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[RP] La plume et le Vélin

Cevanne
Il y avait Severin et il y avait l'attente.
Il y avait l'angoisse et il y avait le regret.
Davia ne lui aurait elle donc pas pardonné ? C'est ce qu'il pensa alors qu'il ne recevait plus les nouvelles à présent tant attendues.
Et il y avait cette lettre.
Ce n'est pas celle qu'il attendait, mais en la décachetant le renart était fébrile.
La lueur de ses yeux perdit en intensité alors qu'il découvrait l'écriture et la signature inconnue.
Dans un soupir il se laissa tomber dans un fauteuil pour enfin parcourir de son regard métallique la lettre et à mesure qu'il lisait son coeur se serrait.

Il buta sur les mots qui lui annoncaient la mort de sa soeur... Oderay... Kiss... Morts. Il avait échoué dans son rôle de frere, il l'avait abandonnée et n'était pas la alors qu'elle se faisait assasiner...
La machoire serrée, retenant le flot d'émotion qui le parcourait lui faisant serrer le poing, il rassembla ses forces pour lire le reste de la lettre.
Gabriel était en vie. Une part de sa soeur avait survécu, le renardeau s'en était sorti...
En se remémorant le visage de l'enfant qu'il avait laissé poupon, le renard eut un frisson violent abandonnant le vélin pour se lever brusquement.
Sa respiration se fit lourde saccadée alors que dans son esprit les mots hurlaient leur affreuse vérité.
Oderay était morte...
Il ne put retenir les larmes qui envahirent son visage émacié alors qu'il donnait un coup violent dans le bois du secretaire dont il venait de renverser les parchemins laissant l'encrier exploser en une tache noire sur la tapisserie de la chambre froide du chateau breton.


Maturin !

C'est d'une voix suppliante mais ferme qu'il appelait son valet.

Maturin !

Soudain l'air lui manqua, et s'elançant vers la fenetre de la chambre il defit le col de sa chemise qui lui sembla soudainement trop serré.

- Ode... Ode n'est plus, ma soeur est morte et je n'étais pas là... je n'ai jamais été là!

Si le renart s'etait retourné il aurait vu la detresse dans le regard du valet qui affectionnait particulierement la renarde.
Pourtant celui ci trouva la force dans sa douleur de s'occuper de son maitre, lui apportant un verre de liqueur avant de le faire s'asseoir.

Quand le renart eut retrouvé ses esprits, le coeur lacéré de chagrin, il dicta au valet les lettres qui devaient partir immédiatement.


Citation:

A soeur Thérèse
Orphelinat sainte Lucille
normandie

Ma soeur,

C'est le cœur accablé de tristesse que je vous répond.
Je vous remercie des efforts que vous avez fait afin de me mettre au courant du décès de ma sœur ainsi que de mon beau frère.
Si je pleure cette perte terrible qui me touche, je loue le très haut d'avoir accordé miséricorde a mon neveu.
Je n'ose imaginer le traumatisme du pauvre enfant, et ce serait fuir ma responsabilité que de l'abandonner a vos soins quand bien même je sais qu'il ne manque de rien entre vos mains.
Je n'ai pas su être le meilleur des frères pour ma défunte sœur, je peux encore être un oncle a la hauteur.
Je prendrais route au plus tôt pour la Normandie.
Recevez toute ma gratitude.

Severin de Volvent


Une fois la lettre signée il enchaina sur une lettre du seul membre de sa famille qui avait une place aussi importante que celle d'Ode.

Citation:
A Della D'Amahir Euphor De la Mirandole
A ma cousine,

Ma chère Della,

J'espere ma chere cousine que vous ne m'en voulez pas de si peu vous donner de nouvelles.
Comme vous le savez je suis actuellement en Bretagne ou j'ai pris fonction de precepteur au service de la Duchesse Lallie Ap Maelweg.
Mais chère cousine, l'objet de ma lettre n'est pas celui la.
J'ai la lourde charge de vous informer du décès de ma soeur Oderay de Volvent ainsi que de son époux Oromis Eldunaris dit Kiss tous deux assasinés par des brigands de grand chemins.
Le tres haut dans sa miséricorde a épargné le jeune Gabriel que je m'en vais chercher a l'orphelinat Sainte Lucille dans lequel il a trouvé refuge.
Il m'est difficile ma chère Della de réaliser que ma soeur nous ait quitté.
Si je n'ai pas pu etre présent pour elle, je souhaite l'etre pour Gabriel.

Pardonnez moi de vous accabler a nouvau, j'ai oui les nouvelles du décès de la reine de France que je sais votre bonne amie, recevez mes condoléances et ma compassion.

Je vous donnerai des nouvelles des mon arrivée en Normandie. Je commanderai un office funéraire pour Ode et Kiss, puissent ils reposer en paix.

Qu'Aristore vous garde.

Severin de Volvent.


Les lettres envoyées, le renart demandera audience aupres de sa duchesse pour prendre une permission. Celle de se rendre immediatement en Normandie.
_________________
Davia_corsu
[En mission]

Elle ne savait pas. Elle ne pouvait pas savoir ce qui se tramait autour du mélancolique, ni quel drame il devait traversé. Elle avait reçu sa lettre, l'avait lue, relue, relue encore et encore, jusqu'à s'endormir épuisée le vélin entre ses doigts fins. Elle avait du se faire violence pour ne pas répondre, parce qu'elle n'avait pas le temps, qu'elle devait prendre la route, rejoindre ses soeurs qui la mandaient.

La brune tourangelle avait donc glissé le fin parchemin sur son coeur et fait route vers le Maine et vers la Touraine, abandonnant son meilleur ami et leurs pérégrinations pour ce qu'elle redoutait le plus et qui, pourtant, la faisait vivre. La guerre. Elle se rongeait les sangs pour la Touraine, pour les nouvelles qui lui arrivaient chaque jour et même si elle brûlait de rejoindre Volvent, la Corsu se hâtait vers son devoir. Elle n'avait même pas eu le temps de pleurer la mort de sa Reyne, elle avait juste grandit.

Presque arrivée à destination, seule puisqu'elle avait renvoyé Beet, sa chère nourrice, auprès de sa mère pour qu'elle n'aie pas à souffrir des maux engendrés par la guerre, elle avait relu une nouvelle fois la lettre de Séverin, se rappelant parfaitement ce qu'elle avait ressenti lorsqu'elle l'avait reçu.

Le coeur battant, les mains tremblantes, les joues empourprées et cette peur qu'il ne veuille plus la voir, qu'elle ne l'agace avec ses missives, ses questions, ses états d'âme. Et pourtant, il lui disait qu'il souhaitait qu'elle lui réécrive et, ce soir, enfin, elle pouvait se permettre le luxe de prendre du temps pour elle, et pour lui.


Citation:
A Séverin Anatole de Volvent, mon ami,
De Davia Corsu de Villandry

Mon très cher Séverin,

Quelle joie j'ai eu à relire votre écriture. Je crois que j'ai un faible pour elle et que je ne pourrais souffrir qu'à nouveau vous dictiez vos missives!

Pardonnez mon long silence, je suis en mission et je rejoins mes soeurs blanches pour de nouvelles aventures ce qui me laisse peu de temps pour rédiger des missives, même une seule, et même si pour moi, elle est de grande importance.

Mais avant toute choses, allez-vous bien? La Bretagne est vivifiante dites-vous, alors vous y êtes heureux? Les gens pour qui vous travaillez sont aimables?

Pourquoi la guerre gronde-t-elle toujours, la Reyne est morte et je dois encore me battre pour la couronne alors que je voudrais être auprès de vous, que vous me fassiez découvrir cette terre de mystère et de légendes.

Ma tête bouillonne entre mon ordre, mon devoir envers la couronne, mon duché, ma famille. Je voudrais pouvoir oublier tout ça et chevaucher à bride abattue, vous retrouver et goûter l'air de la mer.

Pourtant il n'en est rien. Je suis en Maine, après une route effrénée, et je ne sais ce que demain sera. Combattre? Perdre la vie ou l'enlever. La mort de la Reyne n'a fait que ranimer mes doutes quand à mon engagement chez les Dames Blanches. Certes, je voue à mes soeurs une loyauté et un soutien certain mais le royaume n'a qu'une tête fébrile et je redoute la nomination du futur roy, ou de la future reyne. Que faire lorsque vous n'êtes pas en adéquation avec celui ou celle à qui vous avez juré fidélité? Le savez-vous, vous qui êtes pétri de connaissance?

Mais je dois vous lasser avec toutes mes questions! Le Mans est désert et je m'y ennuie fermement, j'ai d'ailleurs appris que mon ancien fiancé s'y trouvait. Etonnement, je sais que je ne le croiserai pas. Je ne le pensais pas couard. Les hommes seraient-ils à ce point là dépourvus de courage en matière de sentiments? J'ai encore beaucoup à apprendre, il me semble, pour faire moins d'erreurs.

Ecrivez-moi, je vous en prie. Je me languis de vos nouvelles. J'ai beau vous imaginer au coeur de cette terre barbare à dispenser un peu de sagesse, ce n'est pas suffisant pour alimenter mon imagination et mes instants de solitude.

Je vous porte dans mon coeur, mon ami, que le Très-Haut vous garde et qu'Aristote veille sur vous et sur les vôtres.

Toute mon affection.

Davia


Elle fixa l'encore sur le vélin avant de le laisser s'envoler vers son destinataire. Demain était un autre jour. Une nouvelle aube se lèverait, mais vers quel avenir? Quels combats faudrait-il encore mener?

Elle souffla sur la chandelle. Elle s'endormirait sûrement en rêvant encore au mélancolique renard rencontré à la Saincte Chapelle, même s'il ne lui restait que quelques heures pour se reposer.

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Blanche un jour, blanche toujours
Cevanne
Le renart n'avait pas encore pris connaissance de la lettre de Davia.
Il se trouvait encore en Normandie ou il réglait les détails relatifs a la mort de sa chère sœur.
Pour l'heure sa préoccupation majeure concernait l'enfant.
C'est pourquoi il avait pris ses quartiers dans une auberge non loin de l'orphelinat.
La nuit, a la lueur d'une flamme vacillante, le renart passa de sa chambre a celle ou dormait auprès de Maturin l'enfant dont il avait a présent la charge. Doucement, une main tendre passa sur le front de l'enfant qui respirait doucement.
Il fallait prendre une décision et rapidement.
Son cœur vacillait entre deux solutions.
Aussi, regagnant sa chambre il s'assit pour écrire.


Citation:
A Lallie Ap Maelweg
Duchesse D'Ouessant
Chateau de Kergroades

Votre grandeur,

Je me permet de vous écrire ces quelques mots afin de solliciter une faveur. Comme vous le savez je porte le deuil de ma sœur et de son époux.
Aristote dans sa miséricorde a épargné mon neveu dont j'ai à présent la garde.
Aussi je souhaiterai que l'enfant puisse demeurer a mes côtés en votre château et sous votre protection.
Si votre réponse advenait à être négative, je le comprendrai et vous demanderai la permission de prolonger mon congé, le temps de prendre les dispositions nécessaires.

Recevez mes salutations respectueuses.

Severin A. de Volvent.


Citation:
A Della de la Mirandole d'Amahir Euphor
A ma cousine,

Très chère Della, c'est le cœur lourd et torturé par le doute que je prend a nouveau la plume pour vous ecrire.

Pardonnez moi par avance de vous importuner, mais a l'heure ou j'ecris je dois prendre une décision en ce qui concerne l'avenir de Gabriel.
Della je n'ose vous conter ce que j'ai découvert en venant en Normandie.
Mon pauvre neveu garde les séquelles tant physiques que morales des circonstances dramatiques de la mort de ses parents.

De plus Della, les religieux qui ont trouvé les dépouilles mortelles ont commis la méprise d'enterrer ma tres chère soeur en dehors de tout sacrement et tout rite aristotélicien.
Je ne vous laisse qu'imaginer la detresse qui fut la mienne.

J'ai depuis fait le nécéssaire pour que l'âme d'Oderay puisse rejoindre le très haut dans l'absolution des péchés qui furent les siens.
Gabriel est aupres de moi, je prie tous les jours pour que son coeur innocent oublie la souffrance qu'il a enduré en etant le témoin de la mort de ses parents.

J'ai écrit a ma duchesse afin de lui demander l'autorisation de faire venir l'enfant auprès de moi, mais j'ai de grands doutes quand à la pertinence de ce choix.
Je ne sais si c'est la la vie qui convient a un si jeune enfant.
Je ne peux pas ne pas vous faire part de la pensée qui a été la mienne de confier a vos bons soins cet enfant que vous avez vu naitre. Peut être est ce la la meilleure chose qui pourrait lui arriver, un véritable foyer, une famille...

Mais Della ce ne sont la que des élucubrations . Je n'ai nulle autre personne avec qui partager ces lourds sentiments. Vous êtes à présent la seule sœur qu'il me reste. Comme j'aimerai égoïstement vous avoir a mes côtés en ces sombres heures. Je sais que vous avez un autre deuil a porter, une autre peine a combler et je vous souhaite tout le courage du monde.

J'espère que ces mots vous trouverons ainsi que votre époux remis et moins affectés. Recevez mes fraternelles salutations et qu'Aristote vous garde.

Severin.


Ceci fait le renart s'autorisa quelques heures d'un sommeil agité.
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Davia_corsu
Les jours s'étaient succédés aux jours, les nuits aux nuits et après quelques combats, une attente lancinante était née. Celle qui succède aux grands affrontements. Une attente qui ronge les sangs et qui met les nerfs à vifs.

Davia les avait justement très à vifs ses nerfs. Elle tentait de mener de front cette guerre qui semblait ne pas vouloir finir, son envie de paix, l'entente avec sa Capitaine qui était souvent houleuse, sa famille qui ne lui épargnait rien et pour couronner le tout, elle avait eu la bonne idée de s'inscrire aux ducales sur une liste pacifiste. Utopiste la tourangelle? Et pas qu'un peu!

Elle avait entre temps, retrouvé un vieil ami qu'elle aimait grandement et qui lui avait avoué son amour. Elle s'était vu en face des plus terribles doutes, accrus par cette terrible attente qui usait, jusqu'à la corde, jusqu'à ce que l'âme soit vide de toute substance: rongeante.

Dans cette spirale infernale, n'ayant aucune nouvelle de Séverin et finissant par être inquiète, elle décida de prendre sa plume et de lui écrire à nouveau. Etait-ce parce qu'elle pensait à lui, souvent, très souvent? Etait-ce parce que lorsqu'elle pensait à lui, il y avait un certain émoi qu'elle n'arrivait à réprimer? Etait-ce parce qu'elle était terriblement impatiente de le revoir à nouveau? Elle arrêta de penser, installée près d'une chandelle dans une auberge quasi vide, elle aligna parchemin, encre et plume.




Chinon, le17 août de l'an de grâce 1459

A Séverin Anatole de Volvent, mon ami de Bretagne,
De Davia Corsu de Villandry, Blanche en perdition.

Mon très cher Séverin,

Sans doute êtes-vous très occupé à votre fonction de précepteur et c'est donc avec joie que je reprends la plume pour vous écrire. Une envie qui me taraude dans cette guerre d'usure, où chacun n'en fait qu'à sa tête et où personne ne courbe l'échine.

Pour m'occuper, je me suis inscrite sur une liste pacifiste pour les ducales. Bien mal m'a prit car c'est la liste concurrente de celle de ma mère, elle n'est donc pas enchantée, et nombreux sont ceux qui me reprochent mes choix. Est-ce toujours si difficile d'être adulte, de faire des choix et de les assumer?

Cependant, le Très-Haut est bon, j'ai retrouvé un vieil ami avec qui je jouais enfant. Nous nous sommes beaucoup rapprochés, il est très gentil et très prévenant avec moi. Il dit qu'il m'aime... j'avoue être troublée, la relation que j'ai avec lui est tellement paisible et douce qu'elle diffère totalement de mon entente avec mon ancien fiancé. Je me demande ce qu'est l'amour au final... La passion, la fougue qui vous embrase et vous prend aux tripes, ou une douceur paisible? Peut-être qu'au fond, je ne sais ce que c'est... Ma mère prétend que je peux trouver meilleur parti... Ma mère, toujours si calculatrice... J'attends qu'elle me trouve un vieux nobles, riches pour me vendre en pâture! Qui sait, peut-être pour mes seize ans qui approchent!

Oh, j'ai rencontré des gens de vostre famille! Godefroy et Lison de Volvent. Ils sont très gentils bien que je les connaisse peu, cela fait peu de temps qu'ils sont installés en Touraine. Ils n'ont pas l'air de bien vous connaître et ils étaient très intrigués que je parle de vous!

J'ai aussi été promue Lieutenante au sein de mon ordre, c'est une tâche lourde de responsabilités et je ne sais si j'en serai digne. D'autant que ma Capitaine est très exigeante et qu'elle n'est pas facile à satisfaire.

Mais je dois vous fatiguer avec mes états d'âmes, vous qui êtes si sérieux et si silencieux. Je ne sais pourquoi je me confie à vous ainsi, la distance peut-être? On dit qu'elle dénoue les liens, peut-être dénoue-t-elle les plumes aussi?

Séverin, vos lettres me manquent, j'avoue... J'attends de vos nouvelles avec tant d'impatience, mais je sais que vous avez votre vie et que je suis loin de vous. Sans compter sur cette guerre qui s'éternise et qui m'empêche de venir vous rejoindre... J'espère que notre nouvelle Reyne prendra de sages décisions et nous ordonnera d'aller mettre le Ponant hors d'état de nuire pour de bon!

Comment allez-vous? Comment se passent vos cours? Parlez-moi de la famille chez qui vous vous trouvez? Et votre famille? Votre cousine? Votre soeur? Comment vont-elles?

Quand vous aurez du temps, donnez-moi de vos nouvelles, il me tarde tant de vous lire, mais n'ayez crainte, je saurai être patiente!

Prenez soin de vous mon ami, que le Très-Haut veille sur vous.

Avec toute mon amitié.

Davia


Elle n'osa pas relire ses lignes, redoutant d'avoir envie de déchirer le vélin. Elle souffla sur le fin parchemin, puis plia consciencieusement le pli, fit couler un peu de cire carmine et la cacheta du sceau des Corsu. Elle lui avait caché ses doutes quand à sa vocation de Blanche, quand à son avenir en Touraine, sa missive était bien assez longue ainsi.

Ses yeux se posèrent sur la colombe qu'elle avait acquise depuis peu. Elle l'avait trouvé très belle et n'avait pu résister à l'envie de l'avoir auprès d'elle. Davia la prit dans ses mains et la caressa doucement, lui susurrant des mots doux. Elle attacha le vélin plié à sa patte et ouvrit la fenêtre de la salle où elle se trouvait.


Vole maintenant, Borée, et reviens moi vite...

Les yeux rivés sur le volatile, elle ne quitta la fenêtre que lorsqu'il eut disparu.
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Blanche un jour, blanche toujours
Cevanne
Le renart avait pris connaissance de la première lettre de Davia, celle envoyée alors qu'il enterrait sa sœur en Normandie.
Il l'avait lue comme une bouffée de fraicheur alors qu'il traversait un cap difficile.
Gabriel était installé avec lui. Il savait l'enfant fragile et le gardait auprès de lui. Cette proximité l'aurait dérangé s'il s'était agi d'un étranger, mais l'enfant était de son sang, de la chair de sa sœur et il était de son devoir de le protéger de ses peurs le temps qu'il faudrait pour qu'il se remette.

Il n'avait pas eu le loisir de l'attente, il s'apprêtait a donner de ses nouvelles a Davia quand il reçut la seconde missive.
Un pale sourire illumina le visage amaigri . Puis très sérieusement il parcourut les mots.
Il soupira quand le dernier s'offrit a son regard.
Un passage en particulier retint son attention aussi le relut il.
Elle n'était pas seule...
Son regard parcourut mélancoliquement la pièce et fia l'enfant qui dormait.
Lui non plus, mais ce n'était pas tout a fait la même chose.
Elle posait tant de questions, semblait tourmentée de doutes, mais était il celui qui saurait lui apporter des réponses ?

Il était loin d'avoir eu une adolescence normale certes plus religieuse que militaire, plus portée sur l'apprentissage que sur la politique et sur le plan de l'amour.. Il s'était tout simplement embrasé au point d'y laisser trop de lui même.
Non assurément il ne saurait la conseiller...
Pourquoi se confiait elle a lui ? Elle n'avait pourtant plus besoin de lui a présent qu'elle avait un soupirant...
C'est un renard rongé d'un sentiment difficilement identifiable qui repoussa la lettre pour fixer les flammes de l'atre une coupe de vin a la main.

De longues heures passèrent sans que le bourguignon ne trouve le sommeil.
Fatigué sans etre serein, il luttait contre lui même.
A bout, il s'assit a sa table et la main tremblante il écrivit.

Citation:

A Davia Corsu de Villandry
Chère Amie,

Je vous prie de pardonner le peu de soin avec lequel sont couchés les mots. Il est tard, je ne puis trouver le sommeil, et je pense a vous.
Pardonnez le silence qui a été le mien ces derniers jours. Votre avant dernière lettre est arrivée alors que je me trouvais hors de Bretagne.
En effet chère amie je reviens tout juste de Normandie ou j'ai enterré ma sœur.
Ma chère Oderay a trouvé la mort des suites d'une attaque de brigands. Inutile alors de vous dire le désarroi qui est le mien alors que je n'ai pas été auprès d'elle pour la protéger elle et son époux.
Ma cousine Della quand a elle porte le deuil de sa majesté la reine Béatritz qui était pour elle une amie intime.

Mais je ne souhaite vous ennuyer avec de si tristes choses, vous qui êtes si joviale, si pétillante et beaucoup trop jeune pour vous accabler de maux.

Je vous félicite pour votre promotion et votre accession au conseil ducal. Ce sont la de grands accomplissements dont vous devez être fière. Je vous admire Davia, je n'ai a mon actif aucun fait aussi remarquable.
Ne craignez pas de vous affirmer et de vous laisser porter par vos choix.
Nos parents sont de précieux soutiens, leurs conseils sont empreints d'une expérience que nous ne possédons pas, mais lorsque le chemin qu'ils tracent ne correspond pas, alors il faut trouver la force et le courage de s'en libérer.
Je ne doute pas que vous ayez ce courage Davia, ne faites pas les mêmes erreurs qu'un certain renart, il peut être violent de se découvrir en porte a faux avec soi même et douloureux de se trouver seul, éperdu, et perdu sur les chemins de la vie.

Mais déjà vous n'êtes plus seule et sans doute le méritez vous, vous qui par votre caractère savez vous faire des amis de solitaires comme moi. J'ose simplement espérer que vous ne serez couverte que de félicité et que cet... ami, saura prendre soin de vous et ménager vos sentiments.
Chère Davia, je ne saurai etre qu'un bien mauvais conseiller sur cette question aussi en resterai je a ces quelques voeux.

Je perçois que vous traversez une période de doutes et de questionnement mais je ne puis vous offrir de réponses.
Remettez vous en a Dieu, priez et laissez le guider votre chemin.

La Bretagne est parcourue d'armées et il s'augure de bien sombres heures pour le royaume. Je pense que si conflit il y a vous y surement mêlée. Cela m'attriste, mais qu'y puis je ? Qui suis je , pauvre bourguignon exilé en terre de Bretagne ?
Je vous accompagnerai de mes prières, de mes vœux et du désir de vous... revoir... bientôt ?

Transmettez mes salutations a mon cousin et son épouse. Godefroy et moi nous sommes peu côtoyés, je suis plus proche de sa soeur Della avec qui il est en rupture et qui est a présent ma plus proche parente.

A présent le sommeil me gagne. Je crains de devenir peu lisible si je n'arrête pas la les pérégrinations de mon esprit fatigué.
Prenez soin de vous Davia, et que le tres haut vous protège.

Severin.


Si la lettre était longue, elle eut pu l'etre encore plus si le renart avait su se confier complétement .
Il n'avait pas mentionné Gabriel et ses nouvelles responsabilités de père de substitution, il n'avait pas mentionné la douleur de l'enterrement de sa sœur et la culpabilité qui le rongeait tous les jours un peu plus.
Il n'avait pas parlé de son expérience désastreuse de l'amour et du pincement au cœur qu'il avait eu en lisant qu'elle avait un ami qui l'aimait. Il avait tu sa déception a l'idée qu'il ne la reverrait peut etre pas aussi tôt qu'il l'avait imaginé...
Au final sa lettre ne reflétait en rien ses états d'Âme a lui, pourtant jamais il ne fut si près par l'envie de se confier a quelqu'un d'autre qu'un prêtre...

L'aube pointait, le bourguignon se leva et laissa a même le secrétaire la lettre qu'il enverrait quelques heures plus tard, apres être passé a confesse une fois l'office matinal célebré.

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Davia_corsu
[Guerre, guerre, vente vent*]

Encore une fois, la nuit avait été longue et, au petit matin, après une veille harassante, la jeune blanche avait rejoint sa tente. L'armée avait fini sa ronde. Rien ne s'était passé et la jeune fille était soulagée.

Installée à une table d'infortune, ses doigts tapotant nerveusement le vélin, elle songeait. La guerre était d'usure et elle avait de plus en plus l'impression que tout partait à vau-l'eau. Pire que tout, elle se sentait salie, dans son honneur, depuis la trahison d'un des membres de leur liste ducale, et elle savait pertinemment que c'était de sa faute. Elle aurait du être plus attentive, elle aurait du s'en rendre compte. Amer était le sel sur ses joues. Trop de ses amis, de sa famille étaient tombés... pour rien.

Dans tout ce cataclysme destructeur, une seule chose lui avait donné du baume au coeur. Elle avait reçu des nouvelles tant attendues. La lettre avait été lue, le coeur battant, puis glissée dans son corsage, près de son coeur. Elle était certaine que la missive la protégerait pendant l'assaut.

L'assaut avait eu lieu, et elle s'en était tirée, indemne. Sa seule culpabilité était de trop penser à quelqu'un qu'elle tentait de ne voir que comme un simple ami, alors même que Jérémie s'en était allé guerroyer avec l'armée d'Oserey.

Le jour pointait et la flamme de la chandelle était vacillante. Mais elle n'y tenait plus. Elle ne pouvait attendre, elle voulait tant lui écrire à nouveau. Avec patience, réfrénant son ardeur, elle trempa la plume dans l'encrier et lentement, traça les mots.




Chinon, le vingt neuf du mois d'août de l'an de grâce quatorze cent cinquante neuf.

A Séverin Anatole de Volvent.

Mon très cher ami,

Comme toujours, quelle bonheur de vous lire et pourtant, votre missive me plonge dans le désarroi. Votre coeur saigne et je ne suis même pas auprès de vous pour tenter d'adoucir votre peine. Présomptueuse que je suis, malheureusement, je suis bien impuissante à soulager les maux de ceux que j'aime. Mon cher Séverin, ne vous découragez pas, le Très-Haut bon et il sait combien vous avez mal. Comme je suis désolée de ce qui vous arrive. J'ai perdu, il y a quelques mois ma marraine blanche et, même si elle n'était pas ma soeur de sang, je l'aimais de tout mon coeur. Je pense comprendre le chagrin que vous devez connaître et ne puis vous dire qu'une seule chose: je pense à vous, beaucoup, je prie pour vous, beaucoup.

Ici, la guerre continue et elle n'est pas jolie, croyez-moi. Mon accession au conseil ducal fut de courte durée. Un traître s'était glissé dans notre liste, par sa faute, nos troupes ont rudement soufferts, beaucoup des nôtres sont tombés. J'aurais voulu être blessée à la place de mes amis, de mes soeurs, mais le Très-Haut m'a épargné. Comble de malchance, après cette traîtrise, le Duc a congédié manu militari les membres de notre liste, moi y compris. Implicitement soupçonnés de traîtrise, le Conseil actuel cherche à faire lumière sur cette affaire et je me sens blessée dans mon honneur, par la faute de ce traître qui, s'il tombe sous ma main, n'aura pas longtemps la vie sauve.

Cela dit, j'en tire une leçon, la politique ducale n'est pas pour moi! Je me consacrerai dorénavant à mon Ordre et aux miens, là où est ma place. Et je n'aurai de cesse de montrer ma fidélité à la Couronne et au Royaume.

Mon cher Séverin, vous me parlez de coeur, vous dites être un piètre conseillé, je crains, moi, d'être une bien piètre compagne de vie. Alors même que mon cher Jérémie s'en va guerroyer auprès de l'un de nos capitaines, mes pensées s'en vont vers un autre. Peut-être suis-je meilleure amie que quoique ce soit d'autre. Je crains de devenir une vieille fille aigrie, accrochée à un rêve de petite fille, obsédée par l'accession à la chevalerie. Ma meilleure amie se moque de moi, elle qui est tout mon contraire, seize printemps, tout comme moi et deux enfants, de deux amants différents! Je vous jure, quelle drôle de vie!

Je désespère de venir vous voir, tant cette guerre use mes nerfs. Et pourtant, je me languis de vous. Pardonnez ma sincérité, je ne puis vous le cacher. La Bretagne m'appelle, m'attire, mais est-ce la Bretagne?

Mes questionnements, comme vous dites, se dissipent peu à peu. Je crois savoir où est ma place. Je crois que je ne puis vivre sans être Blanche. Je l'ai compris avec cette histoire du Conseil, j'ai imaginé, un instant, que je pouvais être radié de mon Ordre et là, j'ai compris que sans lui, je n'étais rien. Sans doute, est-ce à lui que je suis mariée. Il occupe le plus clair de mon temps, mais je crains qu'il ne donne pas beaucoup de petits enfants à mon pauvre père!

Ciel, j'écris, j'écris et je dois bien vous fatiguer. Sachez que mes prières et mes pensées sont pour vous... presque toutes. Sachez que bien que loin de vous, vous ne me quittez pas. Sachez que dès qu'il y aura une accalmie dans cette guerre, je vous rejoindrai, foi de Corsu!

Prenez soin de vous surtout, mon très cher Séverin. Mettez pour moi un peu de cet Hydromel de côté, que je puisse bien vite venir en boire avec vous.

Qu'Aristote vous garde.

Davia


Elle regarda le parchemin, dubitative. Diantre! Quelle bafouille! Relire ou ne pas se relire, là était la question! Elle savait pertinemment qu'elle en disait trop, qu'elle révélait bien trop ses sentiments, certainement, elle le paierait un jour, mais comment lui cacher.

Inspirant un grand coup, elle sabla le fin vélin, le plia et le cacheta consciencieusement. Cette fois encore, elle préférait envoyer sa colombe, un coursier n'étant pas assez fiable en ces temps de guerre surtout pour une missive en direction des terres bretonnes.

Elle caressa l'animal et attacha solidement le papier à sa patte. Vole, vole, petit oiseau et traverse les lignes ennemies pour arriver à mon doux ami.


*Titre d'une chanson de Tri Yann, reprise d'un Trad. breton.

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Blanche un jour, blanche toujours
Cevanne
Le bourguignon se laissa surprendre par la dernière lettre de Davia.
Celle qu'il relisait a l'instant pour la énième fois, essayant encore et toujours de lire entre les lignes, troublé.

Si Gabriel près de lui se tenait tranquille regardant comme lui a ses heures tristes l'horizon au travers de la fenêtre de leurs appartements, le renart lui semblait se perdre dans les courbes graciles et régulières des mots de Davia.

Et c'est un sourire reveur qui pour la premiere fois illumina le visage du renart.
Lui aussi pensait a elle, et cela agissait comme d'un pansement sur son coeur meurtri, attaqué par les regards de Gabriel dans lesquels il revoyait sans cesse Oderay.
Alors qu'il ne correspondait presque plus avec sa cousine, elle devenait pour lui un lien avec la vie, lui qui en Bretagne n'etait qu'un simple precepteur pour deux jeunes filles et qui du reste de ses heures contemplait l'infini des paysages bretons quand il n'etait pas en train d'ecrire, de lui écrire. De se raconter ? Si peu, mais tellement beaucoup déja...
Et elle pourquoi le troublait t'elle de ses tourments? Pourquoi le laissait elle entrevoir plus qu'une simple relation épistolaire quand elle ecrivait qu'elle se languissait de lui ? Quand elle affirmait sans détour aucun son désir de le trouver ?

Laissant Gabriel au bons soins de Maturin, le bourguignon sortit dans la campagne accidentée.
L'air était froid et il était peu couvert.
Son esprit n'était plus terrestre mais s'envolait dans une introspection profonde. Il se questionnait, questionnait son émoi, car s'il n'avait pas la faculté d'exprimer aisément ce qu'il ressentait, il ne pouvait se cacher que son cœur avait battu un peu plus vite, un peu.
Assis sur un rocher il pensait, écrivait virtuellement sa réponse, en jaugeait les risques, et estimait les conséquences, lui qui de l'amour n'avait que l'image de ruines en flammes, lui qui n'en gardait que blessures, remords, destruction.

Tu penses a moi?

Surpris le renard regarda autour de lui.
Personne.
Mais cette voix, il la connaissait, et le rire qui y succéda également.
Il lui faudrait prier, le mal ne pouvait pas recommencer.

N'aie pas peur, je ne te quitte pas...

- Non! Non vas t'en, tu n'existes pas, tu n'existes plus!
Tu m'a appelée par ta pensée, je suis la.
- Non!

Se levant rapidement, et chassé par les gouttes d'une averse froide et tellement bretonne, le renart regagna rapidement le château. Apres s'etre changé, fiévreux, il commanda a son valet un verre de vin chaud avant de s'asseoir a son pupitre.

Citation:
A vous,
Très chère Davia,

Comme ils sont troublants les mots que vous m'adressez... Si troublants que ne sais quel sens leur donner... Peut être est ce la un de mes plus grands défauts... celui de ne faire que trop penser...


Il inspira et avala une gorgée de vin.

Dis lui qu'elle te plait tant que tu y es!

Le renard leva les yeux et une nouvelle fois regarda autour de lui. Personne.

La, je suis la.


Regardant vers la fenêtre, il la vit. Elle, la moitié de visage brulée, mangée par les flammes et l'autre masquée de longues mèches noires.

Tu ne viens pas m'embrasser ?

- Non tu n'es qu'une illusion! Tu n'existes pas.

Elle revenait le hanter. Le renard serra la mâchoire.

- pourquoi es tu revenue ? Je croyais t'avoir vaincue...
Vaincue ? ha ha ha ha , je ne suis pas ton ennemie pour que tu me vainques. Et puis tu sais pourquoi je suis la.
- Non je ne sais pas! Je te demande de t'en aller.
Je ne partirai pas Severin! Tu es a moi, pensais tu que je te laisserai m'oublier, que je laisserai une autre prendre ma place ?
- Tu es morte...
Tu m'as tuée. Mais je suis encore la, avec toi, mon amour...
- Va t'en! Va t'en je t'en supplie! laisse moi!
Dis moi qu'elle ne t'es rien et je m'en irai.
-...
L'aime tu ?
- Non.
Tu mens!
- Je ne sais pas aimer, comment le saurai je ?
Tu le sais, je t'ai appris...
- Tu m'as trompé, tu m'a menti, tu m'a détruit.
Assez!
- Va t'en!

La coupe de vin fut projetée en direction de la vision hallucinatoire qui disparut alors que la coupe s'écrasait déversant son contenu sang sur la dalle froide.

- Maturin! Maturin!

Appela le renard peu avant que le valet n'entre en trombe dans la piece pour decouvrir un maitre au visage décomposé.

- Un pretre, il me faut un pretre, un exorciste... Elle est revenue...

A l'aube du lendemain, le renard qui avait mal dormi reprit la plume.
Il ne pouvait etre fixé sur ce qu'il pouvait penser ou ressentir.
Il fallait qu'elle vienne a lui.


Citation:
A Davia Corsu de Villandry
A ma tendre amie

Si votre dernière lettre m'a fait le plus grand bien, quand a la sollicitude que vous exprimez, elle m'a laissé troublé par ce que j'ai cru lire entre les mots.
Je porte mon deuil avec courage, il me suffit de regarder dans les yeux de Gabriel pour me rappeler que je ne dois flancher.
Et lorsque c'est trop dur, je m'éloigne et perdu dans l'horizon breton, mes pensées me mènent a vous.

Je suis navré que votre expérience ducale se solde de cette manière. Je m'effraie du sort que vous réservez à celui qui vous a trahi mais cela me rassure car si c'est avec la même détermination que vous vous battez alors je n'ai pas a craindre que malheur vous arrive.

Davia, je ne saurai m'exprimer avec autant de facilité et d'éloquence que vous, j'ai fort peu l'habitude de me confier. Cependant, je voudrais que vous sachiez que vous etre attendue et qu'il me tarde de vous revoir.

Que le très haut vous garde.

Severin.


La lettre était courte, mais peut etre saurait elle y voir l'espoir, celui de la voir bientot, celui de vaincre enfin ses démons?
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Davia_corsu
Installée dans une auberge de Chinon, une bouteille d'hypocras à portée de main et un godet plein à portée de bouche, la jeune fille se mordillait la lettre à la lecture de la nouvelle lettre qui lui était parvenue.

La situation devenait embarrassante. Très embarrassante même. L'affection qu'elle avait pour Séverin l'a faisait culpabiliser. Jérémie était parti loin et elle, n'avait rien osé dire alors qu'il allait prendre valeureusement Bourges. Elle était un peu lâche sur les bords, à n'en point douter et puis, elle espérait ne pas se mettre dans une situation inextricable. Et pourtant.

Elle relut les lignes et plissa son front. Qui était donc ce Gabriel dont il lui parlait? Il n'avait jamais fait allusion à lui et d'un coup, il le nommait comme s'il faisait partie de son quotidien. Quelqu'un en qui il puise du courage visiblement... Peu importait, elle le découvrirai bien tôt ou tard. La partie du message intéressante pour elle étant qu'il lui disait clairement qu'il voulait la revoir.

C'était merveilleux, elle en aurait battu des mains! Mais, il y avait un souci majeur... C'était la guerre! Et on ne traverse pas des territoires ennemis en chantant la Lochoise en grec, juste pour le plaisir d'aller voir un être cher.

Il lui fallait donc mettre au point un plan car il était hors de question qu'elle attende des mois la fin des conflits. La première personne à contacter en cas de plan foireux, c'était Trella, la meilleure amie angevine, la reine des plans foireux, dixit Davia! Mais grâce à elle, elle pourrait passer en Anjou pépère, les doigts de pieds en éventail dans son petit carrosse. La deuxième personne à contacter était Beetista, la nourrice, pour qu'elle ramène ses miches de Loches avec de quoi manger, boire et surtout des belles robes! Non pas que Davia en ait en profusion, bien que sa mère soit très riche, mais surtout pour faire bonne impression. Elle n'allait pas débarquer chez Séverin avec une simple chemise et des braies, ça ferait très très négligé!

Enfin, il lui fallait finir d'amadouer le Ponant pour traverser les terres bretonnes et trouver une bonne excuse pour s'éloigner quelques jours du camp des Blanches. Parce qu'il était certain qu'on ne lui donnerait pas une permission comme ça! Juste pour ses beaux yeux. Ainsi donc, il fut fait. Et tout en réfléchissant à une stratégie douteuse, elle rédigea quelques lignes.


Citation:
Chinon, en ces jours de guerre qui ne finissent pas!

Séverin,

J'ai bien reçu votre missive et j'en prends bonne note. Je prépare mon expédition et vous rejoindrai dès que possible, vous en avertissant par missive dès mon départ des terres tourangelles. Dans l'attente de vous revoir, prenez soin de vous mon ami et que le Très-Haut veille sur vous.

Davia.


Inutile d'être trop prolixe, il suffisait d'être clair. Le pigeon fut envoyer fissa et elle commença à s'activer, elle avait nombre de choses à régler, en commençant par Jérémie, en espérant que son ami lui pardonne.
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Blanche un jour, blanche toujours
Cevanne
Le renart sourit.
Ainsi donc elle serait bientôt la.
Si cette pensée lui arracha une once de plaisir dans la mer d'inquiétude que devenait sa vie depuis que ses hallucinations avaient recommencé, cela ne tarda pas a le plonger dans une autre forme d'anxiété.
En effet, la Bretagne venait de déclarer la guerre a la France et il devenait des lors dangereux pour quiconque d'essayer de franchir le frontière de l'un ou l'autre des royaumes.
Français en Bretagne il se retrouvait pris au piège et s'il se doutait que la volonté et le courage de Davia n'avaient d'obstacle pas meme une frontière aussi bien gardée que celle de Bretagne, il ne pouvait en cautionner le risque.
Il soupira las.
Peut etre lui fallait il songer a regagner la France meme si son hotesse et employeuse ne l'avait pas renvoyé.
Beaucoup trop de questions, encore. On finit par etre habitué avec Severin.
S'il ne savait rien, il savait au moins une chose : Il était hors de question que Davia vienne. S'il pouvait supporter de ne pas la voir avant longtemps, il ne pouvait supporter qu'elle coure un danger et encore plus par sa faute a lui.
Une seule expérience suffisait amplement a ce qu'il ne refasse pas les mêmes erreurs. Faire du mal aux être chers.

Aussi c'est mélancolique au possible qu'il se saisit de sa plume et gratta quelques mots.


Citation:
A Davia Corsu de Villandry,
A ma tres courageuse et intrépide amie,

J'ai bien reçu votre dernière missive et si je m'en suis réjouis un instant, je ne peux que vous exhorter a reporter ces projets.
En effet vous savez mieux que moi la situation politique du royaume et savez certainement que la guerre entre la Bretagne et la France est déclarée.
Aussi je ne saurai en mon âme et conscience pas vous encourager a prendre les routes au risque de vous faire courir un danger. Je ne doute ni de votre courage , ni de votre détermination, mais je vous en prie, pour l'affection que vous avez pour moi, ne tentez pas le diable, nous nous reverrons bien assez tôt.
Je me sens comme prisonnier de ce pays que je commence a peine a appréhender. Je n'ai pas encore été menacé, mais si ma duchesse me le demande, je partirai.
Recevez mes pensées chaleureuses, je vous accompagne de mes prieres.

Severin.


Le bourguignon profita pour écrire une nouvelle missive a sa cousine.

Citation:
A Della d'Amahir Euphor
A ma chère cousine,

J'espère ma chère cousine qu'en me lisant vous ne maudissez pas mon nom ni ne me portez rancœur de si peu vous écrire.
Je vous prie de me pardonner, mais sachez que même si elle ne s'habillent que rarement de mots, mes pensées vous accompagnent bien souvent.
J'espère que ces quelques mots vous trouverons en bonne santé ainsi que votre famille.
Comment se porte mon cousin ? et votre mesnie ?
Pour ma part cela va. Gabriel ne me quitte pas. Il ne parle que peu, mais j'ai bon espoir qu'il surpasse le traumatisme de la mort de ses parents.
Je ne vous chargerai pas d'un enfant de plus, je garderai donc Gabriel auprès de moi. Je connais votre tendresse pour cet enfant et je vous promets d'en prendre grand soin.
La guerre est déclarée entre la Bretagne et la France. Nous n'avons pas été menacés mais peut être devrions nous songer a rentrer en Bourgogne. Je ne sais pas encore quelle sera ma décision.
je vous en tiendrai informée.
Je n'abuserai pas plus de votre temps ma cousine, je devine que vous devez être bien occupée a régir votre famille tout en assumant vos diverses charges.
Mes prières vous accompagnent Della et je ne doute pas que le ciel saura vous récompenser pour votre dévouement .
Recevez mes chaleureuses salutations.

Severin.

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Davia_corsu
Il y avait l'attente, sempiternelle complainte ou les jours se succèdent aux jours, les heures aux minutes, les minutes aux secondes et toujours ce même paysage.

Chinon, la Touraine, la guerre, le campement, les entraînements, les tournées en taverne, les nuits de garde. Le coeur amer, elle avait reçu la lettre et sans joie, le regard dans le vide du paysage qui se mourrait devant elle, elle avait plié le vélin et glissé sous sa côte d'arme qu'elle venait d'enfiler.

Ainsi donc, elle ne le reverrait pas, pas de suite en tout cas. Il fallait bien l'accepter, risquer de traverser les frontières, narguer le breton, ça n'était pas une bonne idée et Séverin avait raison, elle le savait bien.

Mais le temps n'était pas aux lettres, ni à l'écriture, elle devait même vider son esprit. Oublier son père parti au Sud, Jérémie sur le front de Bourges, Céraphin au gré du vent, là, de l'autre côté des lignes, Trella peut-être, Calyce certainement, Cerdanne assurément. Faire le vide. Devenir froide comme le marbre.

La cotte de maille enfilée, l'armure de plate attachée au corps si frêle qui devient dur, qui devient fer.Vider son esprit. Séverin... comme j'aimerais être près de toi, loin de cette chienlit.

Elle ferme un instant les yeux la brune, nouant ses cheveux serrés, installant la cale avant de recevoir le casque qui l'emprisonnera. Dents serrées, visage fermé, la main posée sur Sognir la fidèle, l'amie, l'épée.

Blanche, elle rejoint ses soeurs, pour ne plus faire qu'un avec elles. La guerre tonne déjà. Le rideau tombe.


[Deux jours plus tard, campement des blanches]

Retour à la case départ, mais sans toucher 2000 écus.

Pourquoi?

Deux nuits de combats acharnés, deux nuits de rage, de sang, de souffre. Elle n'aimait pas ces armes qui crachaient le feu. Du sale boulot, ça arrache, ça mutile, c'est sale et ça pue. La jeune fille enlève les traces de sang sur son épée et passe doucement la pierre pour lisser sa lame.

Pourquoi... Ses soeurs sont tombées, nombre d'entre elles. Trop ont été blessées. Et elle? Rien, pas une égratignure, même pas une écorchure. Ari veille, trop, trop bien. Serait-ce Céraphin qui lui aurait envoyé son Griffon pour veiller sur elle? Elle lui avait bien offert son Archange.

Fourbue, le vague à l'âme, assise à une table de fortune, plume, vélin, première pensée: Lui.




Chinon, le 25 septembre de l'an de grâce 1459.

A Séverin Anatole de Volvent, l'exilé en Bretagne.
De Davia Corsu de Villandry, furieuse guerrière.

Mon très cher ami, mon cher Séverin,

Voilà, je ne viendrai pas. Pas pour le moment. Passer les lignes bretonnes ne m'aurait pas fait peur, j'aurais même aimer braver ce monde en guerre, rien que pour vous retrouver. Mais, vous voyez, les missions sont ce qu'elles sont et il m'a fallu combattre.

Deux nuits d'enfer ou trop de mes soeurs sont tombées. Arrêtez donc d'user vos genoux pour moi, mon ami, c'est une honte, ces prières que vous faites sont indécentes! Je n'ai rien, je suis sauve, entièrement, pas même un égratignure. Je soupçonne mon meilleur ami d'avoir quelque pacte secret avec Déos, mais je sais que vous êtes là-dessous aussi. N'est-ce pas Séverin?

Enfin voilà, la guerre faire rage, la lutte est dure même si tout tenons bon, pro Regina...

Sinon, je me disais... qui est donc ce Gabriel dont vous me parlez dans votre avant-dernière missive? Vous en faites mention, mais avant cela vous ne m'en aviez jamais parlé? Est-ce un ange descendu du ciel pour veiller sur vous? Si tel est le cas, j'en suis heureuse et rassurée. Je connais un peu votre caractère sombre et je suis certaine qu'un ange auprès de vous ne peut que vous apporter la lumière.

Ici, malgré la guerre, les combats, la peur de perdre mes soeurs, je pense à vous, souvent... très souvent.

Vous savez qu'ils m'ont traîné en procès pour Haute Trahison et parjure? C'est amusant n'est-ce pas? J'en étais offusquée, maintenant j'en ris! Ce conseil m'en aura fait voir de toutes les couleurs! Après m'avoir interdit l'accès au Conseil, il me semblait logique de quitter la place et de démissionner pour permettre à quelqu'un de leur choix de pouvoir oeuvrer pour la Touraine! Et me voici en procès! Il est vrai que je n'ai pas écrit au Duc au préalable pour le prévenir, je n'y ai tout bonnement pas pensé!

M'enfin m'accuser de Haute Trahison, c'est tout de même le summum du délirium tremens! J'oeuvre pour la couronne, pour la Reyne, pour ce fichu duché, je ne ménage pas ma peine, tout comme mes soeurs, et on prétend que j'ai trahi? J'ai trahi qui? quoi? D'ailleurs, qu'est-ce que la trahison? Donner sa parole, puis la retirer ensuite? Mais je n'ai retiré aucune parole! Au contraire! En démissionnant, j'oeuvre pour mon duché, je donne au conseil les moyens d'avoir quelqu'un qui pourra être actif avec eux. Non, sérieusement, on marche sur la tête!

Enfin, mes soeurs me soutiennent, mon père à qui j'ai écris est furieux et rue dans les brancards, je l'entends d'ici: On ne touche pas à ma fille! On ne touche pas à une Corsu!

Comme j'aimerais que vous le rencontriez. Un jour, peut-être.
Qui plus est, c'est ma mère qui aurait du me juger! Un comble! Non seulement on marche sur la tête, mais en plus les poules ont des dents! Au final, le duc m'accorde que ma mère ne me juge pas! Deo Gratia!

Mais ma missive est déjà bien longue et je doute que ma colombe ne survive à tout ce poids! Dites-moi comment vous allez! A défaut de vous revoir pour le moment, je pourrai vous imaginer! Prenez soin de vous mon ami et que le ciel vous protège.

Toute ma tendresse.

Davia


Elle sourit. Cette lettre lui avait fait du bien. En plus de lui avoir mis du baume au coeur, elle avait déchargé toutes les tentions de ces derniers jours entre procès et guerre. Séverin était devenu un véritable confident et plus encore.

Elle lissa le papier, le recouvrit de poudre fine, souffla et le plia avant de le marquer du sceau des Corsu, frappé dans la cire. Elle avait encore nombre de lettres à écrire et commençait à sentir la fatigue la gagner. Elle s'étira et une fois la missive confiée à sa colombe, le coeur tranquille, s'allongea sur sa couche, un léger sourire à la commissure des lèvres.

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Blanche un jour, blanche toujours
Davia_corsu
Le temps passait, s'effilochant. Le temps passait et Séverin restait silencieux, pris sans doute par le tourbillon de la vie, qui sait. La jeune blanche au coeur de la guerre, ne pouvait cesser de penser à lui, malgré la distance, l'absence et l'incertitude.

Mobilisée pour quelques jours suite à une vilaine blessure à l'épaule, elle avait décidé de mettre enfin à jour son courrier. Le maire de Chinon, gentil Gourry, aussi aimable qu'amusant, lui avait gentiment prêté gîte et couvert en toute bienséance. De la fenêtre de sa chambre, elle pouvait voir se mourir le soleil sur les remparts d'une ville amer.

Plume et Vélin en main, elle s'acharnait à la tâche difficile d'écrire à celui qui, malgré tout, hantait son esprit.




Chinon, le 29 octobre de l'an de grâce 1459.

De Davia Corsu de Villandry,
A vous, Séverin Anatole de Volvent.

Comme le temps est long. Il s'égrène sans fin dans une guerre qui s'étiole et nous ronge... Mais mon ami, comment allez-vous? Déjà l'automne bat son plein, le froid envahit nos maisons accompagné tristement par la mort, et vous, dans cette Bretagne où je ne puis vous rejoindre, que devenez-vous?

Si je prends le temps de vous écrire, c'est que mon épaule a eu la très grande intelligence de jouer la cible et de recevoir une flèche en son milieu. Rien de grave n'ayez crainte, juste une immobilisation forcée de quelques jours, avant de reprendre les armes et de monter à nouveau protéger ma belle Touraine.

Plus la guerre avance et plus, étrangement, je suis prise de patience et d'une sérénité que je ne me connaissais guère. Est-ce qu'au fil du temps, au fil des expériences de la vie, les évènements finissent par glisser sur nous comme l'eau sur la pierre? Je ne me sens pas de pierre pourtant...

Je ne vous écrirai pas plus long. J'ai besoin d'exercice et de profiter des quelques rayons de soleil qui n'empêchent pas l'hiver de commencer son oeuvre.

Sachez que je vous garde dans mon coeur. Que le Très-Haut vous garde, mon ami.

Bien à vous.

Davia.


Le vélin fut accrocher à la patte du petit volatile. Vole petit oiseau, vole vers le ténébreux renard et réveille-le dans son terrier.
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Blanche un jour, blanche toujours
Cevanne
Cela faisait bien plusieurs semaines que le renart ne donnait de nouvelles a personne.
Il avait quitté le château de la duchesse d'Ouessant pour s'installer dans une petite maisonnée dans le village ou Maturin s'occupait de Gabriel.
Lorsque la guerre contre la Bretagne avait été déclarée, le renart ne put se résoudre plus longtemps à servir une bretonne qui n'aurait pas tardé à le renvoyer.
S'il avait anticipé l'affront et s'en était allé il n'en était pas serein pour autant.
Il n'avait reçu aucune nouvelles en retour de sa lettre à Della, et il ne pouvait envisager un retour en terre de France sans risquer d'y laisser la vie et celle de son neveu. Cela était pour lui hors de questions.
Pire encore, le renart souffrait depuis quelques semaines du retour de ses délires hallucinatoires.
La vision de la femme qui hantait ses jours se faisait récurrente et s'il résista a l'envie de se cloitrer a nouveau, il consommait massivement des breuvages apaisants a base de camomille, d'extrait de pavot et lorsqu'il souffrait de fièvres, de laudanum.

Il ne sortait presque pas, craignant de se faire agresser de part sa nationalité, lui français perdu en terre bretonne.
Il avait amorcé plusieurs débuts de lettres adressées à Davia.
Il pensait a elle tous les jours, elle qui avait le courage qui lui manquait, celui de se battre pour ses convictions, pour sa patrie.
Cependant si aucune lettre ne partit pendant cette période c''est parce que lui revenait la vision moqueuse et oppressante, comme si la seule pensée de Davia suffisait à réactiver en lui les causes profondes d'un mal être qu'il pensait pouvoir enfin surmonter.

Lorsqu'il reçut la missive de Davia, cela eut l'effet d'une bouffée d'air.
Il fut heureux de la savoir en vie.
Il grimaça à l'idée qu'elle puisse avoir été blessée.
Il culpabilisa de pas être allé au bout de ses phobies et de ne pas lui avoir écrit depuis si longtemps.

Ce soir la Maturin trouva qu'il avait bien mieux mangé et le renart se surpris à laisser le jeune Gabriel s'endormir contre lui.

Un feu moribond crépitait doucement dans l'âtre lorsque le renart se mit à table.

Il n'écrivit pas tout de suite a Davia. Il lui fallait encore en trouver le courage. La camomille ne faisait pas encore effet aussi lui fallait il se dépêcher.



Citation:
A Keridil d'Amahir Euphor
A mon cousin

Mon cousin,

Il me plait ce jour de me rappeler a vous, n'ayant reçu de ma cousine aucune nouvelles depuis ma dernière missive.
Je lui mandais des nouvelles de vous, d'elle et de votre mesnie, et j'ose espérer que cette missive vous trouve bien portants et dans la grâce de Deos.
La honte m’étreint mon ami, je vous écris de Bretagne ou je vis en reclus depuis le début de la guerre qui déchire notre beau royaume.
Il m'est impossible de partir de crainte de mettre en danger les jours de mon neveu dont j'ai à présent la charge ainsi que celle de mon fidèle valet, Maturin.
J'ai pris congé de la duchesse d'Ouessant qui m’employaient comme précepteur pour sa progéniture. Je vis à présent sur les restes de l'usufruit des champs que je possède en Bourgogne et qui m'ont été légués par feu mes parents. Cependant, ayant à présent un enfant à charge, il m'est difficile d'envisager l'avenir avec sérénité.
Ma cousine a eu la générosité de me faire parvenir une bourse afin que l'enfant ne manque de rien, mais j'aurai préféré mille fois qu'elle ne le fasse point. Pourtant mon cousin, si l'orgueil et la fierté sont vertus bourguignonnes, il serait irresponsable de ma part de les mettre en avant au détriment de l'avenir du jeune Gabriel de Volvent.
Je ne voudrais pas vous donner mon cousin l'impression de vous demander la charité. Je me suis engagé à ne pas faire de cet enfant une charge à votre famille, et je ne saurai revenir sur ma parole.
Je souhaite pouvoir revenir en France et trouver emploi qui me permettrait de mettre mon neveu a l'abri du besoin et de garder a mon service le très loyal Maturin qui je le crains m'est devenu indispensable. Aussi mon cousin je vous serai reconnaissant si vous pouviez user de vos connaissances afin de me recommander auprès d'une famille qui voudrait des services d'un précepteur, clerc, scribe, secrétaire.
Si je m'adresse a vous et non a ma cousine qui n'est pas dénuée de contacts et d'influences, c'est parce que j'ai conscience un jour d'avoir failli a mes engagements d’œuvrer en tant qu'intendant des terres de Beaumont que par un hasard étrange nous perdîmes peu de temps plus tard.
Il me serait insupportable de la décevoir a nouveau aussi m'en remet je a vous humblement.

Qu'Aristote vous garde.

Severin Anatole de Volvent.


Il avait grimacé en apposant le point final d'une lettre qu'il lui avait été dure d'écrire. Il n'avait jamais dépendu de personne, pourtant il lui fallait a tout prix trouver une situation afin que Gabriel puisse recevoir une éducation convenable.
Il avait confié la lettre à Maturin.


- Fait envoyer ceci en Orléans a l'attention de Messire Kéridil d'Amahir Euphor au plus vite...

A nouveau seul en face du vélin vierge, il attrapa la plume d'une main hésitante. Légèrement tremblant il la trempa dans l'encre.
Les premiers mots lui vinrent facilement, il écrivit en lettre distinguées le doux prénom de Davia.


- A ma chère Davia...

La voix moqueuse, l'apparition d'outre tombe était la.

- Tu n'existe pas, tu n'es qu'une hallucination...

C'est ce qu'il se répétait en tentant de se fermer au discours malin et gratta les mots. Les lettres étaient moins soigneuses, sa main tremblait, mais cette fois il arriva au bout.

Citation:
A Davia Corsu de Villandry
Chère amie,

Me pardonnerez-vous ce silence ? J'ai assez foi en votre bonté pour croire que oui.
Le silence n'est pas synonyme d'oubli, j'ai pensé a vous et prié tous les jours afin que cette guerre vous épargne. Il m'a été difficile d'apprendre que vous aviez été blessée et j’espère que ces mots vous arriveront pleinement remise. Allez-vous retourner au combat ? J’espère que non.
J'ai moi même été légèrement souffrant, mais que sont ces préoccupations auprès de ce a quoi vous devez faire face ? Mais n'en parlons plus. Cela n'a guerre d'importance.
Vous dites être sereine et je le comprends Davia. Vous n'êtes de pierre je vous en rassure. Je dirai simplement que vous voyez le monde avec des yeux d'adulte à présent. Vous avez pour votre âge déjà fait face a tant de difficultés et fait preuve de tant de courage qu'a présent vous portez en vous une force qui fait de vous un roc plutôt d'une pierre friable.
J’espère que vos déboires tourangeaux ont trouvé dénouement favorable. Je dois déjà vous laisser.
Je prépare mon retour en terre de France, j'y prendrai le temps de vous écrire plus longuement.
Qu'Aristote vous garde.

Votre dévoué Severin.


Il tremblait légèrement et sentit agir la tisane . Il laissa le vélin a meme la table.
Elle serait envoyée le lendemain.

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Keridil
Baronnie de Montpipeau.

C'était un soir d'automne, froid, qui accueillit la lettre du Renard Triste. Keridil d'Amahir était rentré du front depuis quelques jours seulement, et déjà accablé par la perte partielle de ses capacités physiques, il dut se remettre de la mort de son cheval, et du départ de son valet et ami très cher, Julien, prit soudain devant l'horreur de la guerre de la Vocation.
Le Baron de Montpipeau se trouvait donc dépouillé quand parut Friedrich, l'Intendant de Montpipeau, et qu'icelui portait une lettre écrite d'une main familiale, faute d'être familière.

Le Grand Ambassadeur vit là un signe du Très Haut. Ton serviteur s'en va, en voici un autre. Soit.
Missive fut dictée au bougre teuton qu'était Friedrich, puis envoyée en terres bretonnes.


Citation:
De Nous, Keridil d'Amahir-Euphor, Grand Ambassadeur Royal de France, Baron de Montpipeau et de Seignelay, Seigneur de Bréméan et de Railly,

A Vous, Séverin de Volvent,

Salut.

Monsieur mon cousin.

Il est rare de vous lire, plus encore que de vous voir ; et c'est une joie pour nous, ainsi que pour notre épouse, que d'espérer lier les deux en ce mois.
Ne blâmez pas Della si elle n'a porté réponse à votre dernière missive, elle aura été distraite, tant par son déménagement en Orléans que par sa grossesse, que je vous annonce de fait.

Nous pourrions, comme vous le suggérez, vous recommander à quelques maisons d'un rang certain. Mais nous escomptons faire mieux.
En effet, votre courrier tombe à point nommé, en ce que notre fidèle serviteur Julien, qui nous tenait office de secrétaire particulier, entre autres attributions, vient de faire valoir son droit à payer sa liberté. Il était sous servage, mais si vous acceptez de reprendre son service, vous obtiendrez tout à la fois gîte, couvert, et égards dus aux membres de notre famille, tout en tenant place privilégiée auprès de nous ; et sans les inconvénients dus à l'attachement à nos terres. Vous serez de fait dispenser d'y payer les impôts.
Votre jeune neveu pourra bien évidemment rejoindre Montpipeau avec vous, si vous souhaitez accéder à notre requête. Il sera élevé avec son cousin Charles, fils de Nabel, et toujours sous votre garde.
Votre valet trouvera toujours à servir sous les ordres de l'intendant de nos terres.

Mais si vous souhaitez discuter de cette possibilité plus avant, nous vous convions en nos terres. Orléans ne vous sera pas difficile à trouver, faites quelques lieues à l'Est et vous ne manquerez pas le bourg de Huisseau. De là, le château s'imposera à votre vue.

Dans la perspective de vous voir sauvé de la traîtresse Bretagne, sauf et sain.

Puisse le Très Haut vous avoir sous sa garde.

Affectueusement,

Keridil d'Amahir.


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Cevanne
Lorsque Maturin lui apporta le pli il sourit. Il crut qu'il s'agissait de la réponse de Davia qu'il attendait, ses pensées le menant auprès de la jeune tourangelle.
Lorsqu'il découvrit le sceau du Baron de Montpipeau il abandonna un soupir las et tendit nonchalamment la lettre a Maturin perdant son regard dans la cour intérieure.


- Lis la...

Il écouta alors soucieux l'offre de son cousin.
Il était loin le temps ou le renart pouvait se permettre de passer sa vie dans les abbayes et autres lieux de prière, vivre en ascète et ne dépendre jamais que de lui même.
Il lui fallait s'organiser une vie normale, c'est pourquoi il ordonna immédiatement a Maturin de prendre plume afin de répondre séant avant que son parent ne soit amené a changer d'avis.


- Ecris...

Il dicta alors la lettre au valet.
Maturin semblait hésitant et osa une question.


- Maitre? vous etes sur ?

Comme rarement, le renart se détourna de son infini de vide et plongea un regard amical dans celui de son valet, confident et finalement ami.

- Maturin, il me faut faire les bons choix. Je ne me suis pas montré des plus doués jusqu'ici... Mon cousin est bon et je ne perd en dignité a servir dans la famille... Ce ne sera jamais pire que servir noblesse bretonne qu'en pense tu ?

Le renart sourit amusé par la sollicitude du blond en face de lui.

- Gabriel retrouvera une famille et recevra une bonne éducation. C'est ce qui m'importe le plus... Prépare donc nos affaires, nous prendrons la route bien assez tôt...

Il retourna alors a sa mélancolique contemplation.
La lettre fut relue par un Maturin qui s’étonnait de l'attitude de son maitre, et envoyée.


Citation:
A Keridil d'Amahir-Euphor, Grand Ambassadeur Royal de France, Baron de Montpipeau et de Seignelay, Seigneur de Bréméan et de Railly

Baron, mon cousin,

Permettez moi de vous remercier pour la célérité de votre réponse et de vous féliciter ainsi que ma cousine de la grâce qui vous est donnée d'attendre descendance. Je comprend son silence et lui pardonne aisément. Puisse le très haut l'accompagner vers une délivrance heureuse.

Je n'osais espérer en vous adressant ma précédente missive que la possibilité puisse m'être donnée de vous servir. Il m'est honneur d'envisager positivement cette issue et un grand bonheur pour ce qui concerne mon neveu Gabriel.

Je vous annonce donc que j'accepte votre invitation.
Maturin s' enquerra de la sécurité des routes et nous ferons voyage vers Montpipeau des que possible.

Qu’Aristote vous bénisse et vous protège en ces temps troubles.

Severin Anatole de Volvent.



Quelques jours plus tard alors qu'il consultait la carte du royaume afin de décider du meilleur itinéraire possible, Séverin se rendit compte que se trouverait sur sa route s'il le souhaitait la Tourraine.
N'etait ce pas de la que lui écrivait Davia ?
Pourrait il en profiter pour... ?

A cette pensée il fut prit d'un violent mal de crane, la torture d'une âme liée a une autre d'outre tombe...
Pourtant le renart voulait se donner le droit de vivre comme toute personne normale. N'etait il pas normal de rendre visite a ses amis ? Elle meme n'etait elle pas prete a braver les dangers de la guerre pour lui rendre visiter en ces terres de Bretagne ?
Aussi laissa t'il le mal se calmer avant de rédiger une nouvelle lettre. Breve car la douleur se propageait en lui.


Citation:

A Davia Corsu de Villandry
Très chère amie,

Vous serez sans doute surprise de me lire si tôt après ma dernière missive.
Je quitte la Bretagne sous peu afin de rejoindre l'Orleannais ou je prendrais certainement demeure auprès de mon cousin le Baron De Montpipeau que j'aurai l'honneur de servir très prochainement.

M'autorisez vous a marquer sur mon itinéraire la Tourraine ? Ce serait pour moi un plaisir de vous revoir ne serait ce que brièvement.
Je sais votre guerre, et je ne saurai vous embarrasser par ma requête qui se pourra être reportée pour des jours meilleurs.

Soyez assurée car je vous entend venir que nous feront preuve de la plus grande des prudences sur les chemins. Il m'est un grand soulagement de me savoir bientôt parti, car Davia je ne sais ce qu'il y a de pire que de rester prisonnier de la terre de Bretagne. Il m'est parfois l'impression de porter l'odeur de la traitrise lorsqu'il me vient écho des combats qui opposent notre bon royaume de France à ses armées barbares. Je n'ai jamais été homme de politique, mais le chauvinisme breton conforte le mien et éveille en moi le désir plus qu'impatient de m'extirper au plus vite de cette terre.

J'attendrai votre réponse afin de choisir un itinéraire en fonction.
Puisse Aristote vous garder. Mes prières vous accompagnent toujours.

Severin Anatole de Volvent.


Il lui sembla que cette lettre fut facile a écrire. Il prit le temps d'en sécher l'encre, de la plier et la confier à Maturin.
La perspective de revoir la fraiche jeune femme lui arracha un sourire plein d'espoir. Il se sentait vivre.

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Davia_corsu
[Chinon, Auberge La Chopinette]

La jeune blanche avait sourit en reçevant la missive du renard, le coeur battant, comme toujours, heureuse de recevoir de ses nouvelles. Il semblait pressé. Après avoir lu le contenu, elle s'était sentie prise de vertiges et avait du se reposer. Même si sa blessure se remettait parfaitement et rapidement, elle n'en était pas moins épuisée, sans compter qu'elle passait le plus clair de son temps entre la pêche et l'un de ses frères d'armes.

Ce matin là, presque remise, elle s'était attablée dans la chambre de l'auberge louée par le Warenghien et, d'une plume fine, s'était mise à répondre à celui qui ne quittait pas ses pensées.




A Séverin Anatole de Volvent
De Davia Corsu de Villandry

Mon très cher ami,

Soyez prudent je vous en conjure! Même si votre retour en notre beau Royaume m'est un soulagement de même que d'apprendre que vostre cousin vous accueille en sa mesnie, je n'en suis pas moins inquiète de vous savoir encore en terre barbare et sur le point de prendre une route des plus dangereuse.

Il me serait un vrai plaisir de vous accueillir en Touraine, je serai sous peu remise et me devrait de reprendre le combat sous les armes de notre Reyne et de mon ordre, mais j'espère, j'ose croire, que nous pourrons nous voir, ne serait-ce que quelque instant.

Je ne vous écris pas plus long, désireuse que cette missive vous arrive au plus vite. Et dites de ma part à Maturin que s'il vous arrive quelque chose, je le tiens personnellement responsable et il lui en cuira.

Toute mon amitié dans l'attente de vous revoir. Que le Très-Haut vous garde.

Bien à vous.

Davia


Elle avait été brève. Omettant volontairement la prise de la mine par les Ponantais, son passage en temps qu'Escuyère au sein de son ordre, sa relation passionnelle avec son hospitalier, seule lui importait sa venue, saine et sauve. Elle regarda l'écriture fine qui couvrait le vélin, sècha l'encre et soupira. Cette rencontre l'enchantait et en même temps, elle l'appréhendait. Une terrible migraine commençait à habiter son crâne. Elle fit la grimace, plia le vélin et l'envoya au plus vite. Depuis peu, la jeune blanche vivait au jour le jour, elle préparerait l'arrivée de Séverin plus tard, il lui fallait encore se reposer.

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Blanche un jour, blanche toujours
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