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[RP] De la roulotte à l'hacienda

--Dona_philippa




C’est une véritable catastrophe ! Dona Philippa est pétrifiée par les derniers mots de son fils. Le voilà donc amoureux de cette aventurière sans le sou et mal fagotée ! Comment est-ce possible ? On peut dire que cette créature de Satan a habilement tissé sa toile. Elle n’a pas perdu de temps pour envoûter son Rodrigo, et ce nigaud n’y a vu que du feu. Il est tombé pieds et poings liés dans le piège grossier tendu par cette intrigante ambitieuse .

Non ! Foi de Philippa, cette maudite gitane n’arrivera pas à ses fins. Elle ne mettra pas en péril son beau projet, patiemment élaboré, de réunir les propriétés des familles do Setubal et Gonzales d’Almirante par un mariage de leurs enfants. D’ailleurs l’héritière de leurs voisins sera l’épouse parfaite. N’est-elle pas l’amie, la complice de toujours, et sans doute déjà l’amante ? Cette union des enfants et des domaines sera la conclusion idéale de cette histoire.

Dona Philippa adresse un regard noir à son fils. Elle enrage. Elle va lui jeter au visage que …

Non ! Elle est sage et cultivée. Elle a parfaitement compris que Rodrigo va s’accrocher à son caprice. Ce voyage l’a formé. Il a mûri. Avant cela, jamais il ne se serait ainsi rebellé. Ses propos et ses attitudes sont désormais ceux d’un adulte, indépendant et obstiné.

Non ! Elle va prendre patience, se taire et agir dans l’ombre. Si cette « moins que rien » est de retour dans deux jours, comme elle l’a affirmé, Philippa trouvera bien un moyen de l’éloigner définitivement. En lui offrant par exemple quelques poignées d’écus, de la même manière qu’on lance quelques poignées de maïs aux poules de la basse-cour. Ou même en utilisant des procédés beaucoup plus expéditifs, si cela s’avère indispensable. Elle a rendu suffisamment de services autour d’elle pour escompter obtenir en retour l’aide précieuse de quelques individus décidés.

Elle se tourne vers Isabella, visiblement stupéfaite au point d’en rester muette. Comment sa future bru va t’elle réagir dans les secondes qui suivent ?

--Joaquim



Arminho, surpris toute l’assemblée en arrivant dans la pièce. Il vit son fils ; se planta devant lui ; et le serra dans ses bras.
Une étrange émotion l’envahit…
La filiation suscite des sentiments très forts que l’on croit à tort enfouis. Ils ressurgissent à chaque péripétie de l’existence.
Revoir son fils émeut profondément le vieillard querelleur.

Sans jeter le moindre coup d’œil aux grandes dames estomaquées par tant de manque de savoir vivre, il embrasse son fils.

A ce moment, seuls le père et le fils ressentent le lien profond qui les unisse.
Sous le coup de l’émotion le vieux lion s’est fait chaton. Aucune parole ne peut plus sortir de son gosier.

Calmement, il salue les dames d’une révérence respectueuse.

Mais, déjà, Rodrigo prend la parole et expose une partie de son voyage.


Après ce récit, Joao sent à nouveau le sang circuler dans ses veines, le battement revient à ses tempes. Le rythme lent et régulier du flot de sang commence à rasséréner le briscard.
Il reprend ses esprits…


- Mon fils comme je suis heureux de te revoir. Je respecte ta décision, mais une chose comme celle-ci ne se prend pas à la légère.

Tranquillement, il se tourna vers les dames installées autour de la table.

- Mesdames, je vais devoir parler à mon fils. Le genre de discussion qui ne se déroule qu’entre un père et son fils.

Personne n’avait osé contrarier le maître des lieux.

Et bien que Joaquim remarqua la sombre mine de sa femme, il ne lui fit aucune remarque.
Au contraire, il se sentit de nouveau imprégnée de cette hargne qui le caractérisait.

- Ah mesdames ! Quelle joie de retrouver mon fils !
Comme son père il a le sang chaud et comme chaque étalon de la famille, il honore chaque contrée.


Après un rire gras, il reprit :
- Laissons de côté nos divergences.

Avec son plus grand sourire, il s’adresse à dame Silvia :
- Alors ma chère voisine, votre pleutre de seigneur et maître n’est point venu…

Et se tournant vers Isabella, il continue son numéro,
- Heureusement que sa fille n’a pas hérité de sa couardise.
Prenant avec délicatesse la main de la jeune fille, il déposa dans les règles de l’art un baiser respectueux.
Avec solennité et paternalisme, il lui demanda comment elle allait ? Si elle avait fait bon voyage…
Malgré les récents évènements, un lien presque filial existait entre ces deux là. La question était de savoir si ce lien n’allait pas se désagréger.
Joaquim avait sauvé la vie et l’honneur de la jeune noble au péril de sa vie. Il avait le plus grand respect pour la sublime Isabella.


Dame Philippa, gênée, n’eut aucune réaction face au comportement de Joaquim. Elle connaissait bien ce rustre. Jeune, elle avait été séduite par ces manières.
L’événement ne choqua pas outre mesure. Tout le monde dans la région connaissait le caractère indocile d’Arminho. Ce bâtard de roi était craint dans toute la région, plus personne ne s’offusquait de son âpre « politesse ». Dame Silvia vexée n’osa se fendre d’une remarque, elle rongea son frein, et maudit cet Arminho de malheur et son mari, trop lâche pour affronter ce voisin effronté.


- Veuillez-nous excuser gentes dames et charmante damoiselle, je dois parler à mon gredin de fils.

Après avoir salué ces dames, Joaquim ordonna à son fils de le suivre.

Une courbette de circonstance mi-respectueuse mi-malicieuse vint conclure l’apparition du châtelain.

Dans le couloir, un rictus aux lèvres, il prit Rodrigo par l’épaule :

- Maintenant que je t’ai arraché aux griffes de ta mère et de toutes ces pestes, on va parler entre hommes. Tu as beaucoup de choses à me raconter.
Et surtout n’omet rien !
Je crois, mon petit père, que tu vas avoir besoin d’un sacré coup de main !
Je vois que ton joli minois a fait des ravages à l’étranger. J’aimerai vivement que tu me présente ta dulcinée… et je crois que tu vas le faire plus tôt que prévu…
--Rodrigo




Une rapide courbette à gauche, une demi-courbette à droite, et Rodrigo s’empresse d’emboîter le pas à son père. L’humour et les premières considérations de Joachim ramènent l’ombre d’un sourire sur le visage soucieux du jeune officier. C’est vrai qu’il s’est un peu emporté à la fin de son récit, lorsqu’il a expliqué très clairement sa volte-face inattendue et la passion soudaine et violente qu’il éprouve pour Malika. Ah non, il ne supportera pas qu’on se moque de sa gitane, qu’on se le dise !

Cette sortie précipitée à la suite d’Arminho va sans doute permettre aux deux mamans et à Isabella de s’indigner encore davantage. Mais soit, le soutien de son père lui semble acquis et c’est cela l’essentiel.

Rodrigo l’écoute en hochant la tête, mais soudain il sursaute en entendant les derniers mots ! Comment ça ? La lui présenter plus vite que prévu ? Non, c’est impossible ! Sa belle ne doit pas revenir avant deux jours, ce qui est diablement long. Joachim disposerait-il déjà de certaines informations alors qu’il n’a même pas croisé Malika dans l’hacienda ? Le seigneur de Setubal a beau avoir le bras long et de nombreuses relations, ça lui semble difficilement envisageable qu’il puisse retrouver la trace de sa bien-aimée en un délai si court.

Le jeune marin fixe son interlocuteur d’un air interrogateur. Un espoir fou vient de naître en lui. Mais non, Arminho reste mystérieux, et se contente d’attendre son récit complet. Bon. Pas le choix, alors. Rodrigo se lance.

Voilà. Malika est une jeune bohémienne qui recherchait un cousin à la cour des miracles. Pour subsister, elle dansait et chantait dans les rues, ramassant ainsi quelques écus de temps en temps. Entre nous, le singe qui ne la quitte pas a des talents cachés. Personne n’est plus habile que lui pour soustraire quelques bourses rebondies aux bourgeois qui s’encanaillent dans les quartiers louches, ou simplement quelques fruits aux étals des commerçants.

Cette confidence amène un petit sourire sur les lèvres de Joachim. Cette façon de se débrouiller semble l’amuser beaucoup.

Tout ce que je vais te raconter à présent est confidentiel. Je sais que je peux te faire une confiance absolue. Un soir, Malika a été agressée par trois soudards ivres. C’était peu de temps avant que je ne la rencontre. Elle en conservait un profond dégoût des hommes, et surtout une vive appréhension à leur approche. Une terrible angoisse à l’idée du moindre contact physique. Mais j’étais incroyablement attiré par elle, et j’ai réussi à vaincre ses inquiétudes, à déjouer ses répulsions.

Il secoue la tête en signe de réflexion. Déjouer … Le mot est très mal choisi. Il ne s’agit pas d’un jeu. Rodrigo est bien résolu à tout mettre en œuvre pour retrouver ces trois canailles, même si Malika dispose de peu d’indices. Mais pour cela il leur faudra retourner à Paris et remuer ciel et terre. Cela va prendre du temps. Il leur faudra de l’aide. Rodrigo hésite un instant puis confie ce dangereux projet à son père.

Voilà, tu sais tout à présent. A la réception de ta lettre, nous nous sommes empressés de revenir à l’hacienda. Le voyage a été très éprouvant, d’ailleurs. Tout particulièrement la traversée des Pyrénées. Nous avons eu de la chance de rencontrer un vieux paysan qui nous a gentiment aidés, sinon nous ne serions pas encore là. Je pense même que je vais aller me coucher, après une courte prière. Demain j’aurai une explication plus complète avec Isabella. J’espère qu’elle ne se fait plus d’illusions, et j’espère qu’elle me comprendra.

Après une longue accolade avec Joachim, Rodrigo contourne la maison et va se recueillir sur un banc de la petite chapelle. Enfin seul, il peut réfléchir aux derniers événements de cette journée épuisante.

--Dona_isabella



Mais ?? Mais que fait-il ? A t-il attrapé une de ces épidémies qui vous retournent la tête lors de son séjour dans le royaume de France ? Non, il n'a visiblement pas de fièvre et ne manifeste aucun signe de maladie. Il est totalement sobre, presque en colère, et pourtant dans ses pupilles se lit une pointe de malice et de fierté lorsqu'il rétorque haut et fort que c'est cette gitane blonde qu'il a choisi, au lieu d'elle, la magnifique et grande Isabella, fille héritière des Gonzales d'Almirante !

L'incompréhension se lit également dans les regards des deux autres femmes, plus particulièrement doña Philippa, qui ne peut éviter de lancer des regards noirs à son fils et à son mari, le don Joachim, particulièrement d'humeur taquine après sa longue sieste. Il semble même content de Rodrigo, approuvant en silence ses dires aussi indignes soient-ils pour sa mère !

Le repas se termine alors sans les deux hommes. Les trois femmes, encore sous le choc de la prestation du diné, n'osèrent guère lever la tête, chacune ayant peur de laisser éclater la boule de nerf coincée dans leur gorge. Pourtant, leurs pensées se rejoignaient. Rodrigo a été envoûté par cette misérable qui a sûrement du user de ses potions aux plantes maléfiques pour parvenir à ses fins. Et cette garce à réussi ! Qu'est ce qu'il est devenu ? Il ose maintenant se rebeller envers sa mère. Faire une scène à table. Bon dieu, et si c'était le diable en personne qui avait pris possession de lui ?

Isabella boit une dernière gorgée de vin pour rafraîchir son gosier. Sa tête tourne, sa vision se brouille lentement. Encore une gorgée, pour la tête. Puis encore une autre, pour voir mieux. Et encore une. Et encore. Et...
Sa mère pose la main sur la bouteille que la jeune fille commence à agripper des deux mains en tentant bien que mal de remplir son verre.


Il ne veut plus de moi... vous avez bien vu, non ? Alors j'ai...

Mais, voyant le regard sévère des deux vieilles femmes, elle laisse tomber. Noyer ses problèmes dans l'alcool, c'est n'importe quoi. C'est pour les paysans, pour les moins que rien, pour les gitans comme cette Malika ! Elle, elle va se débrouiller pour reconquérir son marin, son amour de toujours, son âme sœur. Lui ouvrir les yeux pour lui montrer qu'au fond, c'est elle qu'il l'aime, qu'il a juste un caprice, une envie de voir ailleurs, d'essayer autre chose... de toute façon, il n'ira pas bien loin avec cette gamine des champs. Jamais il ne sera riche. Jamais il ne sera respecté.

Je dois prendre l'air...

Elle se lève de table en posant sa main sur son front... bouillant. Et oui, elle tient difficilement l'alcool la p'tite.
D'une démarche peu rassurée, elle sort de la cuisine, traverse les couloirs en accélérant le pas, et lorsqu'enfin elle se trouve à l'extérieur, elle prend une grande et longue inspiration, retrouvant aussitôt les idées claires.
Regagnant de la lucidité, elle fait le tour de la vaste demeure, savourant l'odeur des fleurs du jardin soigneusement entretenu, les cheveux dans le vent telle une princesse perdue à la recherche de son prince charmant...
En parlant du prince, la voilà qui passe devant la petite chapelle et voit Rodrigo, assis, la tête penchée, sur un banc par une petite fenêtre. Elle retrouve le sourire, comme d'habitude, adoucie par cette image de son aimé, il a l'air si vulnérable, tout le contraire de tout à l'heure...

A pas de loup -pourtant pas très discrètement, à cause des quelques grammes d'alcool dans le sang-, elle rentre dans le lieu saint, traverse la nef et s'assoit à ses côtés. Ne voulant le perturber dans ses prières, elle murmure à voix basse, le regard fixé sur l'autel :


J'avoue que j'ai été surprise par tes paroles, à table. Très surprise et même que...

Elle se tait. Non, pourquoi lui montrer une facette méchante et audacieuse d'elle ? Non. Elle est bien plus intelligente que ça.

Mais je comprends très bien ta décision... j'espère toutefois que ça ne gâchera pas notre amitié, car tu comptes énormément pour moi.

Elle ose un petit regard sur lui. Ohhh... qu'est ce qu'il est beau !
Le voilà qui la dévisage de ses petits yeux marrons. Ohhh...
Elle pose un baiser sur sa joue, ne tenant pas à toucher ses lèvres, du moins pour le moment. On va mettre ça sur le compte du vin et du fait qu'elle ne peut plus très bien maîtriser ses gestes. Et peut être aussi ses paroles.


J'aimerai beaucoup que tu me parles de cette jeune fille... je me suis mal comportée à son arrivée. Si elle compte à tes yeux, c'est que ce n'est pas n'importe qui !


Bien sûr que si.
--Rodrigo



La porte de la chapelle s’entrouvre un court instant, en grinçant légèrement, déchirant le silence lourd et quasi monacal, troublant le recueillement et les pensées de Rodrigo. Quelqu’un s’approche d’un pas hésitant. Il tourne la tête : Isabella ! La jeune femme qui était encore sa promise, quelques minutes auparavant, l’a donc suivi dans ce vieux sanctuaire que sa famille entretient depuis des générations.

Les premiers mots d’Isabella laissent présager le pire. Ce n’est pourtant pas l’endroit le plus approprié pour des éclats de voix, a t’il le temps de penser ! Mais s’il le faut, il répondra présent, même si l’agressivité n’est pas dans sa nature.

Isabella s’en rend-elle compte, ou bien a t’elle d’autres raisons ? De manière inattendue, son ton s’est adouci instantanément. La riche héritière lui parle posément, affectueusement. Oui, elle désire garder son amitié précieuse. Oui, elle veut tout savoir à propos de Malika et de leur rencontre.

Mouais … Rodrigo est conscient de la rouerie des femmes. Il connaît par cœur la jeune portugaise, elle n’échappe pas à la règle. Elle n’est pas différente des autres, au contraire. Son rang , son éducation et sa beauté lui permettent souvent d’atteindre les buts qu’elle se fixe.

Il la dévisage longuement avant de lui répondre, plongeant son regard dans ses yeux sombres. Que dissimulent-ils ? Ruse et fourberie ? Désir de vengeance ? Ou bien sont-ils francs et sincères, tels qu’ils veulent apparaître ? Ces phrases amicales sont-elles destinées à l’amadouer, voire même à le reconquérir ? Cela fait beaucoup de questions pour le jeune officier fatigué par sa longue chevauchée, diminué par sa blessure récemment réouverte, même si sa gitane l’a soigné de son mieux, avec énormément de tendresse. Pour toutes ces raisons, en cet instant précis, Rodrigo se sent incapable de voir clair dans le comportement d’Isabella. Mais puisqu’elle reste calme et sereine, et ne lui adresse aucun reproche, il peut sans doute lui laisser le bénéfice du doute. Oui, il va satisfaire sa curiosité au sujet de Malika, tout en taisant les aspects trop intimes, trop personnels. Il n’y croit guère, mais pourquoi ne deviendraient-elles pas des amies, plus tard, lorsqu’il aura épousé sa douce gitane ?

Vois-tu Isabella, Malika n’a pas la chance d’appartenir à notre monde, tu l’auras remarqué. Mais elle a d’énormes qualités que tu découvriras peu à peu si tu t’en donnes la peine. Elle n’est pas intéressée par la fortune, par le pouvoir. Je suis certain que notre amour est sincère, et le seigneur, là-haut, vient de me rassurer. Je sais qu’elle reviendra dans deux jours comme elle l’a promis. Elle est issue d’un peuple craint et souvent pourchassé, un peuple de parias, mais elle n’a qu’une parole. Puisque tu désires rester mon amie, ce serait gentil de l’accueillir avec plus de chaleur, plus de sympathie. Je pense que tu n’as rien à lui reprocher. Nous nous sommes aimés dès le premier regard, et elle ignorait totalement ton existence.

Il lui sourit. Parler de Malika lui fait du bien. Il a décidé de faire confiance en la race humaine, tout en restant vigilant, cependant, en ce qui concerne Isabella.

Je suis content que tu me comprennes, que tu sois mon amie, et que tu ne veuilles pas m’arracher les yeux. Si tu veux, on en reparlera demain. A présent je vais me coucher, je suis au bout du rouleau.

Rodrigo se lève, embrasse doucement le front d’Isabella, puis quitte la chapelle sur un signe de croix. Quelques instants plus tard, il tombe comme une masse dans son lit de célibataire, qu’il a hâte de partager avec sa tendre Malika.

--Ines



Silhouette furtive, constamment à l’affût d’une indiscrétion ou d’une nouvelle stupéfiante, Inès a assisté, sans se montrer, à la conversation dans la salle à manger entre les membres des deux familles voisines, mais aussi et surtout elle a clairement entendu les confidences que ce Rodrigo de malheur a chuchotées à son père, ce vieux grognon d’Arminho. Dissimulée derrière d’épaisses tentures, invisible, retenant son souffle, elle est totalement comblée lorsque les deux hommes se séparent et s’éloignent chacun de leur côté. Oui, comblée, et ce qu’elle a entendu confirme ce qu’elle craignait. Cette maudite gitane n’est donc qu’une fieffée voleuse, en plus d’une « moins que rien » s’exhibant à demi-nue dans les tavernes, et s’offrant à la convoitise des hommes pour quelques écus.

Son viol par des soldats ? Sa soi-disant indifférence pour l’argent et la réussite sociale ? Baratin que tout cela ! Du vent ! Et ces deux nigauds ont tout avalé aussi rapidement qu’un poisson avale un moucheron, se laissant apitoyer par cette aventurière. Rodrigo d’abord, et son père ensuite, ce-dernier se fiant uniquement aux affirmations de son fils. La réputation de ce vieux dur à cuire n’est pourtant pas d’être crédule à ce point !

La dame de compagnie quitte sa cachette, avec la plus grande discrétion, afin de rendre compte à sa jeune maîtresse de ces informations renversantes. Par une fenêtre donnant sur l’arrière de la propriété, elle aperçoit dona Isabella pénétrant dans la chapelle quelques instants après Rodrigo. Adoptant un air nonchalant, elle se dirige dans cette direction, attentive à chaque bruit, à chaque mouvement.

Et le fils de dona Philippa lui apparaît à nouveau, seul et apparemment pressé. D’un bond elle se tapit dans l’ombre naissante pour ne pas être vue, puis, lorsque le jeune homme s’est éloigné, elle s’empresse de pénétrer dans la chapelle. Dona Isabella est en train de méditer, agenouillée sur un banc.

Inès la rejoint d’un pas rapide, et lui expose sans rien omettre tout ce qu’elle vient d’apprendre au sujet de cette gitane, rusée sans doute, mais pas autant qu’elle. Oui, cette Malika n’est qu’une voleuse, une dévergondée. Elle a réussi à émouvoir Rodrigo en imaginant ce viol dont elle aurait été la victime, et l’a attiré dans son lit. Balivernes que cela, c’est évident. Mais que faire à présent de tous ces renseignements, puisque don Joachim et son benêt de fils sont déjà au courant de toute l’histoire ? Ahh, tout serait si simple si cette souillon, cette intrigante, pouvait disparaître dans la nature ! Tout rentrerait dans l’ordre …

Prête à tout, Inès dévisage sa jeune maîtresse, n’osant toutefois pas lui proposer la méthode radicale et expéditive qu’elle a en tête.

--Dona_isabella


Le baiser déposé sur le front lisse et doux de Isabella la fait frissonner, de haut en bas, elle en a les cils papillonnants. Les lèvres de Rodrigo sont tellement tendres, expriment tellement de choses pour elle. Alors les avoir posées sur une partie de son corps -que ça soit pour une raison malintentionnée ou non-, la fait planer à cent mille. Même si ce n'est qu'un baiser purement amical et surtout, respectueux, pour la saluer. Rien de plus. Enfin, peut être que si... dans son regard, quelque part au fond de ses pupilles doit bien se trouver une étincelle, celle qui déclencherait un tourbillon de sentiments chez lui et qui lui donnerait un peu de courage pour la demander en mariage... hors, ce n'est pas le cas. Du moins, pas maintenant.

Pourtant, ses doutes et ses fantasmes se dissipent lorsque sa dame de compagnie, la vieille et sage Inès, fait irruption dans la chapelle, juste après le départ du jeune marin.
Sa langue se délie et la voilà qui commence à parler, raconter tout ce qu'elle a entendu et vu, dissimulée derrière des murs, des portes, telle une espionne à l'affut de la moindre information capitale pour sa mission.
Malgré son âge, comparé aux vieux croutons des villages, Inès est encore très en forme, surtout lorsqu'il faut aider sa jeune protégée ainsi que sa famille. Dévouée aux Gonzales d'Almirante, à la vie, à la mort !

Au fil et à mesure des mots qui s'enchainent, prennent sens dans la tête d'Isabella, son visage change d'expression. De la douceur à la colère. Du rose tendre au rouge piment.
Cette mendiante des rues a réussi à charmer SON époux promis avec des balivernes, c'était sûr. Cette histoire de viol, du pipeau. Une simple excuse pour que Rodrigo prenne pitié d'elle, et puis, il devait être tellement épuisé de son voyage qu'il ne s'est même pas rendu compte qu'en quelques secondes seulement elle se trouvait sur sa couche, toute à lui. Comme si elle ne voulait pas de son argent, mais bien sûr! Toutes les femmes disent ça avant de s'emparer des biens de leurs soi-disant "maris". Toutes, sauf Isabella. Elle a déjà tout ce qu'il faut, pas besoin de plus.

Pauvre Rodrigo, il ne mérite pas tout ce mensonge et cette malhonnêteté. Ca fait tellement beaucoup pour lui, pauvre marin, à peine revenu de voyage. Il faut régler tout ça au plus vite, avant que ça ne s'aggrave et que ça n'aille plus loin : laisser une gitane prendre le pouvoir dans la famille des do Setubal.

Lentement, elle se lève du banc, la tête emplie de pensées et de réflexions, les unes plus compliquées que les autres. Il faut l'aider, mais si elle lui en parle elle connait déjà sa réaction. Il veut toujours se débrouiller seul et avoir de l'aide de la part de quelqu'un d'autre ferait sûrement du mal à son égo. Donc, possibilité à rayer.
La deuxième serait celle de demander un éventuel coup de main à doña Philippa. Un sourire machiavélique prend forme sur les lèvres de la jeune femme.

Tout en sortant de la chapelle et en prenant la direction du domaine sous le soleil couchant, Isabella explique brièvement son plan. Voyant la mine réjouie d'Inès, la jeune fille sourit de nouveau. Une fois de plus, elle a une idée de génie.

Une fois à l'intérieur, elles se séparent aux escaliers qui mènent à leurs chambres respectives. Avant de monter, Isabella lui dit :
demain, à l'aube, viens dans ma chambre. Tu m'aideras à me préparer, puis nous passerons à l'attaque. Léger clin d'œil et elle entre dans sa chambre, se déshabille puis file sous les draps douillets en baissant les paupières. Le sommeil lui vient facilement, après une telle journée, après tout, ça se comprend...


Le lendemain.

Dépêche-toi Inès! Bon sang, regarde cette mèche! C'est... c'est tellement...

Avant même qu'elle n'ai le temps de pouvoir sortir un de ses jurons favoris de lorsqu'elle est stressée, la gouvernante donne un coup de peigne dans sa tignasse.

Merci, quand même, dit Isabella en soufflant. Un dernier regard dans le miroir. Elle était habillée sobrement, d'une robe rouge en soie qui épousait parfaitement ses courbes, les cheveux lâchés avec une rose rouge attachée grâce à son oreille, un collier avec un pendentif en forme de "I" délicatement posé dans son décolleté, des sandales pratiques pour faire une longue marche.

Tirant à moitié Inès derrière elle, à pas légers, elle avance dans les couloirs jusqu'à arriver devant la chambre de doña Philippa. Certes, cela ne se faisait pas de déranger quelqu'un aussi tôt le matin, mais la cause en valait la peine.

Doucement, elle toque à la porte, recule d'un pas pour être à la hauteur de sa gouvernante. Sa belle-mère ouvre la porte, un livre à la main. Au moins, elle n'est pas dérangée pendant son sommeil ! Elle ouvre la bouche pour les questionner de leur venue de si bonne heure mais les yeux alarmants d'Isabella la font taire.


Il y a urgence, doña Philippa.
Elle se tourne vers Inès, qui s'empresse de tout lui raconter, de A à Z. Le comment du pourquoi de cette rencontre avec la gitane blonde. Une fois fini, la jeune héritière des Gonzales d'Almirante pose ses genoux à terre, le regard implorant et légèrement mouillé :

S'il vous plait, aidez-nous ! Nous devons nous débarrasser de cette manipulatrice... elle va tout casser entre moi et votre fils... et notre avenir ? Qu'est ce que nous allons faire ? Nous avions tout prévu, TOUT ! Je ne sais plus quoi faire... je suis perdue...

Elle baisse la tête pour essuyer une larme. Ou du moins quelque chose qui y ressemble.
--Dona_philippa



Dona Philippa est émue par le chagrin de la jeune fille. Par son désarroi. Elle laisse parler son cœur, tout en écoutant également ce que lui dicte sa raison. Et, pour une fois, cœur et raison travaillent la main dans la main. Ils ne sont pas en totale opposition, ils agissent en symbiose, ils n’écartèlent pas, comme c’est si souvent le cas dans les délicats problèmes familiaux et dans les histoires sentimentales les plus complexes. Avec beaucoup d’empressement et de familiarité, elle invite donc Isabella à pénétrer dans sa chambre, et sa protégée est suivie comme son ombre par Inès, qui s’est révélée diablement précieuse une fois de plus. La maîtresse de maison prend gentiment la belle héritière entre ses bras, et caresse doucement les longs cheveux qui lui couvrent la nuque. Les sanglots d’Isabella se calment peu à peu, tandis que Philippa réfléchit intensément, gagnée par une sourde colère. Non ! L’heure n’est plus à l’abattement, à la résignation. L’heure est à la ruse, à la détermination.

La maman de Rodrigo indique un fauteuil à Inès, et repousse délicatement Isabella qui s’assied sur un coin du lit, triturant entre ses doigts un mouchoir de soie. Dona Philippa s’installe à ses côtés et lui prend la main. Protectrice, apaisante. Elle hésite un instant à parler devant Inès, mais la dame de compagnie semble totalement dévouée à sa jeune maîtresse. Et puis le temps presse, il faut accorder les violons.

Je suis de ton côté, ma chérie. Bien-sûr. L’apparition de cette aventurière me contrarie au plus haut degré. Tout d’abord parce que je t’apprécie énormément, et que je suis convaincue que tu seras la bru idéale. Mais aussi parce que ce mariage réunira nos deux domaines à tout jamais. Nous en avons déjà beaucoup parlé précédemment. Nous ne pouvons abandonner tous nos beaux projets au profit de cette intrigante surgie de nulle part … même si nous devons pour cela utiliser les grands moyens.

Elle dévisage ses deux interlocutrices, obtenant instantanément leur accord muet. Les voilà solidaires. Les voilà complices.

Je n’irai pas par quatre chemins ! Si cette bohémienne a le culot de revenir à l’hacienda, nous devrons nous débarrasser d’elle. Il y a pour cela plusieurs formules. Je pensais tout d’abord lui proposer une somme rondelette pour qu’elle aille se faire pendre ailleurs, mais le résultat n’est pas garanti. Elle est bien capable d’accepter les écus, puis d’en réclamer toujours plus, ou de continuer à aguicher mon fils malgré tout. Dès lors nous utiliserons une méthode plus radicale. A son retour, nous l’accueillerons cordialement, nous jouerons les résignées, mais, à la première occasion, nous allons l’enlever. A nous trois, je pense que nous y parviendrons sans difficulté. Ce n’est qu’une gamine maigrichonne, après tout.

Un sourire moqueur apparaît sur son visage. Elle a hâte d’y être, c’est évident.

Dans le village voisin, un commerçant ambulant, originaire d’Afrique du Nord, s’occupe de fournir les riches sultans du désert en filles provenant du continent européen. En toute discrétion, bien entendu. Ces filles sont très recherchées pour les harems de ces puissants berbères. Mes sources sont sûres, je connais très bien cet homme et il m’est redevable d’un service. Nous pourrons compter sur lui pour faire disparaître notre victime.

Dona Philippa lève à nouveau les yeux vers ses voisines, qui l’écoutent attentivement en hochant la tête de haut en bas. Isabella a retrouvé son beau sourire. Sa dame de compagnie paraît enchantée par ce plan.

C’est d’accord, nous agissons ainsi ? Pas un mot à quiconque, bien entendu …

--Ines



Dieu que les dernières paroles de dona Philippa sont agréables à entendre. Inès se sent appréciée, Inès se sent importante. La voici membre d’un trio poursuivant un but unique, dont les deux autres individualités comptent parmi les personnalités les plus influentes et les plus respectées du nord du Portugal. Elle est pratiquement leur égale dans cette stratégie qui ne comporte finalement que peu de risques. Leur cible lui semble en effet bien vulnérable. C’est juste une petite voleuse sans envergure qui profite de ses charmes, discutables d’ailleurs, et de la naïveté d’un jeune homme fortuné. Cette Malika a sans doute avancé un pion en séduisant don Rodrigo, mais la partie est loin d’être terminée. La jeune aventurière ne disposera d’aucun soutien dans la région. Elle ne pourra s’opposer à la volonté inébranlable de leur trio. Oui, elle a avancé un pion, mais elle sera bientôt «échec et mat».

Le plan de la maîtresse de maison est d’ailleurs très proche de ce qu’Inès avait imaginé. La dame de compagnie se serait même volontiers montrée plus impitoyable. Plutôt que d’exiler cette maudite gamine dans un lointain harem, perdu dans l’infinité des sables, elle lui aurait carrément coupé le cou, si elle avait pu diriger la manœuvre. D’ailleurs, qui sait ce que l’avenir réserve, elle en aura peut-être l’occasion un jour. Inès n’est plus de première jeunesse, mais elle est solide, et elle se sent parfaitement capable des pires extrémités afin de venir en aide à dona Isabella. Mais cela, elle préfère le tenir pour elle.

C’est un excellent plan, dona Philippa. Cette « rien du tout » n’aura que ce qu’elle mérite. Qui sème le vent récolte la tempête. Quand elle comprendra ce qui lui arrive, elle sera au service exclusif d’un sultan. Que rêver de mieux ?

Un sourire répondant à un autre sourire. Les dés sont jetés. Il reste donc à attendre le retour probable de la gitane. Don Rodrigo semblait persuadé qu’elle reviendrait, comme promis. Inès ne sait plus si elle doit ou non le souhaiter. Elle s’agite un peu sur son fauteuil. La discussion est terminée, et elle regagnerait volontiers sa chambre, mais la curiosité l’emporte. Sa jeune maîtresse ajoutera t’elle un commentaire au plan élaboré par dona Philippa ?

--Sajara



Sajara ruminait toujours sous son arbre.
Il regarda Fatima avec un air de chien battu, quand il perçut chez celle-ci un éclair dans le regard. A ce moment, il se rendit compte qu’elle savait quelque chose. Fatima avait des yeux et des oreilles partout dans cette ville ; aucun évènement ne lui échappait. Sajara se sentit ragaillardi, dès à présent il savait que sa quête reprenait. Ce n’est certes pas cette fois qu’il décevrait son maître et ami Joao.

Il se prosterna devant la maîtresse de maison, et la supplia de lui fournir le moindre détail lié à son affaire.
Il indiqua à sa vieille amie qu’il était là pour la bonne cause, se justifia mille fois de ces intentions. Il prit les postures les plus respectueuses, changea des dizaines de fois sa voix, ses intonations. Il sollicita la donzelle à maintes reprises, fit des centaines de grimaces, déforma sa bouche,… Il en était presque à pleurer comme un enfant devant une friandise qu’on lui refuse. Le spectacle tirait entre la tragédie, la scène la plus triste d’un drame et la scène grand-guignolesque de la plus ridicule des comédies.

Devant cette représentation des plus sincères, nul doute que Fatima céderait…

Après tant d’émotions, il avait le gosier aussi sec qu’une éponge dans le désert. Il se saisit de sa gourde. Un breuvage issu des meilleurs ceps de Bordeaux vint lui caresser les papilles. Quel réconfort que ce rouge élixir, autre chose que tout ce que pouvait offrir d’autres « sous-alcool ».

Planté devant Fatima, Sajara ne la lâcherait pas tant qu’il n’aurait pas eu ce qu’il désirait…
--Fatima

Fatima comprend à demis-mots que la mission de Sajara est de retrouver la petite reine qu’elle abrite en ce moment même et qui doit dormir à poings fermés, épuisée par les émotions et ce long voyage .

Elle le laisse parler, l’écoute en silence. Son ami use de mille facéties pour l’amener à se dévoiler, elle n’est pas dupe, mais elle a une confiance absolue en Sajara. Elle sait qu’elle peut se confier à lui. Jamais il n’utilisera ses paroles pour nuire à son adorable protégée. Surtout en sachant qu’elle est la fille du grand sage chez qui Sajara était en service autrefois.

« Pourquoi tu fais le singe ? Tu veux m’attendrir ? Alors écoute moi, mon ami, écoute, je vais te dire … »

Et elle-même se laisse aller à la confidence, elle poursuit son monologue, devant l’intérêt évident et la vive attention exprimés par le visage de Sajara. Elle lui raconte toute l’histoire.
Qui est Malika, comment elle a connu Rodrigo, le voyage dans lequel il a voulu qu’elle l’accompagne, et comme il a pu le constater par lui-même, comment la blonde Malika a été accueillie très fraîchement et d’une manière insultante à l’hacienda, particulièrement par l’ancienne promise de don Rodrigo.

Elle a riposté fièrement, mais elle a été très touchée dans son amour-propre et sa sensibilité. Ainsi, elle a décidé de riposter avec des armes typiquement féminines. De jolis atours, une toilette somptueuse, un visage frais, reposé, et joliment maquillé. Elle veut paraître au moins aussi élégante et désirable que cette péronnelle qui s’est moquée de son apparence.
D’ailleurs, dès le matin, Fatima l’accompagnera dans les boutiques les plus réputées de la ville, pour la chaperonner et ne pas laisser seule, et la cavalière fatiguée et poussiéreuse se métamorphosera en une délicieuse dame du monde, puisque tel est son désir. D’ailleurs Dame nature a déjà été particulièrement généreuse avec elle. Malika sera très belle, et cette Isabella en crèvera de rage et de jalousie.

Mais il est tard. Fatima propose un lit à Sajara, mais ce-dernier souhaite réfléchir et méditer encore un peu sous les étoiles. Et la gardienne du hammam rejoint sa couche pour une courte nuit alors que son vieux complice s’éloigne lentement dans les ténèbres.

--Malika

Sa nuit a été peuplée de cauchemars, elle y a vu son marin la laissant sur le chemin, et trois vieilles femmes lui jetant des pierres en visant son visage. En larmes et en sang elle le regardait s’éloigner sur un cheval noir, dans un nuage de poussière, la belle Isabella amoureusement serrée contre sa poitrine. Elle tend les mains vers lui, ses pieds sont cloués au sol, Rolio git éventré dans l’herbe verte, une broche en or fichée dans son cœur. Un vieil homme aux cheveux blancs accompagné d’un maure sans âge galopent vers elle, la ceinturent par la taille, celui-ci la hisse sur son cheval … et …

Un cri, le front moite, les mains crispées sur le fin drap de lin, Malika se réveille en sursaut, son cœur bat la chamade, un nœud d’angoisse noue sa gorge.

Un regard vers la fenêtre encore voilée par un lourd brocard qui l’empêche de voir si la nuit est encore là, puis d’un bond elle se lève, écarte le rideau, et ouvre en grand les persiennes.
Le jour est là, le soleil pose ses rayons sur ses cheveux dorés, fini la noirceur, fini les mauvais rêves.
Elle respire à plein poumons l’odeur des orangers en fleurs, et peu à peu les battements de son cœur s’apaisent. Encore un grand soupir, puis elle se retourne pour voir que la maternelle Fatima a déposé pendant son sommeil un grand verre de lait et quelques pâtisseries, et même un petit bouquet de fleurs, le tout harmonieusement disposé sur un plateau de cuivre ciselé. Un sourire vient illuminer le visage de Malika, avec gourmandise elle dévore un gâteau à la cannelle…

Un peu plus tard, rassasiée, ses ablutions faites, le cœur plus léger, elle enfile une chemise de fin linon blanc, une jupe rouge, un corselet assorti. Elle discipline même ses cheveux, qu’elle coiffe en catogan, elle met un bonnet de dentelle. Il faut qu’elle ait belle mise pour faire bonne impression dans les échoppes des tisserands où Fatima doit l’amener pour acheter le nécessaire pour rivaliser d’élégance avec la brune Isabella.

Dans les fontes de cuir déposées au pied de son lit, elle prend une grosse poignée de pièces d’or, puis elle en repose quelques unes. Dans son for intérieur, la jolie gitane trouve que ces dépenses sont bien superflues. Si elle s’écoutait, elle préfèrerait acheter deux beaux étalons et tout leur équipage, mais il fallait se battre avec les même armes que l’ennemie, armes bien dérisoires, mais « dans le monde, fait comme dans le monde et soit la première », lui aurait dit son père.

« Abi khasssara iba’ana », mon père tu seras fier de moi … ( très approximatif )

--Fatima

Dans le patio Fatima cueille quelques roses, elle voit Malika se diriger vers elle un grand sourire aux lèvres. Elle serre la jeune fille contre elle, il est inutile qu’elle lui parle de la visite de Sajara.

« Merci Fati, tes gâteaux sont merveilleux »

« Ce n’est rien ma fille, alors c’est le grand jour aujourd’hui ? Je vais t’accompagner dans les échoppes, je te servirai de chaperon, une jeune fille comme il faut a un chaperon ! »

Cela fit rire la jolie gitane se disant que là ou elle était passée durant sa courte vie, un chaperon aurait été bien utile…
Les voilà déambulant dans les ruelles ombragées, les échoppes ne manquent pas, elles entrent dans l’une pour après aller dans une autre. Chez Don Espano, Malika trouve enfin ce qu’elle souhaite.

Attendrie, Fatima la regarde essayer divers atours, en silence, elle l’observe. La petite a un gout très sûr, elle prend deux robes de jour, une bleu pale brodée de fils d’argent, l’autre d’un ton abricot qui met son teint éclatant en valeur, une escarcelle brodée se portant sur la hanche. Elle regarde aussi deux hennins, les posant tour à tour sur ses cheveux dorés. Avec une petite grimace sur son visage, elle les repose sur le présentoir.
Un collier de simples perles fines éclaireront ces tenues. Il lui fallait aussi une robe de diner, et son choix se porte sur une robe crème rebrodée de perles à l’encolure, un voile de mousseline posé sur un tambourin vient parfaire l’harmonie. De fines chaussures ton sur ton terminent élégamment l’ensemble.

La petite en a assez, elle veut rentrer, mais au moment de partir, son œil est attiré par une tenue d’amazone, une chemise blanche a col échancré, une robe de cuir marron, de superbes cuissardes lustrées, d’un rouge profond. Elle se décide à la prendre aussi.

« Tu vois Fati je donnerai toutes les robes du monde contre cette tenue, je ne me sens pas à l’aise avec toutes ces fanfreluches »

Fatima sourit largement, elle est heureuse de voir sa jolie petite reine si belle, elle hoche la tête en se disant que ce petit seigneur avait bien de la chance qu’elle l’aime. Toutefois elle pressentait des complications à venir ! Inch allah ! Une silhouette rassurante lui apparaît de temps en temps dans les miroirs des boutiques. Sajara veille discrètement sur elles, ainsi qu’elle s’y attendait.

« Don Espano vous ferez tout livrer au hamman des Etoiles, dans l’après midi ce sera très bien »

Reprenant le chemin en sens inverse Fatima la trouve bien silencieuse sa petite reine, le regard perdu et triste.

Qu’as-tu ma fille ???


« Fati , je voudrai repartir ce soir même, je ne veux plus passer encore une nuit loin de Rodrigo. J’ai peur sans lui, j’ai peur pour lui, pour nous ! »


--Sajara




Sajara sent monter en lui l’excitation de la réussite.

Oui ! Enfin ! Il a réussit…

Sa mission a pourtant bien faillit lui échappé cette fois-ci.
Mais les dieux en on décidé autrement. Ils n’ont pas abandonné Sajara.
Il sourit de tant de mansuétude.
L’échec aurait été amer. Il aurait déçu son ami Joao, et peut être fait échouer l’amour de ce jeune crétin de Rodrigo.

Pour une fois qu’une mission des plus positive lui incombait, échouer était inconcevable.
Foutre de bouc ! Autant crever sur place, foudroyé par les dieux des enfers.

Sajara demanda à un laquais de lui fournir un pigeon pour le sieur Joao.
Le laquais entendant le nom du seigneur, s’exécuta horrifié.

Le géant à la peau mate mis du temps à rédiger son message.
Il informa Joaquim qu’il avait retrouvé la promise de son de fils et qu’il veillait sur elle à distance. Il confirma que la jeune femme serait présente au château comme elle l’avait indiqué à son jouvenceau.

Il lâcha le pigeon porteur du message, ce dernier prit son envol se dirigeant vers le château d’Arminho.

Il ne ramènerait pas la beauté dorée de suite au château. Il lui laisserait respecter son ultimatum.
Ainsi, Rodrigo réfléchirait et se prendrait un peu en main, pensa le vieux régisseur.

Tranquillisé d’avoir remplit la première partie de sa mission, il traversa une partie de la demeure.
Il arriva à proximité du patio, quand il aperçut Fatima et la jeune blondinette.
La voilà, la beauté dont s’est amouraché le fils de son ami. Ma foi, il a du gout le damoiseau se dit le maure.

En voyant, cette gamine, il se rappela son ancien maître. L’esprit traversé de souvenirs, il se dit qu’une dette restait à payer. Ce sage, ce poète qu’il servait en Andalousie, était le père de Malika, maintenant il le savait.
Cet homme bon et juste… Il l’avait trahi !
Il était temps de payer sa dette. Il ferait tout pour protéger la fille de ce vieux savant.

Sans cet homme, il serait déjà en train de se consumer en enfer. Il réparerait son méfait en veillant sur Malika.
Le poète andalou le saurait…d’outre tombe, il le saurait… c’est certain…
Mais pour cet acte de contrition, Sajara devait rester dans l’ombre.
Ce doit être un acte totalement gratuit. Il ne devait en tirer aucune gloire ou remerciement ; quitte à se faire tuer sans que nul ne le sache !

Ne perdant pas une miette de leur conversation, Sajara se prépara à devenir une ombre parmi les ombres. Malgré sa corpulence impressionnante, il savait le faire. Cela lui avait sauvé la vie plus d’une fois.
Les femmes devaient faire quelques emplettes. Elles circulèrent dans la ville sans savoir qu’un mastodonte veillait à leur sécurité.
Pourtant, rusée comme une louve protégeant sa portée, Fatima avait repéré sa présence.
Il le sentait.
Peu importe, de cette manière aucune ambigüité ne ferait ombrage à leur amitié.
--Rodrigo



Aube d’un jour nouveau. Espoir d’une vie nouvelle.

Un visage blond ne l’a pas quitté de la nuit, mais l’angoisse le saisit à la gorge dès son réveil. Attendre ? Attendre encore ? Non ! Même s’il n’a qu’une chance infime de retrouver Malika, il va tout tenter. Il n’y a rien de pire que ce doute, que ces interrogations qui l’obsèdent. Non, il n’a pas la patience d’attendre plus longtemps. Malika a besoin de lui, il a besoin d’elle. C’est comme ça. C’est gravé au fond d’eux. D’ailleurs il est grand temps qu’il se mette à gérer lui-même ses actes, qu’il prenne enfin le contrôle de sa vie. Qu’il se dégage du tendre carcan maternel. N’est-il pas le fils de l’illustre Arminho, que diable ! Même s’il ne cautionne pas toujours le comportement excessif de son père, il faut qu’il s’inspire de sa forte personnalité. Le jeune officier doit devenir le seul maître de son destin.

Il se hâte vers l’écurie et selle son cheval préféré, celui qui l’a accompagné dans toutes ses courses folles d’adolescent privilégié et insouciant. Sans remarquer le visage d'Inès, partiellement dissimulé par les rideaux de sa chambre, il se lance au galop, saute la barrière, grimpe la colline par l’unique chemin qui mène à l’hacienda. Là, ce nuage clair et immobile dominant les massifs de mimosas en fleurs, c’est le corps de Malika. Là, ce reflet dans l’eau limpide de la rivière endormie, c’est le visage de son amour. Oui, il a été un bel empoté de la laisser partir ainsi. Le fougueux cavalier galope droit devant lui, le cœur inondé de tendresse, mais les tripes rongées par une vive inquiétude. Il galope, il galope, jusqu’à …

Jusqu’à ce maudit croisement, où trois directions s’offrent à lui. Voilà son bel élan ébranlé. Le voilà bien embarrassé. Ces chemins, il en connaît chaque pierre, chaque ornière, il les a parcourus à maintes et maintes reprises. A droite, vers l’océan, vers les quelques villages de pêcheurs éparpillés le long de la côte. Droit devant, c’est la vieille ville de Ponte de Lima, et, beaucoup plus loin, Braga. A gauche, Ponte da Barca, une bourgade animée. Cruel dilemme. Son enthousiasme en prend un sacré coup. Rodrigo descend de sa monture, et s’assied pesamment sous un arbre, les épaules basses. Ses doigts se crispent sur son visage défait.

Oui, il a été un bel empoté de la laisser filer ainsi.

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