les talus et les éboulis, l’isard roux et peureux, au front gracieux surmonté de petites cornes, le vautour fauve qui niche dans les failles du rocher.

L’après-midi étant déjà bien avancée, il leur propose de le suivre jusqu’à sa cabane, isolée du reste du monde, et d’y passer la nuit. L’hospitalité des autochtones n’est pas une légende.

Rodrigo a le dos en bouillie et le fessier en compote. Depuis le matin, sa blessure à la hanche lui provoque de douloureux élancements à chaque faux pas de sa monture dans les chemins abrupts et caillouteux. Obtenant d’un regard insistant l’approbation de sa compagne, le jeune portugais accepte bien volontiers cette proposition inattendue, et ils accompagnent le vieux bûcheron dans une maisonnette de rondins situés au centre d'une clairière partiellement défrichée par sa hache.

--Ines



Dona Isabella ne désirant pas se passer de ses précieux conseils, la gouvernante sera donc du voyage. Certes, Inès est consciente de sa propre valeur, de sa longue expérience qui lui permet de régler tous les petits problèmes du quotidien en un tournemain, mais une telle reconnaissance de ses mérites, un tel éloge spontané dans la bouche de l’héritière de la famille Gonzales d’Almirante, la remplissent d’orgueil. Son amour-propre est délicieusement flatté par cette marque d’estime. Joyeuse, fière comme un paon, elle se dépêche à boucler ses bagages, tout en fredonnant une vieille mélodie sentimentale de sa jeunesse. Oui, c’est décidément une belle journée. Cette excursion l’enchante particulièrement, c’est un pied de nez à la routine, aux habitudes immuables parfois un peu pesantes. C’est évident, elle va remplir son rôle à la perfection, elle va se couper en quatre pour répondre à toutes les exigences de dona Isabella.

Voilà, sa malle est prête. Elle n’emporte que des vêtements simples, seyants. Il est loin désormais le temps où les hommes, même les nobles, se retournaient sur son passage ou plongeaient les yeux dans son décolleté. Hélas.

Et maintenant ? Attendre bêtement d’autres instructions ? Non …

Les murs ont des oreilles, dit-on. Poussée par sa vive curiosité, toujours en éveil, Inès descend silencieusement l’escalier, et colle son tympan à la porte du salon. Etrange, pas un mot, pas un son ne lui parvient. Ah si, enfin, voilà don Diogo qui se manifeste, et ensuite dona Silvia. La situation est claire. Sans surprise. Il était prévisible que cette-dernière accompagne sa fille chez dona Philippa, puisqu’elle la suit partout. Si elle le pouvait, elle la suivrait même jusque dans son lit, la nuit de ses noces. Par contre, don Diogo se dérobe, bougon et méprisant selon ses vieilles habitudes. Les rumeurs se confirment donc. Ce n’est nullement l’entente cordiale entre les papas des deux fiancés. Tant pis, elles se passeront de sa compagnie pour ce court voyage.

Le départ est donc prévu pour le soir même. L’impatience de dona Isabella a été perçue par sa maman. D’un pas pressé, Inès s’en va quérir un des laquais chargés d’escorter la famille dans ses déplacements. Il est temps pour les domestiques de préparer la voiture et l’attelage.

--Joaquim





La crise est derrière lui, mais cette souffrance et la perte de son esprit, ne serait ce qu’un court instant lui font peur, extrêmement peur.

Joaquim n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort ni à réclamer du rabe au cuisinier ; mais il a juste besoin de temps pour mettre ses affaires en ordre, après advienne ce que pourra… A la grâce du grand ordonnateur !

Une chose est sur, cette foutue tête de mule ne crèvera pas dans son lit à moitié grabataire. Il veut de l’action et mourir avec toute sa conscience, être en pleine possession de ses moyens et non pas avec le grenier vidé qui ferait de lui une loque.

S’il faut pour cela en venir à des pratiques qui ne sont pas catholiques, alors il faudra rester discret et peut être que l’ami Rodolfo ne se dérobera pas ; d’ailleurs il ne la jamais fait.

Le plus respectable serait de mourir l’épée à la main comme dans les vieilles sagas…
L’idée fait son chemin dans la vieille caboche du rustre noble.

Il n’est pas dit que Armhino partira sans avoir laisse de lui une image de chêne, d’ours et de guerrier indomptable…

- C’est décidé dès que mon fils sera en charge de toutes mes terres et aura assuré son mariage et donc sa descendance, je m’engage dans la première légion qui passe pour repartir au combat et participer à n’importe quelle bataille.

La journée s’annonçait belle pour le vieil homme, un problème résolu… un…
- Pourquoi les problèmes ne trouvent-ils pas tous de solution aussi facilement !

Joaquim contemplait de sa fenêtre la cour de son château et ses terres qui s’étendaient au delà des murs. Le soleil rayonnait, les vertes prairies, le gazouillis des oiseaux… Tout annonçait une superbe journée.
Qui aurait cru qu’après un réveil aussi cauchemardesque Arminho serait d’aussi bonne humeur. Sa chambre lui semblait maintenant bien trop petite. Les tentures, les chandeliers, son lit à baldaquin, tout paraissait trop luxueux au vieux baroudeur. Joaquim ne rêvait dorénavant que de nuits à la belle étoile, de marches à travers les vertes vallées, les collines, les chemins poussiéreux . . .
Il se sentait pressé de revoir les montagnes, de sentir les embruns marins…
-Mon dieu comme cela va être dur de quitter toutes ces merveilles.

Quid de sa femme et de son fils ?

Arminho réalisait que le bonheur de son fils devait primer avant de disparaître sereinement. Il pensait que son mariage lui apporterait certainement bonheur et prospérité.
De l’amour et des terres !

C’est décidé il écouterait son cœur… et son cœur lui dictait le bonheur de son fils… c’est ainsi qu’il quitterait ce monde.

Arminho sorti de sa chambre, prit l’escalier de pierre en colimaçon, traversa une partie de son château. En arrivant dans les cuisines, il ordonna à ses cuisinières qu’on lui serve un repas léger dans la salle d’arme. Reprenant ses allées et venues, il manda à deux solides gaillards qui transportaient des malles de le suivre. Les deux jeunes gens furent surpris de cette demande. Mais ils furent plus terrifiés de se retrouver devant la salle ou leur maître passé le plus clair de son temps : la salle d’arme !
Le noble pénétra dans la pièce avec une énergie surprenante. Les deux valets le suivirent craintivement. Timidement, ils se placèrent derrière leur seigneur. Celui-ci s’affairait devant une grande table. Il sélectionnait une masse d’arme, un glaive, une épée…
Contemplant ces jouets, il sourit et se retourna vers les deux infortunés…
--Dona_isabella



Les domestiques s'activent. Porter les valises, descendre l'escalier avec les valises, traverser les vastes couloirs avec les valises, ranger soigneusement les valises dans le carrosse couleur or et pourpre attelé à trois magnifique chevaux blancs qui attendent docilement l'heure venue pour partir dans le domaine des Joao Do Setubal do Minho dans la grande cour du domaine des Gonzales d'Almirante.

Isabella sourit, debout devant la porte d'entrée, hautaine et droite, elle compte avec ses doigts les serveurs défiler devant ses pupilles emplis d'une joie mêlée à de l'excitation. Pas une malle en moins, pas une malle en trop. Le compte est bon! Et puis, elle est fière, la jeune fille. Elle se sent belle, fraîche et amoureuse. Bien qu'elle l'est toujours mais ce jour est spécial... extraordinaire, exceptionnel, sensationnel, fantastique, fabuleux, incroyable, indescriptible, rare...

Isabella! Allez, dépêche-toi!

La voix perçante de Silvia, sa mère, la fait sortir de ses douces rêveries. Celle-ci la regarde par la fenêtre de la voiture, les yeux pleins d'envie et de jalousie, mais surtout de fierté. Fière de ce bout de femme si parfait, si beau, de cette poupée de porcelaine à la fois intouchable et si fragile bien qu'elle essaie de ne pas l'être. Ca lui rappelle sa jeunesse à elle, le temps où elle vivait de la richesse de ses parents et d'aventure. Isabella entreprend inconsciemment son chemin et c'est tout ce qu'elle lui souhaite. Il ne lui reste plus que le mariage avec Rodrigo pour atteindre le sommet de son bonheur, de ses ambitions, et surtout de l'alliance de ses deux familles.

Isabella descend les marches du perron, tenant délicatement les pans de sa robe, faisant attention à ne pas regarder ses pieds pour toujours avoir la tête haute et la colonne droite, comme le lui avait appris sa gouvernante. La moindre chute lui serait fatale, autant par les dégâts physiques que la honte qui se lirait dans son regard et l'hilarité dans ceux des spectateurs.

Inès accourt vers elle, lui tend sa main pour qu'elle puisse monter dans le calèche, puis s'assoit aux côtés des deux femmes. Un silence gêné s'y installe, tandis que les chevaux partaient dans un petit galop.

Isabella regarde sa mère, qui tient nerveusement le bout de son châle dans chaque main, son cerveau à des milliers de lieux d'ici, puis sa gouvernante, également ailleurs, sûrement en train de préparer des plans astucieux pour pouvoir aider chacune d'elles.
Inès, c'est une vieille, très vieille gouvernante. Elle travaille au domaine des Gonzales d'Almirante depuis des décennies, si ce n'est même plus. Elle connait chaque membre de la famille sur le bout des doigts, mais maîtrise aussi l'art de la coiffure, de la lecture, de l'habillage et surtout de la carpe. La jeune fille se confie à elle, lui confessant toutes ses bêtises et ses péchés, mais elle doit rester muette et écouter sans juger, ainsi en est la règle. Et si un jour, elle a le malheur de déshonorer la famille, elle pourrait très bien se voir mise à la porte, et si ce n'est même plus, être dépourvue d'avenir car le temps qu'il lui restait à vivre était désormais compté. Enfin, tout cela n'arrivera pas bien sûr, pourquoi faire ! A moins d'avoir une haine profonde envers eux, eux qui l'ont nourri et logé pendant toutes ces années.

Isabella regarde par la fenêtre, les paysages défilant devant ses yeux. Son sourire ne quitte plus ses lèvres pulpeuses, un sourire inconscient qui lui fait presque mal aux joues, mais que faire d'autre pour exprimer sa gaité?
Dans sa tête, elle s'imagine des milliards de solutions pour sa rencontre avec Rodrigo.
La première, amicale : elle le voit et s'exclame joyeusement "Rodrigo!" avant de lui claquer une bise et de le serrer très fort dans ses bras, profitant ainsi de son odeur marine familière.
La deuxième, un peu plus folle : elle le voit et saute dans ses bras, le couvrant de baisers et lui murmurant combien il lui a manqué.
La troisième, beaucoup plus romantique : elle le voit et s'approche langoureusement de lui avant de poser sa bouche contre la sienne et rester ainsi jusqu'à ne plus avoir de souffle, puis lui susurrer à l'oreille des "je t'aime" très sensuels qui ne leur donnerait qu'une envie : être seuls.
La quatrième, carrément plus sérieuse : elle le voit et s'avance, la tête haute et les jupons dans les doigts, elle dit simplement "Bonjour, Rodrigo" puis fait une élégante révérence, comme on lui a appris.
La cinquième, elle l'imagine avec un cadeau : elle le voit et pousse un cri de joie, prenant les fleurs offertes dans ses bras puis lui dépose un bisou sur la joue.
Certaines solutions étaient des mélanges d'autres solutions. Bref, un casse-tête, mais au moins elle avait de quoi combler un silence avec des répliques, toutes les unes plus différentes des autres.

Elle est arrivée. Zut, ça va vite eh !
Même manège, on l'aide à descendre, ainsi que sa mère, avec l'aide des domestiques du domaine des Joao Do Setubal do Minho, cette fois.
Isabella prend une grande inspiration en haussant quelque peu les sourcils.


Annoncez l'arrivée des doña Gonzales d'Almirante!
--Malika


La cabane du vieux berger est à flanc de colline, toute en pierre. Une fumée blanche s’échappe de sa cheminée, quelques busards tournoient dans le ciel et se laissent choir sur des proies faciles.

Rrrrolio, rrrreste prrès de moi, les rrapaces peuvent t’enlever, tu es si petit, ils rrrisquent de te prrrendrre pourr un mulot !

Malika, fourbue, s’endormirait là, maintenant, sur place, sans manger, mais le vieil homme leur propose de partager sa pitance, l’hospitalité ici n’est pas un vain mot.

Après les avoir fait entrer dans l’unique pièce sombre, qui n’est meublée que d’un grabat, d’une table et de deux bancs, le vieil Hyppolite ôte sa pelisse de mouton, desserre la ceinture rouge enroulée autour de sa taille, et, après un soupir de satisfaction il les fait asseoir à la grande table et leur sert une chope d’hydromel de sa fabrication. A la bonne saison, les abeilles lui donnent un miel délicieux.

Dans la cheminée, une soupe odorante cuit dans une marmite posée sur un trépied, il leur en sert un énorme bol dans lequel une grosse tranche de pain attend le délicieux bouillon.
Un jambon est suspendu à un crochet, il sèche et se fume en attendant d’être dégusté.

Après la deuxième chope, le vieil homme solitaire se montre intarissable. Ce jeune couple attentif lui donne envie de parler de ses montagnes, il connait tous les chemins, même ceux dit des douanes, les sentiers les plus secrets, ceux que les chamois traversent en bondissant parmi les roches et les torrents, les meutes de loups qui hurlent dans la nuit et les repaires des ours bruns qui hibernent encore et qui au printemps sortiront amaigris mais souvent accompagnés par les oursons nouveau nés.

Blottie contre Rodrigo, la gitane l’écoute en mangeant une cuisse de lapin qu’il a fait rôtir pour honorer ses hôtes. Malgré l’attention qu’elle porte à son récit, elle lutte pour ne pas s’endormir, elle baille à s’en décrocher les mâchoires, puis s’excuse en souriant d’un air réellement désolé.
Hyppolite, attendri, et bien qu’édenté, lui rend son sourire.

Après une bonne nuit de repos pour eux et leur monture, et aussi pour Igor qui est épuisé et dort devant la cheminée en agitant ses pattes, le berger les guidera demain vers les raccourcis pour leur permettre d’arriver plus rapidement au delà des montagnes encore enneigées. Rodrigo lui a expliqué pourquoi ils avaient entrepris ce voyage et le brave homme se mettrait en quatre pour les aider.
Il prend une grosse couverture de laine, lui-même ira dormir avec ses moutons dans les bottes de paille de la bergerie attenante à la pièce .

Dans l’âtre, les flammes rougeoyantes vacillent, Rodrigo rajoute une bûche pour la nuit et se glisse contre Malika sur la paillasse recouverte d’un moelleux édredon de plumes, elle se serre contre lui et s’endort rapidement bercée par les doigts de son compagnon qui jouent doucement dans ses cheveux blonds.



--Dona_philippa



Les domestiques ont reconnu instantanément la luxueuse voiture aux teintes pourpres et dorées, tirée par trois magnifiques chevaux blancs. Ils se précipitent, aident les visiteuses à descendre du véhicule, se saisissent des bagages, le tout dans un ballet parfaitement réglé, et cent fois répété.

L’un d’entre eux se dirige rapidement vers la riche demeure afin d’avertir dona Philippa de l’arrivée de dona Silvia et de sa fille. Inutile ! La maîtresse de maison est déjà sur le perron, un immense sourire sur les lèvres. Elle soulève précautionneusement un pan de sa robe de soie, et descend les escaliers menant à la cour intérieure à petits pas pressés. Heureuse, attendrie. Isabella est la belle-fille rêvée. Elle est l’héritière d’une famille illustre et fortunée, elle a beaucoup de classe, une personnalité remarquable, et un caractère bien trempé. Elle sera une épouse parfaite pour Rodrigo, et les enfants qui naîtront de leur mariage seront leur fierté, ils seront l’élite, la crème de tout le nord du Portugal.

Dona Philippa ouvre tout grands les bras et donne aussitôt une accolade très chaleureuse à dona Silvia. Ensuite, avec une affection presque maternelle, avec une spontanéité sincère et naturelle, elle serre Isabella contre son cœur et dépose trois baisers bruyants et joyeux sur les joues roses de la jeune fille.

Ma chérie, te voilà enfin ! Tu es resplendissante ! Et quelle élégance ! Je t’attendais avec impatience, le nez collé à la fenêtre. Tu as fait bon voyage ? Je n’ai pas reçu de nouvelles récentes de mon fils, mais dans son dernier courrier il affirmait qu’il serait bientôt de retour chez nous. Il s’ennuyait tellement de toi, ma chérie. Et, pour une fois, son père a pris la peine de lui écrire, pour lui conter vos mésaventures. Je suis persuadée que Rodrigo est en chemin, cette lettre a du l’inquiéter. Il sera heureux de te trouver là à son arrivée.

Tendant le cou vers la voiture, dona Philippa constate qu’il n’y a personne d’autre à l’intérieur, excepté la gouvernante habituelle qui vérifie que rien n’a été oublié par les laquais.

Comme c’est dommage, ton papa, don Diogo, a eu un empêchement ? Mais venez, suivez-moi, je vais vous mener à vos chambres. Vous pourrez vous rafraîchir. Ahh, je suis impardonnable de vous faire patienter dans la cour.

Elle tend le bras à ses invitées, et les entraîne vers l’illustre demeure familiale.

--Rodrigo



Merci pour tout, Hyppolite, nous n’oublierons jamais ta gentillesse. On ne sait pas ce que la vie nous réserve, si jamais nous effectuons le voyage dans l’autre sens, nous passerons te rendre une petite visite. Grâce à ton raccourci, nous allons gagner un temps fou, et je t’avoue que Malika et moi nous sommes impatients d’arriver enfin dans la propriété de mes parents.

La petite gitane donne en riant un baiser sonore sur la joue ridée du vieux bûcheron. Il sent bon la paille et le feu de bois. Ses rides sont innombrables, elles sont autant de profonds sillons, autant de sentiers creusés dans sa bonne bouille joviale. Rodrigo lui donne une solide bourrade amicale, et un large sourire éclaire la trogne édentée de l’ancêtre.

C’est parti. Dès le premier tournant, la descente se révèle vertigineuse. A droite, le flanc du rocher, ruisselant d’humidité, et à gauche, le vide, le précipice. La piste est piégeuse, une faible couche de neige fraîche masque les cailloux et les aspérités. Ils sont les premiers à emprunter cette voie, ce matin, aucune empreinte de pas ne défigure le manteau blanc immaculé. Rodrigo et sa compagne retiennent leurs montures avec la plus grande énergie. Le moindre écart, la moindre glissade pourrait se révéler fatale. Seul Igor gambade allégrement dans la pente. La température est glaciale. Rolio s’est glissé sous le chandail de laine de Rodrigo. Il est futé, le zigoto, il est sans doute le seul à ne pas trop souffrir du froid intense.

Le jeune homme observe discrètement sa princesse. Elle est concentrée sur la trajectoire de sa monture. Bon dieu, a t’il été raisonnable de lui proposer ce voyage risqué ? Elle lui semble soudain si menue, si fragile. Pourvu que l’accueil de ses parents lui fasse vite oublier cette épreuve.

Après plusieurs heures de cette pénible randonnée, la neige se fait enfin plus discrète, la déclivité du chemin s’atténue, la végétation est plus dense, plus vigoureuse. Au loin, soudain, des voix, puis quelques maisonnettes qui s’appuient frileusement l’une contre l’autre. Un paysan les salue en espagnol, langue que Rodrigo maîtrise parfaitement. A sa grande surprise, c’est Malika qui répond. Elle aussi parle couramment ce langage. Son amant lui sourit, se penche vers elle et l’embrasse doucement. Il prend entre ses mains les petits doigts bleuis par le gel et les réchauffe en les serrant tendrement.

Tu m’avais caché ça, amor ! Tu es décidément pleine de ressources insoupçonnées, et j’ai hâte de les découvrir toutes, mon ange.

Les deux cavaliers échangent quelques mots avec le villageois. Selon lui, bientôt, ils vont croiser un chemin de terre qui se dirige vers le nord-ouest. Ce chemin épouse les rivages de la mer Cantabrique, vers Santander, jusqu’à Oviedo dans les Asturies. Il est en général plat et carrossable, ils vont enfin pouvoir y chevaucher à brides abattues, puis aussi se restaurer dans une des nombreuses tavernes de pêcheurs. Le plus dur est passé, semble t’il. Alors, en route …

--Dona_isabella


La chaleur de doña Philippa contre elle est rassurante et l'apaise, chassant immédiatement ses craintes et sa nervosité. Cette femme, elle l'apprécie autant que sa mère, peut être même plus que son père. Sa sympathie n'avait pas de limites, elle était sûre de recevoir des compliments à chacune de ses paroles, avoir des présents à chacune de ses visites.
Cela faisait plusieurs mois qu'elle n'était pas revenue dans le domaine des Joao Do Setubal do Minho, ni revu la famille. Tout ça depuis le départ de Rodrigo.

Tout en entrant dans leur vaste demeure, leurs bras dessus, bras dessous, Isabella lui parle, plus enthousiaste que jamais, n'hésitant pas à balayer du regard les pièces luxueuses qu'elle n'a pas vu depuis longtemps, dans lesquelles elle avait passé son enfance à jouer avec Rodrigo, à se chamailler avec lui, partager des diners.


Le voyage n'a pas été long, au contraire, il a été même agréable. Et oui, c'est dommage, mon père n'a pas pu venir...
elle fait la moue, puis bat des cils à l'intention de Philippa, se souvenant qu'elle devait inventer une excuse pour l'absence de don Diogo. Avant que sa mère ne prenne la parole, Isabella dit : Il est fatigué en ce moment... il passe tellement de temps à lire, à force, sa tête fume ! Il ne voit même plus clair, si c'est pour dire.

S'empressant de changer de sujet, la jeune fille passe un bras sur les épaules de la mère de son futur mari.


Ah, Philippa, comme je suis heureuse de vous revoir. Vous êtes si belle, le temps vous réussit tellement! Si seulement vous saviez depuis combien de temps j'attends ma venue chez vous... et surtout, celle de Rodrigo ! Oh, qu'est ce qu'il me manque... il va bien j'espère ? J'ai déjà prévu tout un programme pour fêter son retour!

Isabella esquisse un sourire, épargnant les détails. Dans ses rêves, elle avait déjà imaginé plusieurs suites, les unes plus romantiques que les autres... mais pour eux seuls, sans leurs parents.
Les voilà arrivés devant leurs chambres. Elle expire et inspire bruyamment, s'arrête, regarde sa mère et Philippa. Oh puis, allons-y, droit au but :


Oh... j'ai une question qui me titille ... à votre avis, est ce qu'il va bientôt me demander en mariage ?
--Dona_philippa




Les voici sur le palier, surveillées par un alignement de gentilshommes élégants immortalisés dans des encadrements de bois précieux. En face d’elles, les portes de leurs chambres respectives. Ce sera bientôt l’heure du repas, mais ces dames ne sont pas pressées de se quitter. Dona Isabella se montre charmante et enjouée, puis quelque peu embarrassée lorsqu’elle aborde la question de la demande en mariage officielle, étape ultime avant les noces, avant ce jour qu’elle attend avec tant d’impatience.

Mais la réponse de dona Philippa jaillit instantanément. Bien sûr, le principal intéressé, Rodrigo, est absent des débats, mais la maîtresse de maison s’empresse de rassurer celle qu’elle considère comme la belle-fille idéale.

Ne t’inquiète pas, ma chérie, je le connais par cœur mon Rodrigo. Notre Rodrigo. Je suis persuadée que tu lui manques énormément. Sa convalescence à Paris va certainement lui ouvrir les yeux. Lui permettre de réfléchir. En rentrant chez nous, il va se jeter à tes pieds, et ce sera le plus beau jour de votre vie. Et de la mienne aussi. J’en serai profondément heureuse pour toi et pour nos deux familles.

Puis, réfléchissant aux propos précédents de la jeune fille, elle hoche la tête en lui adressant un large sourire.

Tu envisages donc d’organiser une petite fête en l’honneur du retour de Rodrigo ? C’est une excellente idée, ma chérie. Nous irons toutes ensemble faire le tour des boutiques, et aussi dénicher quelques musiciens et danseurs pour animer les festivités. En attendant, regarde, j’ai quelque chose pour toi.

Dona Philippa tend à sa future bru un petit paquet mystérieux, joliment décoré de rubans multicolores. D’abord étonnée, dona Isabella le déballe vivement. Le cadeau est une jolie broche en or, sertie de petits diamants artistiquement disposés en forme de feuille de figuier.

Ce bijou est dans la famille depuis plusieurs générations. Il passe de mère en fille. Le figuier est, paraît-il, symbole d’amour et surtout de fécondité. Puisque tu vas devenir ma fille, je te l’offre bien volontiers, ma chérie. Oh, je sens déjà des odeurs de cuisine ! Allez vite vous rafraîchir un brin, je viendrai vous chercher pour l’apéritif. Mon mari est hélas un peu souffrant, j’ignore s’il nous honorera de sa présence …

--Malika

Effectivement, un chemin de terre battue s'étire à perte de vue devant eux, descendant parfois le long du rivage, à quelques pas des moutons d'écume qui se fracassent contre le rocher, mais le plus souvent dominant de très haut l’Océan, à la peau frémissante et argentée, qui se perd dans les nuages de l'horizon.

Malika file comme le vent, mais Rodrigo est à la traîne. Elle a remarqué que son compagnon serre les dents, et qu'il porte régulièrement la main à sa hanche, sous sa chemise de laine. Elle l'a interrogé à plusieurs reprises, et il l'a rassurée d'un mot ou d'un baiser, mais cette fois elle décide d'en avoir le coeur net. Elle arrête sa monture près d'un amoncellement d'algues, d’ une barque en décomposition, et d’ une baraque en rondins de bois à la porte arrachée, puis elle l’ attend, tout en câlinant Rolio qui a choisi de s'accrocher à son cou.

Le jeune Portugais arrive enfin, il a le teint livide, les yeux rouges. Sa monture ralentit encore l'allure à la hauteur de la gitane qui s'empare des rênes d'une main sûre. Rodrigo grimace, amorce un pauvre sourire désabusé, puis glisse lentement en bas de son cheval.

Elle se précipite vers lui, soulève avec mille précautions sa chemise , constatant qu'elle est poisseuse et humide. Du sang ! Du sang partout, et déjà sur les mains de la petite gitane inquiète, elle ne s’affole pas son père lui a appris les gestes qui peuvent sauver. La blessure de son amant s'est rouverte, le pansement s'est désagrégé au fil des lieues, il pendouille à présent le long de sa hanche, inutile, imbibé de sang.

Malika saisit son compagnon sous les bras, et le tire à l'abri dans la cahute ou de vieux filets de pécheurs sont entassés dans un coin. Un hamac est encore fixé sur une poutre, elle y installe au mieux Rodrigo, près d’une cheminée envahie par la suie dans un angle. Elle ressort rapidement et ramasse des brassées de varech séché, jette le tout dans le foyer, bat le briquet. Les algues sèches s’enflamment, un petit feu assèchera un peu l’atmosphère poisseuse amenée par la proximité de l’Océan.

Elle nettoie la plaie avec une toile propre qu’elle avait dans sa besace. Le vieil Hyppolite lui a donné, en plus du pain et du fromage de ses brebis, une gourde d’un nectar assez fort qui réchauffe, elle en prélève et l’applique sur la plaie. Rodrigo se tortille en se plaignant « ça piqueee ! »

Mon cœurr tout va bien, ta plaie est proprre, le mal blanc ne s’est pas mis dedans, je vais te fairrre un bandage serré, mais il ne faudrra pas bouger de quelques jourrrs, que tout se referme, sinon il faudrra cautériser, et je n’aimerrai pas du tout devoir le fairrre.

Elle caresse avec délicatesse son front, écarte les mèches blondes collées par les gouttes de sueur, l’embrasse tendrement. Elle l’aide à boire de l’eau de vie à la gourde, il tousse, mais les couleurs reviennent sur ses joues. La douleur et la fatigue ont eu raison de lui, il s’est assoupi, et Malika dépose sur lui une couverture de laine.

Mon ange, je vais nourrrir les bêtes, repose toi, on mangerrra plus tard Une dernière caresse, un baiser déposé sur ses lèvres, un murmure à son oreille « szeret,svivböl szeret ! » (Amour, je t’aime d’Amour !)
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