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[RP] Des dieux et des femmes

Sadnezz
[Montauban. Bienvenue dans ce joli pays, ce joli pays nommé hétérodoxie.]

"Lorsqu'on commence à parier sur de grandes idées, on comprend que la tempérance reste la meilleure amie de l'homme."


Les jeux de pari. Pari pris. Pari tenu. Pari tendu. Pari perdu. Si tout avait été exposé aussi limpidement ce soir là, avant qu'elle n'abatte sa dernière carte au nom de croyances pourtant si obscures, la Corleone n'aurait pas eu à regretter quelques paroles malheureuses... Mais ne faut-il pas tomber, pour apprendre à regarder où poser le pied? Nid de guêpes. Montauban, joyeux essaim ou la reyne d'une ruche nuisible est très occupée à pondre ses petits hérétiques. Le fil d'un voyage mouvementé, après un passage relativement longuet en geôles paloises laisse s'échouer dans la petite bourgade une mercenaire fatiguée, peu encline à rencontrer la faune locale. Pourtant lorsqu'on pieute dans une des seules auberges qui fait tripot à ses grandes heures, il faut s'accommoder avec l'idée que le bruit et les beuglements des joueurs sont légions.

Recroquevillée sur une paillasse infestée de punaises, le corps de l'italienne s'agite. Fébrilement, les ongles sales viennent labourer la peau sèche de ses jambes, qui bientôt s'empoisse de sang et de griffures. Les couches dans lesquelles les vermines ne pullulent pas joyeusement sont rares, et vu le prix déboursé pour la chambrée la cohabitation était toute sous entendue... Rageusement, les mains claquent la peau, cherchant à apaiser les démangeaisons et à exterminer deux trois parasites au passage. Peine perdue.

En bas, ça gueule, et ça se laisse certainement pas sucer les veines. A coté, ça baise, et ça gueule aussi accessoirement. A l'oreille, Sad en comptait cinq bien imbibés, qui commençaient sérieusement à lui taper sur le système... En bas, pas à coté diantre. D'un bond qui n'avait plus grand chose de souple elle se leva, mâchoires crispées, lueur morne dans le fond de la prunelle. Une défroque passée à la hâte, le poinçon ceint aux hanches, elle envoya valser l'édredon mité dans un élan colérique mal maitrisé. Puisque dormir ne pouvait...

Franchissant le seuil de sa porte, elle fut immédiatement cueillie par une rumeur masculine que laissait échapper le rez-de-chaussée. Le jeu. Péché, passe temps de peu de vertu auquel elle n'était pas sujette. Descendant les marches, elle découvrit la pièce bien plus peuplée qu'à son arrivée aux nones*...Et que de beau monde. Des sales trognes, des sourires édentés, des patois a peine compréhensibles. Le tout copieusement arrosé d'alcool et de cartes à jouer. De mémoire, elle avait toujours perdu aux cartes. Aussi ne s'y risquait-elle plus. Peu stratège aux jeux, c'est naturellement qu'elle s'approcha d'une tablée affairée au Jeu du Pot**. L'argent passait de main en main, et sans le savoir elle s'inséra dans une masse de badauds et de joueurs réformés, dans ce tripot de réformés, de Montauban la réformée... Corleone et sa piété, sa si peu vertueuse piété.


* désignant les alentours de 14H
** Typique jeu de Taverne, basé uniquement sur le hasard, sans aucune stratégie. On a des pions, il y a 6 trous numérotés, le but étant de ne plus avoir de jeton, soit en les mettant dans les trous numérotés (grâce aux jets de dé) soit en les donnant à ses adversaires.

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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
Matalena
Les cartes se plient, claquent, craquent. Le carton contre le bois des tablées. Le doux son de la corne qui roule, s'éboule, et se fige enfin. Les chiffres qu'on y lit changent le cours des vies. De droite et de gauche, fortunes et infortunes se croisent et puis s'échangent, s'enchainent en un balet de sueur bercé de hurlements. Les tympans bourdonnent de ce ronronnement. Certaines mains sont fébriles, ivres de victoire, tressaillant d'impatience. D'autres se tordent, s'étreignent, pitoyables animaux se dévorant l'un l'autre en un combat sans vainqueur. Certaines restent maitresses, posées en surveillance tel des sphinx de marbre lissés par l'usure des temps. Les halos jaunes des chandelles illuminent le drame de touches orangées qui, en contreplongée, dévoilent les faciès des joueurs. La nuit est chaude comme l'enfer. L'atmosphère vibre d'une excitation pré-coïtale.
Les paupières à demi-baissées sur les limbes de ses yeux noirs, la réformé respire. S'imprègne. Roide entre le mur et la table de jeu, invisible dans l'ombre, elle veille. Elle surveille ; Sa Grandeur qui, le capuchon rabaissé sur la face, défoule dans les tripots son cota de débauche. Des mois qu'elle n'a pas joué. Une seule partie à Montauban, à dire vrai, depuis son arrivée. Elle avait lessivé la table... Et sans tricher de surcroit. Insérés dans sa ceinture, les deux pouces la démangeait comme piqués de vermine. Sans paraitre s’apercevoir de son trouble, la noble enchainait les parties avec l'aisance de l'habitué qui assèche son comptoir, profondément installé sur un tabouret usé aux dimensions de son postérieur. D'instinct, la Languedocienne avait repéré la table de ramponneau. Quelques voyageurs enthousiastes aux bourses pansues, quelques habituées qui s'effaçaient habillement pour faire grimper les enchères, et un maître de table au jeu de doigt plutôt discret. Pas assez bon, cependant : trop frais encore dans la profession, il avait sans doute choisit ce petit bourg pour faire ses premières armes.
Les réflexes revenaient, ses phalanges s'agitant, animées d'une vie propre, comme on joue d'un instrument dans le vide à l'écoute d'une mélodie connue.
Livre II Verset 5 : "Le fidèle ne devra point se pervertir dans des jeux, il ne participera donc pas aux jeux d’argent ou de concours. Car c'est là l’œuvre du Sans Nom que de donner de faux espoirs. Seule la prière et la croyance dans l'Unique sauvent." On récite, on reprend, on répète. Car c'est là l’œuvre du Sans Nom... Pervertir... L’œuvre du Sans Nom...

Et puis merde.

La jeune femme prend place au Jeu du Pot. Une seconde de silence, et les rangs s’éclaircissent. En face d'elle, une féline de la plus pure espèce. De ces beautés qui émanent la menace et la sauvagerie comme une seconde nature. Troublante, intense, même sous des couches de crasse. Elle se méfie, la brune. Une femme qui ne cause pas peut toujours être dangereuse... Personne n'est mieux placée qu'elle pour le savoir.
Vague signe de la tête pour saluer la tablée, et le jeu commence.
Jet de dés, échange de pions, donne à l'adversaire, déplace. Elle est sereine, elle ne se laissera pas déborder.
Les minutes passent, la tension monte et les lèvres noircissent à la faveur des litrons de rouge. Le fric change de mains, dans tous les sens, et les minutes se changent en heures. Une gorgée de vinasse, le gobelet raisonne en retombant.


Vous pariez quoi, l'étrangère ?
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« Le sang s'hérite et la vertu s'acquiert, et la vertu vaut par elle seule ce que le sang ne peut valoir. »
Miguel de Cervantès

Sadnezz
[This is a man's world..*]

Se laisser porter par la fièvre, le vice est pénétrant même aux coeurs tenaces. Inexorablement, de simple observatrice elle passa à joueuse concentrée. Un des zig trichait, depuis un bon quart d'heure. Mais elle ne dit rien. En minorité notoire, elle était "l'étrangère". Et une étrangère qui gagne, ça a toujours du mal à passer. L'envie de les déplumer tous, avec leur croyances impies et de leur cracher au visage était omniprésente... Et de plus en plus forte au fur et à mesure que se réduisait le nombre d'adversaires.

Tout s'annonçait pour le mieux, les pigeons se faisaient pigeonner, les audacieux se faisaient évincer et les paris trouvaient preneurs chez les ambitieux. lorsque vint le tour d'une brune sèche aux grands yeux noirs comme les siens . Peut être de vingt ans sa cadette, avec une interminable tresse sombre qui lui courrait sur les reins. Immédiatement, elle fut classée dans les cas à manier avec précaution... L'injure demeurait en son sein, tapis dans le creux désinvolte de sa poitrine un bijou insolent. Une croix réformée, qui sans savoir pourquoi brulait plus les yeux de l'italienne que n'importe quelle autre. Signe ostentatoire de ce qui pouvait les opposer hormis cette partie de pot, elle ne réfléchit pas plus lorsqu'elle répondit à la jeune femme à l'air revêche.


Ta croix.


Si tant est que l'on puisse appeler telle chose une croix.

Pions avancés, quelqu'un gueule derrière. Sa boisson s'est éventée, mais elle passe toujours mieux qu'un verre de pisse. s'essuyant les lèvres d'un revers de manche, elle regarda l'inconnue aux frusques masculines sans détour. Sa croix d'émaux à elle, elle pouvait bien la perdre au jeu... Elle avait toujours l'autre qui ne quittait jamais la chair de son dos, depuis plusieurs années déjà. Appelons ça avoir le Tres Haut dans la peau.

Une pouliche, rétive et à débourrer. Voilà ce qu'elle était. Pas une agnelle non, ses yeux étaient trop francs pour être de celle qui suivent le troupeau sous le bâton du berger.. Le défi était trop tentant. Mais Sad savait qu'autant que le curé ne se séparait pas de son chapelet, la pucelle de Montauban ne se séparerai pas de sa chaînette. C'est en la difficulté que réside le plaisir. Et mater cette infidèle là était son nouvel objectif... Deux femmes dans un monde d'hommes... Rictus de dédain, c'est à se demander pourquoi les choses les plus interdites étaient toujours les plus attirantes.


* C'est un monde d'hommes
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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
Matalena
Les pupilles : indiscernables. Les émotions : indéchiffrables. Quatre billes d'encre, opaques et illisibles, dissimulées par des codes aux combinaisons par trop complexes. Impossible de briser cet hermétisme en un seul échange. Heureusement que le bluff n'avait aucune place dans ce jeu, au demeurant innocent et inoffensif. Au dessus de la danse des dés et des pions, les adversaires s'épiaient, dans le secret de techniques roublardes issues de vie à la dure, d'existence rudes et dissolues par la loi des bas quartiers. On ne pouvait deviner les marques, cicatrices et tatouages, qui couvraient les corps. Elles transparessaient par les simples présences, impalpables mais bien réelles, qui créaient autour de la tablée un silence relatif. Qui était donc cette créature.
Tombée là par hasard ? Difficile à croire. Peut-être était-ce sa folie qui parlait. Cette défiance, frisant la paranoïa, qui pourtant lui sauva maintes fois la mise.

Le regard de la Corléone s'égara un instant dans les plis de sa chemise, portée si large qu'elle dissimulait plus qu'elle ne dévoilait quoi que ce soit, et se fixa sur le bijou hérétique. La réformé se fendit d'un sourire aux encoignures ombrageuses. Le duel s'annonçait piquant. L'attaque, immédiate et froide. L'injure, avec la voix rauque et suave qu'on suppose aux succubes. Damnée étrangère.


A croire que je suis de ces naïves qui accordent aux inconnus plus d'intérêt qu'ils n'en méritent. Voilà donc ce que dissimulaient ces airs de poupée des ombres...

Susurra-t-elle doucement entre ses lèvres de vierge des glaces alors que s'élargissait son rictus, cruel, et méprisant.
Elle leva la main gauche pour la porter à sa croix, écartant le pan du vêtement pour la rendre plus visible avec une lenteur défiante. Un instant, la peau se dévoila, dorée, souple, sur sa gorge et la naissance de sa poitrine. Puis elle rabattit sèchement le tissu, masquant l'éclat de sa chair et de son pendentif.


Une pourriture papiste à l'intellect limité.
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« Le sang s'hérite et la vertu s'acquiert, et la vertu vaut par elle seule ce que le sang ne peut valoir. »
Miguel de Cervantès

Sadnezz
Elle avait regardé avec intérêt le manège de l'impure créature, ses manières et sa verve subtilement théâtrale.. N'en avait pas perdu une miette. De profonds cernes s'étaient dessinés sous ses yeux, et cette nuit s'annonçait comme les autres. Inexistante. Peut-être était-ce la fatigue, ou autre chose, mais elle était la proie d'absences momentanées qui la faisaient focaliser sur des points imaginaires ou des idées brouillons. Cet air figé la reprit, se brisant sur la main dissimulant le précieux sésame. Comme un réveil glacial, le timbre de sa voisine percuta sa pensée indolente et Belladone la dévisagea.

Nerveusement, sa main s'agita de tics sur son gobelet a moitié vide. Fatigue ou autre chose, toujours est-il que le réveil était trop brutal pour l'italienne. Jouer à la franche avait donné au mot lassant tout son sens au moment où elle accueillit l'insulte, et sa patience se fit la malle. C'est couard la patience, parfois.

Elle nota donc, avant de commettre un acte aussi bas que les paroles de l'autre qu'à priori ses animosités étaient partagées. Maintenant, de là à avancer l'hypothèse que la brune avait envie de brûler du papiste comme elle de l'hérétique...

Sad balança au visage de la joueuse le reste de pisse-houblon, et cracha au sol en se redressant sur ses jambes. Pions, pot, écus, tout vola en pluie désordonnée au visage de qui se trouvait là quand d'une main leste elle dévasta ce qui trainait sur leur table. Instinctivement, elle recula . Beaucoup d'hommes ont un orgueil qui les pousse à cacher leurs combats et à ne se montrer que victorieux... La meute allait lui sauter à la gorge, la meute allait la saigner. La stupeur générale pouvait lui faire gagner tout au plus quelques secondes , quelques enjambées mais point plus. Alors de fierté deux doigts aguicheurs appelèrent qui s'y frotterait, pour entraîner dans un combat perdu d'avance les malheureux félons qui se sentiraient impliqués tandis qu'elle s'éloignait déjà vers l'escalier. Reculer... Reculer, jusqu'à sentir ses talons heurter les marches... Là haut, sa chambre, une impasse , et après?


Misérable égarée... Ne t'avises plus jamais...


Une langue gourmande lustra ses lèvres amarantes. Ivre d'un coup de sang dont elle ne savait déjà plus comment esquiver les conséquences imminentes, le poinçon de la Jargellon s'échappa de sa ceinture. Finalement, l'agnelle n'était pas celle que l'ont pensait... Dans la fosse au lion. Si son adversaire savait qu'il ne fallait pas combattre une personne qui n'a rien à perdre, elle devrait aussi se heurter à la réflexion que la pire des défaites, est celle d'avoir refusé le combat. Ses yeux corbeaux fous et fiévreux dansèrent sur cette foule scélérate et sur leur reyne, une reyne sans couronne.

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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
Matalena
Une manche distraite essuya la liqueur qui lui maculait le visage et le col, alors qu'elle se levait à son tour, d'un mouvement incongrument posé compte tenu du contexte. Les humeurs de l'étrangère avaient tout d'un puissant vent de Mistral, changeantes et ravageuses. Et une fois encore, elle n'avait su fermer à temps sa gueule pour limiter la casse. Mais était-ce qu'elle souhaitait, au fond ? Etait-ce que souhaitait la Corléone, à débarquer dans le repaire d'un culte qui n'était pas le sien, provocatrice malgré le danger omniprésent ? Refuser l'issu, fatale sans doute, de ce qu'elle n'avait pas cherché à fuir ne faisait pas parti de ses principes. De même que laisser ses compagnons s'immiscer dans une querelle qui n'était point la leur. Quitte à se faire ouvrir la pense comme une outre, autant que cela soit équitable, et tout en son être lui hurlait de relever l'affront.
La réformé agita la paume, intimant à qui de droit que, ce soir là, l'altercation se jouerait entre femmes. En duel. Alors que la louve aux cheveux noirs reculait vers les marches, elle s'avançait d'autant, ne la quittant plus une seconde du regard, épiant les émotions de son visage, chaque geste de son corps. Une arme apparut dans son poing ; Les choses devenaient sérieuses. Obligeante, sa dague trouva son chemin à dextre. Défaite il y aurait. De l'une ou de l'autre. Une seule façon à présent de se montrer honorable, sa favorite : ne pas sous-estimer la noiraude, croiser le fer avec toute la férocité dont-elle était capable.


C'est ce que vous voulez ?

Demanda-t-elle d'une voix étrangement douce, comme une seconde d'hésitation avant les hostilités. Une crainte ? Un regret peut-être. Mais point de mansuétude ne se justifiait alors. L'autre ne s'y trompa pas, et lança la première estocade en coup droit, que la cadette évita d'extrême justesse, la lame se plantant au travers de sa manche et lui entaillant l'épiderme avant de se retirer.
Une tâche rougeoyante imbiba le tissu en marre sanglante.
Bien.
La jeune femme bondit, découvrant une large ouverture dans sa garde tandis qu'elle se ruait vers l'escalier avant de se présenter de biais, au dernier instant. Sa courte lame semblait partie pour frapper de côté, mais changea de main en vol, et c'est par la gauche que le coup fut finalement porté. Gravissant les degrés à reculons, l'étrangère se plaça hors de portée, contraignant son adversaire à venir à son tour s'encastrer dans l'étroit passage. Entre ses mâchoires serrées, les canines apparurent, carnassières. Ses muscles s'échauffaient, ses réflexes retrouvaient leur souplesse.

Finalement, ce pourrait être une soirée tout à fait...
Mortelle.

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Miguel de Cervantès

Sadnezz
L'escalier emprunté malgré elle à reculons avait l'ascension difficile. Gravir ces marches, monter au dessus de la masse de cette façon était une étrange sensation. Tous regards tournés vers le couple, elle n'eut pas loisir de voir les sourires mauvais se dessiner en contrebas. La France d'en bas attendait, comme le chien patientait sa viande.. Un faux pas, un mouvement malheureux. L'erreur, la chute. Leurs gueules béantes réclamaient du spectacle, ponctuant d'insultes et de quelques cris la rixe. En bas, la fosse et ses animaux... Et l'histoire ne raconte que trop mal de quel coté des barrières ils se trouvaient.

Huée, elle rata quelques marches ce qui ne fit que faire ronfler les clameurs des badauds. Les esprits étaient inexorablement et définitivement déchainés, mais le plus effrayant était la vitesse de propagation de cette fièvre depuis le premier regard acerbe échangé. Le feu aux poudres. Des objets volèrent dans leur direction, et tout en se rattrapant pour mieux gravir ce qui était devenu un interminable chemin de croix la Corleone lança une ruade à son adversaire avec hargne. Le coup de pied, directement sur la mâchoire la fit gémir de rage tant il fut asséné à la force de son dégout.

L'entrée de l'étage lui tendit les bras, comme un faux espoir de facilité. Mais sa précaire situation lui rappela que l'on ne s'escapait pas comme ça d'un essaim en furie... Un tonnelet suivit le pied, piètre projectile lancé presque au hasard dans son sillon qu'elle entendit s'éclater en contrebas. Certainement pas sur la tête nattée. Quelque part les moyens dont elle usait pour blesser la tressée étaient parlants. Rien de loyal, mais beaucoup d'attaques opportunistes, pas de doute... Ce n'était plus de son temps. Ce qui si elle avait eut l'égal de son âge aurait pu être un coup de grisou avait été exprimé comme un coup de grisonnant.

Talonnée, et des près, Sadnezz essuya des coups sans réussir à esquiver la dextérité de la jeune créature. Le chemin de sa chambrée fut refait en sale posture, cette punaise là avait bien trop d'énergie pour la vieillissante mercenaire à l'esprit hélas encore trop vif pour ses réflexes. Une porte qui claque, des râles qui cessent. Il y eut un contact, fort, frontal, deux corps qui s'entrechoquent et se repoussent mutuellement, hérissés d'aversion. Ha! Si seulement cette tresse pouvait être son noeud coulant! Elle n'eut pas le temps de comprendre comment, mais un cri.. Un éclat.. La douleur lui coupa le souffle. Tremblante, la senestre s'empourpra de carmin et lorsqu'elle la porta à ses yeux une infime seconde c'est toute souillée de sang que la croix d'argent s'y révéla nichée, au creux d'une paume meurtrie.

Arrachée à sa propriétaire, c'était finalement le dessein premier, primaire. Lever à cette stupéfiante chimère ce qui ne la rendait que plus laide, plus ennemie. Ainsi elles paraissaient égale, mais ni l'une ni l'autre ne pourraient se rendre compte que de deux idées le même moule... De deux croyances la même chair. Aveuglées, deux femmes dans un univers d'hommes et de dieux.

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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
Matalena
["Vous n’êtes qu’une loque froide qui ne connaît point la passion. Une pitoyable marionnette dans les mains de gens plus avisés que vous." *]

Sa lèvre inférieure se fendit comme un fruit trop mur, éclatée en son milieu avec la brutalité du désespoir. De la bile, du sang et un morceau de molaire vinrent maculer le sol lorsqu'elle recracha, suffoquée de douleur, sa mâchoire semblant déjà s'être remplie de feu. Une bouffée de haine embrasa ses traits, contractant chaque nerf d'un élan destructeur, brutal, primaire. Rendue sourde aux vagissements des foules enfiévrées d'alcool, la réformée ne perçut pas la rage collective, les attentes, le désir, mouillés de sueur et de phéromones, qui réclamaient la souffrance comme un divertissement. Elle ne perçut pas la lassitude qui s'emparait des membres de son adversaire, les désillusions qui se lisaient dans chacun de ses gestes. Elle ne fut attentive qu'à la colère, au dégoût qui entretenait son propre courroux aussi certainement qu'un tour de coutelas dans une plaie.
Elle allait se la faire, cette catin de papiste.

Des bruits de course à l'étage, et un demi-cercle qui se forme pour leurs céder le passage. Des huées, des ordures jetées comme des confettis en plein carnaval. Les badauds ne s'y trompent pas, les chambres se vident à leur arrivée tandis que les paliers se remplissent dans l’atmosphère saturée de chaleur et de puanteur. Acculées, ne reste qu'un espace très mince pour évoluer. L’étau se resserre, les coups se font bas, vils et sans gloire, contraints par l'espace et la morsure de la peur.
Un hurlement animal raisonne, orgasmique, masculin et féminin mêlés, alors que le dos de la louve vient butter contre la porte d'une chambrée.
Puis l'impact.
Les formes qui s'épousent à la faveur de la lutte, la chaîne qui se brise contre la nuque de l'hérétique, arrachant le symbole hônni. Un souffle tiède s'échappe des lèvres entrouvertes de l'italienne alors que l'acier s'enfonce au creux de son flanc sans rencontrer d'obstacle, entièrement absorbé par la douceur de son corps. La jeune femme pèse de tout son poids, raffermissant l'étreinte, jusqu'à la garde.

La porte cède. Elles tombent et s'entrainent. L'une reste allongée sur le sol un instant, appuyée sur son coude, contemplant le bijou convoité. L'autre la surplombe en partie, ses genoux encadrant les hanches de son aînée dans une marre sombre qui s'étend lentement, au rythme des pulsations de son cœur.


Rendez-moi ça...

Marionnette dans les mains de gens. De puissances. Qui façonnent la pensée et les actes envers et contre tous, contre chacun. Sans distinction.


*Iban Etxegorry
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« Le sang s'hérite et la vertu s'acquiert, et la vertu vaut par elle seule ce que le sang ne peut valoir. »
Miguel de Cervantès

Sadnezz
Plantée, comme un vulgaire morceau de carne. La croix de dédouble, ses contours ne se découpent plus sur l'ichor mais se fondent dans un halo opaque, terrible. La vision de l'italienne se trouble, sans appel. Elle ne perd pas connaissance mais marche sur le fil ténu qui la sépare de la pleine conscience. C'est la douleur, cette douleur lancinante qui la retient au plancher des vaches, et le vertige d'avoir été surinée lâchement, pourtant légitimement. Equilibriste, en voilà un métier dangereux. Lien de cause à effet pour toute protestation c'est sa bile jaune et chaude qui se déverse en vrac sur le sol, la douleur cette traitre amie. Elle vous fait des noeuds aux tripes et vous fait gerber toute votre colère...

L'italienne entend son agresseur, mais ne le voit plus. La lame a vicieusement pénétré dans son être et le pire c'est qu'elle est incapable de se recroqueviller pour se faire croire que la souffrance est supportable... Comme un enfant rabat sa couverture pour se persuader qu'aucun croque mitaine en viendra le tirer de son sommeil. Le flot amer rendu au sol est âcre, il brûle son palais. Incapable de hurler, Matalena lui a coupé le souffle. Ses lèvres esquissent quelques mots, qui ne sont prononcés que par un mouvement spasmodique...


...Va .. te faire .. mettre.

Si la fierté pouvait ranimer les mourants , ho sûr que Corleone serait fringante. Elle viendrait piétiner cette putain avec sa croix injure, sa croix blasphème. Piquer son corps d'injures et de bassesses aussi mauvaises que les siennes. Elle la baiserait, comme un homme, comme une chienne. Mais la fierté est bien futile quand on creuse son tombeau sur ses dernières volontés. Sad n'est plus cette enragée, mais depuis quand? Quand a-t-elle basculé du coté des faibles, des vieux... La défaillance du corps. La déchéance de l'homme. Dissolue dans ses gestes, l'insidieuse usure s'est installée sans qu'elle ne la voit venir. Saignée, gisante dans sa poisse les faits étaient là. Triste bilan.

Lorsqu'elle peut enfin geindre, elle réalise combien la situation est critique, et combien elle ne veut pas crever là comme ça. La funambule chute, volubile. L'étreinte de sa main se desserre et le bijou maudit s'en échappe, maculé d'ichor. Maculé de honte. Prends là ta croix, puterelle.

Tu ne l'emporteras pas au paradis, de toute façon.

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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
Matalena
Le corps martyrisé se tord sur le sol, recrachant ses sucs vitaux comme autant de poisons qui se mêlent en un immonde magma. L'arme se retire de l'ouverture qu'elle a crée sur le ventre de femme en une longue gerbe, éclaboussant ses bras des giclures d'une vie qui s'échappe. Une imagine s'impose à son souvenir. Celle d'une croyante qui, comme celle-ci, était de loin son ainée. Une mère, qui avait porté de nombreux enfants. Une innocente. Une inconnue qui n'avait pas souhaité sa mort, au péril de sa propre existence, et dont le crâne éclaté à coup de talon avait abreuvé le pavé des rues de sa mélasse rosâtre. Cette croix, arrachée aux doigts engourdis de l'italienne, c'était la sienne. Mais il n'y avait pas lieu de comparer leurs deux situations, et elle n'avait pas à se sentir coupable du cadavre qu'elle laisserait probablement derrière elle en quittant la taverne.

La brune essuie la lame contre sa jambe, puis la replace dans son étui. Déjà, la coagulation collait ses mains de plaques visqueuses.

Même pliée, à l'agonie, l'inconnue ne baisse pas les armes, et lui crache plus qu'elle n'articule tout son mépris au visage. La petite essuie encore, sans broncher cette fois. Sa victoire, elle la tient déjà, et comme toujours n'en retire aucune satisfaction... Le plaisir du combat déjà envolé face à la rigueur de ses conséquences. Pourtant, jamais combattant ne s'abaisserait à soigner l'ennemi, eut égard au respect qu'il se doit à lui même et à celui qu'il doit à son adversaire, trop mortifié qu'il se trouverait de survivre par la mansuétude de l'être qui l'a perdu. L'attroupement se recréait déjà à l'entrée de la chambre, têtes curieuses empilées en farandoles pour ne pas perdre une miette de ce répugnant spectacle de déchéance. D'un coup de pied, la réformée leur claque la porte au nez, demeurant seule avec la blessée.
Lentement, sa respiration reprit un cours normal, tout à fait apaisé alors qu'elle se penchait vers la Corléone, sa longue tresse se déposant comme une parure contre sa gorge alors que leurs visage se rapprochaient.


Si tu survis... Et contre son oreille, un murmure. Je m'appelle Matalena Ladivèze.

Plus qu'un nom : la garantie qu'elle pourrait la retrouver.
Les paupières de la femme se refermèrent sur ses yeux de nuit tandis que s'éloignait le martèlement des pas de la Languedocienne. Par malice ou par défiance, nul ne viendrait troubler son sommeil. Qu'il fut temporaire. Qu'il fut éternel.

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« Le sang s'hérite et la vertu s'acquiert, et la vertu vaut par elle seule ce que le sang ne peut valoir. »
Miguel de Cervantès

Sadnezz
Matalena Ladiveze. L'a-t-elle entendue avant de sombrer dans le début d'un long calvaire? Nul ne le sait. Le corps profané de l'italienne offre encore quelques saignées sombres aux moutons du sol, et bien que la blessure ne l'ait pas achevée ni enlevée sur le coup, il eût certainement été préférable qu'elle le fasse. Que s'est-il passé ensuite... Après les regards sur sa presque dépouille, après les coups de bottes sur sa pauvre masse inerte, les humiliations crachées a même la peau? Quelques passages près d'elles, quelques curiosités malsaines à voir crever une ombre... Qui sait. Pas elle en tout cas.

Latente, la part consciente d'elle même s'est enterrée sous la souffrance. Ils l'ont peut-être jetée au hasard de la rue ou directement dans le charnier. Peut-être est-elle tombée plus bas que ce qu'elle pouvait imaginer, au bon vouloir de ces cloportes consanguins... La fièvre vint, on ne sait a quel moment. Mais elle vint ravager son esprit, convulser son corps abimé. La chair mutilée de son dos lui sembla s'enflammer, la sueur sale coulant dans les bras de cette croix cicatrisée de tant de nuits sans pouvoir s'y appuyer. Une croix pour leur rappeler qu'ils n'étaient que des hommes, une croix pour leur rappeler leur folie. Celle de celui qui, un soir de démence, l'avait ainsi marquée comme une bête. Le feu dans ses veines fit longtemps suffoquer la Corleone, même nue la fournaise n'aurait su s'apaiser. Infection, cette impie l'avait souillée. Elle délira longtemps sous l'emprise de cette chaleur infernale, jusqu'à Baile.

Sans trop savoir comment elle fût ramenée elle revint à son plus grand péché, peut-être était-ce elle qui lui avait écrit, peut-être pas. Sur le déclin, Corleone perdait l'esprit, a défaut d'absences ce sont des crises de folie qui ébranlaient son être... Infecté. Rebaile pansa, Rebaile écouta ses mensonges, pour ces derniers instants avant la fin. Bientôt.

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La tolérance n'existait PAS au M.A / Je ne débats pas, je ne tergiverse pas; je joue.
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