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[RP]Les tribulations d'un Vicomte en SRING

Rhuyzar
Le Faucon et sa mère s'étaient aussitôt levés à l'injonction du Capitaine. Chacun à leur manière, la fougue de la jeunesse d'un côté, l'habitude des urgences de l'autre. Sans mot dire il les avait entrainés en dehors de l'auberge, en direction de la grande écurie où les hommes à la peau basanée s'étaient établis.

Ali attendait devant l'entrée. Il avait bien compris à la mine du Vicomte que l'heure était grave. Son visage restait cependant calme et serein. Il avait vu et vécu trop de choses, bonnes ou mauvaises, pour s'alarmer au premier désagrément. Son sang-froid l'avait tiré de bien des situations difficiles et l'érudit berbère ne comptait pas l'abandonner de sitôt.

Tout en marchant d'un pas rapide et cadencé vers le bâtiment, Rhuyzar fit quelques gestes en direction du vieil homme. Après plusieurs mois de guerre côte à côte ils avaient pris l'habitude d'une langue signée bien plus pratique et discrète que les cris usités couramment par le premier chevalier venu. Les berbères se dispersèrent alors tout autour des écuries, disparaissant dans l'angle d'une ruelle, dans l'ombre d'un mur. Un oeil averti aurait repéré cinq formes formant un cercle parfait visualisant tout ce qu'il se passait alentour. Le péquin comtois ne voyait donc rien, soyons franc, il n'arrivait déjà pas à voir un abruti quand il en rencontrait un.


Adonc (merci Terry)* et comme nous le disions, les deux Vicomtes et la Comtesse entrèrent dans les écuries désormais protégées par cinq ombres. Rhuyzar, toujours un peu tendu et crispé jeta, par réflexe surement, un dernier regard alentour avant de se tourner vers son amie et son rejeton qui, tel un petit coq, semblait profiter pleinement de cette ambiance de conspiration d'ordinaire réservée à la haute noblesse dans les différentes cours royales. Il est à noter que bien que n'étant pas un grand bavard de vocation, le Licorneux n'était pas homme à garder langue dans sa poche, aussi, pouvait-on légitimement se dire que ce suspense maintenu cachait une raison de la plus haute importance. Il finit par rompre le silence de sa voix grave, le regard fixé sur la Comtesse, non pas qu'il en oubliait la présence du jeune Faucon, mais c'était à sa mère qu'il s'adressait.



Tu m'excuseras pour ces mesures un peu inhabituelles, mais tu sais comme moi que la région est peuplée de gens peu recommandables qui aiment à avoir l'oeil et l'oreille partout. Je n'ai pas envie que ce que je sais et prévois leur parvienne. Je ne sais s'ils pourraient me nuire, mais j'ai appris d'un maistre en la matière que la prudence vaut toujours mieux que la précipitation.

J'ai reçu un courrier. D'une vieille connaissance. Il me semble que tu la connais aussi. Te rappelles-tu Alivianne ? La femme de Thierry ? La lettre était d'elle et scellée de ses armes, nul doute possible, on ne falsifie pas ainsi la signature d'un Officier Royal. Sa missive est des plus alarmante. Elle me fait savoir qu'un vieil ennemi a refait surface. Jariane est de retour dans le Bourbonnais Auvergne et a réussi à se faire une place au sein du Conseil Ducal. Forte du soutien éternel de ce traître de Silec elle règle ses comptes, la voie est libre maintenant que Bralic n'est plus là.



Au fur et à mesure qu'il parlait sa voix se teintait de colère et de rancoeur. Il ne pouvait pas s'empêcher de se rappeler ces complots ourdis contre son ordre par cette vipère et sa fille. Ces basses manoeuvres motivées par le seul désir d'atteindre le roc qu'était le Commandeur. Il n'avait jamais pardonné, tout comme il attendait patiemment l'heure où Silec paierait pour avoir trahi son serment et les siens.


Il me faut partir pour le Bourbonnais de toute urgence. C'est un soutien qu'Alivianne réclame. C'est elle la cible de Jariane. Elle a eu le malheur par le passé de soutenir Bralic et d'éviter ainsi une rupture de l'alliance séculaire entre la Licorne et les Amazones. Je ne peux la laisse se dépêtrer seule, je suis partie prenante de cette vieille histoire.

Je vais aller là-bas et trouver Silec pour lui annoncer une mise en procès à la Licorne. Peut-être qu'à travers lui je pourrai atteindre Jariane et en finir avec tout ça. Il y aura peut-être à tirer les armes, ça peut être dangereux, mais je dois m'y rendre.



Le Vicomte se rapprocha alors de la Comtesse, joue contre joue, ses lèvres près son oreille, baissant subitement le ton pour éviter que le garçonnet saisisse ce qu'il allait dire:


Cela saute aux yeux qu'Adrian marche sur les traces de son père. Si là est effectivement son destin il doit apprendre à connaitre ses ennemis. Laisse-moi l'emmener et lui apprendre, je veillerai sur lui. Ce qu'il apprendra auprès d'un précepteur comme Sirius ne remplacera jamais ce qu'il verra et comprendra de son propre chef.


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* Référence au vénérable Terry Pratchett, maître de l'Héroic-Fantasy et auteur de la saga du Disque-Monde. Il a appris récemment être atteint de la maladie d'Alzheimer et ne pourra surement bientôt plus écrire.
Il a publié un livre dans la saga s'intitulant "Le Dernier Héros", traitant des derniers exploits de son personnage Gengis Cohen, dict Cohen le Barbare. Cohen enlève un barde pour que ce dernier rédige une saga sur ses derniers exploits et il insiste sur le style d'écriture, car toute bonne saga doit foisonner de débuts de phrases ponctués par des "Adonc". Merci Terry, tu nous manqueras, et tu manqueras aussi aux orangs-outangs.
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--Bertille
Je remplissais la tâche qui m’avait été confiée avec le plus grand soin. J’avais su copier les gestes des étrangers avec les autres montures. Ainsi je prenais de la paille, ensuite une étrille, puis une brosse. Le poney hirsute était comparable aux petites montures du Peuple des Collines* dans un conte venu d’ailleurs et qu’un étranger au fort accent avait bien voulu nous conter auprès du feu. Même la matrone qui n’avait cessé de se mettre au mieux pour faire de l’œil à l’étranger, ne m’avait pas renvoyée dans ma chambre. Après des frictions avec de la paille, des étrilles et des brosses, le poney pouvait enfin prétendre à ressembler à un petit cheval. J’étais fière de moi ; le serait il aussi ? Peu m’importait à cet instant les quelques pièces qu’il m’avait promises. Je voulais seulement ne pas décevoir le Prince pour quand il viendrait inspecter la fin de mon travail. J’avais aussi en tête de le remercier de l’avoir offert un court moment de répit : j’échappais aux lourdes de tâches habituelles. Mais je savais au fond que je ne le ferais pas. A quoi bon ? Il n’en aurait surement rien eu à faire. Comment un prince pouvait il avoir un quelconque intérêt pour une jeune roturière ? Cette pensée s’échappa bien vite de mon esprit qui se concentra sur le petit cheval, qui se prit par de nombreuses fois à vouloir me mordre le séant. Je le grondais en riant, et après avoir croisé un regard de charbon, je me taisais ; du moins je baissais d’un ton, soucieuse de ne pas déranger les étrangers et soucieuse de ne pas m’attirer des foudres supplémentaires. Je restais donc au fond de la stalle, le dos collé au mur, les naseaux soufflants du poney contre mon cou. S’il est bien une chose étrange, c’est ce sentiment de calme que peut vous apporter la présence d’un animal. Si le droit m’en avait été donné, je pense que je n’aurais pas quitté les écuries pour le restant de la journée à venir, et pour la nuit à suivre.

Mais ce droit, je n’aurais pas eu l’occasion de demander qu’on me l’accorde. J’entendis que l’on se rapprochait et, me redressant légèrement, je cherchais du regard ce qui pouvait se passer. Sans que je ne pus comprendre ce qui se passait, les étrangers au teint basané disparurent de ma vue, et sans autre bruit que celui d’un vent léger et discret. Je les cherchais, curieuse de savoir ou ils avaient bien pu aller, et lorsque mon regard se posa à l’entrée, j’aperçus trois silhouettes. Et je le reconnus ! Le Prince était là ; mon sang ne fit qu’un tour dans mes veines et mon cœur s’emballa dans un battement douloureux. J’avais eu cette grande envie de le revoir, et si j’avais espéré le revoir au plus tôt, j’en doutais désormais. Le paradoxe est une chose fort étonnante et énervante.
J’avais peur qu’il me voit et me découvre. Je restais donc bien sagement à ma place. Du moins, c’est ainsi que je l’avais prévu, au départ. Mais j’avais pressenti qu’il fallait que je m’éloigne un peu, pour pas que l’on me voit. J’étudiais la manière de m’éclipser, tout en continuant d’observer le Prince. Mon regard, au bout d’un moment, se reporta sur les deux adultes qui l’avaient accompagné ; je reconnus la femme et l’homme que j’avais entrevus un peu plus tôt. De loin, je ne pouvais deviner le moindre de leur propos ; de toute façon, cela ne me regardait pas. Je les examinais, captivée par la noblesse qui s’échappait de leurs deux êtres. Etaient ils amants ? La question m’ effleura l’esprit lorsque l’homme s’approcha de la femme. Gênée par l’idée de ce qui allait bien pouvoir se passer, je saisis l’opportunité de m’échapper dans une stalle un peu plus loin. Il fallait faire vite et sans bruit ; allais-je y arriver, je le croyais. Dans ma précipitation, je me pris les pieds dans mon jupon ; pour m’éviter la chute, je me rattrapais à un des murs de bois qui s’épare chaque stalle, mais à mon grand étonnement, celui-ci s’échappa à mes doigts.

Bliiiiiiiiing !

Qu’avais-je fait ? Les genoux au sol et les mains au sol pour amortir ma chute, je restais bouche bée, me maudissant de ma maladresse. Je n’avais qu’une idée, me relever et partir. Ils ne devaient pas savoir que j’étais là. A l’instant où je me redressais, mes yeux se posèrent sur une forme allongée et brillante, à moitié protégée par un emballage quelconque. Ainsi, c’était cela qui avait fait ce bruit monumentale. Je me levais et m’en approchais pour découvrir une épée, à moitié sortie de son fourreau. Et si je l’avais abimée ? Je ne connaissais pas le prix réel de ces objets, mais je leur savais avoir une grande valeur, et pas seulement pécuniaire. Sans réfléchir, je la pris dans mes mains ; j’aurais du la remettre à sa place. Ou non, je n’aurais pas du la toucher. Je n’aurais pas du… Mais c’était trop tard et je la serrais contre moi, mes mains tremblantes d’appréhension. Que devais-je en faire ? Mais au lieu d’y réfléchir, je restais bêtement à contempler l’arme que je tenais dans mes mains. Elle avait du être façonnée par des mains habiles ; le pommeau était semblable à une licorne et chaque détail était tellement précis, qu’il donna l’impression que la chimère était vivante. Elle devait avoir été coulée dans le plus précieux des métaux tant elle était lourde. Quel trésor pouvais-je bien tenir dans mes mains ?


* Inspiré de S. Lawhead, le Cycle de Pendragon
Daresha
Ainsi, en quelques pas, ils avaient quitté l'air renfermé de l'auberge douteuse pour l'air frais de l'extérieur. Il lui sembla se sentir mieux d'un seul coup, peut-être le fait d'avoir échappé à cette discussion pourtant nécessaire avec son fils. Si la question de savoir à quand remettre un tête à tête avec le jeune Faucon lui traversa l'esprit, elle la délaissa volontiers pour rapporter son attention sur le Vicomte. Elle n'engagea pas plus la conversation qu'elle ne l'avait fait jusque là en se levant. Si échange plus détaillé devait avoir lieu, elle savait que le Licorneux userait de son organe vocal à cet effet. Toutes les choses viennent en leur temps et pour certaines, il ne faut peut être pas être pressé d’en connaitre la teneur.

Elle se contenta donc d'observer les hommes qui les avaient accompagnés. Nombreux furent les regards désapprobateurs et effrayés sur leur chemin, traduisant à eu seuls les pensées de leurs propriétaires. Qui étaient ces hommes au teint hâlé, à la vêture loin d'avoir été confectionnée par les mains d'un tisserand à la peau blanche? Etaient-ils seulement des hommes? Des serviteurs du Sans Nom, des animaux, des bêtes incivilisées. S'il y a bien une chose qui ne peut-être tue et cachée, c'est bien l'ignorance entraînée par la peur de la différence et le refus de la comprendre. Elle se demandait comment ils pouvait supporter ces regards indélicats, comment ils pouvaient vivre loin des leurs, loin de leur pays, déracinés comme elle l'avait été. Une part d'elle avait souhaité connaitre ces hommes et partager avec eux. Mais si les occasions avaient été nombreuses, elle n'en avait jamais tiré parti, préférant rester en retrait, tiraillée entre son envie de solitude et cette volonté de ne point être un fardeau pour la compagnie. Qu'importe si elle passait pour une noble impressionnable et coincée; au moins elle était ainsi vêtue d'un autre manteau permettant de cacher sa véritable âme. Lorsque tous se dispersèrent en silence, elle pénétra dans les écuries vides de toute vie - ou presque- non sans avoir jeté un coup d'oeil alentour. Tout paraissait si calme...

Puis elle fit face au Chevalier, attendant qu'il lui explique enfin ce qui pouvait le travailler ainsi. Si l’air contrarié qui avait teinté ses traits parlait pour lui-même, il ne donnait cependant pas les détails de cette inquiétude. Mais les lèvres comtales resteraient fermées jusqu'à ce qu'il soit nécessaire de les ouvrir pour laisser s'échapper des sons compréhensibles, comme les individus en créent régulièrement pour pouvoir échanger convenablement des idées, des points de vue ou des informations diverses et variées.
D'un geste de la main elle écarta les excuses du Loup quant aux mesures prises et lui fit par la même savoir qu'elle comprenait aisément. Puis elle l'écouta religieusement jusqu'à la fin. Elle connaissait bien les personnes dont il parlait. Enfin bien... Ils n'étaient point proches; le manque de temps et les peu d'occasions de rencontres n'ayant pas aidé. Mais elle ne les tenait pas moins en estime. Etrangement, elle esquissa une moue désapprobatrice à la mention des Ducs au fromage à la puante senteur. Le nom du ducal fief s'alliait plutôt bien avec les personnalités qui y étaient liées.

- Je comprends.... répondit elle en commençant à réfléchir aux conséquences qui commençaient à se dessiner sur fond de brume se levant. Il y avait à nouveau tant de rancœur qui se déversait sur son cœur. Tout un pan du passé refaisait surface en à peine quelques secondes. Etait-ce la une bonne idée? Courte fut sa réflexion, coupée par les murmures de la licorne d'argent à son oreille, qui s'était rapprochée sans qu'elle n'ait eu le temps de s'en rendre compte.

Elle resta silencieuse, le regard baissé à s'imprégner des mots qui s'étaient élevés pour sa seule attention. Elle s’écarta légèrement pour faire à nouveau face au Chevalier ; fixant son regard un peu perdu dans le sien. Qu’y cherchait elle ? C’était une chose bien difficile à déterminer. Quoiqu’il en soit, il avait raison. Le destin qu’elle avait vu pour son fils, était en train de se réaliser. Il était à portée de ses doigts et elle avait amené avec elle une partie de cette destinée. Accepterait-elle qu’il attrape cette occasion ? Et lui offrirait elle son appui ? Lui offrirait elle ce qui lui revenait de droit ? Elle n’en avait pourtant qu’une partie avec elle ; mais à y regarder de plus prêt, ce n’était pas le détail le plus dérangeant puisqu’il pouvait être aisément comblé. Elle ne bougeait plus, comme si elle se fut transformée en une statue d’albâtre grandeur nature. Mais elle réfléchissait seulement à la suite des évènements. Et ce n’était plus dans les yeux du Capitaine qu’elle s’était figée, mais dans d’autres pupilles d’un noir corbeau. Il était là devant lui, comme surgit de nulle part, fantôme d’une vie, fantôme d’une nuit, fantôme d’une éternité, revenu de l’autre monde pour elle. Et revenu pour quelle raison ? Son air était sévère, comme il l’avait toujours été de son vivant. Ses seuls sourires étaient dans leur intimité, lorsque la tempête de leurs déchirements passagers ne soufflait pas sur leur couple. Que devait elle comprendre par cette apparition inattendue ? Quel message s’adressait à elle ? Elle avait besoin d’un signe pour savoir si…

Bliiiiiing !

Comme le plus grand des bardes que le monde ai jamais porté reviendrait de son Awen guerrier*, elle sortit du songe dans lequel elle était plongée. Sa bouche s’ouvrit de surprise lorsqu’elle reprit ses esprits et que ce fut le visage du Capitaine qui se trouvait devant le sien. Elle fut prise d’une sensation de vide : un instant elle se trouvait en face du destructeur, l’autre, il avait fait place à son successeur. Un frisson lui parcourut l’échine et d’un geste machinal, elle fit un pas en arrière, se tournant tout aussi machinalement du coté d’où était provenu le bruit de métal tombé à terre.
Quelque chose n’allait pas, mais elle n’aurait su dire quoi. Elle resta à observer ce qui était une jeune fille qui devait avoir tout au plus l’âge de son fils. C’est ce qu’elle pouvait en déduire, elle la voyait d’un peu loin et l’écurie était sombre. Elle s’approcha, comme maniée par une force invisible ; mais l’approche fut modeste. Elle tenait…Tenait elle ? Au fond, il y avait quelque chose qui lui dit que son idée était fondée. Les traits de la Rose se firent glacial et le ton tout aussi froid.


- Lache ceci.... Non, ce n'était pas voulu. d'ailleurs elle ne s'en rendait même pas compte . Mais cette lame... Elle ne l'avait jamais quittée. Elle seule avait posé ses mains dessus et personne d'autre ne devait la toucher à l'exception du jeune faucon.Repose ça tout de suite! siffla t elle entre ses dents.

* Inspiré de S. Lawhead, le Cycle de Pendragon
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Zephirin
À l'une des meurtrières de la caserne de Dole.

Le front appuyé à l’avant bras, le lourd charpentier regardait le chemin de ronde depuis l’ouverture. Traditionnel ritournelle des énumérations départ/ arrivée des villes du comté. Sait-on jamais….
Baillant grande bouche, avant de se porter le reste du contenu de son calice aux lèvres, il hocha la tête rapidement à la fin de la liste. Voilà... Pontarlier dormirait tranquille. Déposant son verre à la tablette de pierre bordant l’ouverture, il se passa lentement la main au visage. Comme l’armée était fait de ces choses grisantes à souhaits, mais aussi, de ces routines au combien lassantes. Un air d’automne et la lumière qui déjà était au baissant annonçait la fin d’une autre saison. Les charrettes pleines des provisions du bourg avoisinant rentraient en procession au pont-levis.


Poligny mon sénéchal- Aujourd’hui
Asphodelle - Sion
Ced93 - Vaudemont
Bastos- Poligny
Bibil23 –Poligny..



Et bla, bla bla….ainsi allait les énumérations de fin de journée. Sapristi que ce militaire avait une voix nasillarde. Déjà, son regard fixait un énorme sommier qui remontait la rue principale, une belle bête qui devait avoisiner les 1600 livres...et clop, clop, clop…

Didite –Poligny
Early french –Poligny…


Voulant se prendre une gorgée supplémentaire, il redéposa le récipient se souvenant l’avoir mis à sec plus tôt. Barff…ça pouvait attendre un peu. Reprenant appuie sur deux pieds, il croisa les bras devant l’ouverture.

Daresha de Jeneffe - Millau
Jeff 63 – Poligny
Looÿs- Castres….


Qui serait donc le nouveau capitaine ? Il n’en savait trop rien. Le capitaine Lothilde terminait son mandat et elle ne manquerait certainement de faire sentir son départ. Des rumeurs sur la présence non souhaiter des Lions en Bourgogne avait laissé plané une campagne éclair, mais au final, rien n’avait eu confirmation. Passant la main au manche de son poignard, l’artilleur soupira.

Mirel – Poligny
Rafik07- Poligny
Rhuyzar- Millau…


Fronçant les sourcils, le colosse passa l’œil par-dessus son épaule interrogeant du coup le militaire récitant.

Wô !!…stop…Vous avez dit ?..Le dernier. ..Millau ?

Rhuzyar monsieur..en arrivée sur Poligny. En provenance de Millau au Rouergue, forgeron de métier selon nos rapports.

Il est arrivé à Poligny seul ?

Haussant les épaules, le servant resta sans voix. Pivotant, d’un coup, le sénéchal plissa les yeux à cette réponse qu’il aurait souhaité, plus élaboré.

Quoi ? Vous ne savez pas ? Millau…Millau !!! Sapristi…regardez à vos feuilles caporal !!! J’ai cru entendre plutôt. Regardez bon sens !!!

Nerveusement, le militaire replongea le nez à ses feuilles, échappant deux d’entres elles et glissa vite ses yeux à la colonne.

Euh…
Jeneffe m’sieur…Millau, Rouergue. Daresha de Jeneffe...


Avançant vers le militaire en laissant voir un faciès songeur, le large officier questionna :

Vous êtes certain ? Daresha Jeneffe ? Rien…de..Riddermark caporal ? Une mention du genre…Monbarrey ou St-Laurent en Granvaux à la suite ? Non ? Rien de ça ? Mais il fait quoi ce gardien à la porte de Poligny ? Vous avez son nom ? Arff..à quoi bon demander… si on ne demande rien !?

Se massant l’arcade sourcilière nerveusement, il leva la main donnant le signal de la poursuite et retourna lentement vers la fenêtre en secouant la tête. Rhuyzar...le fidèle de Bralic et Daresha... Zéphirin se souvint très bien de ses brèves rencontres avec le basané aux terrains de la milice et encore de son Tuwo qu’il avait vu aux box des écuries. De l’étoile noir...qui avait ramené...le…

Falbilas – Espalion
Fauconnier –Bourg …


Redressant le cou et pivotant brusquement, l’officier remonta en vitesse vers le narrateur qui ferma les yeux croyant devoir se prendre une correction inexpliquée de l’homme faisant plus d’une tête la sienne. Cette fois, c’était bien plus que ..des circonstances. Lui arrachant ses parchemins des mains pour voir de ses yeux, Zéphirin grommela. Serrant les dents en glissant les yeux à la liste, il arrêta sur le nom : Adrian Fauconnier de Jeneffe- 9 ans- avec escorte – 147 écus…

Relevant la tête, il souleva un sourcil. Ça ne pouvait être qu’eux… Qu’un jeune noble pouvait se déclarer avoir près de 150 écus…à 9 ans. Tendant doucement les parchemins en regardant l’horizon à l’ouverture, le lourd sénéchal fronça le nez se parlant à lui-même.

Qu’est-ce que la veuve et le gamin de ce pauvre Bralic viennent faire en Franche-Comté ?

Arff…Il devait faire suivre l’information et garder l’œil ouvert. Le capitaine n’aimerait pas, pour sûr. Après un moment à tourner cette histoire dans sa tête, il déposa les mains à la tablette de pierre et fixa la place des cérémonies, pensif. Esquissant à peine un sourire, il eut une curiosité soudaine envers le petit rapace. Avait-il vraiment la bouille de son complexe de paternel ? Il avait vu une fois ce garçon polisson au manoir de St-Laurent…juste avant la révolte qui allait voir s’éteindre son foutu géniteur. Haussant le ton en évitant de laisser le paysage des yeux, il ordonna au caporal resté immobile.

Allez, ça ira…revenez demain. Et faites moi rapporter les déplacements de cette Jeneffe Riddermark, de ce Rhuyzar et ses hommes ainsi que de se petit Adrian fauconnier. Vous me les garder à l’œil…compris ? Rompez caporal…
--Bertille
Qu’avais-je fais Doux Seigneur, qu’avais-je fais ? Déjà je sentais les coups de fouet réchauffer de leur chaleur douloureuse la peau blanche de mon dos déjà quelque peu marquée par de précédents déboires auxquels je ne prêtais une grand importance, les mettant sur le compte de la destinée. N’est-ce pas ainsi que les hommes se forment à la vie ? Je n’en avais donc cure, souffrant en silence et attendant enfin le moment de ma liberté. J’aurais pu en faire de même ce jour là ; après tout ce n’était qu’une maladresse de plus à mon actif et je serais dignement punie pour cela. Mais non, non je n’arrivais pas à en faire fi. Il y avait autre chose, quelque chose de plus important cette fois. Il n’était plus question d’un plat renversé sur un client après qu’une main se soit baladée sur mon séant sans autorisation, ni d’un seau renversé au milieu de l’auberge. Mes mains tremblantes serrées sur le précieux trésor pressé contre moi, de peur de le faire à nouveau tomber à terre, je n’osais pas bouger. Tout juste respirais-je l’air épais des écuries. Je regardais la femme devant moi et me sentis subjuguée et troublée ; tant de sentiments contradictoires émanaient de son noble être.

Elle se trouvait non loin de moi, mais je devinais qu’elle n’avait osé s’approcher plus de moi. Cette impression ne fit qu’accroître que le malaise qui m’avait gagné au moment où elle m’avait ordonné de lâcher ce que je tenais dans mes mains. Je ne savais me détourner de son regard vert, intrigant de par ce mélange de douceur et de douleur qu’il laissait échapper. Je n’avais pourtant fait tomber qu’une épée à terre en tentant de m’échapper. Mais ce n’était peut être pas qu’une épée ordinaire pensais-je. Fusse la réalité ou un tour de mon esprit perdu, je sentis qu’entre mes mains serrées se dégageait une chaleur venue de nulle part, comme si le trésor que je tenais était doté d’une âme sortie de son lourd sommeil et se réveillant au monde des hommes. Dans un réflexe, je ne la serrais que plus dans mes mains.

Au bout de quelques secondes, j’arrivais à détourner mon regard de la femme qui n’avait toujours pas fait un pas de plus en ma direction, pour le poser sur l’homme qui était à son coté quelques instants plus tôt. Je recherchais un repère quelconque, un signe rassurant, un regard qui comprendrait mon appel à l’aide silencieux ; après tout, s’ils étaient amants comme j’en étais persuadée, il viendrait l’attirer à lui et la conforter. Mais il n’en fut rien, à mon grand étonnement. Quel homme peut ainsi laisser sa compagne ainsi ? Peut-être avais-je fais une erreur de jugement, mais ce n’était pas là ma préoccupation. Je me détournais ensuite vers le jeune Prince qui n’avait, en y réfléchissant bien, pas quitté un seul instant mes pensées ; du moins jusqu’à cette délicate démonstration de ma maladresse. Lui ne pourrait rien faire de toute façon, et je haussais les épaules de déception ; mais un enfant, peut-il se rapprocher de l’âge adulte, n’a pas à se mêler de ce qui ne le regarde pas. C’était une histoire entre cette femme et moi, histoire dont, sur le coup je me serais bien passée. Il était clair dans ma tête que je ne serais plus bien vue. Pourquoi cette volonté d’être bien vue ? Parce que je me disais que peut-être, elle me proposerait d’entrer à son service. Les rêves de liberté rendent naïfs, mais il me plaisait de songer à cela : qui ne l’aurait pas fait ? Servir dans un château est une chose bien plus plaisante que de servir dans une auberge miteuse.
Il était de toute façon trop tard pour une quelconque marche arrière.


- Ma Dame je…. Je suis désolée… articulais-je difficilement, déglutissant ma salive avant même que les mots ne sortent de ma bouche. Et à l’instant où ils vinrent briser le silence lourd qui s’était établi, je sentis une sensation de rugosité au fond de ma gorge. C’était comme si je n’avais pas bu depuis des jours et des jours, où ne serait-ce qu’une journée d’été brulante. J’avais déjà connu la situation pour avoir travaillé quelques fois dans des champs à la demande de mon oncle ; comme quoi, dans un pays voué au froid physique et moral, il arrive que le Soleil s’y arrête. C’est chose rare, mais cela arrive.

Désolée. J’étais sincèrement désolée et Dieu peut m’en être témoin ! Mais les mots sont de bien piètres transmetteur en matière d’intenses émotions. Mais à cet instant, laquelle de nous deux ressentait le plus de choses ? Elle. J’en étais certaine ; c’était évident. Je ne pouvais deviner ses réactions et ses gestes à venir. Qu’allait elle faire ? Et que devais-je faire ? Je sentais la honte s’insinuer en moi encore plus qu’elle ne l’avait fait, comme un serpent mangeur d’homme s’enroulerait autours de sa proie pour l’étouffer ; je la sentais, cette visqueuse ennemie qui vous fait perdre tout vos moyens et vous conduit à agir d’une manière que vous n’auriez pas voulu, vous coupant également toute respiration. Grand Dieu…


- Dame… Je vous en prie… je ne voulais pas... balbutiais-je tel un bébé tentant vainement de prononcer ses tous premiers mots. Dame… C’est alors, répétant mes paroles de désolation, je pris sur moi de m’approcher lentement de la Dame, mes pieds trainant dans la poussière des lieux plus que ne se soulevant en des pas francs. J’avais cette fois baissé la tête et posé mes yeux sur la lame que je portais. Je pris le soin de la remettre dans ses protections qu’elle avait violemment quitté lorsqu’elle s’était jointe involontairement à mon envol. Puis je me mis à genoux devant la dame troublée, mes fesses reposant sur mes talons. Je n’avais cure de la poussière qui viendrait garnir ma pauvre tenue ; la mégère ne serait pas des plus jouasses mais cela ne m’importait à cet instant pas le moins du monde. Lorsque je relevais la visage tant bien que mal vers la Dame, quelques mèches me voilèrent la vue ; je n’aurais pu les repousser, mes mains toujours serrant le précieux trésor. Je ne sais combien de temps pu ainsi s’écouler ; cela me sembla une éternité. Mais je finis par relever le trésor que je tenais à l’horizontal et le porta à hauteur de mon visage. Mes muscles se bandèrent et l’effort me parut surhumain. Même si je tremblais, imperceptiblement ou perceptiblement, j’avais décidé que je ne bougerais pas jusqu’à ce que la Dame reprenne son dû. Peut-être d’ailleurs, en saurais-je plus sur ce trésor sacré ? Il y avait déjà un Prince dans mon cœur, peut etre ainsi en connaitrais-je plus sur lui ?
Daresha
Elle ne quitta pas la gamine des yeux, ses perles d’émeraudes pures teintées d’un voile ombrageux comparable à celui qui entoure un volcan en pleine éruption. A y regarder de plus prêt, elle ne regardait pas vraiment la jeune fille qui s’était approchée et agenouillée à ses pieds. Elle l’avait suivie du regard sans vraiment se concentrer sur sa personne. C’était ce qu’elle tenait entre ses mains qui avait attiré sur lui l’esprit comtal. Tant de choses dans un si simple objet. Simple, pas tellement pour qui en aurait la réelle conscience. La plupart des hommes de ce bas monde, se prétendant ou non combattants dignes de ce nom, manient leur arme comme un vulgaire couteau de cuisine. Mais il en est d’autres, comme portés par la Grâce divine qui ont compris qu’ils ne tenaient pas qu’un grossier morceau de métal entre leurs mains ; mais ceux là possèdent une Foy unique : la Foy chevaleresque. Tant d’idéaux, de grands principes qui échappent au commun des mortels et qui donnent une âme à l’arme de ceux qui les défendent …Le métal vit à travers la main de celui qui le manie. Tant d’exemples vivent dans les esprits : Caledwlch, l’Epée de Bretagne brandie par son Seigneur Arthur ; Balmung, l’épée du grand Siegfried ; celle du Faucon d’Eté forgée par les mains sages de Salomon ; et la liste serait fort longue.
Et celle qui se trouve à portée de sa main en a une d’âme, longtemps endormie suite à un deuil trop grand, entrainé par des mains assassines bien des années plus tôt. Il fut un Chevalier du plus grand des Ordres que ce monde ai et aura jamais porté, mais combien en sont conscients ? Si peu, bien trop nombreux étant ceux qui se complaisent dans leurs fausses perceptions de la vérité. Mais après tout qu’importe ceux là ? Le principal est que le jeune Faucon possède cette conscience qu’il aura d’ailleurs, très certainement.

La dextre, blanche et fine, dont seul le majeur fut paré d’une pierre verte montée sur or, travail soigné d’un orfèvre parisien offert par son second époux, vint se refermer sur l’épée présentée devant elle. Un grand frisson remonta du bas de ses riens jusqu’à sa nuque alors que ses doigts se resserrèrent sur le pommeau de cuir travaillé qui cachait à la vue la précieuse lame. Dans un geste lent, elle la mit à la verticale devant elle, pommeau, fusée et garde à hauteur de son regard. Un léger soupir s’échappa de ses lèvres légèrement entrouvertes. C’est un peu comme si cette épreuve lui avait semblé insurmontable et qu’elle l’avait au final franchie, ayant eu peur pour rien. Mais ce n’était là qu’un début, que le début d’une épreuve plus grande, au moins de son point de vue à elle.


- Tu es mort depuis si longtemps… Et tu es encore si présent… Puisses-tu voir ton fils d’où tu te trouves aujourd’hui.... Il est sur la bonne voie pour devenir un homme… murmura-t-elle. Je pense qu’il est temps qu’il reçoive cet héritage que tu lui as légué… du moins cette première partie que je tiens dans mes mains… Est-ce un bon choix que je fais là ? demanda-t-elle en levant les yeux vers le ciel caché par le toit de l’écurie, espérant un autre signe qui ne vint jamais. Elle rebaissa ensuite son regard et posa son front contre la poignée fraiche de son front. L’heure tournait et elle la sentait venir, cette heure fatale. Il allait enfin entrer dans ce monde pernicieux. Et s’il n’y trouvait pas sa place, comme son père avant lui ne l’avait au final pas trouvée ? Et si… Et si… Oui il en aurait des épreuves, il en aurait des obstacles à surmonter. Mais c’est ainsi que se forge l’âme. Et il ne serait pas seul ; outre sa famille de sang il y aurait également cette famille à laquelle il se joindrait bientôt. Elle s’en doutait et cette pensée apaisa son cœur. Avec eux, il aurait toujours des soutiens et aurait des appuis pour lui faire surmonter la traitrise qu’il rencontrerait nécessairement. Et elle serait là, ne lui avait elle pas promis ?

Opérant un tour sur elle-même, elle se retourna, délaissant la jeune fille, que son esprit avait totalement occulté. Elle n’existait plus et n’existerait sans doute plus. Elle n’avait de toute façon pas sa place dans la scène qui allait se produire, étrangère qu’elle était. Même la mère et le fils pouvaient sembler deux inconnus l’un à l’autre. Que ferait le temps sur cet état des choses ? Seul lui aurait la réponse, quoi qu’il en soit. Elle tenait cette fois fermement la précieuse lame de ses deux mains, l’une la soutenant au niveau de la chape, l’autre au niveau de la bouterolle, comme si elle tenait un objet sacré entre ses mains. Mais ne l’était il pas ? Sa poitrine enfermée dans un carcan de cuir épais remonta sous le coup d’une grande respiration, qu’elle prit pour se donner un peu de courage et de force. Son visage, marqué par les affres du temps et du temps, n’en était toutefois pas, moins serein. Elle avait accepté ce qui lui était inconsciemment demandé de faire. Un léger sourire empreint de tendresse et d’amour se dessina alors qu’elle regardait son fils. Arrivée à sa hauteur, elle carra les épaules, dominant le jeune vicomte de sa petite hauteur. Dans quelques mois, il finirait par dépasser aisément sa mère, même s’il n’attendrait pas la taille de son second père.


Fils… dit elle d’une voix à la fois douce et ferme. Dans quelques mois tu seras en droit de revendiquer ce qui t’appartient de droit par la volonté de feu ton père. Elle se tut de longue secondes, cherchant ses mots qui n’arrivaient ni à se former dans son esprit, et lorsqu’ils étaient assemblés, ne semblaient pas vouloir passer le seuil de ses lèvres. A ce jour… il est toutefois une partie de son héritage qui peut te revenir. C’est alors qu’elle plia genoux et qu’elle le déposa avant lui. Elle l’avait déjà fait une fois, dans un tout autre endroit, dans un tout autre temps. C’était alors le jour de ses noces avec Guillaume et, alors que les joutes allaient bon train en l’honneur des deux épousés, elle s’était retirée un moment avec son fils, qui lui avait semblé si distant dans ce moment de joie. Ils avaient longuement discuté, lui assis sur une pierre semblable à un pied d’Estalle, et elle à ses pieds, déchirant sa robe de mariée pour lui moucher son nez bouché. Il était un roi, bien plus qu’un roi même, un dieu que l’on vénère, un présent sacré de la vie. Et ce petit bout de chair porté pendant près de neuf mois était devenu bien grand.
Elle lui présenta, sans le quitter des yeux, l’épée.

Elle est à toi. C’était l’épée de ton père… C’est avec elle qu’il a défendu tout ce en croit il croyait. Voici l’heure pour toi de la porter et je sais que tu le feras avec honneur. Ne te laisse jamais convaincre des rumeurs lancés avec fiel sur le nom que tu portes et le sang qui coule dans tes veines. Ne te laisse jamais conter sur ta valeur ; elle est grande et ne cessera de grandir avec le temps.
Mon fils…
comme il était tentant de porter une main à ce visage encore enfantin pour en caresser les pourtours avec tendresse, comme elle l’avait fait tant de fois. Mais elle se retint et se contenta de lui faire sentir son amour par la brillance de ses yeux verts et son sourire qui ne l’avait au final pas quitté.

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Fauconnier
Bande son

Il n'avait pas bougé. Aucune réaction visible. Même pas un déplacement de la main, quasi aussi automatique que de respirer pour un vieux de la vieille, vers la poignée de l'épée. Il n'est qu'un enfant. Un enfant qui joue à l'homme. Son épée est un jouet. Rien de plus. Il a observé, s'attendant lui aussi à une réaction violente de sa mère. Malgré une bonne impression sur la gamine, il n'aurait pas bougé pour la défendre : quand l'on fait des erreurs, on les assume jusqu'au bout, en homme.

Alors il a attendu. Et maintenant que l'épée est presque au bout de ses doigts, il hésite. Il a peur...
Respiration hachée.
Petit sursaut, bref, du coeur, en voyant le pommeau au rubis approcher. Il n'a pas observé l'épée. C'est le symbole qui s'approche: un véritable cadeau de son père, pour lui, lui seul.
Aussi hésite-t-il longtemps.
Très longtemps.

Il finit par prendre l'arme. Une scène au ralenti, comme dans beaucoup de mauvais films, où l'on peut sentir l'oppression sourde du cœur dans la poitrine. Ses doigts se referment sur le cuir râpé et rugueux de la poignée. Il tient finalement l'arme devant lui, la regardant un instant.

Elle est belle.

Elle est assez longue, très lourde. Une bâtarde de guerre... La croix ankh est incrustée, prenant la garde et les quillons, au bout desquels des triskells sont entrelacés. Noirs, puissants pulsatifs de vie contenue. Et si Adrian Fauconnier de Riddermark savait ce qui allait se produire, sans doute aurait-il enlevé sa main...
Du cuir recouvre une poignée, et une émeraude d'un verre quasi-surnaturel brille dans les croix ankh. Un rubis orne le pommeau, à bout rond. L'arme entière semble noirâtre, et briller d'une puissance quasi-surnaturelle. L'enfant n'a pas pris garde, en la prenant, aux pulsations, montant de la poignée où ses mains se tiennent, remontant vers son crâne. L'épée pulse, dans ses mains, d'un champ algorithmique, aux consonances mathématiques et enfouies. La croix de vie et de mort, symbole de vie des dieux d'un autre temps, avec les triskells sinistrogyres représentant les trois âges de la vie (jeunesse, vie adulte, et dégénérescence de la fin de la vie) interprétés sous un sinistre présage. Une impression générale de noirceur pure se dégage de l'arme, et Adrian Fauconnier aimerait presque s'en détacher aussitôt.

Mais...

Il commet l'erreur, ou peut être a-t-il la chance, cela, seul l'avenir le dira, de ne pas lâcher l'épée. Il la tient des deux mains, sur la lame, sous les quillons.

Et...

Lentement...

Adrian...

Chute...

A terre.

Ses yeux se révulsent, les prunelles charbonifères cherchant le troisième oeil, cet organe mythique de la vision primale des anciens, l'oeil du coeur, l'oeil de puissance, l'oeil de scrutation et de vérité. Il ouvre lentement les lèvres, laissant simplement exhaler un sinistre murmure soupirant:


- " Metuant... *"

Les boucles brunes dansent, et lentement, Adrian... chute. Ses yeux sont ouverts, mais entièrement blancs, et vitreux. Il semble regarder à travers le monde, l'univers, une réalité enfouie. L'épée est toujours tenue de façon extrêmement serrée, d'une main de fer, d'une force surnaturelle pour un enfant de son âge, que même le chevalier ne pourra plus défaire. Il est...

Froid. Les lèvres commencent à se violacer. La peau bleuie. Les veines ressortent, et la peau parait presque comme du verre. L'enfant tremble. Il tremble, et ne laisse échapper aucun son.

Il est à l'état de mort, mais vivant. Et c'est sûrement le plus proche de sa réalité... Et hormis les convulsions, ne bouge pas d'un pouce. Il est loin, très loin... En train de traverser un fleuve de feu, où seul le froid assaille les passagers sinistres...
Et qui, dans l'assistance, remarquerait le sang qui, lentement, goutte de ses mains serrées, le long de la lame sombre de l'épée si redoutée? Un sang clair, que l'on dirait presque...

Bu. Et la lame, lentement, s'imprègne de son nouveau porteur...


I know I'm ready
Drive me off the mountain.
You'll burn,
I'll eat your ashes.
The impossible wheels seducing
Our corpse. **

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*: En latin, " Qu'ils me craignent..."

**: Extrait tiré de cette bande son, visible sur la BA de "Max Payne" (vous n'aimez pas mes références? Je vous bisque!)
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- Seigneur de Parcey

- Fils de Bralic Fauconnier et de Daresha de Riddermark

- Bannière en attente de réalisation
Fauconnier
Le vide s'était fait. Période de calme mortel. Et à bien y réfléchir, qui faisait horriblement penser à la mort, à mieux y penser. Ou à une catatonie absolument immonde. Le jeune Fauconnier, en l'espace de quelques instants, se retrouva ainsi prisonnier de son propre corps.

L'épée en main, des vibrations pulsèrent jusqu'à sa tête, lui sciant les tympans au passage. Sensation horrible d'étirement. Arrachement.

Aspiration.

Il se sentait froid. De plus en plus froid. Le froid envahissait ses doigts, ses articulations, remontant ses bras, lentement, de façon absolument incontrôlable. C'est avec effroi que le jeune garçon vit le froid lui monter au coeur, et basculer le long de son épine dorsale, vers la tête, en une sorte de vague noire continue et inarrêtable. Il avait horriblement peur. Il avait grand joye de ne plus contrôler sa vessie et ses sphyncters, car croyez m'en, même le fils de Bralic, confronté à cette mort lente et inéluctable, avait une sacrosainte envie de se faire sous lui. Le froid atteignit la tête. Et ses yeux se révulsèrent, cherchant l'espace entre ses deux yeux, le troisième oeil mythique. Il se sentait basculer. Puis atterrir par terre. Il n'avait conscience de son corps que comme une coquille, dans laquelle il se baladait, cercueil infâme et impossible à bouger dans lequel il tapait, hurlait, se débattait mentalement. Horreur indicible, fureur sourde que celle de ce garçonnet confronté à un froid mortel, au fait de ne plus voir: ses yeux s'étaient désormais fixés vers le haut, et seule la sclérotide était désormais visible, les vaisseaux ressortant de façon absolument anormale.

Pas trop tôt. Sa vessie explosa, en un jet très long, qui mouilla la brûneur de ses braies, s'écoulant lentement en la raie de ses fesses, s'insinuant derrière ses genoux, le long de ses jambes, remontant son dos. L'urine lui apporta chaleur brève, presque réconfortante compte tenu du froid horrible qui l'envahissait. Son sphyncter en fit-il de meme? Il n'en savait plus rien. Là, nulle chaleur ne pourrait l'informer. Il ne voyait plus. Il n'entendait plus. Il ne sentait plus. Seul le tactile rugueux de la paille perçant ses vêtements lui revenait de très loin, comme du bout d'un couloir sombre et obscur. Et le contact poisseux, assez horrible en fait, de sa *gelbe Flüssigkeit*. Il était presque heureux de ne pouvoir sentir les effluves immondes.

Puis... Le déclic.

Il voyait à nouveau. De façon absolument absurde. Il ne comprenait pas. Il ne pouvait toujours pas faire le moindre geste, mais "voyait". Vision en 2D, pour commencer. Pas de reliefs. Pas de formes. Les teintes colorées étaient faites de jaune, d'orange, de rouge, de vert, de bleu et violet en diverses teintes. La neige qui s'introduisait sous la porte de la grange était bleu profond, la paille orangée. Les êtres humains étaient verts, évoluant dans un monde orangé, le moindre objet étant pris dans un halo de lumière ineffable. Là, les Almohades avaient enfin pleine similitude avec les hommes du cru. Il était paniqué. Mais pensait qu'il n'était pas mort. C'était simplement l'absence de sa respiration, l'absence de ses battements de coeur qui l'angoissaient, et l'horrifiaient à la fois.
Nul n'imagine l'effet horrible de sentir son propre coeur cesser de battre, et son souffle cesser. L'effet de hurler mentalement "REPARS! REDEMARRE!" à un élément de votre corps sur lequel vous n'avez plus aucun contrôle. Le jeune Faucon, actuellement, n'en avait plus aucun.
Mais... Il ne mourrait pas. D'une vision extérieure, ses mains s'étaient ouvertes en se refermant sur la lame, et le sang était absorbé par la griseur de la lame. Tous les signes cliniques de la mort étaient là.
Dans son ventre se créa une chose étrange. Une boule d'énergie, le trainant littéralement le long de ses veines, de ses artères, en ses poumons, puis dans son coeur, puis dans chaque organe. Il avança lentement, et arriva enfin au pont.

Le pont était orangé, lui aussi, et reliait son ventre à l'épée. Une porte jaune dorée était là, simple rai de lumière dans l'atmosphère si froide. Sa conscience de lui, la boule d'énergie qui était ce qui restait de son Moi, traversa lentement le pont, marchant telle un funambule au dessus du vide qui l'en séparait de quelques centimètres. Le pont était d'une grande chaleur. Et c'est ayant déserté son corps, en ayant "senti" en arrière une dernière fois que Adrian Fauconnier de Riddermark s'enfonça dans les ténèbres de sa nouvelle épée, et y découvrit...

Une forêt. Un sentier était là. Il faisait beau. Le ciel était bleu. Le feuillage bruissait, comme en un début de printemps. Fleurs et oiseaux étaient dans les feuillages, et le vent mêlé au jeu des oiseaux produisait une note champêtre sous-jacente, donnant une atmosphère paisible au lieu. Des tapis de mousse et de lichens poussaient au bas des arbres, avec fougères, lierres sauvages et ronciers épars. Des houx, agglomérés autour de cercles de chênes.
Le jeune Fauconnier était réapparu en pieds, vêtu comme au moment où il avait touché l'épée. Sa chemise crème, son tabard aux couleurs de Parcey, ses braies brunes, ses bottes de monte, et sa cape azur, ainsi que sa dague. Rien n'y manquait: même la pomme à moitié entamée qu'il avait posée pour saisir l'épée était là, à nouveau. Il mordit dedans, retrouvant du même coup la respiration. Il exhala ainsi une profonde goulée d'air, fermant les yeux, s'abandonnant au délice de la pomme savoureuse.

Il resta là quelques instants. Il était peut être mort! Et cela le chagrinait fort, car il pensait bien entendu à sa mère et sa soeur! Mais... un petit quelque chose lui disait que non. Aussi se demanda-t-il par la suite si quelque mauvais tour ne lui avait point été joué, quelque maléfice, ensorcellement, ou passe-passe dont les gueuses avaient les secrets? Il était intrigué.
Et ne trouvant de réponses satisfaisantes, il avança.

Il avança à partir de son point d'arrivée, et fit quelques centaines de mètres. La marche était facile, agréable dans la paisible clarté de l'après-midi, dans ce sous-bois ombragé, à la chaleur agréable. Y croiserait-il une valkyrie, ou quelque sainte ou ange? Il ne savait guère. Il avança, et c'est au milieu d'un cercle de chênes et de houx, en de vieilles pierres dressées, qu'il sût qu'il était arrivé. Et c'est au milieu de ce cercle qu'il vit une grande pierre dressée, sur laquelle se tenait un homme. C'est...

Lorsqu'il vit l'homme sur la pierre dressée, que son coeur manqua de défaillir une deuxième fois. Car l'homme... Sur la pierre dressée...

...

C'était un homme de grande taille, fort comme un taureau, le cheveux court, imberbe. Des rides au coin des yeux, de la bouche, il semblait énoncer une version vieillie du jeune Faucon. Et ma foi, quiconque aurait alors regardé les aurait pris pour deux jumeaux. Et la Licorne sur son mantel n'aurait sû mentir sur ce que l'instinct du jeune Faucon lui disait. Car sans même le reconnaître, sans même avoir de souvenirs de lui, Adrian savait que l'homme face à lui, n'était alors que...

Qu'un certain Hubert Abel Victor Fauconnier. Appelé aussi le Destructeur. Appelé aussi Bralic.

Son père.

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