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[RP] De la roulotte à l'hacienda

--Rodolfo


En voyant Sajara arrivait dans son antre, Rodolfo sut tout de suite que son ami Joao le faisait demander.
Sajara transmis son message.
Bien embêté si Rodolfo refusait « l’invitation », il restait planté devant le médecin-apothicaire-sorcier, enfin il ne savait plus trop quoi. Rodolfo restait un mystère pour beaucoup.
Indépendant, n’ayant de compte à rendre à personne, il était le seul ami d’enfance de Joaquim.

Cela lui faisait plaisir d’être demandé par son ami.
Bien sur qu’il irait, bien sur qu’il lui rendrait service, bien sur qu’il répondrait à ses requêtes…
Joaquim était son seul ami… le seul en qui il avait confiance… le seul qui pouvait lui demandait n’importe quoi…
Depuis qu’ils étaient jeunes, ces deux-là, c’était à la vie, à la mort. Rien ne pouvait briser leur amitié.
Ils étaient deux âmes en peine perdues dans la noirceur du monde.
Deux marginaux qui ne comptaient que sur eux même.

L’amitié qui les animait était indescriptible et de sombres secrets les liaient l’un à l’autre.

Bien sur que Rodolfo répondrait à l’appel de son ami.

Rodolfo fit un imperceptible signe de tête au maure. Ce dernier tourna talon pour aller rejoindre son maître.
Le savant, méticuleusement rangea sa tanière, sorte de maisonnée construite à l’orée du bois. Le bout de terrain qui s’étendait devant sa chaumière ressemblait à une clairière truffée de plantes diverses ; semées sans doute par l’habitant de ce lieu.
L’humble demeure se fondait dans cette partie étrange de la forêt. Nul n’aurait su dire si cet endroit avait était façonné par le curieux locataire, ou si il avait élu domicile ici même à cause de la configuration des lieux.

On dit qu’à une période, l’étrange personnage avait pris compagne… mais rien n’est moins sur…

Tout ce que les anciens du château et des villages voisins pouvaient dire de lui c’est :
« Ce jeune vaurien était le fils du forgeron du château, et le jeune seigneur, une tête brûlée celui-là, aussi brute que tête de mule, courait le pays en tout sens en sa compagnie. Ces deux insensés étaient inséparables et se retrouvaient toujours dans les plus mauvais coups. Rien ne leur faisait peur : les rixes, les rapines, le troussage des filles, les fugues, les disparitions… Nul ne savait ce qu’ils mijotaient quand ils disparaissaient…
Il a des pouvoirs diaboliques disaient les parents… Si on n’avait pas su que son père était le forgeron, on aurait soupçonné sa mère d’avoir partagée sa couche avec le cornu. Mais non ce n’est pas possible, il ressemble comme deux goutes à son père et sa mère était trop bigote… Tellement bigote qu’elle rejoignit son créateur avant l’heure, la pauvre enfant…
Les mains de ce sorcier pouvaient guérir comme les rebouteux !
Il faisait des remèdes comme les apothicaires !
Il faisait des décoctions comme les herboristes !
Il soignait comme les médecins !
Il marmonnait des imprécations, ou alors chantait des psaumes comme les curés, … comme les sorcières…sur qu’il doit parler aux esprits, aux morts…
Nous, gens du peuple sommes ignares mais il y a des choses que l’on sent… »


Bref tout et n’importe quoi circulait autour du mystérieux Rodolfo… proche du peuple mais craint… craint des nobles mais proche de leurs bourses…

Il n’avait que faire de ces ragots ou craintes, s’en amusait même énormément… N’y a-t-il pas plus amusant que la bêtise des gens. Mieux vaut s’en amuser avant qu’elle ne devienne dangereuse.


Après la convalescence de son ami, Rodolfo avait rejoint son bout de forêt, continuant sans cesse à préparer ses onguents, ses cataplasmes ; à améliorer ses baumes, ses mélanges, ses formules … Les paysans des alentours avaient appris à respecter ce médecin qui leur offrait ses conseils et ses soins en échange de nourriture ou de menus services. Cela lui suffisait… Par ailleurs, il n’hésitait pas à ponctionner les bourses des riches bourgeois ou nobliaux des villes et villages environnants.
Tout ceci s’ajoutait à la rente que lui versait Arminho, son ami. Aprement discutée et disputée! L’un voulant assurer son ami contre la misère, l’autre refusant toute forme d’aide et de dépendance. Il avait était décidé que cela n’engageait en rien les deux amis. A tout moment, l’un pouvait arrêter de verser la somme, ou l’autre la refuser et déménager. Mais ni l’un ni l’autre n’avait dénoncé cet accord.

Ce faisant, le sorcier comme il était surnommé, avait son indépendance et son franc parler. Ce qui déplaisait fortement à Dame Philippa et aux nobles. Ces derniers avaient plusieurs fois essayé d’écarter, d’éliminer ce rival gênant, mais c’était très vite heurté au seigneur de la région. Décidemment cette engeance du diable était intouchable.

Plus que dangereux et libre, il alliait l’intelligence à la connaissance.
Connaissance que lui avait transmis les plus grands médecins et savants de son époque, et ce grâce aux relations de Joao.
Tant de pouvoirs et de connaissances dans les mains et l’esprit d’un homme du peuple, c’est jugé très dangereux pour les aristocrates. On avait donc proposé plusieurs fois au sorcier de l’anoblir.
Refus catégorique à chaque tentative.

Nonobstant, notre apothicaire avait tissé un réseau de relations dans tout le royaume et bien au de-là des Pyrénées. Réputé par ses dons de guérison et ses conseils avisés, beaucoup le consultait… Conseils qu’il savait faire payer très cher.

L’homme aux cheveux blancs mais qui paraissait sans âge se préparait donc à rendre visite à son ami Joaquim.
--Malika



Les mains douces de Rodrigo, enduites de baume parfumé, ont réussi à apaiser la douleur provoquée par la brûlure sur sa poitrine. Il dort auprès d’elle, sa respiration est calme, régulière.
C’est nuit de pleine lune et le sommeil a fui Malika, elle se glisse en silence hors du lit douillet. Le visage de Rodrigo se dessine en ombre sur le mur. Dieu, qu’il est beau, son cœur bat plus vite, comme elle l’aime !

Elle pousse doucement le fauteuil, tire le rideau, ouvre en grand les vitraux colorés qui composent la grande fenêtre à deux battants.

La lune, blanche comme un diamant, inonde de sa couleur lactée le ciel rempli d’étoiles. Le parc se dessine en un bleu plus foncé. Elle s’appuie à la rambarde, y pose ses coudes, son visage repose sur ses mains croisées.
Elle admire cette nuit calme et douce, mais repense au déroulement de ce diner pour le moins pénible.
Elle a vu passer dans les yeux d’Isabella une lueur meurtrière. Elle comprend bien maintenant qu’il ne s’agit pas d’une fantaisie de jeune noble capricieuse, dépitée, jalouse et gâtée.
C’est une lutte sans merci, une guerre ouverte, un combat sans foi ni loi. Qu’elles soient soutenues l’une ou l’autre par une partie de la famille dissociée de Rodrigo, c’est entre elles deux que la mort choisira.
Isabella est retorse et sournoise, mais Malika n’a pas été élevée dans de la soie et dès son plus jeune âge elle savait manier la dague ou le fouet.

Dans les étoiles, elle cherche son père, mais ce n’est plus dans sa mémoire qu’il faut trouver les forces nécessaires, c’était un homme trop doux, raffiné, plein de tendresse et de poésie.

C’est vers ses ancêtres maternels qu’elle doit se tourner pour affronter la haine d’Isabella, la reine des coups tordus. Vers ces barbares, hommes et femmes du grand Est, cavaliers et guerriers émérites, dont la cruauté n’était pas une légende.

Malika se penche un peu plus par la fenêtre. Sous un arbre centenaire, elle aperçoit un loup blanc. L’animal lève sa tête et plonge ses yeux phosphorescents dans ceux de la gitane. Les deux regards se croisent et ne se quittent pas.
Elle sent comme un souffle tiède sur ses épaules, elle entend au plus profond de sa conscience la douce voix de sa grand-mère. « Prends garde à toi Kislàny ( petite fille), un maure te voudra du mal, un autre maure te sauvera.. »

Elle se retourne, scrute la pièce sombre. « Néni ! néni dràgam ! ( Petite mère, petite mère chérie), tu es là ? »
Mais non elle n’est pas là, elle le sait bien, c’est dans son cœur qu’elle a entendu ces paroles. Un dernier regard vers le parc, le loup blanc n’est plus là, un nuage passe, atténuant la clarté de l’astre de la nuit.
Un frisson parcourt Malika qui se dirige vers le grand lit. Elle se glisse sous le drap de soie, se love dans les bras de Rodrigo qui inconsciemment les resserre autour d’elle. Il embrasse ses cheveux. Elle est bien.
Contre lui, elle se détend, et repense aux mots de sa grand mère qui se sont imprimés dans son cœur, n’en comprenant pas le sens, du moins pas encore, ou peut être jamais…
--Rodrigo



Il s’est pelotonné sous les draps, ressentant confusément une absence, un manque. Seul son visage émerge de toute cette blancheur immaculée. Soudain, un froissement d’étoffe, ou bien a t’il rêvé ? Il s’étire comme un chat maigre allongé sous le soleil, lorsque la sensation indéfinissable d’un mouvement très proche le trouble et l’alerte tout-à-coup.

Le drap se soulève légèrement … un frisson … puis un frôlement agréable. Inutile d’ouvrir les yeux, ses doigts suffisent à identifier le corps svelte, à la peau de satin, qui vient s’envelopper dans le creux de ses bras, à la recherche de chaleur, de sérénité, d’un tendre abri.

Ses mains attirent Malika et l’emprisonnent totalement, avec prudence, avec mille précautions, évitant de se poser sur sa peau endolorie et de raviver la douleur. Les rondeurs charmantes qui se pressent contre son torse l’emportent dans un émoi délicieux, une sensation de plénitude, d’euphorie. C’est elle, et ce sera toujours elle. Les paupières toujours closes, il imagine le sourire de sa gitane qui se dessine sur son visage aux traits délicats, entre ses adorables fossettes d’enfant heureuse, sous un océan de boucles dorées. Un « je t’aime », deux « je t’aime », leurs lèvres se cherchent, se frôlent, s’épousent en un baiser interminable.

Cette fois il pose les mains sur ses épaules, la dévisage, à la lueur blafarde d’une lune qui se traîne et se cache soudain derrière un large paravent de nuages grisâtres. Il s’inquiète pour la brûlure, s’attribuant la plus large part de responsabilité dans cet incident qui aurait pu dégénérer en une affreuse catastrophe. Il interroge doucement sa compagne, désolé, mais un nouveau baiser le rassure. Tout va bien.

Leurs mains reprennent la tendre exploration, glissant de cuisses fermes en hanches minces, leur arrachant de longs soupirs, d’exquises plaintes. Leurs souffles se font courts, se mêlent au travers de leurs baisers passionnés. Leurs corps se conjuguent, s’évadent, pour un long moment d’infinie tendresse. Et ils s’aiment, noués l’un à l’autre dans la douceur de cette nuit sublime dérobée au temps qui passe. Ils s’aiment de toute leur force, de toutes leurs tripes. Ils s’aiment comme s’ils se découvraient. Ils s’aiment comme si c’était la première fois. Ou la dernière …

C’est le petit matin blême qui les réveille, toujours étroitement enlacés. L’hacienda résonne des bruits habituels du lever du jour. Chacun s’apprête à vaquer à ses occupations. Rodrigo examine avec soin la brûlure de sa gitane, profitant lâchement de la situation pour poser partout ses mains et sa bouche. La blessure présente un aspect sain qui les tranquillise, et la journée commence par une bataille de polochons sur le lit qui ressemblait déjà à un champ de batailles.

Les premières odeurs de cuisine envahissent la demeure. Mais le problème reste insoluble pour la gitane, toujours nue et privée de ses vêtements. Rodrigo lui prête à nouveau une chemise, faute de mieux, et la belle s’apprête en silence, s’attendant à subir de nouveaux regards moqueurs de la part d’Isabella, du moins si sa rivale n’a pas regagné son domicile après l’épisode de la veille et si elle se présente pour le petit-déjeuner. La brosse à cheveux de la jeune bohémienne est dans sa chambre, juste à côté. C’est à peu près tout ce qu’il lui reste pour se refaire une beauté. Et les deux amants poussent la porte de la pièce voisine.

--Omar_ben_chaffar



Dans la ville voisine.


Vautré dans un fauteuil d’osier, les pieds nus posés sur une table basse, à côté d’une tasse de thé fumante, Omar relit le message qu’un cavalier particulièrement pressé a remis, dès l’aube, à un de ses hommes.

A l’intention d’Omar ben Chaffar. Votre réputation et votre discrétion sont parvenues jusqu’à moi. Votre prix sera le mien pour éloigner définitivement une catin qui jette le trouble dans une des familles les plus fortunées de la région. Si vous êtes intéressé par mon offre, ce dont je ne doute pas un seul instant, soyez ce dimanche, en début d’après midi, au croisement de la route de Porto et du chemin menant aux docks, au lieu-dit « les bois de mimosas ».

Les bois de mimosas … Il connaît bien cet endroit. Il conserve en mémoire chaque détail des routes qu’il a empruntées. Et il approuve ce choix judicieux. Une multitude d’arbrisseaux vigoureux, à l’écart des chemins carrossables. Au bout d’un sentier qui s’écarte progressivement de la civilisation, et mène tout droit à l’abri de cette végétation touffue. Et à proximité ? Rien, sinon quelques haciendas isolées, endormies sous le soleil.

Dimanche donc. Début d’après-midi. C’est parfait. Les paysans et les pêcheurs se reposent. Les nobles se livrent à un exercice qu’ils maîtrisent parfaitement : la sieste. Et puis qu’importe ! De toute manière, Omar n’est pas homme à se laisser surprendre. Il va bien entendu se rendre à ce mystérieux rendez-vous, mais postera des guetteurs à proximité des massifs de mimosas dès le matin. On ne le prendra pas au dépourvu. Il n’imaginait pas reprendre si tôt la route du sud, mais la tentation est trop forte. Et l’expédition paraît prometteuse, même si le colis n’est pas décrit. Une catin qui met la zizanie dans une riche famille ? Elle n’est sans doute pas repoussante. Omar se connaît parfaitement. Dans quelques jours, les mers et les déserts vont commencer à lui manquer. Et il en va de même pour son équipe. Ses hommes vont râler un peu, par principe, ils vont réclamer une poignée de pièces d’or supplémentaires, mais ils ont l’aventure dans le sang. Ce treizième départ va les réjouir.

Le marchand d’esclaves empoigne son fouet préféré, posé négligemment à ses côtés, et gagne son bureau, dont les fenêtres grandes ouvertes donnent sur la campagne. Oui, il a également quelques courriers à rédiger en prévision de ce voyage, quelques complices à contacter, un itinéraire à tracer. Pour une catin pas trop faisandée, un harem d’Afrique du Nord fera parfaitement l’affaire. Bon, toute cette paperasse n’est pas la partie la plus palpitante de l’opération, mais elle est indispensable. Et qui d’autre que lui pour s’en occuper ?

--Rodolfo


Rodolfo entra dans la tour par la porte extérieure, il monta les escaliers, franchit plusieurs paliers et enfin se trouva devant la porte de Joaquim. Il frappa avec force.
Lorsqu’elle s’ouvrit, il vit apparaître un Arminho des plus pâles.
Les deux hommes se serrèrent la main. Le vieil homme fit signe à son ami de rentrer et de s’installer. Il ferma la porte derrière lui.

- Alors vieux fou, tu as encore abusé de ta boisson favorite ? lança Rodolfo en signe de plaisanterie.

Le vieux châtelain ne répondit rien.

- Laisse-moi t’examiner, tu as une mine à faire peur. On dirait une vieille matrone qui a forcé sur le talc.

Arminho leva la main...
- Je ne t’ai pas fais venir pour ça.

Le médecin surpris, s’installa dans un grand fauteuil. Concentré, il regarda son ami avec perplexité.
A première vue l’heure était grave.
--Joaquim


En entendant les coups résonner contre la porte, Joaquim espérait bien que ce fut Rodolfo.
Quand il vit son ami, il était heureux et soulagé de le retrouver.
La tension nerveuse, les soucis liés à la relation entre le marin et la gitane, les suites de sa convalescence, la préparation de la succession, le laissaient exsangue. Son teint blafard en témoignait.


Citation:
- Alors vieux fou, tu as encore abusé de ta boisson favorite ? lança Rodolfo en signe de plaisanterie.


A ces paroles, il aurait rit de bon cœur autrefois, se rinçant peut être même le gosier. Mais en ce jour, nul ne pouvait le dévier de ses préoccupations.

Citation:
- Laisse-moi t’examiner, tu as une mine à faire peur. On dirait une vieille matrone qui a forcé sur le talc.


Arminho leva la main :
- Je ne t’ai pas fais venir pour ça.

Une fois son ami Rodolfo confortablement assis. Il le regarda et caressa sa moustache.

- Mon ami, j’ai besoin de toi !

Dans une longue tirade, il lui expliqua la situation :
la romance que vivait son fils avec la jeune Malika, son approbation à cette relation, le désaccord de sa femme, l’orgueil blessé de l’ex-fiancée Isabella et son courroux légitime…

Joaquim avait repris des couleurs en donnant ces explications, il s’était mis à faire les cent pas dans cette chambre de bonne située en haut de la tour de garde.
Le souffle court, il s’énervait quand il parlait de sa femme : dame Philippa, incapable de comprendre l’amour de son fils, sourde au bonheur de l’enfant qu’elle avait mis au monde.
Dans sa folie des grandeurs, elle condamnait le bonheur et la vie de Rodrigo.

Arminho avait récupéré sa verve et son franc parler.

Enfin, vint le moment de la succession…

- Mon vieil ami, tu es le seul en qui je peux avoir confiance !
J’ai envoyé une missive au roi, lui signifiant que je remettais mon domaine dans les mains de Rodrigo don Setubal do Minho… le nouveau seigneur du Minho !
Il devra d’ici peu prêter serment au roi… Une simple formalité…


Devant la surprise de Rodolfo, le seigneur du Minho, esquissa un sourire, j’ai signifié également que je te remettais le titre de « conseiller » …

Arminho se planta devant le médecin.

- Je t’en conjure mon ami ; je te demande de le soutenir, de le protéger, de le conseiller et si il le faut de gérer en son absence le comté. Je sais que tu es hostile à ce genre d’existence. Mais, mon fils va avoir besoin de toi. De plus, cela ne t’empêche en rien d’aller et venir, de t’absenter à ta guise. Mais soit là pour lui !

Joaquim sentait que son ami était réticent. Mais, il voyait également que ce dernier était prisonnier de son amitié. Malgré une gêne occasionnelle, il se sentirait soulagé de l’entendre répondre positivement à sa demande.

Le vieux dévisageait son ami ; il toussota, puis reprit la parole.

- Par ailleurs, j’ai une autre requête à formuler !

En prononçant ces mots, Joao planta son regard dans celui de l’apothicaire.

- J’ai besoin d’un plan, de toi pour contrer Philippa et Isabella. Les deux bougresses ne vont pas rester les bras croisés. Je ne sais pas ce qu’elles vont manigancer pour séparer Rodrigo et sa bohémienne…. Mais, j'en suis sur; après ce que j’ai vu à ma table, la situation ne va pas en rester là.
Trouve-moi quelque chose pour éloigner leur attention, pour casser ce duo diabolique !
J’ai pensé à déstabiliser notre cher voisin.
La haine que nous nous portons Diogo Almirante et moi-même, ne s’éteindra pas avec nos morts successives. Cette haine va perdurer avec Isabella.
On risque une guerre ou de retrouver mon fils et sa belle assassinés …. Ou toutes autres perfidies, que sais-je ?
Je veux que toi et moi on règle cette affaire dès à présent. Je veux qu’on règle son compte une bonne fois pour toute à ce couard. Je veux que son domaine soit démantelé au profit de Rodrigo. Que cette menace et cette querelle de voisinage soient réglées avant que je trépasse !


En tapant du poing sur la table qui se trouvait près de la fenêtre, Arminho attendait la réaction de son ami.
--Malika


Vêtue d’une nouvelle chemise de son aimé, un peu maussade de n’avoir encore rien d’autre à se mettre, elle rentre dans sa chambre afin d’y prendre quelques objets de toilette. Ca au moins on le lui avait laissé.
En poussant la lourde porte de bois, Malika voit ses vêtements déposés sur son lit.

Rodrrrriiiigo ! Viens voirr ! C’était une mauvaise plaisanterrie, tout est là, toutes mes rrobes sont là !

Son sourire radieux revient aussitôt, ses yeux s’illuminent de joie, elle se précipite vers le grand lit ,enfouit ses mains dans les soieries douces et colorées.
Elle virevolte dans la chambre, prend sa robe bleu, puis l’orange, les applique sur elle, son rire perlé résonne dans la pièce, elle prend la main de Rodrigo et entame quelques pas de danse.

Elle choisit de mettre la robe bleue, et Rodrigo, tout en lui déposant de légers baisers dans le cou, l’aide à resserrer les lacets argentés qui lui font une taille de guêpe. Elle passe de délicates chaussures du même ton, un réticule d’argent à sa taille, et laisse ses cheveux fous tomber sur ses épaules.

Une délicieuse odeur de brioche fraîchement cuite se répand jusqu'à l’étage, venant chatouiller leurs narines et leur faisant réaliser qu’ils avaient tout deux une faim de loup vu l’heure tardive de leur réveil.
Main dans la main, ils dévalent les grands escaliers.
La salle à manger est déjà désertée, Dona Philippa ayant du rejoindre ses appartements. Avec un peu de chance, Isabella était rentrée chez elle. Quand au seigneur Joaquim il devait se trouver dans sa tour, loin des tumultes domestiques.

Rodrigo tire une chaise pour que Malika prenne place à la grande table, et sonne la cuisinière pour qu’on leur serve leur déjeuner, mais la gitane a le nez à la fenêtre et n’a aucune envie d’être enfermée dans une pièce, si belle soit elle.

Dis mon coeurr ! Il fait si beau, allons prrrendre un panier aux cuisines et nous mangerrrons tous les deux dehorrs, sous les arrbres au fond du parrc.

Dans la cuisine, les marmitons sont déjà aux fourneaux, tout le monde est prêt à leur rendre service, et ils se retrouvent avec un panier plein de victuailles et de fruits. Malika les remercie avec effusion, sa chaleur est communicative, elle attire la sympathie de toute la maisonnée.

Ils se dirigent tous deux vers la chapelle de l’hacienda, belle bâtisse de pierres qui se cache dans une clairière discrète. Rodrigo lui a expliqué que ses ancêtres y sont enterrés sous de belles stèles de pierres sculptées à leur effigie.

Après quelques bouchées de délicieuse brioche, de tendres étreintes entrecoupées de caresses et de rires, le regard de Rodrigo s’assombrit. Malika sait ce qui le ronge, une phrase dite par son Père ne cesse de le tourmenter. Pourquoi le vieux Seigneur avait-il parlé d’un dernier voyage, que voulait il dire ?

Cherrri !Tu es trrriste ? Tu devrrais aller voirr ton Pèrrre, je pense l’avoir aperçu derrrièrre la fenêtrre de son bureau. Va lui demander ce qu’il voulait dirre !

Il la serre dans ses bras, heureux de voir que sa gitane ressent les mêmes choses que lui, et, avec un sourire complice, il s’éloigne vers l’hacienda.

« Ma Chérie, merci pour ta compréhension, je reviens dans un moment »

Assise à l’ombre depuis un moment, Malika a besoin de se dégourdir les jambes. Elle se lève, s’étire avec grâce, défroisse sa jupe, enlève quelques miettes restées dans son corsage.
Un regard à l’entour pour voir si Rodrigo revient. Non, il est encore trop tôt.

Elle décide d’aller voir la chapelle de plus près, la bâtisse est majestueuse. Elle pousse la porte de bois sculptée, qui représente divers tableaux du chemin de croix parcouru par cet homme crucifié que l’on dit fils de Dieu .

La grande salle est sombre et fraiche, des bancs sont alignés.
Un autel recouvert de dentelles blanches, deux grands bouquets de lys et de roses s'épanouissent dans des vases de cristal, une odeur d’encens se répand avec douceur ,une rangée de cierges allumés dispensent une lumière jaune ondoyante.
On ne peut que se sentir bien, rien ne peut arriver de mauvais dans une telle atmosphère de calme et de paix.

Malika s’assied sur un banc, impressionnée par le silence qui l’enveloppe….







--Rodolfo


- Très bien, très bien !
Tu sais pourtant que je suis hostile à tout ça : ces querelles de territoire, de pouvoirs…
Pour moi ceux sont des batailles de nobliaux !


Rodolfo soupira.

- Mais soit !
Je te suis attaché et je tiens beaucoup à Rodrigo. Je l’ai fais sauter sur mes genoux, il me rappelle une période heureuse de ma vie.
C’est pour ces raisons que je vais t’aider. Je n’ai pas envie de voir notre petit héritier se faire trucider pour une affaire de cœur.


Le médecin sourit.

- Il se trouve que je connais les textes de lois, les minutes des procès de ces dernières décennies, de toutes les successions des territoires alentours, l’histoire des dynasties et des familles…
J’ai dans mes relations des juges, des généalogistes…


Rodolfo fixait son ami.

- Je pense avoir quelque chose pour toi.
Il y a une faille dans la succession de Diogo. Lui peut encore faire valoir ses droits, mais pour ce qui est de sa fille, seule et unique héritière… Ce sera plus compliqué pour elle…
Diogo n’aurait jamais du être propriétaire de toutes ses terres, tout au plus un quart de ce qu’il possède, c’est tout !
Mais, maintenant, il est en place depuis beaucoup trop longtemps…

Je ferai tout de même le nécessaire, mes courriers seront envoyés dès aujourd’hui. Je dispose d’un réseau particulièrement efficace.


Après une courte pause, il reprit d’un air interrogateur.

- Mais peut être que tout ceci ne suffira pas pour tout régler. Peut être faudra t-il que tu uses de moyens plutôt expéditifs.

Rodolfo s’était relevé de son siège. C’était à son tour d’arpenter la pièce.

- Il y a une autre alternative.
Diogo a fait partie de la Conspiration contre le roi… La conspiration a échoué, les meneurs ont été décapités… Diogo, en bon lâche qu’il est, ne s’est jamais mis en avant. Il a échappé à toute condamnation. Mais le roi l’a dans sa ligne de mire depuis toutes ses années.
Si tu demandes au souverain d’intervenir en faveur de Rodrigo, je pense que tu auras son soutient indéfectible.
Si tu sers en plus de bras vengeur, tu obtiendras du roi, ton père, les terres de ce poltron. Ce sera pour lui un plaisir de démanteler les possessions d’un conspirateur impuni.
Je ne crois pas que le roi te tiendrait rigueur de cette incartade aux lois, lui qui a assassiné son frère qui menaçait son trône. Et pour toi… qui a déjà pas mal de sang sur les mains…


Un rictus vint terminer sa phrase.

Dehors le jour pointait.
Le plan allait se mettre en place.
--Joaquim


Quand Rodolfo prit enfin la parole après un long moment de réflexion. Il prononça les mots que Joaquim attendait. C’était un allié de poids. Avec lui à ses côtés, c’était toute sa jeunesse qui défilait sous ses yeux.
Deux gamins casse-cou, deux adolescents prêts à faire les quatre-cents coups.
Arminho était fier de son ami… fier qu’il prenne part à cette « bataille »…


Il sursauta néanmoins quant le médecin prononça le mot nobliaux.
« Nobliaux, nobliaux… » pensa t-il.
Serrant les poings pour ne pas réagir, il put lire dans le regard de son ami la provocation. Ce qui le fit sourire. Venant d’un autre, cet outrage aurait fini aux poings, et l’indigent surement la gorge tranchée.


La plaisanterie tomba vite dans l’oubli quand Rodolfo évoqua la période de sa vie la plus heureuse. Arminho savait qu’il parlait de ces temps où son ami avait rencontré l’amour. C’est d’ailleurs pour ça aussi, qu’il ne rechignait pas à intervenir dans cette affaire. L’amour était toujours resté sacré aux yeux de l’apothicaire.
L’amour avait toujours eu pour lui le goût de cette femme, qu’il ramena d’un de ses voyages…
Belle comme le jour, leur union ne fut jamais célébrée… A croire que certains ne sont pas faits pour le bonheur.

Joaquim avait fréquenté le couple.
C’était à son retour… Fini, les périples avec ces bandes armées qui mettaient tout à feu et à sang sur leurs passages, fini d’être un soldat-brigand parcourant les routes de France et d’Espagne.
Joaquim était rentré au pays, il avait pris femme…
Par amour ?
Peut être, peut être pas !
Peut être au début comme dans chaque relation, une petite étincelle, une solitude qui commence à peser, et on se laisse prendre au jeu ; une attention, un regard, ensuite… on se laisse porter…

De son mariage naquit Rodrigo.


On pensait que Rodolfo était déjà dans un âge avancé pour se marier.
Quand il connu cette femme, cela le changea énormément.
Joaquim pensait même qu’il allait renoncer à tout ce qu’il faisait, tout ce qu’il était pour elle. Bien que cela semblait inconcevable.
Et pourtant !
La sylphide avait bien quand à elle renoncé à son pays, ses amis, sa famille pour le suivre jusqu’ici.
Arminho lisait l’amour dans leurs yeux, jamais il n’avait vu telle fusion entre deux être humains. Même sur un champ de bataille entre deux frères d’arme, i l n’avait connu telle communion.
Ils étaient tout simplement faits l’un pour l’autre, complémentaires et identiques à la fois.

Maintenant, Arminho le savait, jamais il n’aura connu cela: l’amour parfait entre deux êtres.
La rencontre de deux âmes sœurs.
Evidemment, dans ce genre d’histoire, il y a toujours un « mais »…
Un frère jaloux, une famille hostile, le manque du pays, un hiver rigoureux, une bronchite, des complications, des soucis, une grossesse compliquée,… l’ensemble emporta la malheureuse…

Rodolfo ne s’en remis jamais…
Il continua à vivre comme un damné…
Maudissant les dieux qui avaient joué avec lui et sa compagne… Fustigeant les dieux qui lui avaient enlevé celle qu’il chérissait…

Maudit destin ! Foutue vie ! Saloperie d’existence ! pensa Arminho.

Rodolfo vouait le reste de sa vie à la médecine, à acquérir toujours plus de connaissances, à voyager à travers le royaume. Il s’était mis à étudier le droit, ne considérant que la justice des hommes et voulant l’améliorer ; rejetant ainsi la justice divine.

Arminho admirait son ami.

Avec son ami à ses côtés, rien ne pouvait lui arriver, il se sentait invincible.
A l’énoncer de ses connaissances en droit de succession, il se dit qu’il avait gardé ces informations en cas de coup dur. Aujourd’hui il pouvait s’en servir.

Pourtant, au point de vue légal, ceci pouvait échouer.

- Reste donc l’autre solution ! souffla Arminho.
Ne t’inquiète pas pour ça, j’en fait une affaire personnelle. Diogo vit ses dernières heures.
En quelques heures, je peux être chez lui, l’égorger dans son sommeil et être de retour au château sans éveiller le moindre soupçon.
Ce sera à toi de jouer ensuite. Au niveau légal, tu peux réussir à déshériter Isabella.
Moi, avec l’appuie du roi je peux offrir toutes ces terres à Rodrigo. Ce sera mon cadeau de mariage…
Ainsi, Isabella ne se souciera plus de Malika et de Rodrigo. Elle aura d’autres chats à fouetter.


Joaquim se satisfait de ce plan machiavélique.

- Je vais me reposer une heure ou deux et en dire deux mots à Sajara qui surveille notre bohémienne !

Les deux amis s’étreignirent avant de se quitter.
En ouvrant la porte à son ami, Joaquim eut la suprise de voir son fils arriver.
--Rodrigo



Mouais, ça l’ennuie profondément d’abandonner sa princesse, compte tenu de l’hostilité manifestée à son égard par Isabella, mais elle l’encourage à rejoindre Joaquim, et il ne peut rien lui arriver dans l’enceinte de l’hacienda. D’ailleurs, son ancienne promise est-elle encore présente ? Elle n’a donné aucun signe de vie ce matin. Elle a sans doute repris la direction de son domaine, compte tenu de sa vive réaction de la veille lorsqu’il a quitté la salle à manger, et compte tenu aussi de sa nouvelle autorité dans l’hacienda et du soutien total de son père.

Son père … Un personnage complexe. Quel est donc le sens exact de ses propos mystérieux ? De cette passation de pouvoirs inattendue ? De cet ultime voyage qu’il va entreprendre ?

Malika ne risquant rien, et ayant sans doute récupéré Rolio et Igor, Rodrigo grimpe quatre à quatre les escaliers menant à l’étage du bureau et de la chambre paternelle. Joaquim ne peut vraisemblablement se trouver que dans une de ces deux pièces, qu’il ne quitte plus guère depuis quelques mois, depuis que Sajara voyage énormément pour son compte.

La porte du bureau s’ouvre lorsqu’il s’approche. Tiens ? Rodolfo était présent en cette heure matinale ! Cette petite réunion a vraiment l’apparence d’un conseil de guerre. Dommage qu’il n’ait rien entendu.

Rodrigo salue joyeusement le plus ancien compagnon de la famille, qu’il n’a plus rencontré depuis son voyage à Paris et l’apparition de Malika dans sa vie. Il se met tout-à-coup à envier un brin le vieux médecin. En effet, Rodolfo est sans doute au courant, voire même complice, de toutes les aventures d’Arminho, alors que lui-même, le fils unique, le successeur, ignore l’entièreté de ces péripéties, à l’exception de quelques racontars qui circulent dans les tavernes voisines, amplifiés par la consommation du petit vin du pays. Bah, le jeune officier en apprendra peut-être plus dans les heures qui suivent, car il a bien l’intention d’avoir une longue conversation avec son père.

Rodrigo tape gentiment dans le dos du docteur.

Je suis heureux de te voir en forme, Rodolfo. Tu m’as manqué. Mais désormais nous sommes, semble t’il, amenés à nous fréquenter davantage, puisque tu deviens officiellement mon conseiller personnel, en plus d’être mon ami et presque mon oncle. Rappelle-moi de te présenter ma nouvelle compagne, Malika. Tu vas tomber des nues tellement elle est adorable !

Echange d’un clin d’œil complice, d’un franc sourire, et le médecin poursuit sa route vers les escaliers.

Joaquim attend son fils sur le pas de la porte. Après une tendre accolade, ils s’installent dans de confortables fauteuils, face à face, de chaque côté du bureau de bois exotique. Sans plus attendre, Rodrigo entre dans le vif du sujet. Pas besoin de préambules entre eux.

Père, tes propos d’hier soir m’ont beaucoup inquiété. A présent que tu m’as désigné comme ton successeur, n’estimes-tu pas qu’il conviendrait que tu m’informes un peu plus au sujet de tous ces mystères ?

--Dona_philippa



Deux visages haineux épient la scène, à travers les arbustes en fleurs.

Tout se passe à merveille, à l’exception de l’absence surprenante d’Inès. D’ailleurs, c’est vraiment incompréhensible, la dame de compagnie était particulièrement motivée à l’idée de se débarrasser de la gitane. Oui, tout se passe à merveille. Rodrigo quitte la maudite intrigante et se dirige d’un pas rapide vers l’hacienda. Personne d’autre en vue. Cette clairière discrète, à proximité des murs de la chapelle, est l’endroit rêvé pour capturer Malika. Philippa et Isabella se saisissent des rouleaux de cordes emmenés, s’apprêtant à fondre sur leur jeune proie bien peu méfiante. La crypte sous la petite église sera une cachette parfaite pour y boucler la blondasse. Elle n’est plus utilisée depuis des décennies, et est certainement tombée dans l’oubli, même des plus anciens habitants de l’illustre demeure. Dans l’oubli, oui, mais pas de Philippa.

Zut ! la jeune fille de Bohème s’étire, époussette sa toilette bleue, et se met à déambuler lentement, rêveuse, sans destination précise, semble t’il. Elle contemple distraitement la végétation, le ciel d’azur uniforme. Les deux Portugaises ne la perdent pas des yeux. La haine leur confère ruse et agressivité. Elles se motivent mutuellement. Oui, c’est l’occasion rêvée de supprimer ce léger problème.

Malika pousse soudain la lourde porte de la chapelle. Elle entre sans un regard derrière elle. Ses rivales quittent aussitôt l’abri des branchages et se précipitent vers le vieil édifice, en silence, sur la pointe des pieds. La porte se referme lentement, et Philippa arrive juste à temps pour la caler du genou. La blonde tant détestée leur tourne le dos, assise sur un banc, se recueillant dans la pièce sombre, empreinte d’une profonde solennité. Philippa se glisse dans la nef, suivie de sa comparse. Dix pas, trois pas, puis un seul. Sans l’ombre d’une hésitation, l’épouse d’Arminho passe les bras autour du cou de la Bohémienne et serre brutalement. Malika pousse un bref cri de surprise et de douleur. Non !

La gitane se débat, joue des coudes, parvient à se redresser, et les deux antagonistes se trébuchent dans les bancs, roulant sur le carrelage. Qu’importe, Philippa n’a pas lâché sa prise. A genoux, elle continue à serrer la gorge fragile de son adversaire, allongée devant elle. Malika commence à manquer d’air, ses doigts s’accrochent aux avant-bras de la mère de son amant, elle tire, elle gémit, elle s’essouffle. En vain. Le combat est bien trop inégal. La gitane lance désespérément ses longues jambes dans tous les sens, pour renverser sa rivale. Ses cuisses nues apparaissent, de même qu’une minuscule culotte de dentelles, mais surtout un court poignard attaché à sa hanche. Philippa le remarque et hurle.

Isabella, le couteau ! Prends-le !

Deux bras se tendent pour s’emparer de l’arme, et la Portugaise est plus prompte que la jeune gitane, même si le poignard semble lui brûler les doigts.

La corde, Isabella ! Attache lui les jambes ! Empêche la de gesticuler !

La riche héritière bloque les chevilles de sa rivale entre ses genoux et lui ligote solidement les jambes. La gitane est totalement immobilisée, au seuil de l’asphyxie. Sa vue se brouille. Ses bras minces sont sans force. Philippa hésite un instant. Si elle serre encore quelques secondes, elle aura un cadavre entre les bras. Non ! Elle désire une vengeance plus cruelle. Un harem, quelle fin rêvée pour cette catin ! Elle relâche la pression sur la gorge de Malika, mais lui immobilise sans mal les poignets dans le dos. La blonde est à leur merci. Fin du premier acte.

Défoule-toi, Isabella ! Donne-lui donc une correction, ça te soulagera !

--Sajara



A son poste le maure surveillait de loin Malika…
Sans cesse, il la regardait mais ne voyait que son pauvre maître andalou : un poète, un érudit et un humaniste…
Maître qu’il avait trahit !
Savoir par la bouche de Fatima que cette céleste créature blonde était la fille de ce grand poète, le troublait énormément.
Il donnerait sa vie pour défendre la fille de son ancien maître ; pour se racheter…


A distance, il la suit ne lâchant pas sa surveillance.
Sortant des cuisines, elle erre sans but précis.
Enfin, le vieux guerrier devine sa destination : la belle semble prendre la direction de la chapelle.

Celle-ci se rendait dans un endroit que Sajara connaissait mal ; pourtant ce n’est pas faute d’avoir usé ses guêtres dans tous les coins et recoins du château et même du domaine…
Mais le religieux n’intéressait nullement Sajara.
Le vieux maure se demandait ce qu’elle pouvait faire dans pareil endroit.
Il tournait la tête, rapace surveillant son territoire !
Rien aux alentours !

C’est en lançant un coup d’œil à la tour d’Arminho, qu’il vit le signe à la fenêtre : une bougie allumée dans une lanterne jaune.
Le signal qui le rappelait auprès de Joaquim.
Plusieurs couleurs composaient leur code, vieille pratique de brigands et d’agents en mission…
Le jaune !
Joaquim le demandait…

Un remords : laisser la délicate bohémienne !
Sajara jeta un dernier coup d’œil autour de lui… Rien ne bougeait, rien en vue…

Oh ! Si ! Là-bas !
Non, ce n’est rien, un serviteur parti faire ses corvées…
Sajara le dévisagea pour le reconnaître…
Il aperçut un laquais de douze ans à peine, vraiment rien de bien dangereux !
Bon, maintenant rejoindre Joaquim…
La petite va certainement se recueillir… Laissons la tranquille !
--Dona_isabella


Isabella porte un corset et une jupe noire un peu plus courte que d'habitude. En dessous de celle-ci, elle a mis des braies confortables qui lui arrivent jusqu'au genou. Dans ses cheveux, comme d'habitude, une rose couleur sang. Pas trop d'artifices cette fois, juste ses lèvres, toujours pulpeuses et rouges.
Entre les feuillages du jardin, on peut apercevoir un regard perçant et noir, rempli de haine et de colère, celui d'un fauve en pleine chasse, aux aguets, guettant sa proie, son agneau blond et insouciant qui se promène gaiment dans la prairie. Un faux pas et elle est prête à bondir dessus. Sauf que l'autre tigresse, plus âgée, est à côté d'elle est également prête à l'arrêter si elle laisse ses émotions l'emporter.

La voilà qui entre dans la petite chapelle de l'hacienda. A pas de loups, les deux bourgeoises la suivent, tout en discrétion et en silence. La plus jeune ne peut s'empêcher de dévisager la gitane de dos. Ce dos qu'elle briserait avec plaisir, ces cheveux qu'elle découperait en rigolant, tout ce corps entier qu'elle brûlerait au centre du village devant les regards ahuris de toutes les personnes présentes, de Rodrigo.
Oh, Rodrigo... c'est pour toi que je fais tout ça, pour ton bien, pour notre bien. Tu m'en remercieras, de t'avoir débarrassé de cette sorcière qui nous a causé que des soucis depuis son arrivée. Et puis, enfin nous pourrons vivre heureux et en paix, tandis que la gitane sera dans un harem en Afrique, ohh, quel bonheur, c'est si jouissif...

Le "non" surpris de Malika fait sursauter Isabella, qui, tout de suite, se met au travail. Sa belle-maman avait déjà attaqué en serrant la gorge de la blondasse. Et elles roulent, les deux ennemies, sur le banc, sur le sol froid de la bâtisse.
Le couteau ! La brune s'active et obéit à l'ordre. De ses deux mains gantées de cuir, elle attrape l'arme sur la cuisse nue de la gitane. Le poignard est joliment affuté et scintille dans la pénombre religieuse de la chapelle. Pas le temps de l'admirer que doña Philippa se remet à crier.
Empêche la de gesticuler ! Aussitôt dit, aussitôt fait. Ses jambes sont ligotées. Elle sert très fort. Que son sang ne passe plus, qu'il soit bloqué, qu'elle explose, que la trace des cordes soit imprimée sur sa peau !
Elle est maintenant immobile, la gitane. Immobile, presque morte et entre leurs mains. C'est si bon !


Défoule-toi, Isabella ! Donne-lui donc une correction, ça te soulagera !


Une étincelle s'illumine dans son regard de braise. Une correction ? Oh oui! Lui montrer toute la souffrance qu'elle endure depuis qu'elle est entrée dans sa vie, superbe idée. Mais il ne faut pas s'inquiéter, elle va en ressortir aussitôt vite qu'elle est venue. En courant même, au galop.

Elle lève le poignard dans sa main droite, prête à l’abattre sur la donzelle blonde en plein milieu de sa poitrine quand… NON ! La voix stricte et autoritaire de doña Philippa l’arrête. Elle lui montre du doigt un tapis posé près de l’autel, à l’autre bout de la chapelle.
Là, en dessous, il y a crypte! Descendons à l’intérieur, ça nous évitera d’avoir affaire à quelqu’un ici. Isabella la regarde, incompréhensive, jusqu’à ce que sa belle-mère, joignant le geste à la parole, d’un coup sec, tire sur le tapis. Elle soulève la trappe de bois et fait signe à sa bru de prendre Malika et de l’y emmener.

Alors la jeune héritière essaie de soulever la gitane, la mettre debout, mais celle-ci, visiblement encore sous le choc, ne tient pas sur ses jambes et retombe aussitôt. Philippa vient l'aider, l'attrape par l'épaule, et à deux elles la trainent jusqu'à l'ouverture, descendent le petit escalier en pierre, posent -limite, jettent- Malika à terre, le temps d'inspecter les lieux.

Une petite et étroite fenêtre laisse passer quelques rayons de soleil, permettant d'éclairer la crypte au minimum. Des colonnes de pierres, des inscriptions sur les murs, deux trois os par ci, par là, et au centre une tombe, poussiéreuse et vieille mais pourtant, assez imposante. Qui repose à l'intérieur ? Bonne question, ça ne sera sans doute pas la gitane. Dommage.

Soudain, les deux portugaises se regardent, des étincelles dans les yeux, prises de la même idée. En deux secondes trois mouvements, la gitane se trouve sur la tombe, ficelée de partout, incapable de bouger ou presque… Une lumière sortant du plafond l’éclaire. L’ambiance est sinistre. Parfaite. Tant rêvée ! Les deux bourgeoises se frottent les mains.
Isabella fait le tour de la tombe tout en regardant Malika.


Alors, chère amie ? Cet endroit te plaît-il ? elle grimpe sur la tombe, puis dépose son fessier à côté d’elle. Je t’aurai bien laissé creuver ici mais… sa bouche pulpeuse s’approche de son visage pour prononcer bien clairement : je ne peux pas, on t’attend ailleurs. Tu veux savoir où ? Oh j'ai bien l'impression que oui, ça se lit dans tes petits yeux de biche ! Cette fois, ses lèvres rouges touchent presque sa tempe. Dans un harem en Afrique !
Et elle éclate de rire. D'un rire diabolique, rire d'une personne qui a accomplit sa mission avec succès, qui voit son ennemie perdre la guerre juste devant ses pupilles qui ne demandent que ça.
Et là, tu n'auras personne pour te sauver. Même pas ton Rodrrrrigo, susurre t-elle en imitant son accent ridicule. De toute façon il ne t'aime pas. Tu l'as ensorcelé, hein ? Vas-y, dis moi, comment t'as fait pour le séduire ? T'as concocté une potion à base de champignons et venins venimeux ? Je l'ai bien vu moi, que t'étais une sorcière. Rien que ta façon de t'habiller, et puis, ta réaction lorsque don Joaquim a annoncé qu'il allait partir! Qu'est ce qu'il s'est passé à ce moment ? Hein ? sans s'en rendre compte, elle haussait de plus en plus le ton, et elle avait finit sa phrase en criant.
Elle se redresse et prend le poignard que la gitane avait sur sa hanche.

Tu as de la chance, je ne dois pas trop te défigurer, sinon tu risque de ne pas être admise au harem et ça serait fort dommage. Elle pose la pointe du poignard sur son cou. Mais deux trois égratignures ne te feront pas de mal, pas vrai ? Après tout, j'ai le droit à une petite vengeance. Elle prend un air enfantin et ironique. De toute façon, ce n'est pas de ma faute, c'est seulement de la tienne ! Tu n'avais pas à venir ici, tu voulais divertir Rodrigo dans ton bordel ou que sais-je encore, d'accord, mais de là à venir voir sa famille et parler de sentiments amoureux, c'est exagéré je trouve. Tu as de bien grandes ambitions pour une moins que rien. Lentement, tout en délicatesse, elle enfonce le poignard dans sa chair mais juste au moment où elle sent qu'il va transpercer sa peau, elle le retire, sourire sarcastique au visage.
Tu as de beaux cheveux je trouve... certes, pas aussi beaux que les miens, mais ils ont de la valeur. A ton avis, si je fais ça... elle prend une mèche blonde de la gitane et la coupe avec son couteau, ça te fait quelque chose ? elle en coupe une seconde, puis une troisième, puis une quatrième. Je pourrais les revendre, tu crois ? elle donne les cheveux couleur blé à Philippa, qui la regarde depuis tout à l'heure.
Tu sais, je pense que tu vas avoir beaucoup de succès en Afrique. Les hommes vont raffoler de toi! Et tes enfants avec eux seront très beaux, j'en suis certaine. La peau brune et les cheveux blonds ! dit-elle en pesant ses mots et gardant pour elle que ses enfants, c'est pas avec Rodrigo qu'elle les fera.
Elle retire le gant de sa main droite et pose ses doigts froids sur son visage qui se crispe à son contact. Ses ongles s'enfoncent dans ses joues, son menton. Une personne de sang noble et riche te touche, sois en fière, petite bohème. Et que les marques de mes doigts restent à jamais sur ta peau de gitane, que ces cicatrices te rappellent tes erreurs, l'erreur que tu as fait en venant ici et cette délicieuse soupe renversée sur ma tête...marmonne t-elle entre ses dents, se faisant elle-même mal à la main. Puis elle la retire et lui donne une énorme claque qui résonne dans la pièce, le regard haineux.
Qu'est ce que j'aimerai te voir morte, à cet instant même...
--Malika



Non, Malika était à mille lieues de s’imaginer qu’un complot de cette envergure, aussi bien préparé, était tramé contre sa petite personne.
Elle se sentait en sécurité dans l’enceinte du domaine, dans ce lieu de paix, non loin de son amant, de sa présence caressante et rassurante. Dès lors, lorsque les deux harpies surgissent dans son dos pour l’immobiliser, elle ne réussit qu’à leur opposer une résistance bien dérisoire. Malgré son âge, cette diablesse de Philippa possède une robustesse inattendue, et Malika ne peut se dégager de son étreinte.
Cette morue d’Isabella s’empare ensuite de sa dague, qu’elle conservait prudemment contre sa cuisse, sous son jupon, la voici désarmée et dès lors l’affaire est expédiée. La frêle gitane est capturée sans ménagement, elle a beau se débattre, l’effet de surprise a joué, elle est ficelée par sa rivale qui n’hésite pas à serrer les cordes plus que nécessaire autour de ses chevilles et ses poignets.

La vieille mégère fouille rapidement au fond des calices de métal précieux qui ornent l’autel, et elle y récupère une énorme clef rouillée. Malika la suit de regard. La mère de son amant se dirige d’un pas pressé vers l’entrée et ferme la lourde porte à double tour.
Cruelle déconvenue pour la fille de Bohème, qui espérait secrètement que Rodrigo, Joaquim, ou quelqu’un d’autre, pénètrerait dans la chapelle. Ce geste lui enlève toute illusion, tout espoir d’être secourue. La voici totalement à la merci des deux kidnappeuses.

De son côté, Isabella triomphe. Ses yeux pétillent de satisfaction, elle tient enfin sa revanche. Personne ne lui enlèvera ce plaisir. D’ailleurs, sans l’intervention de la propriétaire de l’hacienda, elle se ferait une joie de découper Malika en rondelles, sans plus attendre. Heureusement, elles ont d’autres projets, et les deux complices décident de s’en tenir au plan initialement prévu.
Hop, elles soulèvent la gitane, étroitement ligotée, et qui ne pèse pas bien lourd dans les bras des deux portugaises.
Les deux femmes libèrent un passage secret dissimulé sous un tapis d’orient, et traînent leur prisonnière dans un étroit escalier taillé dans le rocher. Parvenues dans la crypte, sombre et sinistre, elles jettent la captive sur une tombe poussiéreuse ou elle est liée prestement, un rai de lumière passe par un soupirail, il ne s’est pas écoulé beaucoup de temps entre le moment où Rodrigo l’a laissée et où ces deux folles lui sont tombées dessus.

La sombre jeune femme s’assied a ses cotés, sa dague sur le cou gracile de Malika ;sa main écrasée sur son visage l’empêche de hurler, tandis qu'à son oreille elle lui murmure le programme des réjouissances élaboré par les deux femmes.

Malika se débat, et son regard glacé plonge dans celui de braise d’Isabella, elle mord cruellement sa main, le sang de la bourgeoise coule sur ses lèvres…..

Si tu crrrois que j’ai peurrr ? Tu te trrrompes Isabella. Un harrrem en Afrrrique ? N’oublie pas que l’Afrrique c’est aussi mon pays !

De rage Isabella lui coupe de longues mèches blondes, mais les insultes qu’elle lui débite n’atteignent pas Malika.

Tu me le paierrras au centuple, parce que je serrais librrre bientôt. Jamais un autre homme que Rodrrrigo ne me touchera, et toi ? Il ne te toucherra jamais, jamais tu ne sentirrras la douceur de ses mains sur ta peau, ni la tendrrresse qu’il peut donner aprrès avoirr fait l’amourrr.

Ca tu ne l’aurrrras jamais, et moi je l’ai ! Ezt csak tudod ? Szuka ! ( tu sais cela au moins ? Chienne)


Dans le silence de la crypte, le bruit sec d’une gifle retentit, la gitane serre les dents, surtout ne rien laisser paraître, la douleur elle peut la supporter. Non, Isabella n’aura pas la satisfaction de la voir pleurer ou même réagir aux coups qu’elle peut lui donner. Elle s’en sortira toujours, sa bonne étoile l’accompagnera.

Qu'est ce que j'aimerais te voir morte, à cet instant même...

Mais c’est toi qui va mourrrir de ma main ! Komisz tanàr ( sale vache !) Tu verrras ce que vaut une fille de Bohème ! Szajha( garce)
--Dona_philippa



Elle écoute les répliques qui fusent entre les deux rivales, qui se déchirent à qui mieux mieux. La brune triomphe car la blonde est en son pouvoir, et elle n’hésite pas à la secouer de diverses manières. Et la blonde jubile car le beau Rodrigo l’a choisie, elle. Décidément, cette satanée gitane ne manque pas de culot ! Ou alors est-ce de l’inconscience ? Ou l’expression de la fierté sans borne de son peuple d’errants ? Tout de même, alors qu’elle est à leur merci, pieds et poings liés, voilà qu’elle se permet malgré tout de défier Isabella, poussant même l’audace jusqu’à la menacer de mort ! Les yeux des deux jeunes femmes lancent des éclairs. Oui, ces deux-là vont s’étriper si elles en ont l’occasion un jour, ce qui est cependant une hypothèse bien improbable compte tenu de ce joli séjour à l’étranger qu’elles ont préparé pour la blondasse. Et, quoique Malika en dise, même si l’Afrique est le berceau d’une partie de sa famille, on ne s’échappe pas d’un harem. Les filles y sont constamment surveillées. Elle devrait en être consciente.

Isabella fulmine devant tant d’aplomb de la part de leur captive. Sans la présence de Philippa, l’ancienne promise de son fils se serait certainement montrée beaucoup plus violente. Mais c’est décidé, elles vont s’en tenir à leur plan, d’autant plus qu’un rendez-vous a été fixé avec Omar, le marchand d’esclaves, qui les débarrassera de la gênante en échange d’une somme rondelette. Dès lors, il serait idiot d’abîmer trop la marchandise.

Bon. Il est inutile qu’elles s’éternisent dans cette crypte. Une absence trop longue de leur part sera jugée étrange lorsque la disparition de l’aventurière sera constatée. Elles ne doivent éveiller aucun soupçon. Cependant, avant de regagner l’hacienda, là-haut, il y a encore une ou deux précautions à prendre. Cette Malika semble disposer de ressources insoupçonnées, d’une volonté inébranlable et d’une imagination fertile. En conclusion, la prudence s’impose. Cette crypte a beau être creusée dans le roc, et enfouie sous la chapelle, la gitane pourrait hurler comme une possédée et réussir à attirer l’attention d’un employé de l’hacienda. Dès lors, une seule solution …

Isabella, peux-tu obstruer totalement le soupirail qui donne vers l’extérieur. Utilise les vieilles planches de ce cercueil, là, et fixe les aux barreaux avec ces linceuls déchirés. Ca devrait faire l’affaire.

Elle dévisage la prisonnière d’un œil menaçant, et s’avance vers elle.

Notre amie Malika n’a pas besoin de la lumière du jour. Elle va être très sage et très raisonnable, n’est-ce pas ? Elle ne va pas se mettre à brailler dès que nous serons parties, sinon nous nous ferons un plaisir de lui couper la langue. D’ailleurs, j’ai une idée. Deux précautions valent mieux qu’une.

Philippa décroche le foulard de soie qu’elle porte autour du cou, et, d’un geste précis, elle se met à bâillonner la captive. Malika proteste, s’agite, se tord, mais les liens qui l’enserrent entaillent douloureusement sa peau à chaque effort de sa part. Elle a beau se débattre, la voici réduite au silence. De son côté, Isabella a terminé de boucher complètement l’étroite ouverture, et la crypte s’assombrit encore. Satisfaites, les deux ravisseuses se rejoignent et se dévisagent dans la pénombre, à deux pas de la Bohémienne.

Tout marche parfaitement, mais je pensais encore à un détail. En sortant, nous allons conduire le cheval de cette aventurière hors du domaine, par le sentier qui mène vers la forêt et que plus personne n’emprunte. De cette manière, tout le monde croira que cette maudite intrigante a détalé. Vois-tu encore autre chose, Isabella ?

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