Le bourguignon se laissa surprendre par la dernière lettre de Davia.
Celle qu'il relisait a l'instant pour la énième fois, essayant encore et toujours de lire entre les lignes, troublé.
Si Gabriel près de lui se tenait tranquille regardant comme lui a ses heures tristes l'horizon au travers de la fenêtre de leurs appartements, le renart lui semblait se perdre dans les courbes graciles et régulières des mots de Davia.
Et c'est un sourire reveur qui pour la premiere fois illumina le visage du renart.
Lui aussi pensait a elle, et cela agissait comme d'un pansement sur son coeur meurtri, attaqué par les regards de Gabriel dans lesquels il revoyait sans cesse Oderay.
Alors qu'il ne correspondait presque plus avec sa cousine, elle devenait pour lui un lien avec la vie, lui qui en Bretagne n'etait qu'un simple precepteur pour deux jeunes filles et qui du reste de ses heures contemplait l'infini des paysages bretons quand il n'etait pas en train d'ecrire, de lui écrire. De se raconter ? Si peu, mais tellement beaucoup déja...
Et elle pourquoi le troublait t'elle de ses tourments? Pourquoi le laissait elle entrevoir plus qu'une simple relation épistolaire quand elle ecrivait qu'elle se languissait de lui ? Quand elle affirmait sans détour aucun son désir de le trouver ?
Laissant Gabriel au bons soins de Maturin, le bourguignon sortit dans la campagne accidentée.
L'air était froid et il était peu couvert.
Son esprit n'était plus terrestre mais s'envolait dans une introspection profonde. Il se questionnait, questionnait son émoi, car s'il n'avait pas la faculté d'exprimer aisément ce qu'il ressentait, il ne pouvait se cacher que son cur avait battu un peu plus vite, un peu.
Assis sur un rocher il pensait, écrivait virtuellement sa réponse, en jaugeait les risques, et estimait les conséquences, lui qui de l'amour n'avait que l'image de ruines en flammes, lui qui n'en gardait que blessures, remords, destruction.
Tu penses a moi?
Surpris le renard regarda autour de lui.
Personne.
Mais cette voix, il la connaissait, et le rire qui y succéda également.
Il lui faudrait prier, le mal ne pouvait pas recommencer.
N'aie pas peur, je ne te quitte pas...
- Non! Non vas t'en, tu n'existes pas, tu n'existes plus!
Tu m'a appelée par ta pensée, je suis la.
- Non!
Se levant rapidement, et chassé par les gouttes d'une averse froide et tellement bretonne, le renart regagna rapidement le château. Apres s'etre changé, fiévreux, il commanda a son valet un verre de vin chaud avant de s'asseoir a son pupitre.
Citation:A vous,
Très chère Davia,
Comme ils sont troublants les mots que vous m'adressez... Si troublants que ne sais quel sens leur donner... Peut être est ce la un de mes plus grands défauts... celui de ne faire que trop penser...
Il inspira et avala une gorgée de vin.
Dis lui qu'elle te plait tant que tu y es!
Le renard leva les yeux et une nouvelle fois regarda autour de lui. Personne.
La, je suis la.
Regardant vers la fenêtre, il la vit. Elle, la moitié de visage brulée, mangée par les flammes et l'autre masquée de longues mèches noires.
Tu ne viens pas m'embrasser ?
- Non tu n'es qu'une illusion! Tu n'existes pas.
Elle revenait le hanter. Le renard serra la mâchoire.
- pourquoi es tu revenue ? Je croyais t'avoir vaincue...
Vaincue ? ha ha ha ha , je ne suis pas ton ennemie pour que tu me vainques. Et puis tu sais pourquoi je suis la.
- Non je ne sais pas! Je te demande de t'en aller.
Je ne partirai pas Severin! Tu es a moi, pensais tu que je te laisserai m'oublier, que je laisserai une autre prendre ma place ?
- Tu es morte...
Tu m'as tuée. Mais je suis encore la, avec toi, mon amour...
- Va t'en! Va t'en je t'en supplie! laisse moi!
Dis moi qu'elle ne t'es rien et je m'en irai.
-...
L'aime tu ?
- Non.
Tu mens!
- Je ne sais pas aimer, comment le saurai je ?
Tu le sais, je t'ai appris...
- Tu m'as trompé, tu m'a menti, tu m'a détruit.
Assez!
- Va t'en!
La coupe de vin fut projetée en direction de la vision hallucinatoire qui disparut alors que la coupe s'écrasait déversant son contenu sang sur la dalle froide.
- Maturin! Maturin!
Appela le renard peu avant que le valet n'entre en trombe dans la piece pour decouvrir un maitre au visage décomposé.
- Un pretre, il me faut un pretre, un exorciste... Elle est revenue...
A l'aube du lendemain, le renard qui avait mal dormi reprit la plume.
Il ne pouvait etre fixé sur ce qu'il pouvait penser ou ressentir.
Il fallait qu'elle vienne a lui.
Citation:A Davia Corsu de Villandry
A ma tendre amie
Si votre dernière lettre m'a fait le plus grand bien, quand a la sollicitude que vous exprimez, elle m'a laissé troublé par ce que j'ai cru lire entre les mots.
Je porte mon deuil avec courage, il me suffit de regarder dans les yeux de Gabriel pour me rappeler que je ne dois flancher.
Et lorsque c'est trop dur, je m'éloigne et perdu dans l'horizon breton, mes pensées me mènent a vous.
Je suis navré que votre expérience ducale se solde de cette manière. Je m'effraie du sort que vous réservez à celui qui vous a trahi mais cela me rassure car si c'est avec la même détermination que vous vous battez alors je n'ai pas a craindre que malheur vous arrive.
Davia, je ne saurai m'exprimer avec autant de facilité et d'éloquence que vous, j'ai fort peu l'habitude de me confier. Cependant, je voudrais que vous sachiez que vous etre attendue et qu'il me tarde de vous revoir.
Que le très haut vous garde.
Severin.
La lettre était courte, mais peut etre saurait elle y voir l'espoir, celui de la voir bientot, celui de vaincre enfin ses démons?_________________