Lunran
Acolhuahcan.
Alcool haha.
Sur un chemin perdu, que les étoiles éclairaient paisiblement de leurs rayons paresseux, une silhouette avançait lentement. Un pas, deux pas, tombe. Se relève. Un pas, deux pas, trois pas, et... tombe. Une jeune femme, dont l'âge pourrait se situer entre vingt-cinq et trente ans, titubait sur les cailloux. La mine échevelée et crasseuse, les pieds calleux, les mains écorchées, les vêtements réduits à l'état de haillons, on pourrait la confondre avec un mort revenu de l'au-delà, si ses deux yeux verts n'étincelait pas d'une grande malice.
Ce rythme n'était pas volontaire. La faute aux Dieux. C'est toujours de leur faute, de toute manière. A vrai dire, un mélange explosif de pulque-peyotl circulait dans les veines de ce corps.
Lunran la Sublime, car tel elle aimait se nommer, avait une fois de plus forcé la dose des plaisirs. La vision floue, la tête qui tourne, la nausée qui la guette, et ce drôle de type qui la regarde. Hein ?
La femme releva la tête du sol (où elle scrutait avec attention les obstacles mis sur sa route) pour essayer de comprendre la vision qu'elle venait d'avoir. Elle brandit un bras faible dans une direction.
Hé toi là !
T'veux pas du peyotl ? Du bon que j'vends... du bon. que du bon moi j'vends...
Luny continua de marmonner quelques instants avec l'arbre qui se trouvait sur le bord du chemin, puis finit par l'envoyer paître "Face de pécari !" en comprenant qu'il ne voulait pas lui acheter de peyotl. Tous les mêmes ces arbres. Ils comprennent rien à la vie, et à ce qui est bon.
Ooooh ma tête.
Elle se ratatina une fois de plus dans la poussière, s'écorchant encore plus sa peau mise à nue.
'Prochaine fois j'ferai moins la maline. Guerrière sans peur ouais, mais c'te pieds qui veulent pas avancer.
Ouaip, la prochaine fois tu feras moins la maline Luny.
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Pénible à ses heures
Voleuse de moult choses
Lunran
La femme, elle, ne se doutait pas du chasseur qui la suivait à la trace. Ses sens n'ont jamais été très aiguisés en temps normal alors avec tout ce qui coule dans son sang... Surtout que l'état normal voilà longtemps qu'elle ne l'a plus atteint.
Une droguée, dépravée.
Un soupir de douleur échappa aux lèvres fines alors que les muscles de ses bras se contractaient pour la relever. Une fois de plus. Lunran resta prostrée à genoux, s'appuyant sur les bras, ses cheveux emmêlés collés sur son visage et sa nuque imbibés de sueur alcoolique. Un soubresaut traversa son corps et une partie de ce qu'elle avait ingurgité ce soir vint s'étendre sur le sol.
'Faute aux dieux.
Tenace, elle finit par se relever même si l'envie de s'étendre là pour dormir avait traversé son esprit. Une toux la secoua et elle reprit sa route clopin-clopant. Quelques mètres plus loin, Lunran se laissa glisser le long d'un mur de la hutte la plus proche.
L'esprit dans les vapes, le corps avait pris le contrôle et demandait à se reposer.
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Alors que le monde agréable des rêves lui tendait les bras, quelqu'un lui remonta le visage doucement avec quelque chose de froid et d'irritant sur sa peau. Lunran plissa les yeux à la lumière des astres et eut un gémissement de protestation pour qu'on la laisse en paix. Qu'on la laisse. Des mots parvinrent à son oreille, il lui sembla entendre son nom.
Quetzalcoatl ?
Seul un Dieu aurait pu se permettre de la tirer de son sommeil réparateur dont elle a si besoin. Non, non. Cette voix... Elle l'a déjà entendue quelque part. Dans une taverne surement. Un homme. Sa vue brouillée et éblouie par la pourtant faible clarté de la lune ne parvenait pas à déchiffrer les traits du visage.
Pas à vendre c'soir. R'viens d'main.
Elle eut un vague geste de la main pour lui dire de s'en aller, qu'elle n'avait ni de peyotl ni de corps à lui vendre pour cette nuit.
Pas c'soir.
Vu que le bâton ne s'ôtait pas de son menton, elle tourna brusquement la tête pour l'en chasser et fixa la pénombre tranquille avant de refermer les yeux dans un soupir, certaine qu'il s'en irait. Tout faux.
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Lunran
Ah...
Un soupir traversa son corps appuyé contre la petite hutte. Complètement abrutie par sa dose, elle n'opposa aucune résistance aux liens qui vinrent lui enserrer les poignets, ni à ceux qui lièrent ses chevilles et pas plus au tout qui vint de façon efficace fermer sa nouvelle prison. Elle qui criait au vent qu'elle était la plus belle, la plus intelligente et la plus forte. Elle allait crier de rage quand elle verrait la seule chose qu'elle chérissait encore lui voler entre les pattes. Ma liberté, douce liberté.
A moitié entre le rêve et la réalité, les paroles douces achevèrent de calmer son esprit tourmenté. Pareil soulagement venant d'un homme comme lui,... quel paradoxe.
Portée comme un sac de pata... heu de haricots, Lunran la Sublime se sentait bien. Son esprit planait littéralement. Elle se crut à une autre époque. Celle qui était joyeuse. La jeune femme abimée se mit à marmonner des mots sans queue ni tête pour qui ne connaissait pas son passé, c'est-à-dire pour tout le monde.
Vari... douc'ment. Moui. Moi 'ci, j't'aime.
Koyld va bien, il va bien. J'te jure. Promets...
La phrase se perdit dans une quinte de toux, achevant de paralyser l'esprit de Lunran.
Le colis vint rejoindre la décoration de la hutte d'Ozomatli pour la nuit. Et étrangement, alors que la liberté venait de lui être ôtée, Lunran s'endormit d'un sommeil paisible, rassuré.
Les femmes sont compliquées parfois.
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SPLAAACHHH !
AAAAAAAAAH ! Par le derrière du Grand Pécari velu !
Lunran sursauta et voulut sauter à la gorge du type qui osait l'asperger. Sauf que quelque chose la retint au sol.
Qu'est-ce que... ?
Ses mains et ses pieds étaient liés. Elle était prisonnière. Et puis ce mal de crâne... Ohhh.
Espèce de vil plumate !
L'tas d'immondices t'sais ce qu'il te dis ? Hein ! Pécari mal foutu !
La jeune femme enrageait, elle se débattit férocement jusqu'à ce que l'homme revienne et pose des outils de toilette devant elle. Deux grands yeux incrédules le dévisagèrent.
Le Zozo ! Fumier ! Charogne ! Crapule !
Elle lui cracha au visage, espérant faire mouche. Avant de continuer à déverser son venin :
On devait ouvrir un bordel ! Et tu me prends à revers ! Saligaud ! Petit lama !
Non, non, non, elle ne se laverait pas. Il n'a qu'à le faire. Voilà qui lui fera les pieds.
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Elle tenta bien de le mordre. Elle tenta bien de cracher ce tissu qu'elle devait garder presque jusqu'à sa gorge. Rien n'y fit. Lunran lança alors des regards chargés d'éclairs menaçants. Elle ne le lâcha pas d'une semelle, et fixa ses moindres faits et gestes. Un jour viendra la vengeance,... un jour. Et ce jour-là, il regrettera de s'être opposé à Lunran la Sublime. Armée de cette résolution farouche, les endurances et privations qu'elle aurait à subir en deviendront plus supportables.
*Et toi tu me rapporteras plus mort que vivant.*
Elle comprit vite qu'elle était en son pouvoir, et qu'il valait mieux être docile que farouche quand la main pouvait lui faire du mal.
Si elle ne le connaissait pas, elle aurait déjà tenté de jouer de son charme pour se faire libérer, mais il y était insensible, et là... elle était bel et bien coincée.
Son corps couvert d'une semaine de crasse apparu dans la faible clarté du petit matin sous les coups de lame d'Ozomatli. Il portait une longue cicatrice récente tout le long du dos, et quelques autres plus fines dispersées ça et là. Des bleus jaunissaient un peu partout sur elle, résultat de sa dernière expédition suicidaire, et les parties qui n'étaient pas protégés par ses "vêtements" avaient été zébrés par les malices de la forêt. Enlevez les plaies et les bleus, Lunran possédait encore un corps jeune et hâlé qu'elle ne dévoilait que lorsqu'il pouvait servir ses propres interêts. Il faudrait être folle pour se balader nue comme un ver dans les clans de guerriers.
*Satisfait par ton bout de viande ? Quand je te tiendrais...*
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Cela lui coûtait de le reconnaitre, mais ce grand nettoyage de printemps lui avait fait du bien et redonné un peu de confiance en elle. Lunran fit quelques pas maladroits, l'esprit un peu plus éclairci qu'à son réveil, et s'étira de tout son long, la tête penchée en arrière, sur la pointe des pieds, les bras tendus vers le ciel, les mains empoignées.
Quel délice de pouvoir se mouvoir selon ses aises !
C'est seulement ensuite qu'elle s'ôta le chiffon de la bouche qu'elle laissa traîner à même le sol, dans un soupir satisfait. Puis elle s'assit dans la terre battue de la calli et se massa doucement les chevilles et les poignets pour en chasser la désagréable sensation des cordes.
Luny portait la nudité comme un vêtement, naturellement, et ce traitement la laissa totalement indifférente.
Silencieuse, elle dévora le plat de haricots, et engloutit le bol d'eau, consciente qu'une grève de la faim ne lui apporterait rien.
Ensuite, les récipients vinrent se poser à côté de du chiffon, empilés, et la jeune femme se releva. Ses pieds l'amenèrent jusqu'à la limite de la corde. Ses doigts se glissèrent autour de son cou, pour tâter le collier de bois qui ne la quitterait plus. On devait bien pouvoir l'enlever...
Enfin Lunran se tourna vers son ravisseur et eut un rictus mauvais, le regard farouche et éperdument avide de liberté.
J'vaux combien ?
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La jeune femme tâta encore un peu le collier, essayant de voir si avec une lame aiguisée... Elle finit par avoir mal aux bras, et les laissa retomber le long de son corps nu et propre, avec un nouveau soupir.
Un petit sourire orgueilleux traversa ses lèvres. Tant que ça ! Si elle avait su, elle se serait vendue plus tôt, avec ses conditions bien sûr.
Au moins 1000 avec un beau sourire et la pose adaptée.
Je suis Lunran la Sublime j'te rappelle.
Hé ho, esclave d'accord, mais pas de bas de gamme nan mais ! L'orgueil a la vie dure, surtout chez elle.
Quand il la tourna pour lui attacher les mains, elle ne put s'empêcher une petite remarque de son cru, se cambrant un peu comme pour éviter le contact de la corde qu'elle haïssait déjà.
J'ai les mains si habiles que ça ? Tu sais, elles ne servent pas qu'à voler...
Ou comment tenter de s'accorder les faveurs de son ravisseur dans une tentative maladroite.
Elle se retint de lui sauter à la gorge quand il la titilla avec sa laisse de pacotille, mais elle avait les mains liées. Oh, elle ne se contenterait pas de le tuer, mais l'étriperait vif.
Mauvaise quand on la prenait pour un lama, Lunran traîna les pattes rien que pour le forcer à jouer de la corde plus que nécessaire et lui rendre la tâche plus compliquée à travers la foule. La laisse avait une fâcheuse tendance à se coincer entre les personnes...
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