Alycianne
Petit être de chair et de sang, tu n'es plus grand chose dès lors qu'on t'enlève ton sourire. Et lorsque ce père te prend entre ses bras, tu reprends conscience. Tu reconnais le goût du sang à ton palais, puis t'envahit soudain la douleur. Alors tu pleures, petite chose, et tu gémis, en te sentant si seule, bien qu'entourée de bras aimants et protecteurs. Tu aimerais avoir suffisamment de force pour lui dire à ce père que tout ira bien maintenant puisqu'il est là, que tu lui fais confiance, mais tu n'as même pas la force d'en esquisser la pensée. Ne reste que cette souffrance. Tu te laisses alors aller à elle, si facilement, tu t'y plonges tout entière, tu ne penses plus qu'à elle, tu es la souffrance, ta souffrance.
Jusqu'à prochaine perte de conscience.
[Quelques jours plus tard.]
Vous connaissez tous Dijon, en Bourgogne. Quelque part dans Dijon, ils se trouve une maison. Dans laquelle il y a -ô surprise !- une chambrée. Et dans cette chambre, dans cette ville, dans ce duché, il y a un lit. Au fond duquel un petit cur bat.
L'enfant dort, son doux visage paré cette sérénité qui revient lorsque le sommeil la prend. Un fin rayon de soleil lui chatouille le nez, elle murmure quelque chose, change de position. Puis gémit de cette gêne qu'elle a au corps, marmonne encore, finit par bailler, sortir un bras du drap pour l'étirer. Froncement de nez, une paupière papillonne, deux yeux s'ouvrent étonnés sur la pièce. Puis tout s'explique soudain à nouveau.
Oh oui. Oh non...
Deux attelles de bois pour son bras gauche. Et ces gros bandages qui lui enserrent le corps et la cuisse.
Elle se souvient, malgré la dose d'alcool qu'on lui avait fait ingurgiter, du bruit de la remise en place de son avant bras, ainsi que la sensation de l'aiguille s'enfonçant dans sa chair pour refermer la plaie béante de sa jambe. On lui avait ouvert la bouche, afin de cherche la provenance du sang qu'elle crachait. Il s'était alors avéré qu'elle s'était simplement mordu la langue. La fillette, ivre jusqu'à la moelle, en avait alors gloussé.
Elle se rappelle leur mésaventure avec un soupir désemparé.
Interdiction de sortir, interdiction de se lever, il fallait que tout cicatrise et se ressoude, que rien ne s'infecte, sinon elle serait bonne pour les saignées. La fièvre était partie, bon présage. Le bouillon de légumes, lui, restait. Et dire que c'était la saison des fraises !
L'esprit tout à fait clair maintenant, une première, la gamine mordille son drap. Qu'on ouvre ces panneaux qui cachent la fenêtre ! L'obscurité de la petite pièce l'étouffait. Son père viendrait-il la voir ? Est-ce qu'il y avait quelqu'un dans cette maisonnée ? Et les autres ? Félina ? Doko ? Elle n'avait aucune idée du sort de ses compagnons. Qu'ils aillent bien, par Aristote !
Et voilà qu'elle gigote, réveille la douleur de sa blessure.
- Haaaaa. Mal. Dur. Souffre. Noir. Argh.
Une faible voix s'élève alors :
- Il y a quelqu'un ?
Vraiment, là, parce que rester scotchée à un lit, c'est pas son kiff, à la Petite Rouge. Elle a besoin de voir des têtes, d'entendre des voix -et pas seulement celles dans sa tête, de sentir une main dans la sienne. On ne tue pas une 'Cianne quand elle a quelqu'un à côté d'elle pour l'empêcher de partir, mais une 'Cianne seule se laisserait dépérir sans aucune aide. Et puis aussi, là...
- Quelqu'un ?
Roh. Zut. Flûte. J'ai envie de faire pipi.
Voilà.
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Jusqu'à prochaine perte de conscience.
[Quelques jours plus tard.]
Vous connaissez tous Dijon, en Bourgogne. Quelque part dans Dijon, ils se trouve une maison. Dans laquelle il y a -ô surprise !- une chambrée. Et dans cette chambre, dans cette ville, dans ce duché, il y a un lit. Au fond duquel un petit cur bat.
L'enfant dort, son doux visage paré cette sérénité qui revient lorsque le sommeil la prend. Un fin rayon de soleil lui chatouille le nez, elle murmure quelque chose, change de position. Puis gémit de cette gêne qu'elle a au corps, marmonne encore, finit par bailler, sortir un bras du drap pour l'étirer. Froncement de nez, une paupière papillonne, deux yeux s'ouvrent étonnés sur la pièce. Puis tout s'explique soudain à nouveau.
Oh oui. Oh non...
Deux attelles de bois pour son bras gauche. Et ces gros bandages qui lui enserrent le corps et la cuisse.
Elle se souvient, malgré la dose d'alcool qu'on lui avait fait ingurgiter, du bruit de la remise en place de son avant bras, ainsi que la sensation de l'aiguille s'enfonçant dans sa chair pour refermer la plaie béante de sa jambe. On lui avait ouvert la bouche, afin de cherche la provenance du sang qu'elle crachait. Il s'était alors avéré qu'elle s'était simplement mordu la langue. La fillette, ivre jusqu'à la moelle, en avait alors gloussé.
Elle se rappelle leur mésaventure avec un soupir désemparé.
Interdiction de sortir, interdiction de se lever, il fallait que tout cicatrise et se ressoude, que rien ne s'infecte, sinon elle serait bonne pour les saignées. La fièvre était partie, bon présage. Le bouillon de légumes, lui, restait. Et dire que c'était la saison des fraises !
L'esprit tout à fait clair maintenant, une première, la gamine mordille son drap. Qu'on ouvre ces panneaux qui cachent la fenêtre ! L'obscurité de la petite pièce l'étouffait. Son père viendrait-il la voir ? Est-ce qu'il y avait quelqu'un dans cette maisonnée ? Et les autres ? Félina ? Doko ? Elle n'avait aucune idée du sort de ses compagnons. Qu'ils aillent bien, par Aristote !
Et voilà qu'elle gigote, réveille la douleur de sa blessure.
- Haaaaa. Mal. Dur. Souffre. Noir. Argh.
Une faible voix s'élève alors :
- Il y a quelqu'un ?
Vraiment, là, parce que rester scotchée à un lit, c'est pas son kiff, à la Petite Rouge. Elle a besoin de voir des têtes, d'entendre des voix -et pas seulement celles dans sa tête, de sentir une main dans la sienne. On ne tue pas une 'Cianne quand elle a quelqu'un à côté d'elle pour l'empêcher de partir, mais une 'Cianne seule se laisserait dépérir sans aucune aide. Et puis aussi, là...
- Quelqu'un ?
Roh. Zut. Flûte. J'ai envie de faire pipi.
Voilà.
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