Terwagne_mericourt
[Perdue dieu sait où en Champagne, le 24 août 1459 :]
Une île, entre le ciel et l'eau
Une île sans hommes ni bateaux
Inculte, un peu comme une insulte
Sauvage, sans espoir de voyage
Une île, une île, entre le ciel et l'eau
Ce serait là, face à la mer immense
Là, sans espoir d'espérance
Tout seul face à ma destinée
Plus seul qu'au cur d'une forêt
Ce serait là, dans ma propre défaite
Tout seul sans espoir de conquête
Que je saurais enfin pourquoi
Je t'ai quittée, moi qui n'aime que toi.
(Serge Lama)
Perdue?
Oui, perdue!
Perdue... Totalement perdue...
Aucun adjectif n'aurait pu mieux la définir en cet instant, pas plus que la veille, pas plus que depuis des lustres.
Un rire nerveux la prit, alors qu'elle se faisait la réflexion que quelques jours plus tôt à peine elle s'était affreusement trompée en affirmant ne pas pouvoir se sentir plus perdue que ce qu'elle ne l'était à cet instant là. Perdue dans cette ville de Sainte Ménéhould où elle ne connaissait réellement personne à part cet homme qui... cet homme qu'elle avait choisi de laisser à une autre, où elle commençait à peine à reconnaître certains visages, certains noms, où elle n'avait aucun repère, où personne ne la connaissait vraiment sauf ce même homme, où elle n'était après tout qu'une étrangère sur le point de s'installer, où elle essayait tant bien que mal de se reconstruire entre deux séjours dans un couvent.
Elle ne pouvait pas se sentir plus perdue que cela?
Tout faux !!!!
Là elle l'était bien plus!
Les joues noyées de larmes, elle jeta au loin la carte qui quelques secondes plus tôt à peine était le centre de son attention.
A quoi bon?!
A quoi bon tenter de quitter la Champagne avant la fin du délai imparti? A quoi bon tout mettre en oeuvre pour éviter de se faire tuer par des armées ayant épousé le mode "faucheuse" comme disent les militaires dans leur jargon?
A quoi bon se battre pour survivre quand la mort est sans doute la solution à tout? Quand le sommeil éternel reste votre seule planche de salut?
Elle ne savait plus!
Fermant les yeux, elle repassa dans sa mémoire les évènements de la veille...
D'abord, il y avait eu la sortie du monastère, avec l'envie folle de se rendre en taverne pour savoir si Aimelin était toujours en ville, si il allait bien, si son silence des derniers temps n'était dû qu'à un manque de temps, mais plus encore le besoin de rejoindre sa chambre d'auberge pour voir si aucune lettre inespérée de Kernos ne l'y attendait.
C'est d'ailleurs sous la porte de cette chambre qu'elle avait trouvé une toute autre missive, une missive lui intimant l'ordre de quitter le territoire de la Champagne...
Quitter la Champagne avant le surlendemain? Mais c'était impossible! Elle était bien trop loin de la première frontière en dehors du domaine royal! Il lui faudrait au moins trois jours pour exécuter l'ordre! Et puis elle ne connaissait personne pour l'accompagner, pour la soutenir, pour la guider!
La main tremblante, elle avait adressé un courrier à qui de droit, Dame Hersent, un courrier rempli de sa détresse, et teinté d'idées noires.
Une île, entre le ciel et l'eau
Une île sans hommes ni bateaux
Inculte, un peu comme une insulte
Sauvage, sans espoir de voyage
Une île, une île, entre le ciel et l'eau
Ce serait là, face à la mer immense
Là, sans espoir d'espérance
Tout seul face à ma destinée
Plus seul qu'au cur d'une forêt
Ce serait là, dans ma propre défaite
Tout seul sans espoir de conquête
Que je saurais enfin pourquoi
Je t'ai quittée, moi qui n'aime que toi.
(Serge Lama)
Perdue?
Oui, perdue!
Perdue... Totalement perdue...
Aucun adjectif n'aurait pu mieux la définir en cet instant, pas plus que la veille, pas plus que depuis des lustres.
Un rire nerveux la prit, alors qu'elle se faisait la réflexion que quelques jours plus tôt à peine elle s'était affreusement trompée en affirmant ne pas pouvoir se sentir plus perdue que ce qu'elle ne l'était à cet instant là. Perdue dans cette ville de Sainte Ménéhould où elle ne connaissait réellement personne à part cet homme qui... cet homme qu'elle avait choisi de laisser à une autre, où elle commençait à peine à reconnaître certains visages, certains noms, où elle n'avait aucun repère, où personne ne la connaissait vraiment sauf ce même homme, où elle n'était après tout qu'une étrangère sur le point de s'installer, où elle essayait tant bien que mal de se reconstruire entre deux séjours dans un couvent.
Elle ne pouvait pas se sentir plus perdue que cela?
Tout faux !!!!
Là elle l'était bien plus!
Les joues noyées de larmes, elle jeta au loin la carte qui quelques secondes plus tôt à peine était le centre de son attention.
A quoi bon?!
A quoi bon tenter de quitter la Champagne avant la fin du délai imparti? A quoi bon tout mettre en oeuvre pour éviter de se faire tuer par des armées ayant épousé le mode "faucheuse" comme disent les militaires dans leur jargon?
A quoi bon se battre pour survivre quand la mort est sans doute la solution à tout? Quand le sommeil éternel reste votre seule planche de salut?
Elle ne savait plus!
Fermant les yeux, elle repassa dans sa mémoire les évènements de la veille...
D'abord, il y avait eu la sortie du monastère, avec l'envie folle de se rendre en taverne pour savoir si Aimelin était toujours en ville, si il allait bien, si son silence des derniers temps n'était dû qu'à un manque de temps, mais plus encore le besoin de rejoindre sa chambre d'auberge pour voir si aucune lettre inespérée de Kernos ne l'y attendait.
C'est d'ailleurs sous la porte de cette chambre qu'elle avait trouvé une toute autre missive, une missive lui intimant l'ordre de quitter le territoire de la Champagne...
Quitter la Champagne avant le surlendemain? Mais c'était impossible! Elle était bien trop loin de la première frontière en dehors du domaine royal! Il lui faudrait au moins trois jours pour exécuter l'ordre! Et puis elle ne connaissait personne pour l'accompagner, pour la soutenir, pour la guider!
La main tremblante, elle avait adressé un courrier à qui de droit, Dame Hersent, un courrier rempli de sa détresse, et teinté d'idées noires.
Citation:
Mes respects,
C'est d'une main tremblante que je prends la plume pour vous écrire ces quelques mots, une main tétanisée par la peur....
Je suis sortie de retraite il y a une petite heure à peine, et ai trouvé sous ma porte une missive du douanier de Sainte Ménéhould, le sieur Nono18, me donnant pour consigne de quitter la Champagne avant le 25 août, soit dans deux jours, et m'expliquant qu'avant mon départ je devais vous demander un laisser-passer.
Ma lettre a donc pour but de vous demander ce laisser-passer, et ce afin que je fasse le maximum pour sortir le plus rapidement possible de votre duché.
Là où je me sens perdue, c'est que... Me trouvant à Saint Ménéhould, je ne peux pas avoir franchi les frontières me faisant sortir du domaine royal dans le délai imparti... La Bourgogne, et Tonnerre, se trouvant à trois jours de marche...
Pouvez-vous me confirmer que je puisse bien entreprendre ce voyage et me rendre à Tonnerre sans risquer de me voir mise en procès ou pire encore la cible de vos armées?
Dans tous les cas, c'est plus le déshonneur d'une telle fin que la mort en elle-même que je crains, puisque dans tous les cas ma santé étant de plus très très faible - raison de ma retraite spirituelle - et ne connaissant personne pour m'accompagner, ni même me protéger, je ne crois pas survivre à ce voyage...
Si d'aventure l'on retrouvait ma dépouille sur vos routes, auriez-vous l'obligeance de prévenir le sieur Kernos Rouvray, en Lyonnais-Dauphiné. Il est sans doute le seul à qui j'ai envie de dire "adieu".
J'attends votre accord avant de prendre la route...
Bien à vous.
Terwagne Méricourt,
Vicomtesse d'Orpierre
Présidente de la Cour d'Appel Royale
C'est d'une main tremblante que je prends la plume pour vous écrire ces quelques mots, une main tétanisée par la peur....
Je suis sortie de retraite il y a une petite heure à peine, et ai trouvé sous ma porte une missive du douanier de Sainte Ménéhould, le sieur Nono18, me donnant pour consigne de quitter la Champagne avant le 25 août, soit dans deux jours, et m'expliquant qu'avant mon départ je devais vous demander un laisser-passer.
Ma lettre a donc pour but de vous demander ce laisser-passer, et ce afin que je fasse le maximum pour sortir le plus rapidement possible de votre duché.
Là où je me sens perdue, c'est que... Me trouvant à Saint Ménéhould, je ne peux pas avoir franchi les frontières me faisant sortir du domaine royal dans le délai imparti... La Bourgogne, et Tonnerre, se trouvant à trois jours de marche...
Pouvez-vous me confirmer que je puisse bien entreprendre ce voyage et me rendre à Tonnerre sans risquer de me voir mise en procès ou pire encore la cible de vos armées?
Dans tous les cas, c'est plus le déshonneur d'une telle fin que la mort en elle-même que je crains, puisque dans tous les cas ma santé étant de plus très très faible - raison de ma retraite spirituelle - et ne connaissant personne pour m'accompagner, ni même me protéger, je ne crois pas survivre à ce voyage...
Si d'aventure l'on retrouvait ma dépouille sur vos routes, auriez-vous l'obligeance de prévenir le sieur Kernos Rouvray, en Lyonnais-Dauphiné. Il est sans doute le seul à qui j'ai envie de dire "adieu".
J'attends votre accord avant de prendre la route...
Bien à vous.
Terwagne Méricourt,
Vicomtesse d'Orpierre
Présidente de la Cour d'Appel Royale
La réponse n'avait pas tardé.
Une autorisation de laisser-passer, et une promesse de prévenir Kernos si jamais...
Alors, toujours tremblante, elle avait pris la route, immédiatement, sans se retourner, sans même passer en taverne pour dire au revoir aux visages croisés les derniers temps, craignant trop de ne plus être capable de cacher sa détresse à qui que ce soit.
En quittant la ville, elle s'était malgré tout arrêtée devant le panneau d'affichage des annonces ducales, et était restée perplexe... On y parlait de la nécessité d'obtenir un laisser-passer pour franchir les frontières, mais nullement d'une obligation de quitter le territoire.
Etrange...
Avait-elle mal compris le courrier, ou plutôt les courriers?
Aurait-elle du demander plutôt une autorisation de rester en Champagne?
Il était de toute façon trop tard pour se renseigner, ses bagages étaient faits, sa note d'auberge réglée... Elle franchit donc sans plus tarder les portes de la ville, emmitouflée dans sa solitude et son désespoir, certaine que le premier visage qu'elle croiserait sur sa route serait celui de sa délivrance, celui de la mort.
Une nuit et une journée s'étaient écoulées sans qu'elle la croise, une nuit et une journée qui l'avaient menée au pied de cet arbre où elle ne savait plus si elle devait avancer vers la droite ou vers la gauche, où elle ne parvenait même plus à repérer sur cette satanée carte où elle se trouvait au juste.
Et là, aussi incroyable que cela puisse paraitre, alors qu'elle-même n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait, un messager parvint à la trouver! Un messager lui délivrant une missive signée Aimelin...
Il n'en fallut pas plus pour faire redoubler ses larmes, ni pour la plonger à nouveau en plein doute.
Devait-elle réellement quitter la Champagne et risquer sa vie, ou existait-il une possibilité d'obtenir un droit de séjour?
Un droit servant à quoi, au juste?
A prolonger son agonie?
A renouveler le bail qu'elle avait passé avec la vie il y avait de cela bien trop longtemps déjà?
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