Rhuyzar
Le Faucon et sa mère s'étaient aussitôt levés à l'injonction du Capitaine. Chacun à leur manière, la fougue de la jeunesse d'un côté, l'habitude des urgences de l'autre. Sans mot dire il les avait entrainés en dehors de l'auberge, en direction de la grande écurie où les hommes à la peau basanée s'étaient établis.
Ali attendait devant l'entrée. Il avait bien compris à la mine du Vicomte que l'heure était grave. Son visage restait cependant calme et serein. Il avait vu et vécu trop de choses, bonnes ou mauvaises, pour s'alarmer au premier désagrément. Son sang-froid l'avait tiré de bien des situations difficiles et l'érudit berbère ne comptait pas l'abandonner de sitôt.
Tout en marchant d'un pas rapide et cadencé vers le bâtiment, Rhuyzar fit quelques gestes en direction du vieil homme. Après plusieurs mois de guerre côte à côte ils avaient pris l'habitude d'une langue signée bien plus pratique et discrète que les cris usités couramment par le premier chevalier venu. Les berbères se dispersèrent alors tout autour des écuries, disparaissant dans l'angle d'une ruelle, dans l'ombre d'un mur. Un oeil averti aurait repéré cinq formes formant un cercle parfait visualisant tout ce qu'il se passait alentour. Le péquin comtois ne voyait donc rien, soyons franc, il n'arrivait déjà pas à voir un abruti quand il en rencontrait un.
Adonc (merci Terry)* et comme nous le disions, les deux Vicomtes et la Comtesse entrèrent dans les écuries désormais protégées par cinq ombres. Rhuyzar, toujours un peu tendu et crispé jeta, par réflexe surement, un dernier regard alentour avant de se tourner vers son amie et son rejeton qui, tel un petit coq, semblait profiter pleinement de cette ambiance de conspiration d'ordinaire réservée à la haute noblesse dans les différentes cours royales. Il est à noter que bien que n'étant pas un grand bavard de vocation, le Licorneux n'était pas homme à garder langue dans sa poche, aussi, pouvait-on légitimement se dire que ce suspense maintenu cachait une raison de la plus haute importance. Il finit par rompre le silence de sa voix grave, le regard fixé sur la Comtesse, non pas qu'il en oubliait la présence du jeune Faucon, mais c'était à sa mère qu'il s'adressait.
Tu m'excuseras pour ces mesures un peu inhabituelles, mais tu sais comme moi que la région est peuplée de gens peu recommandables qui aiment à avoir l'oeil et l'oreille partout. Je n'ai pas envie que ce que je sais et prévois leur parvienne. Je ne sais s'ils pourraient me nuire, mais j'ai appris d'un maistre en la matière que la prudence vaut toujours mieux que la précipitation.
J'ai reçu un courrier. D'une vieille connaissance. Il me semble que tu la connais aussi. Te rappelles-tu Alivianne ? La femme de Thierry ? La lettre était d'elle et scellée de ses armes, nul doute possible, on ne falsifie pas ainsi la signature d'un Officier Royal. Sa missive est des plus alarmante. Elle me fait savoir qu'un vieil ennemi a refait surface. Jariane est de retour dans le Bourbonnais Auvergne et a réussi à se faire une place au sein du Conseil Ducal. Forte du soutien éternel de ce traître de Silec elle règle ses comptes, la voie est libre maintenant que Bralic n'est plus là.
Au fur et à mesure qu'il parlait sa voix se teintait de colère et de rancoeur. Il ne pouvait pas s'empêcher de se rappeler ces complots ourdis contre son ordre par cette vipère et sa fille. Ces basses manoeuvres motivées par le seul désir d'atteindre le roc qu'était le Commandeur. Il n'avait jamais pardonné, tout comme il attendait patiemment l'heure où Silec paierait pour avoir trahi son serment et les siens.
Il me faut partir pour le Bourbonnais de toute urgence. C'est un soutien qu'Alivianne réclame. C'est elle la cible de Jariane. Elle a eu le malheur par le passé de soutenir Bralic et d'éviter ainsi une rupture de l'alliance séculaire entre la Licorne et les Amazones. Je ne peux la laisse se dépêtrer seule, je suis partie prenante de cette vieille histoire.
Je vais aller là-bas et trouver Silec pour lui annoncer une mise en procès à la Licorne. Peut-être qu'à travers lui je pourrai atteindre Jariane et en finir avec tout ça. Il y aura peut-être à tirer les armes, ça peut être dangereux, mais je dois m'y rendre.
Le Vicomte se rapprocha alors de la Comtesse, joue contre joue, ses lèvres près son oreille, baissant subitement le ton pour éviter que le garçonnet saisisse ce qu'il allait dire:
Cela saute aux yeux qu'Adrian marche sur les traces de son père. Si là est effectivement son destin il doit apprendre à connaitre ses ennemis. Laisse-moi l'emmener et lui apprendre, je veillerai sur lui. Ce qu'il apprendra auprès d'un précepteur comme Sirius ne remplacera jamais ce qu'il verra et comprendra de son propre chef.
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* Référence au vénérable Terry Pratchett, maître de l'Héroic-Fantasy et auteur de la saga du Disque-Monde. Il a appris récemment être atteint de la maladie d'Alzheimer et ne pourra surement bientôt plus écrire.
Il a publié un livre dans la saga s'intitulant "Le Dernier Héros", traitant des derniers exploits de son personnage Gengis Cohen, dict Cohen le Barbare. Cohen enlève un barde pour que ce dernier rédige une saga sur ses derniers exploits et il insiste sur le style d'écriture, car toute bonne saga doit foisonner de débuts de phrases ponctués par des "Adonc". Merci Terry, tu nous manqueras, et tu manqueras aussi aux orangs-outangs.
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Ali attendait devant l'entrée. Il avait bien compris à la mine du Vicomte que l'heure était grave. Son visage restait cependant calme et serein. Il avait vu et vécu trop de choses, bonnes ou mauvaises, pour s'alarmer au premier désagrément. Son sang-froid l'avait tiré de bien des situations difficiles et l'érudit berbère ne comptait pas l'abandonner de sitôt.
Tout en marchant d'un pas rapide et cadencé vers le bâtiment, Rhuyzar fit quelques gestes en direction du vieil homme. Après plusieurs mois de guerre côte à côte ils avaient pris l'habitude d'une langue signée bien plus pratique et discrète que les cris usités couramment par le premier chevalier venu. Les berbères se dispersèrent alors tout autour des écuries, disparaissant dans l'angle d'une ruelle, dans l'ombre d'un mur. Un oeil averti aurait repéré cinq formes formant un cercle parfait visualisant tout ce qu'il se passait alentour. Le péquin comtois ne voyait donc rien, soyons franc, il n'arrivait déjà pas à voir un abruti quand il en rencontrait un.
Adonc (merci Terry)* et comme nous le disions, les deux Vicomtes et la Comtesse entrèrent dans les écuries désormais protégées par cinq ombres. Rhuyzar, toujours un peu tendu et crispé jeta, par réflexe surement, un dernier regard alentour avant de se tourner vers son amie et son rejeton qui, tel un petit coq, semblait profiter pleinement de cette ambiance de conspiration d'ordinaire réservée à la haute noblesse dans les différentes cours royales. Il est à noter que bien que n'étant pas un grand bavard de vocation, le Licorneux n'était pas homme à garder langue dans sa poche, aussi, pouvait-on légitimement se dire que ce suspense maintenu cachait une raison de la plus haute importance. Il finit par rompre le silence de sa voix grave, le regard fixé sur la Comtesse, non pas qu'il en oubliait la présence du jeune Faucon, mais c'était à sa mère qu'il s'adressait.
Tu m'excuseras pour ces mesures un peu inhabituelles, mais tu sais comme moi que la région est peuplée de gens peu recommandables qui aiment à avoir l'oeil et l'oreille partout. Je n'ai pas envie que ce que je sais et prévois leur parvienne. Je ne sais s'ils pourraient me nuire, mais j'ai appris d'un maistre en la matière que la prudence vaut toujours mieux que la précipitation.
J'ai reçu un courrier. D'une vieille connaissance. Il me semble que tu la connais aussi. Te rappelles-tu Alivianne ? La femme de Thierry ? La lettre était d'elle et scellée de ses armes, nul doute possible, on ne falsifie pas ainsi la signature d'un Officier Royal. Sa missive est des plus alarmante. Elle me fait savoir qu'un vieil ennemi a refait surface. Jariane est de retour dans le Bourbonnais Auvergne et a réussi à se faire une place au sein du Conseil Ducal. Forte du soutien éternel de ce traître de Silec elle règle ses comptes, la voie est libre maintenant que Bralic n'est plus là.
Au fur et à mesure qu'il parlait sa voix se teintait de colère et de rancoeur. Il ne pouvait pas s'empêcher de se rappeler ces complots ourdis contre son ordre par cette vipère et sa fille. Ces basses manoeuvres motivées par le seul désir d'atteindre le roc qu'était le Commandeur. Il n'avait jamais pardonné, tout comme il attendait patiemment l'heure où Silec paierait pour avoir trahi son serment et les siens.
Il me faut partir pour le Bourbonnais de toute urgence. C'est un soutien qu'Alivianne réclame. C'est elle la cible de Jariane. Elle a eu le malheur par le passé de soutenir Bralic et d'éviter ainsi une rupture de l'alliance séculaire entre la Licorne et les Amazones. Je ne peux la laisse se dépêtrer seule, je suis partie prenante de cette vieille histoire.
Je vais aller là-bas et trouver Silec pour lui annoncer une mise en procès à la Licorne. Peut-être qu'à travers lui je pourrai atteindre Jariane et en finir avec tout ça. Il y aura peut-être à tirer les armes, ça peut être dangereux, mais je dois m'y rendre.
Le Vicomte se rapprocha alors de la Comtesse, joue contre joue, ses lèvres près son oreille, baissant subitement le ton pour éviter que le garçonnet saisisse ce qu'il allait dire:
Cela saute aux yeux qu'Adrian marche sur les traces de son père. Si là est effectivement son destin il doit apprendre à connaitre ses ennemis. Laisse-moi l'emmener et lui apprendre, je veillerai sur lui. Ce qu'il apprendra auprès d'un précepteur comme Sirius ne remplacera jamais ce qu'il verra et comprendra de son propre chef.
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* Référence au vénérable Terry Pratchett, maître de l'Héroic-Fantasy et auteur de la saga du Disque-Monde. Il a appris récemment être atteint de la maladie d'Alzheimer et ne pourra surement bientôt plus écrire.
Il a publié un livre dans la saga s'intitulant "Le Dernier Héros", traitant des derniers exploits de son personnage Gengis Cohen, dict Cohen le Barbare. Cohen enlève un barde pour que ce dernier rédige une saga sur ses derniers exploits et il insiste sur le style d'écriture, car toute bonne saga doit foisonner de débuts de phrases ponctués par des "Adonc". Merci Terry, tu nous manqueras, et tu manqueras aussi aux orangs-outangs.
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