Estrella.iona
Elle n'aurait pas dû boire autant ce soir là.
Elle n'aurait pas dû tenter d'oublier ce qui se passait là, sous ses yeux, et liquider chope sur chope pour espérer se réveiller de ce qui lui semblait être un cauchemar des plus terrifiants.
Mais maintenant il est trop tard car elle est là, dans cette chambre d'auberge où elle a préféré s'isoler cette nuit et où elle ressasse inlassablement ce qu'il vient de se passer.
Elle sent le sang marteler son cerveau, son coeur cogner dans sa poitrine, et les effluves de l'alcool n'arrangent rien. Elle a mal, elle se sent coupable, elle en veut plus à elle même qu'à quiconque d'ailleurs.
Elle se remémore les derniers mois écoulés, la patiente, l'attente, le chagrin, la dépression, les larmes qui ont coulé et qui ont fini par se tarir, et l'espoir qui lui aussi a fini par s'évaporer.
Elle a attendu longtemps, bien longtemps, trop longtemps, guettant le moindre signe, priant Aristote, Spinoza et même Averroès même si elle n'y connaissait rien, si tant est que chacun d'eux puissent faire quelque chose pour elle, mais rien ne vint.
Elle l'avait donc cru mort, gisant quelque part, et elle avait finit par cesser de se ronger les sangs. Et par refaire sa vie, par se laisser consoler par un autre homme, par redécouvrir des sentiments.
Et non elle ne se sentait pas coupable... Elle avait crié à qui voulait l'entendre que jamais elle ne tromperait son mari, mais il était mort. Et elle s'était persuadée que c'est ce qu'il aurait voulu, qu'elle continue de vivre.
Elle l'avait vu, par hasard, en entrant dans une taverne, alors que le soleil brillait de mille feux. Elle avait d'abord cru rêver et s'était approchée pour vérifier que ses yeux ne lui jouaient pas des tours... Il était là et bien là, grandi, changé, mais pareil qu'a son souvenir. Outre la surprise de s'être trompé sur son trépas, elle sentit sa culpabilité ressurgir et comprimer sa poitrine, bien qu'elle tenta de n'en laisser rien paraitre.
Elle et ses belles phrases se trouvaient anéantie, elle n'était plus qu'une de ces catins sans foi ni loi dont elle décriait tant les moeurs et le manque de vertu... Cependant il y avait lui, qui s'était occupé d'elle les mois précédent, et qu'elle aimait désormais profondément.
Un dilemme affreux... Que dire, que taire ?
Puis il y avait eu les éclats de voix, les révélations, et la culpabilité se fit beaucoup plus oppressante. Il était son mari et ce qu'il laissait à paraitre n'était rien d'autre qu'une forme d'indifférence qui la blessa au coeur comme un poignard pas très affuté.
Elle l'avait surement déçu. Elle s'était déçue elle même.
Elle le haït pour ses paroles qu'elle qualifia de détestables. Elle se haït pour ses actes, pour ses mots...
Et maintenant elle était là, seule, appuyer à la porte qu'elle venait de refermer violemment. Malgré la quantité d'alcool ingurgitée, c'était le dégout qui lui donnait d'atroces nausées. Le dégout d'elle même, le dégout de tout.
Les larmes qui lui voilèrent alors les yeux coulèrent avant de s'écraser au sol, et les sanglots qui la secouèrent s'amplifiaient de plus en plus.
La douleur en elle était forte, très forte, trop forte. Elle lui rappela celle qu'elle avait ressenti une année auparavant, lorsqu'une rousse maléfique se plaisait à l'exacerber. Elle lui rappela ce qu'elle faisait pour contrer cette douleur. Elle lui rappelait combien cela avait été efficace.
Elle extirpa alors sa dague de sa ceinture avant de s'approcher du lit sur lequel elle se jeta à l'aveuglette, les larmes brouillant toujours sa vue.
Elle remonta sa manche gauche, laissant apparaitre les stigmates de ses actes de l'année passée, qui avaient pourtant cicatrisé : une dizaine de traits parallèles les uns aux autres, tout le long de son avant bras, bien visibles car de couleur rouge.
Elle avait besoin que la douleur s'échappe, qu'elle sorte, elle avait besoin d'être apaisée, que le poids qui comprimait sa poitrine s'évapore, que ses maux disparaissent, et le seul moyen qu'elle avait trouvé pour ça n'était autre que celui de se faire souffrir elle même. Elle l'avait mérité. Tout cela n'était que de sa faute.
Elle tourna la tête, toujours secouée par des sanglots convulsifs, et la pointe de la lame glissa sans douceur du haut de l'intérieur du bras au poignet.
Oui elle avait mal, oui elle avait envie de hurler, mais quand elle reporta son regard brouillé de larmes sur la blessure fraiche qui suintait déjà de liquide carmin, elle ne vit que toutes ses douleurs qui s'échappaient sous cette forme, et elle ne vit qu'une juste punition à la pècheresse qu'elle était. La lame recommença son manège une fois, dix fois, rouvrant les vieilles blessures. Le sang qui inondait sa peau tombait en fines gouttelettes sur les draps de lin blanc et se mêlait aux perles salées qui n'avaient cessé de rouler sur ses joues. Les sanglots, eux, s'était estompés et avaient laissé place à une étrange fascination pour ce sang qui s'écoulait.
Oui elle avait mal, mais étrangement cette douleur physique se substituait à cette douleur psychique qui la torturait.
Oui elle avait mal, mais paradoxalement elle s'apaisait. Le poids sur sa poitrine s'évaporait doucement, comme s'il avait été un ballon qu'elle dégonflait grâce à ce procédé. L'étau qui comprimait son crâne semblait se desserrer. Les battements de son coeur ralentissaient, s'assourdissaient. La fatigue s'empara progressivement d'elle.
Elle se laissa glisser sur le lit sans s'occuper du sang qui maculait les draps et qui continuait à s'échapper des multiples blessures qu'elle venait de s'infliger.
Elle ne se sentait pas bien mais son esprit s'était apaisé, au contraire des larmes qui coulaient encore.
La dague qu'elle lâcha par dessus le bord du lit s'écrasa en un bruit métallique.
Ses yeux se fermèrent.
Les mauvais démons jamais ne nous épargnent : une fois qu'on y a gouté, dur de s'en défaire.
Elle n'aurait pas dû tenter d'oublier ce qui se passait là, sous ses yeux, et liquider chope sur chope pour espérer se réveiller de ce qui lui semblait être un cauchemar des plus terrifiants.
Mais maintenant il est trop tard car elle est là, dans cette chambre d'auberge où elle a préféré s'isoler cette nuit et où elle ressasse inlassablement ce qu'il vient de se passer.
Elle sent le sang marteler son cerveau, son coeur cogner dans sa poitrine, et les effluves de l'alcool n'arrangent rien. Elle a mal, elle se sent coupable, elle en veut plus à elle même qu'à quiconque d'ailleurs.
Elle se remémore les derniers mois écoulés, la patiente, l'attente, le chagrin, la dépression, les larmes qui ont coulé et qui ont fini par se tarir, et l'espoir qui lui aussi a fini par s'évaporer.
Elle a attendu longtemps, bien longtemps, trop longtemps, guettant le moindre signe, priant Aristote, Spinoza et même Averroès même si elle n'y connaissait rien, si tant est que chacun d'eux puissent faire quelque chose pour elle, mais rien ne vint.
Elle l'avait donc cru mort, gisant quelque part, et elle avait finit par cesser de se ronger les sangs. Et par refaire sa vie, par se laisser consoler par un autre homme, par redécouvrir des sentiments.
Et non elle ne se sentait pas coupable... Elle avait crié à qui voulait l'entendre que jamais elle ne tromperait son mari, mais il était mort. Et elle s'était persuadée que c'est ce qu'il aurait voulu, qu'elle continue de vivre.
Elle l'avait vu, par hasard, en entrant dans une taverne, alors que le soleil brillait de mille feux. Elle avait d'abord cru rêver et s'était approchée pour vérifier que ses yeux ne lui jouaient pas des tours... Il était là et bien là, grandi, changé, mais pareil qu'a son souvenir. Outre la surprise de s'être trompé sur son trépas, elle sentit sa culpabilité ressurgir et comprimer sa poitrine, bien qu'elle tenta de n'en laisser rien paraitre.
Elle et ses belles phrases se trouvaient anéantie, elle n'était plus qu'une de ces catins sans foi ni loi dont elle décriait tant les moeurs et le manque de vertu... Cependant il y avait lui, qui s'était occupé d'elle les mois précédent, et qu'elle aimait désormais profondément.
Un dilemme affreux... Que dire, que taire ?
Puis il y avait eu les éclats de voix, les révélations, et la culpabilité se fit beaucoup plus oppressante. Il était son mari et ce qu'il laissait à paraitre n'était rien d'autre qu'une forme d'indifférence qui la blessa au coeur comme un poignard pas très affuté.
Elle l'avait surement déçu. Elle s'était déçue elle même.
Elle le haït pour ses paroles qu'elle qualifia de détestables. Elle se haït pour ses actes, pour ses mots...
Et maintenant elle était là, seule, appuyer à la porte qu'elle venait de refermer violemment. Malgré la quantité d'alcool ingurgitée, c'était le dégout qui lui donnait d'atroces nausées. Le dégout d'elle même, le dégout de tout.
Les larmes qui lui voilèrent alors les yeux coulèrent avant de s'écraser au sol, et les sanglots qui la secouèrent s'amplifiaient de plus en plus.
La douleur en elle était forte, très forte, trop forte. Elle lui rappela celle qu'elle avait ressenti une année auparavant, lorsqu'une rousse maléfique se plaisait à l'exacerber. Elle lui rappela ce qu'elle faisait pour contrer cette douleur. Elle lui rappelait combien cela avait été efficace.
Elle extirpa alors sa dague de sa ceinture avant de s'approcher du lit sur lequel elle se jeta à l'aveuglette, les larmes brouillant toujours sa vue.
Elle remonta sa manche gauche, laissant apparaitre les stigmates de ses actes de l'année passée, qui avaient pourtant cicatrisé : une dizaine de traits parallèles les uns aux autres, tout le long de son avant bras, bien visibles car de couleur rouge.
Elle avait besoin que la douleur s'échappe, qu'elle sorte, elle avait besoin d'être apaisée, que le poids qui comprimait sa poitrine s'évapore, que ses maux disparaissent, et le seul moyen qu'elle avait trouvé pour ça n'était autre que celui de se faire souffrir elle même. Elle l'avait mérité. Tout cela n'était que de sa faute.
Elle tourna la tête, toujours secouée par des sanglots convulsifs, et la pointe de la lame glissa sans douceur du haut de l'intérieur du bras au poignet.
Oui elle avait mal, oui elle avait envie de hurler, mais quand elle reporta son regard brouillé de larmes sur la blessure fraiche qui suintait déjà de liquide carmin, elle ne vit que toutes ses douleurs qui s'échappaient sous cette forme, et elle ne vit qu'une juste punition à la pècheresse qu'elle était. La lame recommença son manège une fois, dix fois, rouvrant les vieilles blessures. Le sang qui inondait sa peau tombait en fines gouttelettes sur les draps de lin blanc et se mêlait aux perles salées qui n'avaient cessé de rouler sur ses joues. Les sanglots, eux, s'était estompés et avaient laissé place à une étrange fascination pour ce sang qui s'écoulait.
Oui elle avait mal, mais étrangement cette douleur physique se substituait à cette douleur psychique qui la torturait.
Oui elle avait mal, mais paradoxalement elle s'apaisait. Le poids sur sa poitrine s'évaporait doucement, comme s'il avait été un ballon qu'elle dégonflait grâce à ce procédé. L'étau qui comprimait son crâne semblait se desserrer. Les battements de son coeur ralentissaient, s'assourdissaient. La fatigue s'empara progressivement d'elle.
Elle se laissa glisser sur le lit sans s'occuper du sang qui maculait les draps et qui continuait à s'échapper des multiples blessures qu'elle venait de s'infliger.
Elle ne se sentait pas bien mais son esprit s'était apaisé, au contraire des larmes qui coulaient encore.
La dague qu'elle lâcha par dessus le bord du lit s'écrasa en un bruit métallique.
Ses yeux se fermèrent.
Les mauvais démons jamais ne nous épargnent : une fois qu'on y a gouté, dur de s'en défaire.