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La gargote Helvétique : [RP] De la guerre de l'Eglise contre nous

Turban_rouge
Au vingt-cinq avril

Comme il est doux, ce p'tit coin d'ombre sous la canopée de ce sapin, pas loin des berges du Léman !

Assis au pied de l'arbre, adossé au tronc, Nobutada se la coule douce. Plume à la main, vélin sur les genoux, il gratte le papier, entre deux pouffements de rire.
L'écriture a pour elle d'être bien davantage qu'un redoutable outil bureaucratique. C'est avant tout un formidable exutoire à l'ennui.

Mon Bocan n'est effectivement pas en train, cette fois-ci, de se les briser menues à traduire en alémanique un énième projet de loi ou une missive de directives à l'intention des soldats venus d'outre-Sarine boutoyer les pendards croisés hors de la Conf'.

Il s'amuse. Depuis quelques jours, il échappe à la chape de plomb, à la tension ambiante, exacerbée par les rayons ardents du soleil. Sans intervenir lui-même dans cette comédie, il s'était gaussé de la scène ubuesque jouée par les désormais ex-occupants, interpellant une population genevoise plutôt sceptique, et refusant de se constituer prisonniers.

Certes, cela l'avait exaspéré d'entendre pour la énième fois une bande de braillards chanter à tue-tête les mêmes rengaines, affirmer dur comme fer que la Suisse était aux mains de manipulateurs, qu'une fois encore par seul le Très-Haut sait quel prodige, le Lion était mort ce soir*, awimbowé awimbowé, et patati et patata ...

Mais cette fois-ci, il avait pris le parti de s'en esclaffer. Et vous saurez très vite de quelle manière.

Car, une fois le papelard ratifié, notre héros remballe tout, et se lève brusquement.

Arrivé à l'écriteau devant la mairie, il cloue son vélin à côté de l'annonce de Cendres, l'avis de loi martiale menaçant tout fauteur de troubles de contribuer, à ses dépens, à la pisciculture locale.

Aux lèvres du Nobu, le sourire sournois d'un de ces gnomes farceurs dont les légendes teutonnes racontent les exploits. Ils veulent de la désinformation, les tueurs à la Croix ? Eh bien l'enturbanné leur en fourguerait.




Citoyens genevois (et les autres aussi, tiens),

L'actualité tombe sur les têtes comme un bon gros gourdin nicburesque. Vous n'êtes certes pas sans savoir que les armées romaines ont été tout récemment défaites. Mais qu'est-il advenu de ceux qui ont échappé, dans un premier temps du moins, à l'ire helvète ?

Il y a quelques jours, plusieurs membres de la police locale, l'ORGE (Organe réformateur genevois éthylique), ont appréhendé plusieurs membres des Sanctes Armées qui tentaient de faire de l'esclandre et d'appeler au soulèvement. Les séditieux ont alors reçu le concours des hommes du CALVA, le Centre d'aide aux Lausannois et Vaudois asservis, dirigé par le Lieutenant-Général Bleusaille.

Devant la résistance opposée par ces gens, les autorités ont réclamé l'assistance de plusieurs membres de la LEFFE, la Ligue d'émancipation des Flamands et des Frisons excommuniés, ce qui se révéla insuffisant pour maîtriser les forcenés.

Les maréchaux ne réussiront que plusieurs heures plus tard à engeôler les agitateurs, après avoir appelé en renfort les soldats de la GUEUZE, la Guilde unitaire pour l'émasculation des usurpateurs des zones épiscopales, et du COGNAC, le Commando d'opposition guyennois aux nobles armés de la Curie.

Les personnes interpellées sont en passe d'être jugées par la CHIMAY, la Cour humaniste de l'Ichtus et de la Marmotte affranchie et yodleuse.

Nobutada, dict Turban_rouge, pour l'APPP, Agence de propagande à l'intention des poivrots papistes


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*Ben oui, mourir chaque soir relève d'un cas médical absolument miraculeux, non ?
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Raoulleglabre
[Le pavillon de Cendres, connétable de Genève. Ameublement magnifique dans le goût demi-mainois du temps de Levan III. À gauche, une grande table à châssis doré et à petits carreaux. De côté, sur un pan coupé, la porte basse donnant vers quelque extérieur. Au fond, une grande tapisserie d'Aubusson, comme un immense rideau tombe du haut en bas. Une table, un fauteuil, et ce qu'il faut pour écrire.
Glaber entre. Il porte une cassette et divers paquets qu'on dirait disposés pour un voyage. Il est vêtu de velours noir, costume de cour du temps de Jean Long d'Argent. Le collier des vainqueurs du grand Tournoi de Genève au cou. Par-dessus l'habillement noir, un riche manteau de velours vert clair, brodé d'or et doublé de satin noir. Épée à grande coquille. Chapeau à plumes blanches.]


Monsieur ! Je vous présente mes hommages et vous annonce que les compagnies du capitaine Namaycush sont dispersées du coté de Fribourg.

Révérence polie et respectueuse.

Alors ? Comment tu trouves, Cendres ? J'peux faire un bon pléno [...] po [...] pléni [...] messager quoi.

Avec les français, faut faire bonne impression. L'expérience. Mon spadassin a quand même enlevé la princesse de Mortain, en 58 à Vautorte. Oui monsieur. Et p'is il l'a libérée aussi. La même année. Alors, les fanfreluches et les parfums, il connait. Le français est une femelle quand il porte une particule.
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Raoulleglabre
[Genève, ses remparts, ses croisés en vadrouille, son lac, sa Garde, ses rondes, sept soldats, un sergent]

On verra un peu ce soir, si on est des couilles molles !* qu'il ajoute le sergent de la Garde genevoise.

Un peu plus tard, la nuit, les chats sont gris, les vaches aussi.


Allez'y les gars !

ben dis donc, on a foncé, qu'il dit le meunier caparaçonné par les hasards de la guerre.

Attendez-moi quoi ! Attendez-moi ! la p'tite boulangère arrive en r’tard, comme d’habitude, enfin plutôt sa gamine, vu qu'elle doit avoir pas plus de dix sept printemps, mais l'sergent assure qu'elle a fini sa croissance. Ses hautes bottes de cuir claquent sur les cailloux.

En route ! on suit les traces de lapins, c'est plus court.

On va s'déchirer l'froc, moi j'marche pas ! Faut dire qu'il y a de ces ronces, là où l'sergent veut aller.

P'isque t'es là, tu march'ras comme tout l'monde, qui c'est qui commande ici ?

Pour avoir des chefs, on d’vrait voter ?

Nan mais tu rigoles dis, l’meunier.
Grand geste du bras vers le ciel qui veut dire, qu’tu vas t’en prendre une.

Qui sait qui connait les grades ici ?

Face à face viril en perspective.

Moi ! y’a capitaine !

Moi j’connais un gars qu’est caporal, l’est manchot maint'nant, mais l'est vachem’ent intelligent l’vieux !

‘Tout cas, l’plus fort, c’est l’première classe ! soldat de première classe, qu’il articule consciencieusement, le petit boucher rengagé.

Alors, y’a des soldats de deuxième classe ? La petite patissière vient de la rouvrir, elle est plus essoufflée, elle a ses yeux de biches grands ouverts devant la merveilleuse nouvelle.

Alors quoi, on vote ou on choisit chacun son grade ?

La section est immobilisée en rase campagne, juste à l’orée d’la forêt derrière les faubourgs. La route de Lausanne devant. Le Lac à dextre. La position tactique est périlleuse. Une compagnie d’archers en ferait son tir d’exercice sans suer.

On choisit ! moi j’choisis, le… colonel de deuxième classe !

C’est bien la première fois que les regards virils se posent là sur la bouille ensoleillée de la petite. D’habitude, c’est plus bas.

Oh ! vous commencez à m’enquiquiner avec vos histoires à la noix ! Tu veux que j’te dise moi ! Dans la vie, l’chef c’est celui qu’à l’plus grand zizi !

Silence stupéfait dans la compagnie. Le soleil se lève. Et pis aussi le sourire de la meunière :

Alors c’est Raoul !


* : oui, je sais, je sais... mais je ne m'en lasse pas. Merci à Lebrac.
_________________
Raoulleglabre
[Genève, hostellerie du phare. Incroyable, non ?]

Une bière, mon brave !

Mon spadassin retrouvait la vie. L'épée, les pormoniers, les cîmes et le lac. Il claudiquait encore, bien sûr, mais ses affaires s'arrangeaient.

Citation:
Mémoire et vision
Rien de spécial


N'est-ce pas ?

Les mercenaires du capitaine Namaycush tentaient de retrouver leur chef qui galopait plus vite et qu'on lui disait, à mon héros, à Luxeuil. Luxeuil... Saint colomban, son abbaye, sa Mahaud. Bon, je vous en ressers pas une cuillère de ma Mahaud, vous aurez compris que Raoul et Elle, c'est du sérieux. L'auteur précise néanmoins qu'à part péter un jour à deux, dans un tonneau de vin plat, à l'en faire perler, dans les caves du château de Champagne, y'a jamais rien eu entre Elle et Lui. Mais c'est une longue histoire qui nous éloigne de l'essentiel.


L'est où le cardinal ?

Qui m'sieur ?

Sa grâce le cardinal d'épée Mrgroar ! Le vicaire de la curie ! Le gars qui fait lever le ban au duché d'Auvergne contre les réformés condéférés et qui vous fait lion parce qu'au lavoir de sa Foi, on fait pas couleur et blanc séparés.

J'sais pas M'sieur, le juge Garwin s'occupe de son cas, je crois.

Comme la capitaine Cameliane quand elle croise un calotin ? A la taloche ?

Nan m'sieur, l'Juge Garwin, il est plus... moins...

Neutre ?

Suisse.

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--Les_ptits_vieux
- Ben parait qu'z'ont en choppé trois vers l'pays sudénois puis qu'là encore y en six qu'sont tombés sous leurs zépés et arbalètes...

- Mais qui ça qu'c'est "ont" pis trois et six quoi ?

- Ben la gamine là, celle de l'édveiveisse, tu sais la Cameliane, avec ses zommes y zont tué des gars du maque de groareu, t'es po au courant toi...

- Ha ben non moi t'sais la guerre, d'moment qu'ça m'amène d'l'oseille en vendant mes carcasses et mon lolo aux soldats ça m'passe au d'sus d'la cabosse hein !


Les deux bonhommes reniflaient, assis sur le banc, regardant les petites plumes de pollen voltiger dans le vent chaud du Sud d'un début de printemps, et s'amusaient de l'agitation qui régnait depuis le retour de l'Edelweiss sur Genève.

- Pis dis... t'trouves ça normal toi qu'une donzelle prenne les armes ? Elle a po d'mioches à s'occuper ? Une donzelle ça doit po rester à la maison pour s'occuper d'son mari pi d'sa maison ?

- Ben l'soucis c'est qu'elle a po d'mari, j'crois ben qu'elle avait d'mandé la nullité du sacr'ment de son mariage à un juge d'la curie, enfin une chose comme ça quoi qu'certains y disent, pis là elle a pu d'mâle alors tu comprends hein...

- Ha ben v'là ! J'le savais, lui faut un mâle qui l'honnore comme il faut pi qui lui fasse d'la marmaille tout l'temps et pèt' ben qu'elle pens'ra plus à guerroyer comme ça ! Pi y a d'aut' donzelles dans la delveisse non ? Sont pas mariées ? Mais où sont les mâles, les vrais ! sreugneugneu ?! A d'nos jours les zommes c'est plus c'qu'on était nous hein ! On les honorait toutes pi elles restaient à la maison sacrebleu !


- Ben ouai... y a tout qui change, maint'nant y a plein d'gars qu'préparent la tambouille pis les filles partent à la guerre, qu'veux-tu, tout fout l'camp !

- Bon ben y a plus qu'à espérer qu'elle prend un peu d'jouissance en tuant des gars quand même hein...

- Penses-tu donc mon vieux ! Même pas qu'elle prend du plaisir à c'qui parait ! Elle plante l'épée là où qu'il faut, l'essuie dans l'herbe pi continu sa route sans un mot. Elle fait son boulot, froid'ment qui z'y disent ceux qui voient ça d'puis leurs chaumières.

- Tin... c'est y po malheureux... pi pourquoi qu'j'ai po quarant'ans d'moins moi hein... j'te la tiendrai occupée à la maison l'matin et l'soir pi sûr'ment le midi la donzelle d'la véveisse. Ouep, tout fout l'camp.

Raoulleglabre
Vous avez lu l'histoire de Genève ? Comment qu'elle vécut, comment qu'elle est morte ? Ses hôtes et sa Vertu ? ça vous a plu, hein, vous en d'mandez encore ? Ben, ça, c'est l'histoire de... Raoul le glabre, qu'à part moi même personne, n'a jamais [...]. Je pompe, certes. Privilège du ventriloque furieusement shadok, je l'admets sans gêne. Quand y'a d'la gène, y'a pas d'plaisir. Et c'est comme ça. Tintintintin, tintintintin tin.

Genève, donc. La cité est vaste. La plus vaste de toute l'Helvétie. Elle trempe ses pieds délicats dans le lac le plus le plus profond de l'Aristotélité. Lac de Genève, comme il s’entend. Y'en a qui l'appelle Léman. Ce sont des gens de Lausanne. Mon spadassin se rappelle en avoir meurtri deux au trois, des lausannois qu'avaient rallié les calotins au nom d'Aristote, son Eglise très Sainte et la haine des genevois.


T'en veux ?

Genève, donc. A deux, mon routier déambule en claudiquant. Vous entendez la salive qui coule dans l'assonance ? Mince filet d'eau entre la pierre de calcaire qui fait les cimes alpines. Maigre doigt liquide qu'un lecteur faussement austère et vraiment réformé verse malicieusement dans un bénitier, juste pour faire du bruit et emmerder le curé recevant à confesse une petite grue écervelée qui pigeonne.

Fait passer.

Genève, donc. Ecluse du Ciel, où les passions font compter et sonner les thalers et rugir rageusement Pharaon trébuchant. Vivante. Quai Petitced, mon soldat est attrapé par un gamin. Deux sous et trois bouchées plus loin, il a engloutit l’oublie. Grand place, une lionne découvre son sein et quelques cicatrices au milieu des boutiquiers. Plus loin, deux passereaux innocents chantent L O L I T E A dans une charpente abandonnée. Impasse de l’Eglise. Tout est dit ?

C’est d’la bonne, hein ?

Genève, ton poisson fauve, monstre du Lac, sent l’encens et la myrrhe et l’or. Troisième ou quatrième épiphanie ? Genève vertueuse, la fève est dans ton cul. Et comme l’Escarboucle de la Vouivre, elle te donne la Vie Eternelle. Les oies pourprées du Capitole à la table de l’Ermitage mêlent l’or avec le fer. Et c’est comme grossi par la fonte des glaciers grondants, quand l’eau de ta bouche remonte au bord de tes dents […] Mon spadassin tire sur sa pipe. Les herbes de Veyrat lui remplissent la bouche. Le frisson fugace lui serre la mâchoire.

J’fais des trous, des p’tits trous […]
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