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[RP] De la roulotte à l'hacienda

--Joaquim




Joaquim est heureux de voir son fils s’inquiéter à son sujet. Il est également fier de voir que son héritier s’intéresse au domaine, à sa succession…

Il prend enfin conscience de son rôle, de ses responsabilités. Il a bien changé. Pense Arminho.

Mon fils ! Tu as des responsabilités maintenant ! Je voulais te laisser en dehors de tout ça. Pourtant ta présence ici, prouve que tu es en droit de tout connaître. …Après tout, tu es le nouveau maître.
J’espère que tout ceci ne va pas entraver ton libre arbitre, ni te couper l’envie de régir ces terres… Tes terres… La terre de nos ancêtres !
Pour cela, il faut parfois se salir les mains, faire des choses que la moral réprouve…


Joaquim fixe maintenant son fils… Ce dernier n’émet aucun son, ne transpire aucun sentiment…
Le visage de marbre de Rodrigo impressionne le père.

A cet instant, Arminho comprend qu’il n’a pas son fils en face de lui, mais bel et bien le Seigneur Dom Rodrigo Don Setubal do Minho…
Il se dégage désormais une force de ce personnage, une détermination…

Joaquim pressentait qu’il fallait une porte de sortie pour son fils, afin que ce dernier échappe à ce plan diabolique. Il faisait erreur. Rodrigo est prêt à assumer ses responsabilités, à assumer les actes de sa charge.

Voilà fils, tout d’abord, je vous ai annoncé mon départ prochain…
C’est pour assouvir une dernière fois mon rêve de baroudeur…


Il se leva, s’agenouilla devant Rodrigo.

Je suis condamné, il ne me reste plus longtemps à vivre. La nostalgie de ma vie passée se fait plus forte de jour en jour. Il me faut faire ce dernier voyage. J’aimerai m’éteindre sur les routes, heureux d’avoir pu goûter à nouveau à l’aventure, à la joie des marches à travers la campagne et les bois ; le plaisir de traverser une ville, découvrir ces vieux quartiers, ses bruits, ses odeurs, ses gens…
J’aimerai encore une fois m’endormir le soir complètement repus et exténué au coin d’un feu de bois…
Je vais donc quitter mes terres !
S’il me reste assez de force, je reviendrai, sinon…
Avant, il me reste une chose à accomplir. Je veux être sur que vous ne serez plus, toi, Malika et ta progéniture soumis aux lois de la vengeance. C’est pourquoi, je vais œuvrer pour le bien de ta… de notre famille !


Arminho s’était relevé, et il se dirigea vers la fenêtre.

Pour ta mère, c’est fait… elle est écartée…
Légitiment, elle ne peut plus rien contre vous. A toi de décider de son sort après mon départ.
Elle s’entend avec la nouvelle châtelaine : ta femme ; ou elle reste pestiféré aux abords de la forêt.
Par contre, les Almirante vont engager une lutte à mort contre vous.
Jamais vous ne serez en paix avec cette famille.


Arminho dévisagea son fils d’un regard noir.

C’est pourquoi, moi et ma vieille garde allons engager une expédition punitive et définitive contre ces couards.
La meilleure défense est l’attaque !


Il ferma et serra son poing.

Sus aux Almirante, mort à l’ennemi, aucune pitié, aucun quartier !

Rodrigo emmagasinait toutes ces informations. Imperturbable, il fixait son père.

Devant le calme de ce dernier. Joaquim relata la discussion qu’il avait eu avec son ami Rodolfo.

Le côté juridique ne suffirait pas à emporter la victoire. Il resterait un obstacle physique que Joaquim se faisait fort d’éliminer.
De plus égorger son plus vieil ennemi n’était pas pour lui déplaire. Il quitterait ce monde sous peu, mais Diogo Almirante le ferait avant lui.

Il te restera Isabella à surveiller, mais je ne peux pas tout faire.
Arminho se mit à rire.
Après tout, si tu l’avais eu comme femme, tu aurais du également la surveiller et la mettre au pas.
Le rire gras d’Arminho envahissait toute la pièce. Il était friand de ce genre de plaisanteries misogynes.

Tu vois il me reste encore de l’occupation avant mon départ !

Arminho donnait l’impression d’être plus léger. Son fils était maintenant dans la confession. Il était rentré dans la cour des grands. Cette première épreuve serait pour lui une initiation à son rôle de seigneur.

Mais, n’était-il pas responsable de cette situation.

La confrontation contre l’ennemi héréditaire allait connaître son épilogue. Pourtant, l’issue qui se préparait découlait directement de son idylle avec sa bohémienne.


Dom Joaquim Joao Do Setubal do Minho semblait serein. Il allait en découdre et savait que Diogo trépasserait. Enfin une lutte décennale arrivait à son terme.

Je crois que tu comprends les enjeux, fils.
Il s’agit d’une vieille rancune que je vais clore.
Notre famille s’en trouvera sécurisée… et ce qui n’est pas à négliger sera plus riche et plus puissante. Tes enfants seront en sureté !
Prends-le comme tel !


Joao avait finir de discourir.
Patiemment, Rodrigo l’avait laissé parler.

Tu es au courant de tout.
Tu es le seigneur, quel est ton avis !


Concluant son monologue trois coups sourds se firent entendre à la porte.
Joaquim ouvrit et laissa entrer Sajara. Il lui demanda de s’asseoir dans un coin de la pièce.

Tu peux t’exprimer fils, Sajara, reste nos yeux ici…
En souriant, il ajouta : Et Rodolfo, notre tête !
Compte sur eux ! Ils ne te feront jamais défaut !
--Rodrigo




Depuis que Rodrigo est en âge de se comporter en adulte, en homme responsable, que ce soit en qualité d’officier de la marine ou en tant qu’héritier d’une des dynasties les plus fortunées du nord du Portugal, jamais son père, le tout puissant Arminho, ne l’a ainsi couvert de compliments. Bien entendu, une complicité sans faille les unissait, mais jamais Joaquim n’a été aussi loquace en tête à tête avec lui. Et jamais il ne lui avait demandé son avis auparavant.

Les temps changent. Les gens évoluent. Est-ce dû à cette blessure au combat qui aurait pu l’envoyer « ad patres », à ce long voyage dans cette capitale lointaine nommée Paris ? Est-ce dû au fait qu’il a imposé sa volonté en choisissant une compagne originaire d’autres horizons, d’un autre milieu, se moquant bien de déplaire à certains ? Est-ce parce qu’il a tenu tête à sa mère, pour la première fois ? Toutes ces démonstrations d’autonomie, de courage, d’indépendance, toute cette expérience acquise au fil des mois, attestent bien que l’adolescent couvé et protégé s’est métamorphosé en un homme digne de confiance, digne d’être le successeur tout désigné pour tenir les rênes de l’hacienda. Tout en écoutant avec satisfaction les propos de son illustre géniteur, c’est à cela que s’arrêtent les pensées de Rodrigo. Au moment où Sajara pénètre dans le bureau, le jeune officier a tout compris. Oui, il a compris qu’à présent Joaquim va le traiter d’égal à égal, et il en a également compris les raisons.

Don Diogo ? Cette larve. Ce pleutre qui n’a même pas eu le cran d’accompagner sa fille et son épouse dans leur domaine ! Ce voisin détesté, mais non craint, depuis de sombres aventures qui ont amplifié l’hostilité latente et sournoise. Don Diogo. Son père envisage donc de se débarrasser de lui, et d’annexer ses terres. Bien. L’idée lui plaît. L’enthousiasme et les explications de Joaquim suffisent à balayer ses dernières hésitations. Elles réveillent en lui des préoccupations assoupies depuis trop longtemps. Oui, l’apparition de Malika dans sa vie a tout perturbé. L’adorable gitane s’est accaparée de ses pensées, de son esprit, tout comme les étoiles s’accaparent de la nuit. Mais à présent il doit se montrer à la hauteur de ses nouvelles responsabilités.

Ne rajoute plus rien, père. C’est inutile. Tu prêches un convaincu. Je n’éprouve qu’aversion et dédain pour notre voisin. Le fait que je repousse désormais sa fille ne va pas calmer les choses. Je pense que j’en serais arrivé aux mêmes conclusions que toi. Nous avons l’occasion de surprendre ce lâche, profitons-en ! Tu as mon soutien. Et tu auras mon aide. Il te suffit de demander, et je serai à ta disposition. Cependant, père, veille à ne courir aucun danger inutile. Ta vie m’est plus précieuse que des terres et des bâtiments, fussent-ils les plus magnifiques de la région. Mais, te connaissant, je suis certain que tu ne te lanceras pas à l’aveuglette et que tu réuniras autour de toi une excellente équipe.

Rodrigo lance un clin d’œil complice à Sajara. Le bras droit de son père sera de l’expédition, c’est couru d’avance.

Puis il se tourne à nouveau vers Arminho.

Père, puisque nous en sommes aux confidences, aux projets, j’ai moi aussi une décision importante à prendre. Tu peux compter sur Malika et sur moi pour nous occuper du domaine, bien entendu. Mais je n’aurai l’âme sereine que lorsque j’aurai accompli une mission que je me suis fixée. Je t’en ai déjà touché un mot. Approche, Sajara, j’aurai sans doute besoin de tes conseils. Voilà. Quelques semaines avant que je la rencontre, Malika a été violée par trois soudards ivres qui cherchaient à se défouler sur une innocente victime. Ces crapules ont disparu après avoir fait preuve d’une bestialité révoltante. Ma douce compagne a mis du temps avant de se remettre d’une telle barbarie. Avant de s’évanouir, la pauvre Malika avait eu le temps de repérer un blason gravé sur la bague d’une de ces vermines. Nous ne disposons d’aucun autre élément, mais je suis bien décidé à retrouver leur trace, même si je dois retourner la terre entière. Ces goujats ne m’échapperont pas.

Rodrigo hoche la tête, perplexe.

En fait, il y a un second problème. Je n’ai pas encore parlé à Malika de ma ferme intention de retrouver ces types. J’ignore ce qu’elle en pensera. Son cœur hésite entre oubli et vengeance, je le sens. Mais enfin, je me charge de la convaincre. Père, si tu n’as pas encore choisi de destination pour ce voyage que tu nous annonces, serais-tu tenté par cette entreprise ? Et toi, Sajara ?

--Sajara



Sajara se redressa, flatté que le nouveau seigneur fasse appelle à lui.

- Si le maître le veut, je te suis jusqu’en enfer « petit maître ».

Le maure était ravi. Malgré ses habits noirs et son regard transperçant, un sourire illuminait son visage.

- Emasculer ce genre de pourriture fait parti de mon domaine. Je leur ferai mille tortures, leurs cris effraieront les démons des enfers.

Son visage prit des traits inquiétants.
Un frisson parcouru l’échine de Rodrigo.

Le ton était donné. Le cas de Don Diego réglé, d’autres malandrins allaient subir la vengeance du trio.
--Joaquim




Joaquim regardait son fils avec fierté.
Heureux de voir que celui-ci était devenu le seigneur du domaine.

- Soit, qu’il en soit ainsi, je te prends avec nous !
Ce périple te servira d’initiation.
Toi mon fils, mon compagnon Sajara et moi-même allons de ce pas occire ce pleutre.


Il se retourna vers Sajara et lui donna le feu vert pour préparer leur expédition nocturne.

- Le fief de ce fourbe n’est pas si éloigné en partant promptement nous serons de retour demain.
Evidemment, i l ne faut pas lambiner et rester discret sur les terres de notre ennemi, afin d’expédier rapidement nos affaires.
Il faut proscrire toute hésitation. La main ne doit pas trembler. Le sang coulera cette nuit.


Il souriait le vieux lion, excité de monter une expédition à laquelle son fils allait prendre part.

Il se fixa à la fenêtre, sentant le regard de Rodrigo dans son dos

- Mes sources m’affirment que des espions du roi surveillent le sagouin de près.
Malheureusement, l’ancêtre ne peut agir.
Je vais lui rendre un fier service… Que dis-je, nous allons lui rendre un grand service !


Il ria à gorge déployée.
Il se tourna vers Rodrigo, fit quelques pas pour le rejoindre et le serra dans ses bras.
Peut être était-ce la première fois qu’il étreignait son fils de la sorte.

- Je suis heureux d’accomplir cela avec toi.
Quand ton « grand père » apprendra cette expédition punitive… il aura un œil sur toi… Tu seras dans ces bonnes grâces…


Le sourire aux lèvres. Joao entendit le sifflet de Sajara.

- C’est bon, voilà le signal !

Il jeta une tenue sombre à Rodrigo.

Les deux hommes tout de noir vêtu, descendirent l’escalier.
Dans les écuries, les chevaux sellés attendaient leur cavalier.

Joaquim prit la tête de la petite troupe. Les chevaux lancés au galop prirent la direction du domaine des Almirante.
--Rodrigo



L’heure de la vengeance a sonné. Un pleutre vit, sans le savoir, ses derniers instants. Non, Rodrigo ne s’attendait nullement à une telle expédition punitive, mais pour rien au monde il ne resterait là, les bras ballants. Les risques, il les partagera avec son père et avec Sajara. C’est son devoir, c’est sa volonté.

Départ imminent, donc. Passant devant sa chambre, juste après le signal donné par le Maure, le jeune homme s’y précipite pour y laisser un mot à sa belle.



Amor,

Mon père a besoin de moi de manière urgente.

Je pars donc directement avec lui, sans avoir le temps de t’embrasser, à mon grand regret.

Nous serons de retour demain matin, et, à ton réveil, mon ange, je serai à tes côtés et je t’expliquerai les raisons de cette courte expédition à laquelle je ne puis me dérober.

Je t’aime.

Ton Rodrigo.



Il décroche vivement le fourreau renfermant son épée d’officier, pendu au porte-manteau, rejoint rapidement son père dans l’escalier, et ils retrouvent Sajara devant les écuries. Leurs montures sont prêtes, déjà.

Les trois ombres s’éloignent au galop. Quelques heures de chevauchée, et justice sera rendue.

--Dona_isabella


Il fait sombre dans la pièce, maintenant que le seul soupirail qui laissait entrevoir quelques rayons de soleil est bouché. Pourtant, dans la pénombre, on peut voir les yeux de furie d'Isabella. Tout comme ses dents blanches, on pourrait croire que c'est devenu une prédatrice de la jungle, ses canines affutées et prêtes à mordre dans de la chair de l'innocente victime. M'enfin, pas si innocente que ça.

Elle croyait en avoir fini avec cette peste de gitane, pourtant, la blondasse avait osé lui répondre. Et pas n'importe comment. Des mots qui l'ont touché. "Il ne te touchera jamais."
Soudain, ses paupières se baissent. Elle a envie de riposter. Son cerveau se retourne pour trouver un moment, une fraction de seconde, où Rodrigo l'a touché ou caressé. Il y avait cette fois, quand ils avaient 5 ans... il l'avait pris par la main, tendrement. Mais c'était parce qu'elle avait les yeux bandés et il la faisait tourner car ils jouaient à Colin-Maillard. Non ! Il y avait aussi la fois où, un peu plus grands, ils s'étaient pris dans les bras car leurs parents les avaient grondés assez méchamment. Elle sentait ses bras de petit bonhomme se glisser dans son dos. Ils avaient partagé leur peine, leurs pensées. C'était ce jour là que la jeune fille était réellement tombée amoureuse de lui.

Dans une voix calme et posée, elle dit, presque murmurant :

Il ne m'a peut être pas touché comme il l'a fait à toi, mais moi au moins, je le connais depuis plus longtemps que toi et je ne partage pas sa couche au bout du premier soir. Tu sais quoi ? Je préfère me préserver et mieux pouvoir satisfaire les plaisirs de Rodrigo plus tard plutôt que faire l'amour avec n'importe qui rien que pour avoir quelques pièces, sale catin.

Provocation intense. Elle se rapproche. Le silence se fait lourd. La gitane tente de crier, mais en vain. Bâillonnée, on ne peut rien dire, comme c'est dommage.

C'est moi qui va mourrrrrrir ? Nous verrons ça. Bon, ton harem t'attend. D'ailleurs, si l'Afrique c'est tellemmment ton pays, tu devrais peut être savoir que la vie est dure là-bas, surtout dans ces établissements. Tu sais ce que j'espère pour toi ? C'est que t'arrive à t'en échapper. Mais qu'ensuite, tu te perdes dans un désert. Et que tu crèves là-bas, ensevelie dans du sable, sous la chaleur, en manque d'eau, seule. Seule. Sans ton beau Rodrigo pour te tenir compagnie. Il sera avec moi à ce moment là. Je penserais à toi. Je t'enverrai même des lettres, pour te donner de nos nouvelles.

Et, telle une gamine, elle la pince à sa cuisse demi-nue. Mais bien plus fort qu'une gamine l'aurait fait. Elle lui serre la peau avec ses doigts, y enfonçant également ses ongles, la tournant un peu pour accentuer la douleur. Puis sa main descend et elle le refait un peu plus bas. Puis elle remonte. Encore un peu. Même si elle ne le voit pas, elle sait bien que sa hanche est en feu. A travers le foulard, elle sent qu'elle hurle de souffrance. Elle gigote.
Et Isabella rigole, toujours telle une gamine, contente de sa nouvelle expérience. C'est si bon de voir une personne recevoir tout le mal qu'elle mérite.

Doña Philippa pose sa main sur son épaule.


Oui, on y va. On lui a déjà accordé trop de temps.

A tâtons, elle cherche ses gants posés sur la tombe. Et juste avant de partir, elle crache. Pas sur la gitane, non, mais juste à côté de son nez.


Sens mon odeur, sois-en dégoûtée, et n'ose jamais remettre un seul de tes pieds de mal-propre ici. Je parle de l'hacienda comme du pays. Et si tu touches à un cheveu de Rodrigo, il t'arrivera bien, vraiment bien pire que ce qu'il vient de se passer, car après il n'y aura plus d'harem qui me stoppera, il y aura juste la mort, la tienne.

La brune relève le menton, et, suivant la minime lumière à l'autre bout, accompagnée de sa belle-mère, sort de la crypte. Enfin hors de l'obscurité, ses yeux clignent plusieurs fois avant de se réhabituer à la lumière du jour. En quelques secondes, elle remet quelques mèches en place. Jamais sortir décoiffée. Sur ses lèvres se dessine un grand sourire en se tournant vers la vieille femme qui referme la trappe ouverte.


Nous sortons, l'air de rien, d'accord ? Et si on nous demande si nous avons vu Malika, non, nous ne sommes au courant de rien. Tout en avançant vers la porte, je vais m'occuper de son cheval, allez donc à l'hacienda vous reposer un peu, je reviens bientôt, nous pourrons prendre un petit thé pour fêter ça.

Petit clin d'œil et les voilà dans le jardin, chacune partant dans une direction différente. Isabella se dirige vers les écuries. Le cheval de la fille de Bohème n'est pas difficile à reconnaitre, c'est le seul qui est sale, qui a une longue crinière désordonnée, positionné dans une posture différente des autres étalons, et à une robe partagée entre le brun et le noir, bref, assez étrange, très gitan.

Viens-là, vieux canasson... viens... tout doux...

La jeune femme le détache, en manquant de peu de marcher dans son purin. Elle tire sur ses rênes, tire, tire, mais le cheval ne veut pas avancer. Au bout de quelques minutes d'effort, elle sent une goutte de sueur dégouliner le long de son front.

Ah non hein, ta maitresse m'en assez fait baver, tu vas pas t'y mettre non plus !

Elle prend un bout de bois posé près des branches coupées par le jardinier de l'hacienda. Telle une arme dangereuse, elle la manipule lentement entre ses mains. Un coup de bâton dans le derrière du cheval. Celui-ci hennit, se mettant enfin à bouger. Bien fait. Elle commence à avancer avec quand un domestique passe... visiblement, il reconnait l'animal, étant donné les yeux écarquillés qu'il a.


Chut, ne dis rien. Prends cette bestiole et débarrasse moi d'elle.
Rapprochant ses lèvres pulpeuses de l'homme, elle lui susurre à l'oreille : tu seras bien évidemment récompensé, si tu fermes ta bouche et fais ton travail correctement.

Affaire conclue. Pas besoin de parler longtemps à ces pauvres gens pour les convaincre, ils ne gagnent déjà pas beaucoup en travaillant ici, alors lorsqu'il est question de donner un pourboire, ils ne sont jamais contre, que ça soit un acte malhonnête ou pas.

Le pas pressé, elle retourne à la demeure familiale. Doña Philippa est assise sur un fauteuil au salon, le service de thé posé sur la table basse. Isabella s'assoit à côté d'elle, prend une tasse.


Encore une bonne chose de faite ! Je suis fière de nous, on fait une belle équipe. Nous avons gagné une bataille mais pas la guerre, certes, mais nous avons une position dominante. La dernière étape arrive à grands pas... elle lève sa tasse pour trinquer avec sa belle-mère, fière comme jamais. Toutefois, avant de prendre sa première gorgée, une question l'intrigue. Avez-vous revu Inès ?
--Dona_philippa



Excellente question. Où se cache donc la dame de compagnie ? Inès n’est pas indispensable à la réussite de leur entreprise, non, et la preuve en est qu’elles ont réussi, sans son aide, à enlever la gitane et à l’emprisonner en lieu sûr, dans une cachette introuvable. Cependant, la vieille nounou de la famille Almirante est au courant de leur projet. En totalité. Elle sait même qu’elles ont engagé ce nommé Omar pour escorter Malika au delà des frontières et la livrer à un quelconque sultan du désert. Sa disparition est donc plutôt inquiétante. Dona Philippa et dona Isabella sont du même avis, la fidélité d’Inès n’est pas remise en question. La dame de compagnie vénère Isabella, et jamais elle ne la trahirait. Mais il faut en avoir le cœur net ! Même si elles sont persuadées de ne pas avoir éveillé de soupçons.

Pensives, les deux complices terminent leur tasse de thé. L’hacienda leur paraît bien calme, ce matin. Aucun signe de vie de Rodrigo, depuis qu’il a quitté sa blondasse sous les arbres. Aucun signe non plus de Joaquim ni de ses deux âmes damnées, Rodolfo et Sajara, qui apparaissent toujours au moment où on les attend le moins, logeant fréquemment dans une des chambres de l’hacienda sans qu’elle en soit informée.

Mettons nous à la recherche d’Inès, Isabella. Je serai plus rassurée quand nous saurons ce qu’elle fabrique, et quand nous saurons pourquoi elle se montre si discrète. Sans doute est-elle en train de fureter dans un coin. Je propose que nous commencions par aller jusqu’à sa chambre.

Les deux dames se lèvent, abandonnant théière et tasses vides sur la petite table du salon. L’escalier … puis le premier étage … sans croiser âme qui vive. La matinée est pourtant largement entamée, à présent. Les voici dans la chambre d’Inès, qui brille par son absence. Tout est bien rangé, le lit n’est pas défait, la malle et les vêtements de la nounou sont dans la garde-robe. Oui, c’est bien ce qu’elles imaginaient. Inès est occupée à roder dans la propriété, en quête d’une indiscrétion qui satisfasse sa curiosité légendaire, et souvent utile.

A présent que nous sommes à l’étage, poursuivons nos recherches, Isabella. C’est exaspérant de ne rien savoir !

Elles prennent un autre couloir, tendant l’oreille, marchant sans bruit sur les tapis d’orient. Pas d’Inès. Là, au fond du hall baigné par les rayons du soleil qui s’infiltrent à travers les rideaux, se nichent la chambre de Rodrigo et celle de Malika. Les deux fureteuses poussent la porte de la gitane, qui gît à présent sur une couche beaucoup moins confortable que celle qu’elles ont sous les yeux. Surprise ! Toutes les toilettes qui s’étaient volatilisées sont alignées sur le lit. Les deux comparses se dévisagent, stupéfaites. Quel est ce mystère ? Et si ce prétendu vol n’était qu’une invention de cette maudite vipère pour se faire plaindre et pour gagner la sympathie de Joaquim ? Soit !

Elles poursuivent leur exploration … la chambre de Rodrigo, maintenant … Pas le moindre bruit. Elles entrent prudemment, sur la pointe des pieds, comme deux cambrioleuses. Personne. Le lit présente l’aspect d’un champ de bataille. Des sous-vêtements féminins sont éparpillés, pêle-mêle, sur les draps de soie. Il est aisé de comprendre la scène. Isabella semble pâlir à cette vue. Tiens ? Sur l’oreiller, un mot. Ecrit et signé de la main de Rodrigo. Elles lisent ensemble. Nouvelle énigme. Quel est ce bref voyage décidé à l’improviste ? Que mijote encore Joaquim ? Dona Philippa ramasse le message et l’enfouit au fond de sa poche. De toute façon, la gitane ne le lira jamais, mais elles sont les seules à le savoir. Par contre, la disparition de ce feuillet, conjuguée à celle du canasson, pourront faire croire que Malika, après lecture, a tenté de rattraper Rodrigo. Futé, non ?

Viens, Isabella, quittons cette pièce avant que quelqu’un ne nous surprenne. Nous n’apprendrons rien de plus. Vivement dimanche pour que nous soyons débarrassée de cette aventurière ! Donc, comme convenu, tu escorteras Omar et sa bande pendant quelques lieues, pour t’assurer que tout se déroule parfaitement …

Leurs chuchotements se poursuivent dans le corridor …

--Fuinha


Fuinha avait pris son service au nom du roi. Il était la Fouine du roi.

Il était au service du roi depuis de nombreuses années.
Il était...
Fidèle de par son serment à son roi.
Proche de par son appartenance à la garde rapprochée de son altesse.
Oreille au service de son maître, œil surveillant pour lui, prêt à faire le coup de force pour lui obéir.
Distillant à sa majesté, les secrets qui traînent dans les alcôves.
Espionnant pour le compte de son Seigneur.



Le voilà sur les terres d’un ennemi du roi.
Cet Almirante allait prendre cher.
Trahir son roi, n’est pas une bonne idée si ce dernier reste le plus puissant. Un vassal déconsidéré et abandonné de ses anciens alliés ne vaut plus rien.
Les jours de ce pauvre fou sont comptés.

Pourtant la Fouine avait pour ordre d’espionner, et rien d’autre.
Il pouvait se montrer à ce vassal félon, histoire de lui montrer qu’il était sous le courroux du roi…

Le toutou avait mordu la main de son maître… Il allait gouter à la punition…
Le roi pouvait pardonner beaucoup, mais, pas le parjure. C’était une faiblesse qu’il ne pouvait laisser paraître. La meute l’aurait aussitôt attaqué.

Le jour, la Fouine se montrait à Almirante, chien racé mais craintif.
Ce pleutre se terrait, la queue entre les jambes.
La nuit notre espion royal tournait dans les bois et autour du château.

Un soir, il ne manqua pas de remarquer des ombres… trois ombres…
Se mettant à l’abri, il eut tout le loisir d’observer le trio.

Il reconnu de suite Dom Joaquim Joao Do Setubal do Minho… avec ce client c’était une autre histoire…
Fils illégitime du roi… ancien brigand… ancien soudard… guerrier émérite… dangereux stratège… et sous la protection du roi…

Timidement la Fouine sorti d’un fourré, signalant ainsi sa présence au puissant et terrible voisin des Almirante…

Que pouvait donc bien faire Arminho sur les terres de son ennemi intime.
Au passage des Setubal do Arminho père et fils, flanqués de leur maure, la fouine inclina la tête en signe d’allégeance et d’alliance.

Le trio passa sans ralentir, mais la fouine eut les sangs glacés au rictus de Dom Arminho.

Pour l’heure il ne s’agissait pas d’une visite de courtoisie.
La Fouine regretta presque d’avoir signalé sa présence.
Il fut saisi de s’entendre prier, sa bouche émettait des sons qu’il ne pouvait réprimer.
Le triumvirat l’avait impressionné.

Petit à petit, il comprit que Arminho, en fin stratège, se rendait chez Almirante pour rendre la justice du roi.

Almirante le renégat, perdait tous ses appuis politiques.

La porte du chenil s’entrouvrait, le bâtard s’engouffrait dans la niche du toutou racé…
La gamelle allait changer de propriétaire.

La Fouine attendrait jusqu’au petit matin pour constater visuellement les dégâts et irait rapporter au roi les évènements nocturnes.
--Dona_philippa




Les heures lui paraissent interminables, tout comme ces nuits glacées de décembre qui attendent que le matin daigne enfin montrer le bout de son nez.

Isabella a regagné sa chambre, sans que le mystère de la disparition d’Inès soit élucidé. Le sera t-il un jour ? La curiosité maladive de la vieille nounou lui a t-elle joué un vilain tour ? Ou bien va t-elle réapparaître, confuse, balbutiant une explication abracadabrante ? Soit ! L'avenir le révèlera.

D’ailleurs, l’inquiétude de dona Philippa est double. Comment interpréter le voyage secret de son satané époux et de leur fils ? Quelle tâche obscure et urgente sont-ils en train d’accomplir ?

Toutes ces interrogations la rendent nerveuse et lui donnent mal au crâne. Quelques pas dans le jardin la décrisperont sans doute. De plus, une surveillance discrète de la prisonnière la rassurerait, tout en occupant ses pensées. En route. Quoi de plus normal que d’aller se recueillir quelques minutes à la chapelle, non ?

Dona Philippa pousse la lourde porte de bois, ornée d’un crucifix séculaire, et la referme aussitôt derrière elle, à double tour. Un signe de croix, par habitude. Une génuflexion rapide devant la statue de la vierge qui monte la garde près de l’autel. Puis elle réalise et hausse les épaules. Oui, elle est en train de mettre en péril la vie de la gitane, et toutes ces simagrées, toutes ces bondieuseries sont vraiment de mauvais goût.

Elle se glisse dans un coin, s’agenouille, entrebâille la trappe et descend lentement l’escalier de pierre, étriqué et sombre. Elle s'appuie contre le mur, progressant plutôt à tâtons. La crypte est silencieuse et lugubre. La lumière ne s’y infiltre qu’avec parcimonie, et Malika n’est qu’une forme immobile et indistincte. Dona Philippa s’avance. Sa jeune captive n’a pas bougé d’un pouce. A son approche, Malika tourne cependant le visage vers elle. Elle est pâle comme un linceul. Peut-être les liens ont-ils été trop serrés par Isabella, en représailles de sa rébellion ? Ou peut-être a t-elle faim ou soif ? Ou bien un besoin naturel ? Dona Philippa dénoue prudemment le bâillon, et interroge la prisonnière du regard. Non, elle n’éprouve aucune pitié, aucune compassion. L’aventurière a joué et perdu. Voilà. Mais elle ne peut tout de même pas la laisser agoniser là jusqu’à l’arrivée d’Omar.

--Malika


Liée sur la pierre froide, elle est étendue là, dans le noir. L’unique soupirail qui laissait passer un peu de lumière a été obturé par Isabella. Elle a les membres engourdis par les cordes serrées trop fort. Ses poignets et ses chevilles sont en sang à force d’avoir vainement essayé de se libérer.

Malika ne donne pas cher de sa peau. Elle a faim, soif, surtout soif. Quand elle ferme les yeux, elle entend une source qui s’écoule, et les clapotis de l’eau fraîche qui serpente gaiement entre les galets. Est-ce la fièvre, est-ce la folie qui la guette dans cette prison de pierre ?

De toute la force de sa pensée elle appelle son père à son secours.
Abi ! Abi ! Wysaad. (Père, père, aide moi)

Dans sa tête résonne la douce voix de son père tant chéri.
« Non ma fille, ne te laisse pas aller au désespoir, il se passera toujours quelque chose qui te permettra de t’en sortir »

Les larmes coulent doucement sur ses tempes, mouillant ses cheveux.

Un grincement de gongs rouillés la ramène à la réalité, le crissement d’un tissu, quelqu’un descend prudemment les marches de pierres glissantes, une forme sombre s’approche d’elle. Malika est terrifiée, on vient l’achever, jamais elle ne reverra Rodrigo, son unique amour. Jamais plus les doux rayons du soleil ne viendront caresser son corps. Jamais plus elle ne sentira le vent dans ses cheveux, le parfum des fleurs … C’est la fin.

L’ombre se rapproche encore, la forme se précise, c’est dona Philippa, sa geôlière. Elle délie son bâillon, se penche vers elle. Malgré sa gorge desséchée, Malika balbutie quelques mots hésitants.

Senorrra ? Que me voulez vous ? S’il vous plait, j’ai soif ! Pourr l’amourr que vous porrrte votrrrre fils, desserrez mes liens ! S’il vous plait …
--Dona_philippa



Son fils ? Sujet délicat. Depuis son retour de convalescence, un abîme d’incompréhension réciproque s’est creusé entre elle et lui. Un gouffre sans fond. Elle ne souhaitait pourtant que son bonheur, sa prospérité, et il possédait toutes les cartes en main. Une fiancée riche et belle, un domaine florissant, avec des vignes à perte de vue, se dorant sous le soleil presque toute l’année. Oui, un domaine que leur mariage allait métamorphoser en un vaste empire, le plus étendu du nord du Portugal. Quelle fierté pour dona Philippa lorsque ce projet grandiose aurait vu le jour, grâce à ses efforts.

Et vlan ! Voilà que cette catin aux yeux langoureux de jeune biche aux abois vient mettre à mal ce fabuleux programme en tortillant du croupion devant ce nigaud pour le mettre dans sa couche. Quelle délectable revanche de la tenir là, à sa merci, suppliante, docile, mendiant un peu d’eau, l’implorant pour qu’elle desserre les cordes qui l’immobilisent. Et quelle satisfaction pour elle lorsque ce fils ingrat parcourra, affolé, tous les recoins de l’hacienda pour retrouver cette blondasse dont il est si épris.

Elle dévisage la gitane, longuement, dans ce silence quasi monacal, avant de lui répondre enfin. Sa voix résonne étrangement dans cette espace clos, cette atmosphère confinée. Sa voix qui condamne. Sa voix qui accable.

Non, je ne vais pas desserrer tes liens. Tu n’as que ce que tu mérites, et je n’ai aucune confiance en toi. Tu n’es qu’une aventurière, et j’aurais peut-être dû laisser Isabella te trancher la gorge. J’espère que je n’aurai pas à le regretter. Mais je vais m’en tenir à mon projet. Notre projet. Et bientôt tu vas faire un long voyage …

C'est tout. Aucun détail supplémentaire. Le silence reprend possession de la crypte. Puis, jubilant intérieurement, dona Philippa remonte lourdement les escaliers, sans avertir Malika qu’elle va quand-même lui donner de quoi se désaltérer, la laissant ainsi dans un désarroi cruel. Ses yeux inventorient lentement les objets qui encombrent l’autel. Voilà. Un cruchon d’eau, déposé à côté d’un pichet de vin par le prêtre venant célébrer l’office aux grandes occasions.

Elle l’emporte, et redescend dans les ténèbres, auprès de sa prisonnière, qu’elle fait boire à même la cruche, en lui soutenant légèrement la nuque. Malika boit avidement cette eau tiède et rance, qui ruisselle le long de ses joues. Ensuite, sans ajouter le moindre mot, la mère de son amant la bâillonne à nouveau, et l’abandonne à sa longue attente, à sa détresse infinie.

--Joaquim



Cela faisait plusieurs lieux que le vieil hidalgo et ses deux comparses avaient franchi la frontière entre les deux seigneuries.
Depuis qu’ils se trouvaient sur les terres des Almirante, la prudence était de mise.
Chacun de son côté, scrutait, surveillait, écoutait…

La nuit était noire, elle enveloppait tout.

Les arbres du bois qui se profilaient au loin prenaient la forme de géants agressifs. Sajara repéra quelque chose tapi dans les bois. Il le signala de suite à son seigneur.

Comment diable, ce satané maure pouvait-il voir dans une pénombre pareille se demanda Joao.

Quoiqu’il en soit, les trois compagnons reprirent de plus belle leur étrange manège.
Arrivant à bonne distance, Rodrigo désigna à son tour une forme.

Sajara chuchota : « un homme… seul… personne d’autres aux alentours… »
Rodrigo allait dégainer son épée, quand son père bloqua son bras.

Il sourit à son fils.
- Je le vois maintenant… Ma vue n’est plus ce qu’elle était, j’en conviens… Mais mon esprit est encore vif. Cet homme est inoffensif. Il désire être vu.
C’est un allié ou quelqu’un de neutre. Passons à proximité pour le jauger.


Le groupe se déplaça silencieusement. Chacun dévisagea l’inconnu. Celui-ci fit un signe.
Une fois hors de vue, Arminho lacha quelques mots :
- Mes enfants les dieux sont avec nous… Et je dirai même plus le Dieu…
Le représentant de Dieu sur Terre : j’ai nommé mon père le Roi.
Vous venez de croiser son plus fidèle espion : Fuinha !
Nous avons le feu vert du roi ; sa fouine vient de nous donner le feu vert…
Mon fils tu es né sous une bonne étoile. Je vois pour toi puissance, pouvoir, richesse et… amour !


Un clin d’œil vint conclure son petit palabre.
Le visage du chef de clan changea d’expression.

Le château venait d’apparaître.

- Pieds à terre ! ordonna t-il.

Tous s’exécutèrent.

Ils harnachèrent les chevaux à l’abri des bosquets.
Rien ne paraissait troubler la nuit. Seuls quelques hululements et bestiaux nocturnes grattaient ou courraient ici et là…

Cela en était confondant de faciliter.
Un piège… peut être…

Arminho n’aimait guère la facilité.
Il sentait son fils quelque peu anxieux. Il le rassura en lui tapant l’épaule.

Il enchaina en faisant quelques signes à Sajara.
--Sajara



Sajara obéit à son chef. Leur longue expérience commune ne laissait plus de place à l’incompréhension. Une mécanique huilée par les combats communs, les embuscades, les pillages, les faits de guerre rendait le binôme terriblement efficace.

La donne était pourtant nouvelle pour cette expédition. Sajara se sentait investi d’une mission supplémentaire : veiller sur l’héritier.

Le vieux maître l’avait désigné comme éclaireur, à lui d’ouvrir la voie.
Il s’enfonça donc dans la cour du château, personne.

Etrange !

Il sentait comme une atmosphère de trahison, de complot !
Don Almirante n’était pas en sécurité, alors pourquoi aucune sentinelle ?
Il s’avança vers l’entrée, utilisant les coins les plus sombres, s’agenouillant…

Il scrutait le moindre recoin pour s’assurer que nul vigile n’était cachée.
Il faisait signe d’avancer à Joao et Rodrigo à chaque étape sécurisée.

Les voici dans le château…

Les trois hommes se retrouvent à l’abri dans une petite salle d’arme.
Les couloirs, les coursives paraissent bruyants et les allées et venues incessantes font regretter au trio la tranquillité extérieure.

Sajara, d’une voix à peine audible fait une rapide description des lieux.

Le passage est surveillé, mais les étages… moins ou voir pas du tout. Laissant en suspend sa réflexion, il fixe Arminho du regard attendant les ordres.
--Rodrigo



Le trio s’est subrepticement réfugié dans une armurerie encombrée de boucliers et d’armes blanches, de l’épée à la lame la plus effilée au cimeterre arabe aux effets les plus dévastateurs. Ils y semblent pour l’instant en sécurité. Sajara veille au grain, et Rodrigo fait de même. Ils ne peuvent se permettre d’être surpris dans ce local exigu, sans aucune possibilité de fuite.

Le jeune officier n’est plus un débutant. La prudence, il l’a apprise en mer, en défendant bec et ongles la couronne portugaise. Avec fierté. Et en s’aventurant vers des rivages sauvages et inexplorés. Un court instant, il est à la proue de son trois-mâts, fendant les vagues.

Oui, ce soleil aveuglant, qui brûle les yeux, lorsque l’équipage est à l’affût d’une voile menaçante ou d’un pavillon arborant des couleurs craintes et haïes, et qui se révèle un ennemi aussi redoutable que les canons … il le connaît.

Oui, ces récifs, ces brisants, pièges sournois autour desquels il faut louvoyer lentement, tout en redoutant à chaque instant que la coque ne s’y déchire et que l’océan devienne leur tombeau … il les connaît aussi.

Oui, ce ciel bas, pareil à un long manteau grisâtre et lourd. Oui, cet aquilon porteur d’inquiétants présages, qui fait gémir les mâts et les cordages tendus à l’extrême … il connaît tout ça.

Oui, et ici, comme en mer, il ne sera pas pris au dépourvu. Les sens en éveil, il analyse tout ce qui l’entoure et qu’il perçoit. Chaque éclat de voix, chaque battement de semelles, chaque grincement de porte qu’on entrouvre, chaque gémissement du parquet sous les bottes des gardes. Prudence … Ils ont beau avoir l’avantage immense de la surprise, ils sont en terrain hostile.

Il se rappelle ... Gamin, il venait courir dans cette hacienda avec la petite Isabella. Pas souvent, non, car leurs pères étaient déjà rivaux et se détestaient profondément. Leurs mères, par contre, entretenaient des relations plutôt cordiales, presque amicales. Oui, il a galopé entre ces murs, mais il n’était qu’un môme. Tout lui semblait plus grand, plus haut, plus large, à cette époque. Avec les années qui se sont égrenées, il ne se souvient guère de la disposition des pièces, ni de la destination des couloirs et des escaliers.

Rodrigo est donc agréablement surpris lorsque Sajara leur décrit brièvement le bâtiment. Sa concision et sa précision sont impressionnantes. Le précieux Maure se tourne ensuite vers Joaquim, sollicitant du regard quelques instructions. Peut-être serait-il préférable de patienter un peu, d’attendre la fin du jour pour que les habitants de l’hacienda aient regagné leur chambre? Une attente prolongée augmente par contre les chances qu’ils soient découverts. Rodrigo précise tout ça à voix basse, conscient cependant qu’il n’a rien à apprendre à ses interlocuteurs.

--Dona_isabella



Les heures, les minutes, les secondes sont comptées.
La sulfureuse Isabella, allongée sur son lit moelleux et douillet, elle n'en peut plus. Elle est impatiente que le marchand d'esclaves vienne enfin récupérer la bestiole blonde qui est attachée à la tombe de la crypte à l'intérieur de leur petite chapelle. Qui aurait un jour cru qu'un tel crime pouvait se passer dans un lieu saint ? Dieu l'aurait-il prévu ? Non, même lui n'aurait pas de telles idées machiavéliques.

Une fois sur le dos, une autre sur le ventre, puis sur le côté. Elle bouge dans tous les sens, les draps blancs et propres se frottent contre sa petite robe, son visage. Ses cheveux sont en bataille, ses petites sandales jetées à chaque coin de la pièce, ses gants par terre dans le tas d'affaires qui s'était créé depuis son arrivée. Inès n'était plus là et son absence se faisait de plus en plus ressentir. L'odeur des vêtements sales et le désordre étaient maintenant de mise.

Elle s'étire de tout son long, ses mains serrées en poings, ses pieds pointés à la façon d'une danseuse étoile. Un frisson lui parcourt l'échine.
Enfin, après quelques heures de flemmardise dans sa couche, la belle se lève, enfilant encore une autre robe -on est noble ou on l'est pas!-, celle-ci un peu plus colorée que d’habitude, ce qui exprimait bien sa joie de vivre. Des chaussures hautes, des parures, des bijoux. Elle se permet une petite fantaisie, vu que sa gouvernante n'est pas là pour la conseiller.

Isabella sort de son boudoir, descend au grand salon où doña Philippa lisait tranquillement, installée dans un grand fauteuil. Au loin, le soleil commençait à se coucher. Et les hommes de la maison n'étaient pas revenus. Ce voyage est étrange, très étrange. Pourquoi partir ? Une soudaine envie de se promener ? Ou bien chasser ? M'enfin, ce n'est pas les questions les plus importantes pour le moment. Leurs enfantillages et envies de sortir ne passent pas au-dessus de Malika, même si, chose misérable soit-elle, elle était bien le centre des préoccupations des deux portugaises.

A voix basse, sa belle-mère lui explique qu'elle a été voir la gitane pour lui donner à boire. Lui montrant du regard les clefs posées sur la table-basse de marbre, elle lui demande si elle veut aller la rejoindre, à son tour. La réponse n'est même pas à réfléchir, la brune accepte tout de suite. Toutefois, avant d'aller dans la chapelle, elle passe par les cuisines du domaine.
Les domestiques baissent leur tête en la voyant, la saluent en baissant le menton, cessant immédiatement leurs bavardages et commérages entre bonnes femmes.


Donnez moi les restes du repas d'hier soir. Et si vous l'avez jeté, récupérez-le, n'importe comment mais récupérez-le. La soupe, plus particulièrement.


Aussitôt dit, aussitôt fait, l'une des femmes va dans la pièce d'à côté, et en ressort avec dans les mains un petit pot que Isabella se presse de prendre. Il est froid.

Ce n'est pas conseillé de le manger, doña... personne ne sait ce qu'il s'est produit à l'intérieur cette nuit, et puis nous devions le donner aux bestiaux, vous savez c'est p...

Tais toi, j'ai compris. Je ne comptais pas le manger, de toute façon.

Puis tout en s'éloignant,
Pff, franchement les domestiques, y devraient parler moins pour travailler plus.

Et en quelques minutes là voilà qui descend les escaliers froids de la crypte, l'ambiance sinistre et l'odeur de la moisissure qu'elle avait quittées ce matin venait de réapparaitre.

La blonde est allongée, les yeux fermés, ses joues sont trempées et brillantes. Des larmes ou bien l'eau que Philippa lui avait apporté ? Dans les deux cas, elle n'a pas l'air trop déshydratée, donc pas besoin de lui donner à boire. Une soupe plus que dégoûtante, pas fraîche et froide lui suffira.


Le bonsoir, dit la portugaise sur un ton jovial. Les yeux de la gitane s'ouvrent, et elle est bâillonnée, ligotée de la tête aux pieds. Tu pourrais répondre, c'est la moindre des politesses... soupirant ironiquement, elle pose le pot de terre sur la tombe de pierre. Tu as faim ? Ooh oui, je le vois sur ton visage. Pauvre petite, je t'aurais presque dit que tu ne mérites pas tout ce malheur, cette souffrance. Mais le problème, c'est que tu MÉRITES tout ça. Et heureusement, moi et ma très chère belle-mère t'épargnons bien des tortures. S'il n'y avait pas eu ce marchand, ce harem, s'il n'y avait pas eu c... elle avait haussé le ton, la colère prenant le dessus de ses paroles. Calme ma belle, calme. Tu ne dois pas te laisser emporter comme ça. Tu n'as pas passé la journée à te reposer pour de nouveau laisser cracher tes nerfs.

Elle dénoue son bâillon, non pas délicatement, au contraire, avec des gestes brusques. Enfin, elle risque de regarder Malika dans les yeux. En effet, dedans, on peut y voir une profonde tristesse et détresse. On pourrait croire que tous les malheurs du monde reposent sur ses frêles épaules. Comme si elle venait de se rendre compte que le joli conte de fée dans lequel elle vivait venait de laisser place à un cauchemar inimaginable, prenant une tournure encore plus odieuse qu'elle ne devait être au départ.

Le pot dans les mains, elle se penche lentement vers elle, attendant qu'elle ouvre la bouche pour recevoir son repas du soir...
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