Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2, 3   >>

[RP] La plume et le Vélin

Cevanne
Le renard se fit porter le pli par Maturin.
Il abandonna un léger sourire.
Etait ce bien raisonnable ?
Peut etre pas, mais il était trop tard.


- Nous emprunterons le chemin de la Touraine.

Son ton était décidé et ce ne fut pas le haussement de sourcils de son valet qui l'arreterent.

- Maitre... c'est une zone de fronts, il est risqué d'y passer!

Severin detourna la regard. Il lui arrivait d'avoir ses caprices.

- Nous prendrons le temps qu'il faudra mais nous passerons par Chinon. Nous devons etre partis dans trois jours. Il me tarde de partir de cette terre maudite...

Son regard se perdit dans le vide d'une fenetre mettant un terme a la conversation.
Le renart se pris a rêver d'un rai de soleil sur son visage au printemps. Etrange pensée.

Plus tard, il s'assit et écrivit.


Citation:

A Davia Corsu De Villandry

Chère amie,

Votre missive a été bien reçue. Je ne sais combien durera le trajet, Maturin ayant pris tres au sérieux votre recommandation.
Je vous ecrirai lorsque nous nous trouverons a proximité de Chinon. D'ici la, remettre vous bien.

A vous revoir,

Severin.

_________________
Cevanne
Depuis qu'il avait pris ses fonctions aux côtés de l'Amahir son cousin par alliance, le renart n'avait pas trouvé le temps de renouer avec Davia le contact épistolaire.
Il pensait souvent a la jeune femme et se remémorait avec un plaisir presque coupable les moments agréables passés en sa compagnie a La Chavronnière.

Assis face au vélin , la nuit devant lui , le renart ne réussit pourtant pas a placer de mots. Pris d'une violente migraine, il préféra remettre a plus tard la rédaction de la lettre... Elle lui pardonnerait son silence. Elle pardonnait toujours.

_________________
Cevanne
Le renart n'avait toujours pas ecrit.
Trop occupé.
Pourtant ses pensées souvent le menaient a Davia alors que l'hiver s'installait plus fermement.
Le renart n'aimait pas l'hiver. Il était né d'hiver mais sa faible constitution et sa santé fragile avaient toujours fait de l'hiver une période difficile a supporter. Devant l'atre de ses appartements orléannais le renart se mit a son pupitre.
Il écrirait... quelques mots.

_________________
Davia_corsu
Les jours défilaient, la Saint- Noël, la Saint-Sylvestre... alors que la guerre continuait. De courtes trêves avaient fait espérer la fin des conflits, la paix... enfin... pour de bon! Mais ça n'était qu'illusion et tandis que la nouvelle année commençait, la jeune blanche restait songeuse quant à l'issue du conflit. Elle s'était dévouée corps et âme, négligeant la tristesse qui survenait lorsqu'elle se rappelait qu'elle passait les fêtes loin de son père, de sa mère, de ses frères.

Ses amis étaient loin, elle n'avait aucune nouvelle et même sa correspondance avec Séverin s'était quelque peu tarie. Pourtant, elle repensait fréquemment à leur dernière entrevue, elle avait toujours une sensation de trop peu lorsqu'elle passait du temps avec lui.

Heureusement, elle était entourée de ses soeurs blanches et, pour sa plus grande joie, Charles n'était pas bien loin. Ils filaient le parfait amour et la jeune fille s'émerveillait chaque matin que la force de leurs sentiments ne décroisse pas. Pourtant il était très occupé par la hérauderie et elle se trouvait sous une pile de parchemins en raison de sa récente nomination comme ambassadrice de Touraine. Cependant, cette nouvelle tâche la ramenait toujours à Séverin et à sa mélancolie qui l'attirait tant, travailler avec le cousin du Volvent la faisait inexorablement penser à lui. Elle finit par se décider à lui écrire de nouveau.




De Davia Corsu
A Séverin Anatole de Volvent.
Le quatre janvier de l'an de grâce Quatorze cent soixante.

Mon très cher ami,

Me pardonnerez vous mon silence? Depuis votre visite à Chavonnière, il m'est souvent venu à l'idée de vous écrire, mais entre mes obligations de Blanche et mes nouvelles fonctions d'Ambassadrice de Touraine auprès de Ordres royaux, j'avoue ne pas avoir pris le temps de vous écrire, même quelques mots.

Il se trouve que je travaille avec votre cousin Orantes qui est chambellan de Touraine, il ne vous ressemble guère mais est néanmoins très sympathique. J'espère que nous oeuvrerons ensemble pour le bien de la Touraine.

La guerre n'en finit plus, et je crois que mon moral faiblit. Passer les fêtes loin des nôtres est bien difficile. Mais vous devez être arrivé à Montpipeau et vous trouver prêt de votre cousine Della. J'espère qu'elle se porte bien, de même que son époux. Il m'arrive d'imaginer votre nouvelle vie, non loin de votre Gabriel, à vaquer à des occupations vous prenant votre temps et votre énergie. Il m'arrive même de croire que vous prenez goût à la vie de Cour, aux mondanités, vous, dont j'aime tant ce silence et cette discrétion qui vous est propre.

Je garde le tendre souvenir de notre dernière rencontre et il me tarde déjà d'être à la prochaine. C'est étrange cette sensation d'inachevé lorsque vous vous éloignez de moi. L'amitié rend-elle dépendant?

Mon cher Séverin, sachez que je pense à vous et que je vous garde dans mon coeur. J'attends de vos nouvelles, j'aime tant vous lire, cela m'éloigne de la guerre et de ses vicissitudes.

Que le Très-Haut vous garde mon ami.

Davia



Elle cacheta la missive et héla le premier coursier qu'elle put trouver afin qu'il l'achemine jusqu'à Montpipeau.
_________________

Blanche un jour, blanche toujours
Cevanne
Alors que plusieurs vélins entamés n'avaient jamais trouvé le chemin hors des appartements du renart, voila qu'il recevait une missive, et qui d'autre eut pu lui écrire que Davia ? Sa seule correspondante ?
En reconnaissant son écriture, le renart en sourit de plaisir. Ensuite la honte l’étreignit. Il aurait du être le premier à écrire.
Prenant congé du baron plus tôt que d'ordinaire, le renart s'enferma et seul s'accorda le loisir de lire et relire la missive.
Elle lui avait manqué cette écriture fine et déliée, elle lui avait manqué la jeune demoiselle de Chavronnière et c'est avec la ferme intention d'aller au bout de la démarche qu'il s'assit une nouvelle fois et écrivit.


Citation:
De Severin Anatole de Volvent
A Davia Corsu De Villandry

Montpipeau, Janvier quatorze cent soixante,

Ma très chère Davia ,

J'ai honte mon amie quand je songe à ces vélins tristement abandonnés sur mon secrétaire que j'aurai du prendre le temps de vous adresser, aussi c'est a vous de me pardonner mon silence.
Sachez qu'il m'a été un plaisir de vous lire après tout ce temps ou mes pensées m'ont bien souvent menées à vous. Je vous remercie d'encore songer au triste sire que je suis et de m'égayer de vos mots.

Permettez moi de vous renouveler mon admiration, vous rajoutez a vos fonctions militaires, les fonctions d'ambassadrice. Je vous en félicite.
Je suis cependant peiné de lire que votre moral s'use. Comme j'aimerai pouvoir vous apporter un peu de réconfort ? Peut etre devrai je vous écrire plus souvent...

Je suis moi même plus occupé que je ne l'ai jamais été dans mes errements passés. Le baron de Montpipeau est un homme fort occupé et être son clerc nécessite autant en présence qu'en concentration. Chaque journée débute a l'aube et s'achève au petit soir, tantôt a Montpipeau, tantôt au Louvre. Actuellement le baron est plus a Montpipeau ou son épouse, ma cousine Della vient de mettre au monde un héritier.
Mais je ne me plains guère de ma condition. Nous avons trouvé à Montpipeau un pied a terre. Maturin s'occupe davantage de Gabriel que de moi a présent, et mon neveu partage ses journées avec son cousin Charles, le fils de Nabel, soeur d'Orantes. Mais je vous en prie ne lui parlez pas de ceci, Orantes ainsi que ce qu'il reste de la famille Volvent ne sont hélas pas en bons termes avec Della.

Mais je me raconte et dois vous ennuyer à présent.
Je garde également de notre rencontre en Chavronnière, un très agréable souvenir. Il m'arrive après avoir pris congé du baron, de repenser à nos échanges. J’espère que vos gens se portent bien , ainsi que votre famille et vos proches pour lesquels vous vous inquiétiez.
Je prie pour qu'a l'aube de cette nouvelle année, cette guerre finisse enfin et sans malheur pour vous. Au printemps , au retour des beaux jours il me plairait de vous revoir , peut être en Orléannais ?

Je m’arrête la ma chère amie.
Si l'amitié rend dépendant , je ne le sais. Je sais simplement que si vous deviez ne plus m'écrire , je pourrai m'en sentir fort malheureux.
Mais n'y voyez la, rien d'autre que l’aveu de mon affection.

Qu'Aristote vous garde, à vous lire, à vous revoir.

Severin.


Au dernier point de la missive, le renart ressentit une vague de bien être, suivie plus tard par une violente migraine qui le tint au lit.
_________________
Davia_corsu
Depuis qu'elle avait reçu la missive de Séverin, la jeune Corsu était toute guillerette, elle avait retrouvé un peu d'allant. Comme toujours, ses mains fébriles avaient parcouru le vélin à la lueur de la chandelle, et comme tout jour son coeur s'était mis à battre si fort. Elle avait attendu de retrouver son calme pour lui répondre, préférant le calme de la réflexion à trop de passion.

Revenant d'une agréable soirée en taverne où elle avait laissé son bien aimé, elle s'était attelée à la tâche. Rêveuse, elle trempa la plume dans l'encre fluide et commença à tracer les premiers mots.




A mon cher ami, Séverin Anatole de Volvent
De Davia Corsu de Villandry,

Mon très cher Séverin,

Quel plaisir se fut pour moi de vous lire. Je ne puis plus me passer de vos missives, croyez-moi! D'autant que lorsque vous êtes silencieux, je m'inquiète terriblement pour vous.

Je suis heureuse de savoir que tout se passe bien à Montpipeau, que votre cousine prend soin de vous et que les occupations ne manquent pas. L'oisiveté n'est pas bonne conseillère.

Je suis aussi ravie de savoir que Gabriel va bien et que Maturin est un valet attentionné autant vis à vis de vous que vis à vis de votre neveu, il est important de pouvoir compter sur nos gens, c'est sans doute pour cela que je fais le plus souvent les choses par moi-même. Je finis par croire que votre valet est précieux, tant par sa discrétion que par son efficacité.

Très cher ami, depuis quelque temps déjà, je songe à vous confier quelque chose, j'ai retardé l'échéance longtemps, je redoutais que vous ne m'aimiez plus et que vous ne m'écriviez plus, mais aujourd'hui j'ose, car vous êtes mon ami et que je ne peux pas ne pas partager mon bonheur avec vous. Figurez-vous que j'aime. Moi qui croyait que ça n'était plus possible, qui restait sur un sentiment profond de tristesse, voici qu'un de mes frères d'armes me comble de son amour et j'en suis des plus heureuse. Notre relation est très officieuse, mon père n'étant pas au courant et je redoute son jugement car celui que j'aime est beaucoup plus âgé que moi. Mais je sais mon père bon et sage, je ne crois pas qu'il m'en blâmerait. Ma seule crainte est que cet homme ne veuille point m'épouser. C'est une crainte absurde certainement, mais j'ai tellement peur de faire les mêmes erreurs que ma propre mère.

D'autant plus que mon petit frère va se marier. Imaginez cela! Mon tout petit frère qui n'a a peine quinze ans et qui va prendre épouse, avant moi! Peut-être finirai-je vieille soldate aigrie... Qui sait! Cela dit, je crois que j'ai honte et je l'envie aussi. C'est tellement plus facile d'être un homme! Il suffit de demander, d'ordonner, de régenter... Notre tâche de femme est bien plus complexe, il faut se soumettre et attendre.

J'espère que vous ne me tiendrez pas rigueur de ne pas vous en avoir parlé auparavant et j'espère aussi que vous ne me jugerez pas, vous m'êtes bien trop cher pour que je puisse vous perdre.

Il me tarde la démobilisation, qu'enfin je retrouve un peu de liberté, que je puisse rentrer à Chavonnière, près de mon père et peut-être venir vous voir, si vous m'y autorisez.

Prenez soin de vous mon cher Séverin, et que le Très-Haut vous garde.

Votre amie. Davia.


Elle se demanda en pliant le vélin et en l'attachant au volatile, comment le jeune Volvent prendrait cette nouvelle. Elle le savait très attaché à ses principes et aux valeurs aristotéliciennes, qu'elle partageait d'ailleurs, mais lui révéler ainsi sa relation amoureuse, sans être fiancée, pouvait-il faire qu'il se détourne d'elle? Et puis, le fait que, si souvent ses pensées s'envole près du Renart la faisait culpabiliser vis à vis de Charles, c'était comme s'il habitait son âme et qu'en tout moment, elle était rattachée à lui, étrangement. L'angoisse l'étreignait parfois, imaginant que Séverin lui tourne le dos et la méprise. Comment réagirait-elle si c'était le cas?
_________________

Blanche un jour, blanche toujours
Cevanne
Il faisait nuit en Montpipeau et seuls quelques chiens aboyaient encore dans la cour du château endormi.
Dans ses appartements, comme souvent empêché par de violentes migraines, le renart ne dormait pas.
Engoncé dans un fauteuil en face du feu il aurait paru effrayant a n'importe qui tant son visage fermé dégageait en malêtre et en souffrance.
Le regard bleuté, éteint revivait au rythme des flammes mourantes qui s'y reflétaient.
Sur le guridon une coupe de vin posé à coté, un parchemin a moitié brûlé.
Les doigts rougis du renart témoignaient de la récente brûlure, mais il ne sentait rien , il y avait longtemps qu'il n'accordait a la douleur physique qu'une secondaire importance.


Que croyais tu Séverin...

Rien il n'avait rien cru, juste s'était il laissé bercer par l'illusion qu'il lui fut possible à nouveau de ressentir...

Elle en aime un autre et s'en confie a toi...

Elle en avait le droit. Ils étaient amis, et cela lui convenait très bien. Pourquoi donc ce picotement au coeur, pourquoi donc cette tristesse, pourquoi donc la rage que les murmures moqueurs de sa conscience lui avait inspiré ?

Alors il avait brulé la missive. Tout en regardant les flammes lecher le vélin il voyait disparaitre les mots comme si cela aurait pu faire qu’ils n’aient jamais existé. Pourtant il ne s’était pas résolu a laisser complètement disparaitre la lettre.
Il l’avait posée et avait tenté de calmer ses sangs en buvant du vin. Lui revenait alors celle qui le hantait, de son rire moqueur et de ses perfides murmures.
L’esprit cartésien du renart devait reprendre le dessus et c’est en ce sens qu’il dirigeait sa reflexion, oubliant le désir égoiste qui avait été un instant la source d’une douleur sourde.
Pourtant voila déjà plusieurs jours qu’il avait reçu la lettre sans se résoudre a y répondre. Il n'avait jamais eu d'amis. Comment devait réagir un ami il ne le savait.
Il avait eu une soeur, et il se souvint avoir été tres dur avec elle alors qu'elle avait eu un enfant sans être marié, il sut qu'il ne souhaitait pas cela pour Davia.

Il saisit a nouveau la coupe de vin et y trempa les lèvres. L'ivresse et la chaleur du feu faisant il crut la voir devant lui, son fantôme, son ame damnée.


- Tu es venue te moquer...
Non... Je suis heureuse, je sais que tu resteras à moi.
- Disparais, tu n'es plus... Je suis las.

La silhouette luminescente s'approchait de lui s'installant contre lui pour lui enlacer le cou. Hallucinait il? sans doute. Il ferma les yeux, en les rouvrant il vit le visage qu'il avait tant aimé, et y laissa glisser une main nostalgique .

- Tu me manques tant... Non... tu ne me manques pas...

L'attirant a lui il l'embrassa, avant de se réveiller pour se rendre compte qu'il s'était assoupi.

- Doux songes... cruels, cruelle... cruelles.

Le renart essuya une larme furtive, puis se leva pour se laisser choir dans son lit.
Plus tard,Lui vint la force d’écrire une réponse.


Citation:
A Davia Corsu de Villandry,

Ma chère,

Je vous remercie de la confiance que vous me faites de vous confier ainsi a moi, mais je ne la mérite pas, car je ne sais la conduite a adopter face a ces aveux.
Je n'ai jamais eu d'amis à conseiller, mais j'ai eu un jour une sœur.
Ainsi, si j'étais votre frère , je vous appellerai a la prudence. Il n'est rien de plus cher à une femme que sa vertu. Il est normal avec votre caractère et votre douceur de vous attirer les faveurs de probables prétendants, mais seul vous méritera celui qui n'aura à l'esprit que votre bonheur et ne craindra pas pour ce faire, de demander votre main. A celui la seulement devrez vous offrir corps et âme.
La tentation de céder a de charnels désirs, accentués par les sentiments amoureux s'ils peuvent être cachés par les hommes, ne le peuvent pour votre sexe et pourrait vous nuire plus que vous ne pourriez l'imaginer, aussi je vous exhorte a la patience, a la prudence et a la vertu.

Quand a votre frère, il n'est pas écrit un ordre de passage pour le saint sacrement du mariage... tout vient a point dit on, votre heure arrivera bien à point, je n'en doute pas.

Je ne voudrais ni vous contrarier, ni vous ennuyer Davia, je m’arrête ici.
Prenez soin de vous, et qu'Aristote vous garde.

Severin.


Il se faisait violence a chaque mot. Il se mettait dans la position d'un frère, pourtant le doute le rongeait. Davia avait elle comme de nombreuses jeunes femmes cédé à la tentation de l'amour dans les bras de son soldat ? Il ne voulait le savoir.
En se relisant, il eut l'hypocrite impression du devoir accompli et une pointe d'amertume.
Il eut l'envie de détruire la lettre, mais il sut qu'il ne la réécrirait pas. Il detestait l'impression de se mêler de cette manière de la vie de Davia, après tout elle n'était pas sa soeur, et il douta que les amis se permettent une telle proximité...
Las de se poser des questions il fit envoyer tout de meme la lettre. Au mieux il conserverait l'amitié de Davia, au pire, elle renoncerait peut être a se confier à lui... Il ne sut laquelle des deux solutions convenait a son état d'esprit.

Il se rendit ensuite a la chapelle de Montpipeau. La prière l'aiderait certainement a comprendre la confusion qui mettait a mal son esprit et peut être réussirait il a retrouver un peu de sérénité.

_________________
Davia_corsu
La missive qu'elle avait reçue avait lentement glissé de sa main jusqu'au sol, venant épouser la froidure de la terre battue. Les yeux clairs s'étaient détournés pour contempler la fenêtre baignée par la lumière matinale. La jeune fille s'était empressé de lire le vélin, le coeur battant et, une fois lu, voilà qu'elle se trouvait consternée. Séverin utilisait les mots justes, mais il faisait ressurgir les peurs qu'elle avait si bien enfouies.

Son coeur battait plus fort, de même que le sang dans ses tempes. Machinalement, elle se mit à les masser. Elle avait mal. Chaque mot de cette lettre, elle les approuvait. Il lui parlait comme un frère. Mais depuis qu'elle s'était donnée à Charles, plus rien n'avait compté si ce n'est le quotidien. Chaque jour pouvait lui arracher son bien-aimé, alors pourquoi se poser trop de questions? Pourquoi ne pas vivre ce qui semblait si naturel. Mais maintenant, elle avait peur. Patience, prudence et vertu. Elle n'était ni patiente, ni prudente et certainement plus très vertueuse.

Elle se mordit la langue et s'empourpra. Que répondre à une telle lettre. Sans doute, le jeune Volvent était la voix de la raison et même celle de la sagesse, mais le chemin qu'elle avait emprunté était tout autre, à ses risques et périls.

Rageuse contre elle-même, elle se leva vivement, ramassa le vélin qu'elle froissa et fourra dans sa besace, puis sortit de la taverne, une liasse de parchemin sous le bras. Plus tard... Elle répondrait plus tard.


[Quelques heures plus tard, une auberge quelque part en Alençon]

Accoudée à la petite table de la chambre où elle retrouvait Charles bien souvent, elle jouait avec sa plume, songeuse, un léger sourire aux lèvres. Depuis qu'elle avait pris connaissance de la lettre de Séverin, son âme torturée avait traversé les affres de la culpabilité, du péché, du doute et de la peur. Tant et si bien qu'elle avait fini par s'en ouvrir à son compagnon. Bien lui en avait pris, car depuis, elle se sentait beaucoup mieux. Elle s'était donc empressée de répondre à la missive de son ami.



De Davia Corsu, Escuyère Blanche
A Séverin Anatole de Volvent.

Bien cher Séverin, mon cher ami.

Votre lettre me prouve votre amitié et votre affection et je ne saurai vous en remercier assez. Merci pour votre franchise et pour vos précieux conseils. Vostre missive m'a plongée dans une torpeur étrange et je crois que l'espace d'un instant, j'ai été perdue.

Voyez-vous quand on fait la guerre, quand on sait que sa vie ne peut tenir qu'au fil de sa lame, on envisage parfois les choses différemment. Je suis tombée amoureuse et je n'ai pas réfléchi plus avant parce que je savais qu'en une bataille, je pouvais le perdre.

La vie est-elle donc toujours pleine de paradoxe? Je me trouve tiraillée entre les principes de vie aristotélicien et ce que je ressens pour lui. Pourtant, perturbée par votre lettre, je me suis ouverte à lui, je lui en ai parlé et je pense ne pas trop m'avancer en affirmant qu'il demandera ma main lorsqu'il verra mon père. Vous voilà rassuré mon cher ami?

Mais désormais, ai-je le droit de dire que vous me manquez et qu'il me tarde à nouveau, de partager ce temps précieux avec vous? Je ne connais rien aux choses de l'amour, à leurs complexités, et me voilà toute démunie, comme vos conseils sont précieux. Cependant, malgré ma méconnaissance de ces choses, je doute que Charles se joue de moi, c'est un homme d'un certain âge et il a une grande expérience de la vie, il a souffert auparavant et je ne l'imagine guère abusant de ma candeur. Alors, n'ayez crainte.

Sachez combien je pense à vous et combien je vous garde dans mon coeur. Qu'Aristote vous protège et qu'au plus vite, il nous fasse nous retrouver.

Avec toute mon affection.

Davia


Elle se redressa et se frotta les mains, satisfaite. Bien sûr, c'était évident son amitié pour Séverin était claire, lumineuse. Plus le moindre doute, la moindre ambiguitée. Candide jeune fille de seize printemps, elle était pleine de cette certitude et s'en voyait bien soulagée. Souriante, elle paracheva le parchemin qu'elle plia minutieusement après avoir séché l'encre. Un page irait la porter au plus tôt à son destinataire. Etonnament, sa migraine se dissipa...
_________________

Blanche un jour, blanche toujours
--Maturin
Depuis que nous étions a Montpipeau je n'avais plus le loisir de la vie privée de mon maître que je ne voyais que brièvement chaque jour.
Pourtant je restais tout de même très concerné par ses affaires et ne manquait pas de laisser trainer de coupables yeux sur ses correspondances avec la jeune demoiselle de Corsu a laquelle nous avions rendu une surprenante visite.

Je gardais de cette visite un étonnant souvenir, je n'aurai pas pensé que mon maitre cède au plaisir de la société et je regardais ceci d'un bon œil.

La vie a Montpipeau était plaisante. Je n'avais plus a subir le style de vie de mon maitre, j'aidais au château et il fallait dire que les servantes étaient parfaitement de mon gout mais je m'égare.

Il ne m'avait pas échappé la morosité profonde de mon maitre. Non pas que cet état m'étonnait, depuis que je le servais mon maitre s'était tres rarement montré l'homme le plus heureux pourtant, il était a noter qu'il se déridait quelque peu lorsqu'il recevait des nouvelles de son amie et je soupçonnais une affection particulière envers la dame.

Pourtant lorsqu'il m'avait remis la dernière lettre je l'avais vu sombre se dirigeant vers la chapelle.
Après la lecture de la dite lettre ( je vous défends de me traiter d''espion) j'avais quelque peu compris le sens de son humeur et aussi de son inclinaison. La demoiselle lui racontait ses amours, et la réponse de mon maître fut des plus surprenantes.
Écrire à une demoiselle envers laquelle l'on pouvait a terme avoir des prétentions autres qu'amicales, sur le ton d'un grand frère... grossière erreur.
A la lecture de la lettre je hochais la tête de consternation.
Consternation qui s'accentua lorsque je lus la réponse de la demoiselle, négligemment laissée sur le guéridon alors que mon maitre sombrait dans une forme de mélancolie dépressive que je ne lui aimais pas.

Me mettant a sa place, je sus qu'il aurait du mal à répondre. Peut être était il temps pour moi de me mêler aux affaires de mon maître.
Ce fut le retour de ses songes hallucinatoires qui me décidas.
Aussi , comme il m'étais arrivé de le faire une fois au nom de mon maître, je me décidais d'adresser une lettre a la demoiselle de Villandry.



Citation:
A Davia Corsu de Villandry,
Ma chère,

Pardonnez moi le retard de ma réponse. Je me suis trouvé souffrant, mais ne voulant vous priver de mes nouvelles, je me trouve ce jour en train de dicter la présente a mon précieux Maturin.

Si mes conseils vous ont aidée ma chère à régler les questions de votre avenir et poussé votre élu a se décider pour un dénouement heureux, je ne peux que m'en réjouir comme le ferait un bon ami, en vous félicitant et en priant pour votre bonheur car croyez que c'est la tout ce qui m'importe.

Pourtant ma très chère, je ne puis que vous renouveler mes recommandations à la prudence. Vous l'expliquez si bien dans votre précédente missive, il se peut que vos sentiments soient biaisés par l’éphémère portée soudaine des vies sur le champs de bataille et l'impression légitime de n'être que si peu de choses, que tout pourrait s'évanouir en un clin d’œil.

En cela je vous exhorte a nouveau a la patience et vous supplie de ne prendre aucune décision qui ne soit murement réfléchie.
Je prie pour que cette guère trouve une fin prochaine, ainsi pourrez vous vous reposer des angoisses du front et repenser l’âme et le cœur apaisés a la nature de vos sentiments et vos désirs de prendre époux d'un homme d'armes qui pourrait bien courir après d'autres guerres et se montrer un bien meilleur soldat qu'époux.

Ne voyez en mes mots et conseils rien qui soit destiné a vous contrarier. Je suis moi même un piètre connaisseur des choses de l'amour, mais les mots que je vous adresse ne me sont dictés que par la fervente affection que je vous porte et le désir ardent qui est le mien de vous savoir heureuse. Il me tarde de vous revoir et vous parler encore.

Je pense a vous souvent.

Avec mon affection,

Severin.



Je me relus avec satisfaction. Si certains passages semblaient exagérés pour qui connaissait la réserve naturelle de mon Maître (qui n'aurait pas jugé opportun d'exprimer son affection sachant la jeune femme fiancée), ma connaissance des femmes et de leurs humeurs me laissaient confiant quand a l'objectif de la manœuvre. Cela ne compromettait en rien mon maître , mais cela pourrait faire réfléchir la demoiselle dont je soupçonnais l'inclinaison.
J'offrais ainsi a mon maître du temps.
Il ne me restait plus qu'a l'envoyer et intercepter toute missive contraire que mon maitre rédigerait s'il en trouvait la force.


Cevanne
La force il eut semblé qu'elle eut soudainement quitté le renart.
Sombre, telle était son humeur exprimée par un regard absent et métallique cerné de noir.
Le renart ne montrait aucune émotion particulière a son service quotidien auprès de Montpipeau , le reste de son temps il le passait a la chapelle a expier et prier et le soir il dansait avec ses démons, se laissant aller a l'ivresse triste et solitaire dont il lui semblait pourtant être venu a bout.

Et les voix lui murmuraient des mots d'amour oubliés depuis longtemps lui rappelant a l'esprit la jouissance du cœur et du corps qu'il avait connues , les faveurs de sa maitresse, et les émois de l'amour les transposant inconsciemment a la jeune Davia. C'est la tout le tourment d'aimer de plus âgés et moins vertueux que soi... l'on cède aux élans du corps et de l'âme a s'en bruler a s'en perdre, et cette mise en garde il ne pouvait la formuler a sa tendre amie.
Il lui brulait pourtant de lui confesser ses tourments passés. Si elle se confiait a lui sur son avenir pouvait il en faire autant de son passé pour au mieux l'exorciser ? Cela les precipiterait tous deux a leur perte il le savait. Elle l'aurait forcément en horreur, et lui... lui ne pourrait plus supporter la vie.

Que lui restait il comme échappatoire ?
C'est la qu'a la voix de son aimée d'outre tombe se mêla celle de sa mère.
Prendre épouse et fonder un foyer ? Et apres ?
Saurait il combler une épouse ? A moins que le mariage n'ait d'autre objet que le bonheur des époux ? Quel en était le but ? Générer des Volvent tous aussi écorchés et déséquilibrés que lui ?

De rage et las le renart précipita contre le mur de pierre la coupe qui s'écrasa sur les dalles froides.
Le métal de ses yeux brula des flammes d'une colère sourde et assis a son pupitre, il saisit une plume dure et piquante.

Citation:

A Mademoiselle de Corsu De Villandry,

Davia,

Je ne vous ecris que ce jour, m'étant trouvé fort occupé aux affaires de Montpipeau.

Il m'est un soulagement de lire que vos affaires se règlent pour le mieux. J'aurai été faché qu'il en soit advenu autrement. La vie d'une femme a t'elle un but autre que celui de l'union sacrée ?

Vos mots m'ont rappelé que je prenais moi même en age et qu'il serait temps a mon tour de penser a prendre épouse et fonder un foyer selon les souhaits de ma défunte mère.

Peut être s'il plait au très haut, avant la fin de l'an pourront nous nous rencontrer époux et épouses en toute amitié.

Pour cela je vous remercie et continuerai de prier pour vous.

Que le tres haut vous garde,

Severin.


En se relisant le renart abandonna un rire inquiétant qui ameuta Maturin qui le regardait gauchement.

- Qu'y a t'il Maturin ? Se peut il que tu puisse un jour ne plus me veiller comme on le ferait d'un enfant!

Il se pencha au dessus de l'âtre observant les flammes qui lui brulaient doucement la peau.
Il lacha un soupir las .


- Je suis si las Maturin... j'avais envie de paix.

Il sourit doucement. Les sentiments humains n'étaient que tourment.
Ce soir la le renart se convainquit qu'il n'y avait de paix que dans la mort.
La lettre fut confiée a Maturin mais discrètement subtilisée par le valet avisé.
Le renart n'en saurais rien.

_________________
Davia_corsu
La lettre qu'elle reçut, plongea la jeune Corsu dans un trouble terrible. L'affection qu'il lui témoignait, la chaleur de ses mots, tout cela l'avait fait rougir, mais, bien pire, ce qu'il disait la faisait douter un peu plus. Tout un tas de questions, parfois très stupides, parfois un peu moins, surgissaient en vrac et lui mettaient la tête en ébullition provoquant chez elle un forte migraine.

Et si Charles ne l'aimait pas autant qu'il le disait? Et s'il tombait amoureux d'une autre, plus belle, plus intelligente, plus brillante? C'est que la jeune fille avait une fâcheuse tendance à se dévaloriser, ne se trouvant ni belle, ni intelligente et certainement pas brillante. En fait, elle se trouvait quelconque entre une mère adoptive d'une beauté à faire pâlir toutes les princesses et à faire courir plus d'un homme et feu sa mère biologique qui avait cet air sauvage et indomptable qui plaît tant à certains hommes.

Bref, Davia était étonnée de plaire à Charles et, bien qu'elle en soit ravie, passait finalement son temps à douter d'elle-même. Peu à peu, pourtant, elle prenait un peu d'assurance, convaincue qu'elle avait bien sa place auprès des Blanches et convaincue qu'elle désirait fonder une famille.

C'est donc habitée par tant de doutes et d'incertitudes qu'elle se mit à répondre à la missive qu'elle croyait être de Séverin.




De Davia Corsu, Ecuyère Blanche
A Séverin Anatole de Volvent,

Mon cher Séverin,

Votre missive me plonge dans le trouble, je l'avoue. Je doute... oui. Doute-t-on toujours ainsi en amour? Par moment, je me sens habitée par une douce certitude, sûre de lui, sûre de moi, sûre de nous et puis, parfois, c'est le doute... Le vide, les abîmes, les abysses. Et ça m'effraie.

Votre amitié m'est si chère, il m'est si facile de vous écrire alors que, je ne doute pas que si nous étions face à face, il me serait bien plus difficile de vous ouvrir ainsi mon coeur. Les mots sont doux lorsqu'on les écrit.

Vos conseils sont vrais et sincères. J'attendrais la fin de la guerre pour m'engager dans quelque voie que ce soit et ce, même si Charles rencontre mon père avant et lui demande ma main. Sans doute avez-vous raison, je sais que je suis jeune et beaucoup trop passionnée pour certaines choses et il est vrai que le désir peut-être trompeur.

J'ai été peinée d'apprendre que vous étiez souffrant et de ne pouvoir être près de vous pour vous veiller. Je vois que votre santé n'est pas meilleure que la mienne, la guerre m'avait fortifiée mais je crois que les privations commencent à avoir raison de moi. L'air de l'Orléannais est-il bon pour vous? Surtout ne vous privez pas, je vous en prie, vous savoir malade me peine énormément.

Merci, merci de tout coeur pour votre amitié, elle me fait chaud au coeur. C'est une lumière dans les ténèbres de cette guerre qui n'en finit pas.

Mais, il me faut déjà vous quitter. Prenez soin de vous, mon ami. Soignez vous, reposez vous. J'espère que votre cousin ne vous en demande pas trop.

Que le Très-Haut vous garde.

Davia, qui pense à vous, bien trop souvent...


La lettre fut relue, plusieurs fois. Elle se livrait trop, mais à cet instant précis ses doutes étaient à leur apogée. Son amitié pour Séverin n'avait rien de clair, c'était un fait. Elle était loin de la tendre amitié fraternelle qui la liait avec l'Archange d'Azayes qu'elle considérait réellement comme son frère. Tant il y a du désir, l'amitié n'est pas totale... Et, elle devait le reconnaître, Séverin l'attirait.

Séché, plié, attaché à la patte d'un véloce volatile, le vélin fut expédiée. Le soir, elle se raccorcherait aux bras de Charles, elle se concentrerait pour ne penser qu'à eux et chasser de ses pensées l'ombre troublante du jeune Volvent.

_________________

Blanche un jour, blanche toujours
--Maturin
- 70 écus ?! Voleur !!! C'est plus que ce que je gagne en six moi! tu cherches a me ruiner parole!

Si je n'avais pas une once de fierté j'aurai pu pleurer , mais c'était la le prix a payer pour oser se mêler des affaires de mon maître.
La missive de la demoiselle de Villandry était arrivée, et je compris en la lisant que mon maître n'y entendrait rien. Pourtant l'objectif de ma manœuvre avait été atteint, la demoiselle consentait a prendre son temps permettant ainsi à mon maître d'espérer ?
Malgré tout, si je pouvais mentir a mon maître prétendant que sa missive n'avait pas pu être livrée, comment s'expliquerait il le contenu de la lettre qui ne faisait écho a rien ?


- 35 écus .... hmmm 45 et c'est la mon dernier prix! bon ... bon disons 50, en même temps il ne s'agit pas d'une affaire capitale, une simple missive! On est d'accord ?

Le faussaire au faciès ingrat hocha la tête. Heureusement que j'avais pu faire quelques économies...

- Bon il ne me reste que peu de temps... il faudrait retravailler cette lettre, pense tu pouvoir le faire bien ?

L'homme sembla vexé mais je n'avais pas le temps de tergiverser, je ne pensais a rien d'autre qu'a m'éviter le courroux de Severin de Volvent. Certes il n'était ni un homme connu, ni un homme puissant mais ses colères étaient des plus cruelles que j'aie jamais connu et je ne désirai en aucun cas le décevoir.

Lorsque je quittais le faussaire d'Orléans, ce fut avec dans ma poche la missive revisitée de la demoiselle de Chavronnière que je posais le matin venu dans les appartements de mon maître après lui avoir expliqué que la diligence qui portait sa dernière missive avait été attaquée et la lettre perdue.


Citation:
De Davia Corsu, Ecuyere Blanche,
A Severin Anatole de Volvent,

Mon cher Severin,

Je me permets ce jour de vous écrire a nouveau n'ayant recu de vos nouvelles depuis votre derniere missive qui malgré l'entrain que j'ai mis a vous répondre m'a plongée dans le trouble, je l'avoue. Je doute...
Oui Doute t'on toujours ainsi en amour? je me sens habitée par une douce certitude, sûre de lui, sûre de moi, sure de nous et puis, parfois, c'est le doute...
Le vide, les abimes, les abysses. Et ça m'effraie. Je l'avoue...

Votre amitié m'est si chère, il m'est si facile de vous écrire alors que je ne doute pas que si nous étions face a face il me serait bien plus difficile de vous ouvrir ainsi mon cœur. Les mots sont doux lorsqu'on les écrit.

Vos conseils sont vrais et sincères. Aussi ai je décidé d'attendre la fin de la guerre pour m'engager dans quelque voie que ce soit et ce, même si Charles rencontre mon père avant et lui demande ma main.
Sans doute avez vous raison en me conseillant la prudence, je sais que je suis jeune et beaucoup trop passionnée pour certaines choses et il est vrai que le désir peut etre trompeur.

L'hiver est rude . La guerre m'avait fortifiée mais je crois que les privations commencent à avoir raison de moi.
J'espere que ces mots vous trouvent en bonne santé. S'il vous arrivait d'etre souffrant, je regretterai de ne pouvoir etre pres de vous pour vous veiller.
L'air de l'orléannais est il bon pour vous ? Surtout ne vous privez pas je vous en prie, je serai enormement peinée de vous savoir malade.

Merci, merci de tout coeur pour votre amitié, elle me fait chaud au coeur. C'est une lumière dans les ténèbres de cette guerre qui n'en finit pas.

Mais il me faut déja vous quitter. prenez soin de vous mon ami, et reposez vous. j'espere que votre cousin ne vous en demande pas trop.

Que le très haut vous garde.

Davia qui pense a vous , bien trop souvent.


Cevanne
Les jours avaient passés.
Séverin n'avait pas compris comment sa lettre avait pu se perdre.
Croyant, il interpréta cela comme un signe divin, n'ayant pas été dans la missive jamais reçue par Davia, des plus amicaux.
Il fut plus surpris encore de recevoir une nouvelle missive qui le décontenança quelque peu.
Il sourit. Davia prenait en compte ses conseils et cela le réjouit.
Il se sentit soulagé mais ne répondit pas immédiatement.
Son attachement a la tourangelle s'avérait de jours en jours. Il ne comptait aucune autre amie, aucune connaissance autre que sa famille, et cet échange lui était bénéfique.

Amené a retourner en Bourgogne pour l’anoblissement de la vassale de Della, Severin s'était trouvé replongé dans le souvenir des jours passés a Beaumont, Beaumont qui n'était plus a présent la demeure des renarts puisque octroyée a une femme que le renart ne connaissait pas.
Il en avait ressenti une intime souffrance , ne s'attendant pas a ce que son attachement pour cette terre soit si fort. Pourtant il n'y avait que la qu'il lui avait semblé avoir une vie plus ou moins normale. Partout ou il allait il savait que la Bourgogne était sa maison, à présent, il n'y avait plus d'attaches et pour une fois le bourguignon se sentit perdu et éprouva le besoin de s'en confier.


Citation:
A Davia Corsu De Villandry,

Ma chère amie,

J'ose espérer que ces quelques mots vous parviendrons en bonne santé.
Je vous écris alors que je reviens de Bourgogne ou ma cousine Della et son époux prenaient vassale en leurs terres Bourguignonnes, et quelles terres.
Ma cousine Della vient d'octroyer les terres de Beaumont ou se trouve le château familial des Volvent. Celui qui a vu naitre nombre d'entre nous, et bien que j'y aie peu vécu , j'en ressens une grande tristesse, comme si l'on venait de m'arracher une partie de moi.

Je m'en confie a vous mon amie car je sais que Della ne comprendrait pas et je ne voudrais l'ennuyer de mes états d'âme. Alors que j'ai traversé le royaume au travers des monastères et autres lieux de retraite spirituelle, il m'arrivait de repenser au château de Beaumont comme du lieu que l'on appelle "chez soi" . Peut être tout ceci n'était il qu'illusion et qu'il ne tient qu'à moi de m'établir et d'enfin prendre racine...

Mais j’écris, me laisse emporter par cette mélancolie dont je ne voudrais pas que vous soyez affectée.

Sachez que votre précédente missive m'a réjouie. Je vous confesse que je n'ai jamais eu d'amis que vous, et qu'il m'est agréable alors que je ne peux m'adresser à ce qu'il reste de ma famille, de vous savoir bonne confidente.

Je vais bien, l'Orléannais est froid mais pour peu d'être bien couvert, cela ne fait guère de différence. Je me distrait auprès de Gabriel qui semble plus épanoui et alors les jours me paraissent plus doux.
Ma compassion vous est acquise, je prie sans relâche pour la fin du conflit qui vous accapare et vous conjure de tenir bon et de vous préserver au mieux des ravages de la guerre.

Je vous abandonne déjà, le baron me mande tôt demain. Puisse Aristote vous apporter réconfort et paix.

Avec mes tendres pensées,

Severin.


Soulagé, il confia la missive a Maturin sans se douter du rôle du serviteur dans sa correspondance avec la jeune Davia.
_________________
Davia_corsu
[Maine, début février 1460]

Guerre, trêve, guerre, trêve, gardes, gardes, gardes... A chaque jour suffit sa peine et Davia Corsu, comme la plupart des soldats encore mobilisés étaient usée jusqu'à la corde. Les blanches s'étaient séparées, mais pire que tout, sa Capitaine avait gardé Charles auprès d'elle, la jeune fille se retrouvait loin de lui, désoeuvrée et seule Kasia, blanche au grand coeur, réussissait à la sortir de sa léthargie.

Elle s'acharnait donc à sa tâche d'ambassadrice de Touraine pour les Ordres Royaux, envoyant missives aux différents Grand-Maîtres, soutenant une correspondance assidue avec son Chambellan. Elle s'occupait, comme elle pouvait.

Bientôt, elle le savait, Charles et elle chevaucheraient vers Chavonnière. Bientôt, ils rencontreraient son père. Bientôt, celui qu'elle aimait ferait sa demande, ils se marieraient et auraient beaucoup d'enfants, futurs hospitaliers et futures blanches. La vie était simple, belle et elle promettait beaucoup de bonheur.

Ce matin de grisaille, la Corsu ne se sentait pas le coeur à aller s'entraîner, comme elle le faisait tous les matins. Sa correspondance était à jour, ou presque. Assise en tailleur sur sa couche, sous la tente, emmitouflée dans des chaudes peaux de bête, elle tira de son corsage l'ultime missive de Séverin. Elle la gardait toujours sur elle, contre son coeur. Elle faisait de même avec les lettres de son père et celles de Céraphin trouvaient le même chemin.

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas écris au Volvent. Comment se portait-il? Ses activités au sein de la maisonnée de Della lui plaisaient-elles toujours? Peut-être changeait-il? Devenait-il plus mondain? Elle l'imaginait entourée de damoiselles, baronnes et vicomtesses, toutes plus belles les unes que les autres, leur contant fleurette et ne peut s'empêcher de s’esclaffer toute seule dans sa tente. Le Severin qu'elle connaissait, son Severin, ne ressemblait pas à cela. C'était un homme silencieux, solitaire, profond, un homme dont le regard vous trouble.

Elle sourit et se mit en tête de trouver parchemin et plume pour lui répondre. Il était temps et qui plus est, il lui manquait.




A Severin Anatole de Volvent
De Davia Corsu de Villandry.

Mon très cher ami,

Pardonnez mon long silence, j'avoue avoir été prise par le temps, bien que ce temps semble devenir une éternité au regard d'un guerre qui donne l'impression de ne pas vouloir finir.

Votre dernière missive m'a remplie d'empathie. Comme je sais ce que vous ressentez. Mon père m'a dit une fois que notre terre était dans notre coeur et que notre coeur se trouvait près de ceux qu'on aime. Les Corsu sont des exilés. Ils le seront toujours. Mon père eut été roy de Corse, une petite île au Sud de la France. Un part de notre coeur est toujours là-bas, même pour moi, qui jamais n'ai pu m'y rendre. Mais pourtant, mon père avec sa force d'âme, sa force de caractère et la patience dont il fait si souvent preuve, a réussit à faire de son fief, la terre des Corsu. Vous la connaissez cette terre, c'est Chavonnière.

Tout ça pour vous dire que je comprends l'arrachement qu'à du être cet anoblissement pour vous, mais je ne doute pas qu'un jour, vous saurez "créer" votre terre, la terre des Volvent, celle de vos enfants. Comme mon père l'a fait pour nous.

Que devenez-vous? Quelles sont vos activités chez votre baron de cousin? Comment se porte Gabriel? Et votre cousine Della? Elle ne se souvient sans doute pas de moi, mais moi, je me rappelle très bien d'elle lorsque feue notre Reyne Béatrice a accouché en Commanderie Blanche. Je n'ai pas souvenir de vous en avoir parlé, pourtant, ça avait été un moment mémorable et j'avais trouvé que votre cousine avait été admirable. L'amitié qui l'unissait à la Reyne était presque palpable. J'en avais été très touchée.

Ici, figurez-vous, le temps est triste, la guerre est triste. Charles est loin de moi et nos rangs sont clairsemés. L'usure nous guette et je ne sais quelle sera l'issue de tout cela. Je travaille toujours avec votre cousin Orantes, qui est Chambellan de Touraine. Il m'est cher et j'espère qu'un jour, nous pourrons faire plus encore pour notre duché. Les élections se préparent et ma mère, qui a monté sa propre liste, semble sur la bonne voie pour devenir duchesse. Je regrette de ne pas arriver à renouer le lien avec elle. Elle est devenue tellement silencieuse avec moi, parfois, j'ai l'impression qu'à ses yeux je suis morte et pourtant... Si elle pouvait savoir combien je l'aime, même si nous ne sommes pas souvent d'accord. Sa tâche de duchesse sera rude, si elle le devient, elle sera soumise aux Grands de Touraine, à leur avidité, à leur corruption, elle sera sous leur coupe et si elle ne leur plaît pas, ils se débarrasseront d'elle, comme ils l'ont déjà fait auparavant avec d'autres.

Ah Séverin, la politique est une bien laide histoire aujourd'hui. Je me rappelle le temps où, dans le calme du couvent, je lisais la République de Platon ou je me penchais sur Arisote. Quelle noble vision ils avaient de la vie de la cité et de ces institutions. Pourquoi les nobles de mon duché ont-ils le coeur rongé par un pouvoir éphémère qui ne leur apportera qu'amertume? Le Baron d'Amahir est-il ainsi? J'ose espérer que non.

Mais je prends conscience que je dois vous abrutir de mes mots, voyez, vous me manquez, cela fait trop longtemps que je ne vous ai pas écrit.

Prenez soin de vous, mon ami, et que le Très-Haut vous garde.

Affectueuses pensées.

Davia


Elle relut consciencieusement sa lettre, elle s'était emballée et ne put que sourire face aux confidences qu'elle faisait à Séverin. Hors de la tente, Kasia l'appelait pour l'entraînement, il était déjà tard et il lui fallait s'activer. Elle saupoudra le vélin, souffla dessus puis le roula avec attention. Il partirait sur l'heure, solidement attaché à la patte d'un volatile.
_________________

Blanche un jour, blanche toujours
See the RP information <<   <   1, 2, 3   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)