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[RP] De la roulotte à l'hacienda

--Sajara


Les talons de Joaquim ont à peine disparu que Sajara se précipite dans l’autre aile du château. Prenant coursives, raccourcis et passages discrets, le maure a tôt fait d’apparaître au niveau des appartements des deux tourtereaux.

Il prend place discrètement.
Déjà, sa garde n’est point inutile ; il aperçoit la vieille chouette avec parures, robes et autres fanfreluches sous le bras.
Intrigué, Sajara, observe la vieille pie qui se rend dans sa chambre. Il a juste le temps de retrouver sa position d’oiseau de proie, quand il entend une discussion assez vive dans la chambre de Rodrigo.
Faisant le lien entre les deux affaires, il écoute attentif, espérant comprendre.
Quel est tout ce cirque !

Recoupant ce qu’il a vu, entendu, et ce qui se déroule. Il en conclut le vol des vêtements de la petite.

Toutefois, sa mission lui interdit d’intervenir. Dommage, il aimerait tant aider la petite gitane, la tirer de ce mauvais pas. Une envie de vengeance s’empare de lui. Il irait bien tordre le cou de la vieille décrépie.
Jouer les espions nécessite également une grande maîtrise de soi si on veut récolter le maximum de renseignements.

Mais sa stupeur est si grande quand il voit paraître Malika habillée comme une aventurière qu’il réprime in extremis un gloussement de satisfaction.

Y pas à dire elle en a dans le ventre la jouvencelle pense t-il.

Sa mission se poursuit jusqu’à la salle à manger.
Tapi dans un endroit sombre. Il attend son maître pour le tenir au courant.
--Dona_philippa



Surprise, indignation, colère ! Ces trois sentiments mélangés se bousculent dans sa tête dès que Malika pénètre dans la salle à manger, au bras de son fils. Sainte vierge, quel déguisement, quelle impudence, quelle vulgarité ! Un tel accoutrement est tout juste bon pour ces filles de petite vertu qui rodent sur les docks de Porto, attendant que les marins revenant de la pêche à la morue aient touché leur solde. Bien entendu, cet idiot de Rodrigo la dévore des yeux comme s’il s’agissait de la huitième merveille du monde. Heureusement que les « do Setubal » ne reçoivent aucun invité de marque pour le repas du soir, la maîtresse de maison ne résisterait pas à une telle honte, un tel déshonneur.

Oui, dona Philippa manque d’étouffer tant sa stupeur est immense. Cependant, son fils semble trouver l’attitude de cette aventurière tout à fait ordinaire, naturelle. Il doit donc y avoir une explication logique à un comportement aussi inqualifiable … fais donc preuve de sagesse et de retenue, Philippa, attends que les choses se décantent avant de décider s’il y a lieu ou non de pousser une gueulante …

Après quelques paroles ironiques d’Isabella, auxquelles cette maudite ambitieuse ne daigne même pas répondre, c’est Rodrigo qui apporte la mise au point indispensable. Un vol ? En effet, comment est-ce possible ? Dona Philippa est aussi scandalisée que son fils.

Tu as raison, Rodrigo, c’est incompréhensible ! je pensais fermement que nous ne risquions pas ce genre de mésaventure dans notre auguste demeure, alors que nos gens de maison sont choyés et ne manquent de rien. Oui, demain, fais donc le tour complet de l’hacienda, tu retrouveras peut-être ces toilettes. En attendant, Malika, je me sens responsable de ce qui arrive, tu as du dépenser une véritable fortune pour ces achats, et je te dédommagerai, bien entendu. Peut-être qu’Isabella aura la gentillesse de te prêter quelques robes, vous pourriez en discuter dès demain.

Les yeux de dona Philippa se posent alternativement sur les deux jeunes femmes assises face à face. Elles n’ont rien en commun, à part une grande beauté. Une blonde sauvageonne, et une dame du monde élégante et raffinée. Ses préférences iront toujours à la seconde, quoiqu’il arrive. La classe naturelle d’Isabella est incomparable, elle sera la belle-fille idéale. Comment son fils ne réalise t’il pas cette évidence ?

Elle devine à la position du bras de Rodrigo qu’il est occupé à pétrir la cuisse de sa nouvelle conquête. Les prunelles de son héritier ne mentent pas, il est sous le charme. Il faut vraiment qu’elle mette un terme à cette situation dans les plus brefs délais. Demain, dès l’aube, elle enverra son majordome porter un courrier urgent à ce marchand d’esclaves. Elle a du travail pour lui.

Dona Philippa lève son verre et se tourne vers la gitane, lui adressant son plus charmant sourire.

A ta santé, Malika. J’espère que ce regrettable incident ne nous empêchera pas de passer une soirée agréable en famille et entre amis.

Elle hèle ensuite le maître d’hôtel, le priant d’apporter les plats sans plus attendre.

--Joaquim


Guilleret, sifflotant comme un pinson, Joaquim arrivait près de la grande salle, quand un bras le retint. La main sur la dague, il reconnu son ami Sajara.

Joaquim esquissa un pas sur le côté et les deux hommes se retirèrent dans une salle contiguë…

Sajara lui relate ce qu’il a vu, et son désir de jouer un mauvais tour à la vieille chouette.

Le patriarche n’y va pas par quatre chemins. Ce n’est pas son genre.

- Tu récupères les robes et tout ce qui va avec et tu fais disparaître la vieille.
Je ne veux pas de trace et pas de cadavre…
après un temps d’arrêt, il ajoute : ni de témoins !

Le message est clair et sans détour.
Le chef de guerre se retrouve comme aux plus belles heures de son commandement. Sa meute de loups va reprendre du service.
Pas de sentiment ou de fioriture. Un obstacle, on le contourne. Un gêneur, on l’élimine.
Le tout est de ne pas laisser de preuves.

Sajara acquiesce. Son maître ordonne et il obéit.
Il est fier de servir ce grand seigneur, et rassuré de le voir encore déterminé. Sa santé le faisait parfois douter de le voir prendre de telles décisions.


Le vieux guerrier va maintenant ripailler avec son fils et sa belle-fille.
Que lui avait dit son fidèle Sajara ?
« Tu verras la jeune gitane a mis en valeur ses attributs. » Cela faisait sourire Joao.

Reprenant son air guilleret et son sifflement, il laissa le maure à sa besogne.
En entrant dans la salle, il aperçut de suite le fruit défendu de son fils.

En effet, on ne lui avait point menti !
Quel délicate et frêle demoiselle, on a tout de suite envie de protéger un petit lot pareil.
Ma foi, se dit-il la vue est magnifique.

La nervosité régnait dans la pièce, une atmosphère tendue et prête à dégénérer en orage.

Plein d’entrain, il salua les convives.
- Et bien ma chère lança t-il à sa future bru, il ne faut point brusquer un vieillard de mon espèce. Votre vue ferait passer le Styx à nombre de mes contemporains.
Un rire ponctua sa remarque.
Il sentit la douce blonde rougir. Son fils loin de se méprendre sur les intentions de son père esquissa un sourire et serra la main de sa compagne pour lui certifier qu’ils avaient avec eux le plus sur des soutiens.

Se tournant vers la maîtresse du château, il détecta le regard désapprobateur de sa femme. Une arbalète ne serait pas plus dangereuse. Ses yeux lançaient des traits.
Dona Philippa resservi à son mari le spectacle de la châtelaine scandalisée par le vol sous son propre toit.
Arminho devait faire fi de ce qu’il savait ; il tapa sur la table faisant trembler les carafes…
- Quoi ? foutre de bouc !
Que le malandrin qui a commit ce forfait ramène sur le champ les effets de dame Malika, ou le cuistre aura le sort qu’il mérite !
J’espère que mes propos feront le tour de mes terres.



Sachant très bien qu’à l’heure présente la coupable devait périr sous les mains de Sajara ; il précisa que le soir venu, il était persuadé que le laquais aurait ramené les effets personnels de leur hôte.
Il s’adressa à Malika lui affirmant qu’à l’heure du coucher, tous ses effets seraient sur son lit.

Arminho sentait que sa femme désapprouvait son comportement. Son seul désir était de voir marier son fils à Isabella. La partie allait être serrée.
Pauvre vieille folle pensa t-il. Je n’ai pas « monté » ce domaine pour le partager avec les Gonzales d’Almirante.
Je préfère voir mon fils heureux avec une bohémienne, à courir le pays, vivre l’aventure,
que devenir un sinistre sire enfermé derrière ses remparts à se farcir une femme qu’il ne peut plus supporter.
Tout en se faisant cette réflexion, Arminho se demandait pour qui il parlait, son fils ou lui-même.

Il fit un signe à l’un des serviteurs. On lui servi du vin.

- Je lève mon verre à mon fils et à ma bru.
Il se tourna vers Isabella pour qui il éprouvait une sorte de tristesse et énormément de tendresse.

- Ma chère Isabella, je sais tout le mal et l’amertume que tu dois tirer de tout ceci.
Je te considère comme ma fille. Et tant que je vivrai, tu seras toujours accueillie comme il se doit.
La vie est cruelle. Je conçois le mal qui ronge ton cœur. Quelques soient les conseils que te prodigueront ta mère et ma femme ; ne les écoutent point. Suis ton cœur !
Reste celle que j’ai toujours aimée, appréciée et chérie.
Ne t’embarque pas dans quelconques vengeances ou aigreur vis-à-vis de Rodrigo et Malika.
Tu n’en tirerais que meurtrissures…


Un silence de plomb régnait dans la grande salle.

- Je lève donc mon verre à l’union de mon fils Rodrigo et de sa compagne Malika…

Sa main ridée aux articulations abîmées par le temps tremblotait.
-Je laisse à mon fils toutes mes terres, à lui de gérer comme il entend ses contrées.
Je n’y mets que trois conditions !
Je garde la tour à mes fins personnelles. Je veux que mon fidèle Sajara soit ici chez lui, qu’il aille comme il l’entend. Enfin je désire que mon ami Rodolfo devienne le conseiller attitré.


Arminho dévisageait chaque personne assis autour de la table.
- Vous l’avez compris j’entreprends un voyage… peut être le dernier, l’ultime…

Sa respiration se faisait lente.
- J’ai écris au roi pour entériner mes décisions.

Femme, tu auras tes quartiers dans le château et la maisonnette aux abords de la forêt au nord du domaine. Mais tu n’auras aucun pouvoir de décision.

Tous ce que je viens de dire tiens lieu de testament. Une copie a été envoyée au roi.
J’ai parlé !


Joaquim se rassoit devant un parterre médusé.
Assez satisfait de son annonce et de son effet, un sourire se dessine sur le visage du vieil homme.

Nul doute que la disparition de la vieille toupie passera inaperçue.
--Malika


Malika se tient aux côtés de Rodrigo, assise à la grande table où donà Philippa les a précédés.

A ta santé, Malika. J’espère que ce regrettable incident ne nous empêchera pas de passer une soirée agréable en famille et entre amis.

Malgré les propos bienveillants de la châtelaine, Malika sent sur elle son regard froid et méprisant. Il y a plus de chaleur dans le regard d’un lézard que dans le sien. Heureusement que Rodrigo est près d’elle, et qu’il tient sa main bien enfermée dans la sienne, tel un oisillon dans son nid.
Nerveuse sans le laisser paraître, Malika serre très fort, de sa main libre, et par un réflexe de défense, la dague d’argent glissée dans sa ceinture. Elle serre si fort que ses jointures en sont blanches. Devant tant d’hypocrisie, elle préfère se fermer à ce qui se passe autour d’elle, et son esprit s’envole. Elle repense toutefois à la phrase d’Isabella.

D'ailleurs, d'où viens-tu ? Nous ne savons rien de toi !

Oui son esprit s’envole vers les siens, des gens peut être rustres, mais respectueux d’une parole donnée à un compagnon, ou encore filous lorsque l’occasion se présente. Si joyeux, exubérants, profonds et tourmentés à la fois. Si solidaires les uns des autres, et si farouches guerriers lorsqu’on attaque les leurs. Elle est tout cela Malika, bouillante ou glaciale, passant du blanc le plus pur au noir le plus abyssal.

« Non Isabella tu n’en connaîtras jamais plus sur ma vie, tu respires la fausseté, le complot, je te pense capable des pires horreurs ainsi que dona Philippa. Vous vous êtes bien trouvées, vous êtes aussi sournoises l’une que l’autre,il n'y a pas que ton grand amour pour Rodrigo, mais quelques chose d'autre qui vous lie toutes les deux ».

Mais son Père, en l’éduquant, a tempéré la sauvageonne, il lui a appris la sagesse, la patience orientale. Le savoir des innombrables livres qu’il lui donnait à lire et qu’elle dévorait dès que les lettres apprises arrivaient à se mettre en mots, puis les mots en phrases.

« Baba, baba, saïdi bech in wili kwryu » ( Père, père, aide moi à être forte.)

Elle observe Isabella, ses simagrées ridicules, avec sa rose rouge et son décolleté plongeant qu’elle promène sous le regard de Rodrigo. Il est évident qu’elle veut attirer son attention, elle en rajoute en promenant un médaillon de droite à gauche, comme si elle désirait l’hypnotiser.

Malika se serre contre Rodrigo, un sourire radieux affiché sur les lèvres, et, sans quitter Isabella de ses yeux qui la défient, elle tend son cou gracieux vers lui afin d’y recevoir ses baisers les plus tendres. « Moi aussi je peux jouer à ce petit jeu de la séduction, ma chère »

Tout d’un coup la porte s’ouvre avec fracas, et le Père de Rodrigo apparait.

Malika, surprise et saisie par la prestance du vieil homme, se lève de sa chaise et le dévisage.
C’est un Homme comme elle en connait dans son peuple, et comme elle aime à retrouver. Contrairement aux femmes de la maison, il est direct, voire un peu brutal, dans son comportement comme dans ses paroles.

Plus les propos de don Joachim se précisent, plus elle rougit, heureuse d’une part de trouver enfin un allié, mais aussi parce qu’il semble régler certains comptes envers dona Philippa. Apaisée par la confirmation de ce soutien sans limite, elle se rassied tout contre Rodrigo, accrochant ses doigts aux doigts de son amant.

Arminho dévisage lentement chaque personne assise autour de la table, et conclut ainsi.

Vous l’avez compris j’entreprends un voyage… peut être le dernier, l’ultime…

Et soudain une vision traverse l’esprit de la jeune gitane, son regard limpide se voile, ses prunelles se noient dans celles du majestueux vieillard.

Non ! Non, mon Père, ne nous quittez pas, nous avons besoin de vous ! [i]Sa voix se brise,
..... J’ai besoin de vous …

Les visages étonnés se tournent vers elle.
--Sajara




A pas feutrés, aussi féline qu’une panthère, ne déplaçant qu’un léger souffle d’air, une tâche noire parcourait les coursives du château. Une ombre à peine visible, si on n’y faisait pas attention.
L’ombre traversait les couloirs, elle se mouvait en silence, se déplaçait en ne laissant qu’une trace obscure sur les murs.

L’ombre, arrivait à proximité des chambres des invités… ne s’y arrêta que l’espace d’un instant. On la sentait à la recherche de sa proie, telle la grande faucheuse en quête d’âme à faucher. Ce soir la mort allait emportée une vie.
Elle se mouvait délicatement, presqu’en glissant.
Les hommes qui l’avait aperçut avait vécu leur dernière nuit ; ceux-là ne verraient pas la lumière du jour.

Un trait de lumière se distinguait dans l’obscurité. Elle venait du dessous d’une porte.

L’ombre, spectre emmitouflé dans une cape, une capuche sur la tête, se saisit de la poignée de porte pour la tourner. Elle entra dans la pièce, une chambre quelconque.

Une vieille femme assis sur un lit ne prêta nulle attention à cette noirceur qui subtilement s’immisçait dans son espace.

Deux mains vinrent se lover autour de son cou, serrèrent avec force le fruit trop mûr.
Un geignement, un bruit étouffé marquèrent la fin de la vieille femme.
La grande faucheuse déposa délicatement le corps sur le sol.

Inès, la servante de la majestueuse Isabella Gonzales d’Almirante avait vécue. Elle ne sut jamais qui lui avait fait cracher son dernier souffle.

Pendant que le corps sans vie de la femme à tout faire des Gonzales d’Almirante gisait au pied du lit. La mort enleva son capuchon. Les mains gantées sortirent un sac.

Le spectre avait le visage de Sajara.
Il venait d’achever la première partie de sa mission.
Il fouilla la chambre, et ne fut pas long à trouver les affaires de Malika. Il les dissimula délicatement dans son sac. Puis il se dirigea vers la chambre de la petite bohémienne où il déposa tout ce qu’il avait récupéré sur le lit.

De retour dans la chambre de la gisante, il s’employa à faire disparaître toutes traces qui aurait pu l’incriminer.
Il enroba le cadavre dans une housse noire, mis le tout sur l’épaule, et se couvrit le visage.

La mort emporta son dû.

Le spectre s’évanouie dans la nuit.

Personne ne retrouvera Ines.
La mort a ce pouvoir d’effacer des mémoires les personnes défuntes.

Malika aura retrouvé ces robes. Personne ne pouvait incriminer Sajara et donc Joaquim.

Une mission parfaitement menée, comme les aime Sajara…
--Rodrigo



Son père, don Joaquim, est coutumier des coups de théâtre, des décisions les plus inattendues. Il est habitué à gérer, à commander, et les seules personnes qu’il daigne consulter ne font pas partie de sa famille. Il a une poigne de fer dans un gant … de fer. Ses décisions surprennent toujours, dérangent parfois, mais ce soir il a vraiment fait très fort ! C’est en quelque sorte son testament qu’il vient de prononcer, ses dernières volontés qu’il vient d’énumérer. Et le vol des toilettes de Malika passe vite au second plan, tant est immense l’étonnement de chacun, même si don Joaquim a promis les pires représailles à l’encontre du coupable, sur un ton menaçant qui ne laisse subsister aucun doute sur ses intentions réelles. Oui, il est téméraire et dangereux de contrarier le puissant Arminho.

La satisfaction succède à la stupéfaction, du moins pour Rodrigo. Oui, le seigneur du Minho semble avoir tout prévu pour faciliter la tâche se son fils, désormais son seul successeur, même si ce voyage, qualifié d’ultime, inquiète le jeune héritier et reste très mystérieux, et qu’il ne manquera pas d’interroger son père à la première occasion, en tête à tête, ce qui sera la seule façon d’en savoir plus. Rodrigo ne discutera d’ailleurs aucun des desiderata, aucune des exigences formulées sur ce ton péremptoire qu’il connaît si bien.

Le jeune officier enregistre donc avec aise et contentement les choix de son père. Sajara et Rodolfo, les deux amis fidèles, l’entoureront de leur expérience et de leurs précieux conseils. Le vieux complice des aventures tenues secrètes, et l’excellent médecin, sont d’ailleurs des familiers de la maison, et Rodrigo les apprécie énormément. Ceci ne posera donc aucun problème.

Il note aussi qu’Isabella sera toujours la bienvenue à l’hacienda, mais l’avertissement d’Arminho est très clair, et s’adresse d’ailleurs tout autant à son épouse, dona Philippa. Rien ne doit être tenté contre la gitane. Rodrigo s’étonne un peu de cette réflexion. Habitué à accorder sa confiance à ceux qui l’entourent, par gentillesse, et sans doute par naïveté également, il ne craignait aucune manœuvre visant sa douce compagne, mais, à présent, il se montrera plus prudent. Son père n’est pas enclin à soupçonner et à s’inquiéter à la légère. C’est là un des secrets de sa réussite. Prudence donc, malgré cette mise en garde …

Ce qui réjouit le plus le jeune héritier, c’est que sa douce Malika est à présent considérée avec plus de respect. Elle est sa nouvelle promise. Et Arminho imposera vite cette façon de voir à tous les habitants de l’hacienda. Rodrigo serre un peu plus les doigts grêles de sa fleur de Bohème. Oui, le message est passé, Malika répond à ce tendre signal par une pression plus soutenue.

Mais la belle paraît soudain songeuse, absorbée par une préoccupation nouvelle. Elle prend la parole d’une voix tremblante, d’une voix qu’il reconnaît à peine, insistant de manière suppliante pour que Joaquim ne quitte pas le domaine. Tous les regards se posent sur elle, remplis de surprise. Rodrigo connaît bien les curieux pressentiments, les intuitions de sa gitane. Elle lui a tout avoué de ce pouvoir inexplicable, mais il juge préférable de demeurer discret quant à ce sujet troublant. Il intervient aussitôt, comme si tout cela était vraiment très naturel.

Ne t’inquiète pas, ma douce, mon père n’est pas encore parti. Il sera certainement ravi de te connaître mieux. Et tu n’as rien à craindre ici.

Le bel officier se tourne vers le maître d’hôtel. Inutile de faire traîner les choses.

Vous pouvez apporter la suite, sans trop tarder, je vous prie. Et ramenez-nous également un pichet de ce délicieux rosé. Est-ce un vin produit dans notre domaine, père ?

Tentative malhabile pour passer à autre chose, à des préoccupations plus terre à terre. Don Joaquim saisira la perche tendue …

--Dona_philippa



Les décisions de son époux la mettent dans une colère noire. Mais il est inutile de vouloir contrarier ses projets, il n’en fera qu’à sa tête de toute manière. Discuter ne fera qu’envenimer les choses avec ce vieux grigou.

Cependant, la voici considérée comme une vieille tante de province, encombrante et pitoyable, tout juste admise dans l’hacienda, mais que l’on préfère reléguer à l’extrémité du domaine, comme une quantité négligeable. De plus, Joaquim lui enlève tout pouvoir de décision, au profit de son fils et de ses deux plus vieux complices. Et cette bohémienne devient la fille de la maison alors qu'on ignore tout d'elle !

Et enfin, pour en terminer, ce mystérieux voyage ... Quelle est cette nouvelle fantaisie, ce nouveau caprice ? Il aurait pu lui en parler avant, plutôt que de la placer devant le fait accompli. Elle est son épouse, tout de même !

C’est depuis l’apparition de cette maudite gitane que tout se détricote ! Regardez-la, cette péronnelle à peine vêtue, pendue au cou de son Rodrigo, se laissant tripoter sous la table ! Oui, regardez-la, avec ses yeux de biche affolée, comme si elle était affectée par le départ d’Arminho ! Oui, regardez-la, avec ses œillades moqueuses et triomphantes adressées à Isabella ! Satanée comédienne ! Tu peux exulter pour l’instant, petite, mais je te briserai. Dès la fin du repas, j’enverrai un messager à cet Omar, pour qu’il te traite avec la plus grande cruauté quand tu seras entre ses mains. Ainsi qu’il le fait avec tous ces esclaves de couleur qu’il transporte au fond de ses cales, à travers les mers. Et si tu lui en fais baver, il n’aura qu’à te jeter par-dessus bord, dans les eaux profondes et tourmentées de la Méditerranée !

Après ces pensées assassines, dona Philippa retrouve lentement son calme et sa maîtrise d’elle-même, en écoutant distraitement la conversation que son fils tente de relancer. Elle jette un coup d’œil dégoûté sur les plats déposés au centre de la table. Tout ça lui a coupé l’appétit. Elle parvient à dissimuler la haine qui l’étouffe et s’adresse à Malika en lui décochant un large sourire.

Encore quelques haricots, Malika ? Tu peux te le permettre, tu as vraiment une taille de guêpe. Tu as de la chance de rester si mince.

Et puisses-tu t’étrangler avec ces haricots, pense t’elle au même instant …

--Joaquim



Arminho se frotta le menton, avec un sourire de satisfaction non dissimulé.
Il appelle le serviteur préposé aux vins. Celui se penche, Joaquim lui murmure quelque chose. Le servant opine de la tête et sort de la pièce.
Quelques instants et paroles plus tard, le domestique revient les bras chargés de bouteille de vins : des vins rouges, blancs, rosés. Il fait aussitôt la distribution dans les verres.

Bien sur les dernières paroles hypocrites sont de dona Philippa, qui foudroie du regard son mari depuis son annonce.

Arminho s’en moque totalement. Il prend la parole.

- Mon fils si tu m’envoies sur ce terrain, je vais être intarissable.

Il prit une grande inspiration… juste pour savoir par où il allait commencer…

Alors vois-tu ; nous appelons notre vin : le « vinho verde ». Mais ça tu le sais déjà. Nous le produisons dans toute la région.
J’avoue possédait un nombre conséquent de vignes. On dit que leurs origines remontent aux Grecs.


La viticulture dans notre région des vinhos verdes, se fait avec des vignes grimpantes ou suspendues.
Nous avons une belle production qui nous permet de faire du négoce avec les anglois... On se procure ainsi de la laine anglaise. Nous produisons surtout des vins rouges, et des vins blancs, mais aussi quelques rosés…


Reprenant à peine sa respiration, le vieil homme semble s’être métamorphosé en moulin à parole, pire que ces vieilles assises sur les bancs du village à déblatérer les derniers ragots.

- Pour préserver les champs, les vignes se trouvent en bordure des champs cultivés, dans des chemins, ou des cours… ça nous permet de continuer la culture des céréales et du faire du fourrage dans les champs.


Réflechissant à ce qu’il allait dire… il se tripote les moustaches…

- Hum, voyons… ah oui…
Le plus important est de boire ces vins dans leur prime jeunesse.

Les vendanges se font toujours en grappes entières.
Arrivée à la cave, elles sont foulées aux pieds.
La fermentation du vin est arrêtée avant que tout le sucre ne soit transformé en alcool. Après une fermentation de courte durée, a lieu l'encuvage pour une période de 15 jours.
Puis la mise en fûts se déroule entre les mois de novembre et de janvier.
Le départ de la fermentation est alors bloqué. Celle-ci se fera en bouteille, dont la mise a lieu entre mars et avril.


Il sourit, il est aux anges…
Sentant très bien que son auditoire n’a cure de tous ces détails, il en rajoute… sans que personne n’ose le couper.
Quelle jubilation !

- Pour la vinification du blanc, il faut obtenir un vin à la robe claire, d'une couleur allant du citron au doré et qui développe à la dégustation fraîcheur et arômes fruités.
Comme pour les rouges, il faut une vendange de grappes entières et la garder le moins possible en contact avec l'air, elle est foulée et pressée immédiatement. Les vinhos verdes blancs se conservent particulièrement bien en bouteille en gardant pendant quelques années leur fraîcheur et leur fruit.


Prenant un verre qu’il place au niveau de ses yeux, il l’incline légèrement…

- Le vin rouge quand à lui est très coloré, de couleur foncée et possède une mousse colorée. Les rouges ont la robe sombre et très tannique. C'est un vin à la robe profonde de mûre, légèrement pétillant qui laisse une trace violacée sur la cruche.

Il prend une gorgée en aspirant un peu d’air.

- Il a une forte acidité. Parfait pour accompagner sardines et viandes grillées ou des légumes arrosés d'une huile d'olive très aromatique. Le vinho verde, versé dans les verres donne une écume mousseuse, dû à la fermentation en bouteille, qui lui donne à la dégustation une fraîcheur piquante.
Mais, c’est un vin à consommer dans l'année, car il vieillit mal.



Il relève la tête ; fixe l’assistance…
Il fait un clin d’œil à Rodriguo et Malika…

- Par contre, on dit que les blancs sont des vins de paix et de contemplation.
Ils sont servis frais, et accompagnés de petite friture ou de fruits de mer, c’est un régal !

Nos vins accompagnent les plats typiques de notre région du Minho, comme le caldo verde, soupe de choux, de pommes de terre, d’ail, d'oignons et d’huile d’olive, la caldeira a fragateira, la bouillabaisse, les viandes comme sarrabulho, jambon à la Clara Penha, pot-au-feu, les huîtres, les langoustes, ainsi que les poissons : lamproie, alose, truite et morue…


Sentant fièrement que la démonstration ne sera pas contredite, il fini son verre… et continue tranquillement son repas…

- Ma foi, je me régale !
Vous n’entamez pas vos jambons, chère femme…


Remarque ironique et sarcastique à l’encontre de dona Philippa.
--Dona_isabella


Antigo cabra (vieille garce) ! Curandeiro (sorcière)! Salgado cigano (sale gitane) !! les lèvres d'Isabella s'ouvrent, prêtes à laisser échapper ses paroles pleines de colère et de mépris à la vue de Malika qui penche légèrement sa tête, offrant son cou à Rodrigo, mais heureusement la porte s'ouvre, évitant ainsi un nouveau scandale à table. C'est Joaquim do Setubal, l'homme de l'hacienda, le père, le mari, le guerrier, le fier, le grognon. Son visage respire le bonheur, la sérénité, la joie. Ne se rend donc t-il pas compte que son fils est en train de commettre la plus grosse erreur de sa vie, celle de vouloir épouser une moins que rien ? Alors que juste en face de lui se trouve une jeune femme, belle, pleine de pouvoir, issue d'une famille noble et riche, prête à perdre sa virginité avec lui ?

Lorsque le coup de poing résonne sur la table, Isabella sursaute, surprise. Son coeur s'accélère. Arminho éclate, menaçant ouvertement celui ou celle qui a commis le crime de la journée : voler les toilettes de Malika. La voluptueuse brune fronce les sourcils en y repensant plus posément. Avec l'arrivée de la gitane dans la salle à manger, elle n'écoutait même plus ce que Rodrigo et doña Philippa disaient, trop occupée à la dévisager et tenter bien que mal une opération séduction sur son bien aimé qui, lui, essayait de regarder ailleurs même si ses yeux s'étaient arrêtés quelques secondes sur son médaillon, pendant au dessus de ses seins. Bien joué, Bella, des souvenirs ont bien dû lui remonter dans la tête, les souvenirs de leur enfance, de leurs années à jouer ensemble, à se raconter leurs aventures, leurs tourments et autres petits secrets. C'est moi que tu aimes. Moi, et rien que moi.

Joaquim se tourne vers elle, les yeux pleins de tendresse. C'est la première fois qu'il lui parlait ainsi, avec autant d'émotion. "Quelques soient les conseils que te prodigueront ta mère et ma femme ; ne les écoutent point. Suis ton cœur ! "
Elle hoche la tête dans sa direction, puis la baisse, soudainement intimidée par toutes ses paroles. Une fraction de secondes, elle se dit qu'après tout, Rodrigo a bien l'air décidé, faudrait laisser tomber, surtout si son père est de son côté... Mais heureusement, ce n'est qu'une fraction de secondes, c'est pas son genre de laisser tomber aussi vite une affaire qui la tient à coeur, son coeur. Tout de suite après, elle relève le menton, comme prise par une poussée d'adrénaline, les pupilles encore plus perçantes, un sourire carnassier sur son visage d'ange, les paroles gentilles du doyen envers le soit-disant "couple" l'encourageant à redoubler d'efforts, à se faire encore plus belle et jouer de sa séduction dès que possible.

Puis, Arminho se met à parler plus sérieusement encore, faisant part de ses vœux pour la succession de Rodrigo. Un léger regard à doña Philippa, qui semble de plus en plus mal, les joues rougies, la gorge serrée. Isabella la soutient des yeux, compatissante. Jamais elle ne se serait attendue à un tel soutient de la part de Joaquim envers l’union de Rodrigo et de la gitane. Sa futur-ex-belle-mère n’a plus aucune autorité, plus aucun droit. Quelle honte, quel déshonneur, tout ça de la part de son mari… ! pense Isabella.
Une fois fini, à la surprise de tous, Malika s’exclame d’une voix tremblante et hautement perchée qu’elle ne veut pas qu’Arminho quitte la demeure familiale. Quatre paires d’yeux se tournent vers elle. Le sourcil droit d’Isabella se lève, consterné. C’était quoi ça ? Bon, d’accord, elle est quelque peu concernée par le testament mais sans plus ! Pourquoi ça lui provoque une telle réaction ? Elle en a même les yeux mouillés, comme c’est triste. C’est presque une scène… mmh... émouvante !

Tout en écoutant très distraitement les hommes discutailler de vin –chose peu intéressante pour l’héritière des Gonzales d’Almirante-, la jeune femme mangeait tout doucement sa part de jambon. A vrai dire, elle n’avait guère faim. Toutes ses histoires lui étaient montées à la tête. Si ce n’est pas pour dire, carrément au dessus de sa tête.
Elle fixe Malika, puis Rodrigo. Rodrigo, puis Malika. Puis cette main étrange sous la table. Oh mon dieu ! Seraient-ils en train de se peloter, à table ? Vite, elle mange une bouchée d’haricots pour ne pas montrer sa stupéfaction. Comment osent t-ils... elle !!

Et puis, d'un seul coup, comme ça, son pied élégamment chaussé d'une magnifique sandale rouge, se laisse emporter et écrase celui de sa charmante voisine. Oups alors. J'espère que t'as eu mal !


Oh non, ma chère Malika, excuse-moi... j'ai eu une de ces crampes !! Je suis navrée, ça m'arrive souvent ces temps-ci... Je suis très nerveuse.
Elle adresse un sourire bienveillant à don Joaquim. Puis, comme si la blonde ne venait pas de pousser un petit gémissement de douleur, elle continue... (car oui, elle s'en fiche de toute façon, qu'elle souffre !)

En tout cas, toutes ces explications sur le vin sont très intéressantes... j'avoue, vous m'en avez apprise des choses ! Pour ma part, mon préféré est le rouge.
Et je crois que j'en ai légèrement abusé...
dit-elle laissant échapper un petit rire. Excusez-moi.

Elle se lève de table, prend soin de faire le tour de celle-ci et en profiter pour laisser balader un petit doigt fin accompagné d'un ongle affuté sur le haut du dos de Rodrigo. Elle ferme les yeux, inspirant profondément, heureuse d'avoir pu le toucher. Peut être même le déstabiliser. Ressent-il la même chose envers elle ? A t-il, lui aussi, eu cette bouffée de chaleur en sentant sa caresse ?
Elle s'éloigne vers le couloir, à l'abri des regards. Inès. Il faut qu'elle lui demande des conseils, tout de suite. Elle a toujours réponse à tout, d'habitude. Le plus bas possible, elle l'appelle. Pourtant, aucune réponse. Bon sang, que fait-elle encore ? A pas de loup, elle monte l'escalier, fait le tour des chambres. Toujours pas d'Inès. Poussant un grognement, la jeune femme redescend. Elle a sûrement dû aller faire un tour dans les jardins. Mais demain, elle m'entendra... elle était pourtant sensé rester non loin de la salle à manger, prête à intervenir. Quelle vieille bique !

Comme si de rien n'était, elle rentre de nouveau dans la pièce, où une autre conversation était engagée. Deux domestiques se tenaient debout à côté d'une petite table où étaient déposés tous les plats. Isabella en prend un dans ses bras, à la fois lourd et chaud. Une des femmes, habillée de blanc, se dirige vers elle pour l'aider à porter l'énorme casserole, mais la brune l'en dissuade immédiatement en lui jetant un regard noir.


Mmmh, l'odeur de cette soupe... est tout simplement divine.

Se dirigeant doucement vers la grande table avec son plat, elle se met entre Rodrigo et Malika. Mais, Oh, malencontreusement, sa main glisse, et le plat échappe de ses doigts graciles. Et la pauvre casserole se renverse sur la table... et la gitane.


Ah !! Je suis désolée, vraiment désolée... Vraiment, tu n'as pas de chance, ça tombe sur toi ! C'est la nervosité... oh oui, j'en suis sûre... oh lalala... Vite une serviette !!

Elle lève la tête pour regarder doña Philippa. Alors, fière de moi belle-maman ?
--Omar_ben_chaffar




Dans la ville voisine.


Les chevaux pénètrent dans la cour déserte. Encore une expédition qui se termine parfaitement. Ruse, efficacité, complicités. L’investissement est rentable, la tactique est au point, chacun connaît sa tâche sur le bout des doigts. Omar peut se fier sans crainte ni hésitation à chaque membre de son équipe, et ce douzième voyage s’est déroulé sans la moindre anicroche.

Le robuste marchand d’esclaves descend de sa monture, étire ses membres endoloris. Puis il fouille méthodiquement les fontes de cuir qui battent les flancs de son pur-sang arabe, cadeau de l’émir Abu Saïd, qui règne en maître absolu sur de nombreuses tribus mongoles à Hérat et à Samarcande, en Asie Centrale. Ses doigts épais et longs se saisissent des trois volumineuses bourses de peau. Un sourire se dessine sur sa face aux traits robustes et lourds, aux profonds sillons creusés par les mois passés en mer, par le vent chargé d’embruns salés, par les périples interminables, mais particulièrement lucratifs, à travers déserts, oueds et steppes désolées. Un bien joli pécule, une fois de plus. Omar caresse sa barbe en broussailles. Satisfait. Il est vrai que la catin blonde, ramassée sur les docks, était bien roulée, et que les deux colosses destinés à renforcer les hordes mongoles étaient bâtis comme des montagnes.

Omar fait claquer son fouet dans l’allée, soulevant un nuage de poussière âcre et grise. Un rire sinistre et gras le secoue durant quelques instants. Satisfaction rétrospective, lorsqu’il se remémore les dos cruellement zébrés par les estafilades sanguinolentes laissées par son fouet. Les catins qui parlent trop, qui gémissent sans arrêt, les durs qui protestent à tout bout de champ, rien de tel que quelques coups bien appliqués pour les ramener à la raison.

Une idée géniale que d’approvisionner les harems des riches sultans en filles de joie à la chevelure blonde ! C’est une denrée rare sur les lointains rivages d’Afrique ou du Moyen-Orient. Les récompenses sont toujours fabuleuses. C’est un filon à exploiter sans aucune restriction.

Omar se tourne vers ses hommes. Ses bras droits. La fatigue est là, à présent, à la fin du voyage. Les corps sont fourbus, les visages sont harassés. Mais l’or ramènera les sourires.

Pedro, Ali, occupez vous des chevaux. Et ensuite, repos pour tout le monde.

--Malika



Attentive, un demi sourire aux lèvres, sa main glissée dans celle de Rodrigo, Malika écoute avec intérêt le Patriarche de la maison parler avec passion de ses vignobles, et des crus différents qu’il peut en tirer.
Son esprit s’éloigne un instant, et elle repense à une légende de son pays qu’elle entendait souvent quand elle était encore une enfant. Les anciens contaient de merveilleuses histoires, entrecoupées de musique et de chants, de danses aussi, et les femmes aux jupes amples et colorées tournoyaient, frappant le sol de leurs bottes de cuir rouge.
Les hommes aux bonnets de fourrures faisaient claquer leurs fouets ou faisaient danser leurs épées, le soir, autour d’un feu crépitant. Légende ou réalité ?
Ils buvaient un vin sombre, épais, qu’ils nommaient Bilkavér ( sang de Toro), s’appelant ainsi parce qu’au cours d’un siège turc, les femmes avaient rajouté dans les tonneaux du sang de toro pour donner de la force aux combattants.

Elle s’apprête à en parler à Joachim quand un coup de pied lui heurte le tibia et lui coupe le souffle. Souriante, Isabella la regarde candidement, évidemment elle ne l’avait pas fait exprès…
Sa rivale s’excuse. Oh non, ma chère Malika, excuse-moi... j'ai eu une de ces crampes !! Je suis navrée, ça m'arrive souvent ces temps-ci... Je suis très nerveuse.

Malika n’en croit pas un mot, mais lui sourit, dissimulant la douleur. Pas question de lui donner le plaisir d’un gémissement ou d’une grimace de souffrance.
Mais bien sûrrrrrr ! Isabella, je comprrrend, détendez vous un peu ! Vous devrriez fairre un peu plus d’exerrcice, c’est bon pour les crrrampes, et pour la ligne !

La jeune femme se lève, contourne la table, pose une main sur l’épaule de Rodrigo, puis s’éloigne. Malika ne la quitte pas du regard.

Décidément il faut une bonne dose de patience à la petite gitane pour supporter toutes les simagrées et l’agressivité de cette peste. Elle aurait volontiers enfourché Terra, sifflé Igor et Rolio, et serait partie au triple galop, mais l’amour si fort qu’elle partage avec Rodrigo l’amène à prendre patience. Elle comprend bien que le monde d’Isabella vient de s’effondrer et qu’il lui est difficile de supporter la vue des deux amants.

La discussion de Joachim est agréable, il s’adresse à tous, enfin presque tous, avec gentillesse, écoute les réponses. Elle est heureuse de voir Rodrigo s’épanouir en parlant avec son père, lui expliquant ses voyages, citant quelques anecdotes au sujet des hommes qu’il a eus sous ses ordres, narrant ses blessures, leur rencontre, leur histoire.
Joachim était un grand Seigneur, son fils compte beaucoup pour lui, tout comme l’amitié profonde qu’il porte à Sajara, qui doit être un Maure, pense t’elle, et à Rodolfo, son médecin personnel.

Près de la desserte, Isabella prend une soupière fumante des mains d’une servante, se dirige vers la table, et se glisse entre Rodrigo et Malika, surprenant la gitane.
Et là, le liquide bouillant se répand sur la blouse de Malika, comme par hasard, sûrement !

D’un bond, elle se lève, renversant la chaise, pousse un cri de douleur, et, d’un geste brusque, ouvre la chemise reçue de Rodrigo, laissant apparaître ses seins rougis par la brûlure.
Elle prend vivement une carafe en cristal, remplie d’eau claire, qu’elle verse sur sa poitrine. Pas de fausse pudeur. Au diable les grenouilles de bénitier.

Ah !! Je suis désolée, vraiment désolée... Vraiment, tu n'as pas de chance, ça tombe sur toi ! C'est la nervosité... oh oui, j'en suis sûre... oh lalala... Vite une serviette !!

Et une fois de plus ce n’est pas de sa faute ! Là, c’en est trop ! Furieuse, Malika prend la soupière encore à moitié remplie, et la déverse sur le chignon tarabiscoté et ridicule de cette folle furieuse. De l’autre main, elle arrache le médaillon qui a tant l’air de lui plaire et le jette dans le verre de vin de Rodrigo.
Elle se retient pour ne pas planter sa dague dans une partie charnue de cette sorcière.
Et dire que quelques minutes avant elle éprouvait de la compassion pour elle. Cette morue a bien de la chance qu’elles ne soient pas seules.

Les yeux pleins de larmes, elle s’excuse rapidement auprès de Joachim. Le vieil homme n’a pas l’air d’être dupe. Elle remarque le regard échangé entre Isabella et Dona Philippa, mais elle les ignore. D’un pas précipité elle se dirige vers la porte, saisissant au passage le bras de son amant et le tirant derrière elle.
Amorrré j'ai besoin d’un onguent pour soulager la brrûlure, et je ne sais pas ou en trrrouver dans ta demeurre.

Accompagnée par Rodrigo elle court vers la lourde porte de bois qui s'ouvre sur le grand hall d'entrée.

Elle ira dans sa chambre ou elle restera en attendant les soins apaisants de son amour, n’ayant d’ailleurs plus aucun vêtement pour se changer, sinon ceux de Rodrigo.

Demain… demain on verra bien.





--Rodrigo




Inquiet, furieux, il sort sur les talons de Malika, mais ne peut s’empêcher d’adresser un regard mauvais à Isabella, dont le chignon, incliné sur le côté, dégouline d’un torrent de petits légumes coupés en dés qui baignaient dans la soupière. La jeune portugaise vient de compromettre ses dernières chances de le reconquérir en agissant de la sorte. Elle est la victime de son propre jeu, de sa propre fourberie. Et d’ailleurs, avait-elle encore la moindre chance ? Non, pas l’ombre d’une, finalement.

La colère de Rodrigo est tangible. Nuire à sa gitane, c’est lui nuire aussi. Atteindre Malika dans sa chair fragile, c’est lui déclarer la guerre également. Il n’y a pas de pardon pour une telle conduite. Sans cette excellente éducation qui fait partie intégrante de son être, qui imprègne tous ses gestes, toutes ses décisions, il la jetterait à la porte séance tenante, à présent qu’il est devenu le maître incontestable de l’hacienda, en digne fils de son père.

Ton comportement est insensé et dangereux, Isabella ! Tu aurais pu blesser gravement Malika ! Et même la défigurer ! Et sa réaction est normale, tu l’as bien méritée. A l’avenir je préfère que tu m’évites. Tu as été particulièrement odieuse et irréfléchie, je ne suis pas prêt de l’oublier. Tu viens de réduire à néant des années d’amitié. Tu as bien changé en quelques mois.

Sa rage n’est pas calmée. Il se maîtrise avec peine. Soudain il tourne le dos à ses parents et à son ancienne promise, et claque violemment la porte derrière lui. Il rejoint sa tendre bohémienne au pied de l’escalier. Les yeux humides de son amour lui font très mal. Ici, hors de la vue de sa rivale, Malika se laisse enfin aller. Des larmes ruissellent sur ses joues. Rodrigo lui prend la taille et ils grimpent les marches quatre à quatre, la frêle gitane gardant les doigts crispés sur ses seins rougis par la douloureuse brûlure.

Vite, dans ma chambre, mon pauvre amour. J’ai tout ce qu’il faut pour te soigner. Dieu comme je regrette tout ce qui t’arrive, mon trésor. Je t’assure que cette histoire n’est pas terminée !

Le jeune officier aide sa compagne à s’allonger sur le lit. Avec mille précautions, il écarte complètement les deux pans de la chemise humide et dénude le buste menu de sa compagne. Après un rapide examen, il la rassure d’un sourire.

Tout va bien, amor. Tu as la peau irritée et rouge, une ou deux vilaines cloques, mais la brûlure n’est pas profonde. Tu as réagis parfaitement en t’inondant d’eau glacée. C’est douloureux, mais c’est très superficiel, grâce à ton réflexe. Je vais te soigner moi-même, j’ai quelques connaissances médicales, acquises et approfondies pendant mes longs séjours en mer. Tu peux me faire confiance et être entièrement rassurée, dans un jour ou deux tu ne sentiras plus rien et tu ne garderas aucune séquelle, aucune cicatrice, je peux te l’affirmer sans risque de me tromper.

Rodrigo retire une énorme trousse de cuir du fond de sa garde-robe, la pose sur le lit et y déverse tout ce qu’elle contient. Sa main hésite, effleure quelques flacons, des huiles, des pommades, des pansements.

Voilà ! C’est bien ça. Un baume à base de souci, de sauge et d’aurone sauvage. Ca va te soulager rapidement, ma chérie.

L’héritier des de Setubal plonge deux doigts dans le large pot, récupère une dose appréciable de l’onguent rose et parfumé, et l’étale délicatement sur la brûlure, débordant généreusement sur la naissance de la gorge fine et sur le charmant sillon séparant les seins de sa belle. Il recommence une seconde fois, faisant consciencieusement pénétrer le baume apaisant par de légères rotations du bout de ses doigts.

Voilà, c’est terminé, amor. Dans quelques minutes ce sera parfait. J’emballerai nos deux petits trésors demain matin, cette nuit ils peuvent respirer à leur aise. C’est mieux. Ton médecin préféré te prescrit à présent une bonne nuit de sommeil. Et dans mes bras tu guériras encore plus vite, tu peux me croire.

Un sourire… Rodrigo se penche sur sa compagne et embrasse tendrement son visage mouillé.

Désormais je te garde près de moi, ma douce.

Rodrigo débarrasse les longues jambes de Malika de ses cuissardes rouges. Il l’aide à se dénuder entièrement, fait de même, et il envoie leurs vêtements sur le dossier du fauteuil placé devant la fenêtre. Il la rejoint ensuite sous le drap immaculé, la berçant longuement entre ses bras, jusqu’à ce que le sommeil les gagne.

Dors, mon ange …
--Dona_philippa




Aucun détail de la scène ne lui a échappé. Les masques tombent. Sourires de miel deviennent visages de marbre. Philippa s’ingénie à paraître la plus neutre possible. La soupière renversée sur la chemise de Malika était une manœuvre inattendue et retorse, certes, mais aussi une ruse particulièrement appréciée par la maîtresse de maison. Elle-même n’y aurait jamais pensé, mais, sans la présence de Joaquim et de Rodrigo, elle aurait volontiers applaudi des deux mains. Malheureusement, en ces chaudes soirées d’été, après les longues journées baignées de soleil, le potage n’est pas servi à une température trop élevée, et l’aventurière devrait s’en tirer sans trop de mal, hélas. Dommage, une vilaine brûlure couvrant à jamais le visage de la blonde aurait peut-être calmé la fougue de son fils pour cette fille de Satan.

La réaction de Malika est tout aussi vive et stupéfiante que la tentative d’ébouillantage menée par Isabella, mais c’est le chignon volumineux de la beauté brune qui absorbe le reste du potage. Plus de peur que de mal, par bonheur. Les deux jeunes femmes se toisent un instant du regard. Haine et défi illuminent leurs prunelles. Puis la gitane se saisit de la main de Rodrigo et le tire vers l’escalier. La brûlure serait-elle plus douloureuse que ce que Philippa imaginait, ou bien est-ce un moyen de fuir une situation qui lui échappe ? Qu’importe ! Qu’elle vide donc les lieux ! Rodrigo a quelques mots sévères pour Isabella, mais rien de définitif. Ils seront bien obligés de se croiser dans l’hacienda, et qui sait ? Son fils retrouvera peut-être la raison, même si ça paraît plutôt hypothétique en cet instant précis.

Bon ! Il est temps que Philippa prenne le taureau par le cornes. Terminé de subir les événements ! Isabella paraît un peu penaude, un peu troublée par les paroles de son ancien fiancé. Il est temps de se ressaisir. Et d’agir. Sans un regard pour Joaquim, Philippa empoigne sa protégée par le poignet et la raccompagne jusqu’à sa chambre.

Tandis qu’Isabella se débarrasse de son chignon en piteux état et essuie sa longue chevelure, Philippa se précipite vers son bureau, fouille un tiroir, puis revient en hâte auprès de la jeune portugaise, portant sous le bras un coffret délicatement ciselé contenant parchemins vierges, plumes et encriers. Ici, personne ne les dérangera. Inutile de tergiverser plus longtemps.

Ecrivons sur le champ à cet Omar, et demain à l’aube je lui ferai porter ce message par mon secrétaire particulier. Il a toute ma confiance. Cependant, n’entrons pas dans les détails, nous lui expliquerons de vive voix ce que nous attendons de lui, ça me semble plus prudent. Limitons-nous à lui fixer un rendez-vous discret, et informons le qu’il y a beaucoup d’or à gagner s’il accepte notre proposition.

Les deux comparses se concertent. L’or ne pose aucun problème. Leurs familles sont les plus fortunées de la région. Et la réputation de cet Omar s’est largement infiltrée dans les demeures bourgeoises du nord du Portugal. Il doit d’ailleurs disposer d’un puissant réseau de protection, grâce aux services rendus. Le redoutable marchand d’esclaves n’hésiterait pas, affirme t’on, à conduire certaines personnes, jugées indésirables, jusqu’à l’autre bout de la terre. Le rusé gaillard gagne d’ailleurs sur les deux tableaux. Une bourse pour faire disparaître les captifs, catins ou individus encombrants, et une deuxième bourse à la livraison chez les seigneurs du désert. Rentable, non ? Il suffisait d’y penser.

Philippa se met donc à écrire, relisant chaque phrase à voix basse, insistant sur les mots les plus importants, recherchant des yeux l’assentiment de sa complice.

A l’intention d’Omar ben Chaffar. Votre réputation et votre discrétion sont parvenues jusqu’à moi. Votre prix sera le mien pour éloigner définitivement une catin qui jette le trouble dans une des familles les plus fortunées de la région. Si vous êtes intéressé par mon offre, ce dont je ne doute pas un seul instant, soyez ce dimanche, en début d’après midi, au croisement de la route de Porto et du chemin menant aux docks, au lieu-dit « les bois de mimosas ».

Voilà. Un texte bien inhabituel de la part de ces bourgeoises élégantes, mais un contenu qui se veut attirant, alléchant. Pas de nom, bien-sûr. Pas de signature. L’anonymat le plus absolu. La prudence est la mère de la sagesse. Il suffit à présent de coincer cette maudite bohémienne. Elles devraient y arriver sans le moindre problème. L’effet de surprise sera leur allié, ainsi que la connaissance de l’hacienda dans sa totalité. Un bon coup sur le crâne, et bonjour les ténèbres. Enfermée et ficelée, elle sera beaucoup moins fière.

La maîtresse de maison se lève, satisfaite, relit sa prose une dernière fois, puis referme le coffret sur la lettre terminée. Demain, oui demain, elles auront toutes les cartes en main.

Bonne nuit, Isabella. Je suis certaine que tout va s’arranger pour le mieux. Nos rêves et nos souhaits seront à nouveau à portée de nos doigts. A demain …

--Dona_isabella


Isabella regarde Rodrigo et sa gitane de malheur sortir de la salle à manger.
Elle a envie de hurler sans rage mais à vrai dire, elle est tellement sous le choc que nul mot ne peut et n'a envie de sortir de sa bouche. Seule une pensée passe en boucle dans sa tête.
Elle a osé me vider cette soupe sur la tête et Rodrigo m'en veut.
Son coeur se serre. Les paroles du marin lui ont fait mal. Est ce vraiment ce qu'il pense d'elle ?

Doña Philippa tourne autour d'elle en parlant mais elle ne l'entend pas. Dans ses prunelles se lit une haine immense et profonde. Une rage infinie et une petite pointe de tristesse. Mais où est passé le Rodrigo d'avant ? Rieur et taquin, prenant ses gestes maladroits avec humour ? Rien que cette idée la fait revenir sur terre, dans l'hacienda, le champ de bataille. Pour continuer son combat contre la gitane qui l'a ensorcelé.

Elle enlève la salade de légume qui s'était formée dans son chignon.
Prendre le bon côté des choses, il parait que c'est très bon un masque végétal pour les cheveux. Elle essuie son décolleté, qui lui aussi avait quelques morceaux de carottes à l'intérieur. Aucun remord, jamais ! Elle récupère son médaillon que cette furie de gitane avait balancé dans un verre de vin. Sa main se serre dessus, le liquide pourpre dégoulinant entre ses doigts. Elle ferme les yeux, imaginant avec espoir que c'est le sang de Malika. La guerre est déclarée.

Elle suit sa belle-mère dans sa chambre. Celle-ci la rassure et lui fait part de ses plans. Isabella ose l'interrompre une seconde en lui demandant si elle n'a pas vu Inès, mais elle a vite haussé les épaules et continué à parler.
En quelques minutes à peine, la lettre adressée au marchand d'esclaves était rédigée. Après tout, ce n'était ni les raisons ni les moyens pour capturer la sauvageonne blonde qui leur manquait. Il suffisait de la kidnapper le moment venu et hop, le tour était joué.

Il est l'heure de se dire au revoir. La brune reçoit un baiser maternel de doña Philippa et retourne dans son boudoir. Une fois à l'intérieur, elle n'a qu'une idée en tête : se laver, enlever toute cette crasse d'elle pour ne pas avoir à ressembler à la gitane.
Elle se déshabille en arrachant à moitié sa robe, envoyant valser sa rose qui avait pourri à cause du potage, ses bijoux, ses chaussures, ses pinces, sauf le médaillon offert par Rodrigo.

Nue et sans artifices, elle entre dans la baignoire au fond de la pièce -qui heureusement était rapprovisionnée chaque jour par les domestiques des l'hacienda-. L'eau est froide. Elle frissonne. Ca rend les idées claires, il parait. Tout son corps se couvre d'une chair de poule mais au moins, il se détend, ses muscles se décrispent. Enfin, la tension accumulée durant le diné s'évapore telle une bouffée de gaz. Maintenant, elle peut réfléchir à tête reposée.

Demain, lorsque Malika sera seule, elle tentera de trouver une excuse pour l'emmener dans son boudoir. Ou même une autre pièce quelconque, pourvu qu'elle se retrouve seule avec elle et doña Philippa.
Ainsi, elles pourront l'attacher quelque part en attendant l'arrivée du marchand. Et entre ça, il y aura pas mal de temps... pas mal de temps pour se dire au revoir comme il se doit. Non, même pas. Plutôt adieu. Ah oui, des adieux déchirants.... elle se retrouvera défigurée avant son entrée dans le harem...
Ses doigts jouent avec le pendentif entre ses seins.
Ensuite, Rodrigo se demandera sûrement où est sa petite protégée. Un prétexte simple suffira, « obligeance familiale », ou une autre baliverne de la sorte.
Elle enfouit sa tête sous l'eau.
C'est ainsi qu'elle finira sa vie de gitane/catin dans un harem en Afrique. Isabella pourra enfin savourer sa victoire avec Philippa et Inès. Rodrigo ouvrira les yeux pour de bon. Ils se marieront, vivront heureux et auront beaucoup d'enfants, et puis ils seront riches, connus, réputés, craints dans tout le Portugal,...
Elle remonte à la surface en prenant de grandes inspirations, haletante. Et voilà qu'elle a même failli se noyer, sans l'aide de personne, dans sa baignoire. Cette histoire la rend dingue, mais alors totalement !

Au bout d'une heure, si ce n'est même plus, elle sort de son bain, s'essuie et éponge ses cheveux. Déjà, elle se sent beaucoup mieux, propre. Tout est redevenu clair dans sa tête.
Elle enfile une robe de chambre et se glisse dans les draps douillets que bientôt elle pourra partager avec son futur mari. Demain est un autre jour.

Et pourtant, la nuit, Isabella remue énormément dans son lit. Son rêve d'un mariage digne d'un conte de fée est interrompu à chaque fois par une sorcière blonde aux bras interminables et aux ongles acérés comme des couteaux. Elle lance des carottes et tomates sur Isabella qui est ligotée en robe de mariée à une chaise. Et plusieurs fois dans la nuit, elle se réveille avec l'image de la gitane aux seins nus brûlés mais à la fois fiers devant elle, avec ce rire machiavélique et la narguant avec sa main gauche qu'elle lui tend en pleine face. Sur son annulaire se trouve une bague.

Demain est un autre jour...
--Joaquim



Il avait assisté à la scène sans broncher, sans même prononcer le moindre mot.
Dans sa tour, son repaire, il se repasser la scène.

Toute cette comédie de harpies le dépasse. De toute façon, c’est une très belle prise d’arme entre les donzelles, et ça permet de voir le degré de réaction.
Malika l’a agréablement surpris, derrière cette délicatesse, cette fragilité, se cache une femme de caractère.
Elle fera une très bonne maitresse pour ce domaine.
Et son fils, oui quelle réactivité, il commence à avoir de la poigne.
Rodrigo a fait un grand pas vers sa vie de seigneur. Enfin, il prend son destin en main. N’est ce pas ce que voulait ce vieux grincheux : voir son fils s’assumait, devenir le grand Rodrigo, aussi craint que son père.
Le voilà qu’il se révèle, qu’il se réveille. Cette petite gitane a au moins le don de le faire sortir de sa coquille.
Ce soir il est devenu le seigneur. Le vieux bougre peut se retirer.

Bientôt une ombre apparaît dans l’entrebâillement de la porte…
- Sajara…
Le vieux a son poignard en main, prêt à s’en servir… L’ambiance tendue et les conflits se multipliant, il sent l’odeur du sang et de la vengeance trainaient dans ses murs.
Une chose l’apaise : son testament.
Tout est en règle, Rodrigo est officiellement le nouveau don Setubal…
Le mois prochain, il prêtera son serment de fidélité au roi « son grand père »… Bon sang ne saurait mentir, fils de bâtard…

Le vieux, lui, s’en ira chercher l’aventure une dernière fois.
Pourquoi ne pas jouer une dernière fois un tour de cochon à son plus grand rival : ce poltron de Diogo Gonzales d’Almirante. Pourquoi ne pas reprendre contact avec de vieux brigands de la belle époque et concocter un plan pour le spolier de ses terres au profit de son fils…

Se grattant le menton, l’ombre se fait plus précise et Sajara se montre à son maître.

Le rictus qui se dessine sur le visage d’Arminho laisse présager les pires fourberies. Sajara reconnait très bien les mimiques perfides de son seigneur.

- Après l’affront qu’Isabella a subit ce soir, nos deux commères vont certainement essayer de faire annuler la relation entre mon fils et sa gitane.
Je ne sais pas trop comment. Dona Philippa va certainement faire appelle à ses connaissances pour jeter la pauvre bohémienne en prison. Laissons-la bouger la première pour voir.
Isabella, je pense, a le cœur brisé, elle va peut être retourner chez ses parents.

Ouvrons l’œil, Sajara !

En attendant va me chercher Rodolfo !
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