Le printemps s’était installé depuis quelques semaines, prenant allégrement ses aises. Douce chaleur qui faisait tantôt penser à l’été, tantôt au début de l’automne mais dont les saveurs en été bien différentes et éloignées. Les fruits n’avaient pas encore revêtu leurs belles couleurs ardentes et chatoyantes, seules les fleurs printanières voyaient le jour ajoutant au tableau d’une nature éveillée une beauté des plus colorée. Et en Champagne comme ailleurs, la vie s’écoulait au rythme de la saison. D’ailleurs, ce fut au cœur d’une de ces journées particulièrement chaudes qu’Ana décida qu'il était temps de revivre.
Des jours qu’elle était confinée dans cette chambre qui avait vu la mort rôder, des jours qu’elle dépendait complètement de son époux pour le moindre mouvement. Depuis qu’elle s’était réveillée au petit matin après avoir dormi du sommeil du juste, pensant que les limbes qui l’accueilleraient seraient glaciales et humides et non pas chaleureuses comme elle en ressentait les effets, Ana dut se rendre rapidement à l’évidence qu’elle ne s’était pas éteinte comme elle le pensait. Et vivement, dans un geste presque de panique, la jeune femme avait tenté de s’écarter de cette source de chaleur mais la douleur violente qu’elle ressentit immédiatement lui rappela vivement la réalité. Tournant alors son regard dans la direction adéquate, elle vit le corps allongé de son mari qui semblait vouloir la retenir de peur qu’elle ne parte au loin.
Oscillant entre colère et reconnaissance, Ana.Lise était restée prostrée dans un silence complet osant à peine respirer, prenant le temps de la réflexion et surtout de la compréhension. Ses derniers instants lui revinrent en mémoire, ses sentiments qui s’étaient échappés de sa bouche tandis qu’elle sombrait dans un profond sommeil et ce sourire rassurant qu’elle avait vu avant de fermer complètement ses yeux. Sa main se porta alors sur la joue de Ghost qui durant des heures avait veillé sans faille, la tenant à bout de bras pour qu’elle ne sombre pas dans ce néant complet. Et là les questions commencèrent à affluer mais Ana referma vite son esprit, faisant le vide entièrement afin de ne plus être assailli par trop de sentiments contradictoires. Elle devait d’abord se remettre de ses blessures puisque finalement la mort avait renoncé à l’emporter avec elle toutefois la jeune femme restait persuadée qu’elle n’aurait pas toujours cette chance, que son nom était inscrit sur les carnets de la dame en noir qui patiemment attendait dans un coin de son existence le meilleure moment pour couper ce fil de soie qui la rattachait à la vie.
Et les jours s’étaient succédés les uns après les autres. Ana attendait patiemment que son corps cicatrice. Et même si le médecin qui était intervenu le soir de la tragédie était confiant, il avait interdit tant de choses à la jeune femme qu’elle commençait à en avoir par-dessus la tête de devoir attendre. Et puis vint le jour où enfin, elle avait pu poser les pieds. Délicatement, son mari l’avait porté dans ses bras comme il le faisait chaque jour afin de lui permettre de voir autre chose que son lit puis sans plus attendre, avait déposé Ana devant la fenêtre. La jeune femme était fière de pouvoir se sentir un peu plus vaillante que les jours derniers, ses jambes résistant plus facilement à la station verticale dans laquelle la duchesse était postée. Quelle joie pour elle de percevoir le soleil la réchauffer de ses rayons, quelle bonheur de pouvoir poser les yeux sur toutes ces touches de couleurs qui comme dans un tableau prenait vie doucement sous ses yeux, quel émerveillement de découvrir la nature ainsi sous son plus beau jour. Et comme si la faucheuse avait effacé la mémoire d’Ana. Lise cette dernière redécouvrait avec les yeux d’un enfant tout ce qui l’entourait. Mais cela ne lui suffisait pas, il lui fallait ressentir de plus près les choses. Aussi avait-elle attendu que ses jambes daignent ne pas flancher au bout de quelques mètres avant de partir à la conquête de l’extérieur.
La journée choisie avait donc été celle qui s’avérait être la plus chaude jusqu’à maintenant. Petite robe au tissu plus léger en ce printemps, joli daibiky aux motifs colorés de vert et de rouge, à la forme moins serrée que d’ordinaire afin de ne pas meurtrir les plaies que la duchesse dissimulait aux yeux de tous, bottes assorties et voilà que la dame de Dienville avait pris la direction de son moulin de Conflans. Déjà, elle voulait s’assurer que tout était en ordre, que le travail de Marik ne souffrait pas de ses absences journalières et si la fatigue lui laissait un peu de répit, elle irait jusqu’au bord de la rivière afin de se rafraichir en faisant attention de ne pas glisser sur les rochers humides. Ce n’était pas le moment que la jeune femme se blesse à nouveau mais l’envie était trop forte, elle ne pouvait rester ainsi. Ce fut donc joyeusement qu’elle se faufila à l’extérieur de la maison, laissant malgré tout un mot pour son époux l’informant de ne pas s’inquiéter, qu’elle sera de retour rapidement tout en lui donnant le lieu de sa visite. La jeune femme n’était guère du style a laisser des indices sur les lieux qu’elle comptait visiter mais depuis son accident, Ana préférait ne pas tenter la poisse. Aussi, rapidement, Ana plaça le message sur la coiffeuse bien en évidence dans leur chambre. Mais l’envie de sortir la tenaillait tellement qu’elle en oublia de poser un objet sur le velin afin de le garder à sa place et lorsque la duchesse quitta sa chambre, un petit courant d’air vint soulever le feuillet, le faisant glisser jusqu’aux pieds de la commode.
Et pendant ce temps, Ana profitait de l’absence de bien du monde dans la maisonnée pour sortir. Le soleil déjà réchauffait son doux visage, la laissant béate de bonheur. Elle savait que le chemin prendrait du temps mais pour rien au monde Ana reculerait devant ce désir qui l’habitait. Et puis le moulin n’était pas si loin finalement, juste un peu en retrait de la ville. Sourire aux lèvres, l’air décidé, la duchesse voulait conquérir le monde en ce jour parfait, pour elle, pour son mari, pour la vie qui reprenait ses droits dans leur existence. Et puis la journée était si belle que si le désir venait à son mari de la retrouver, il pourrait l’y rejoindre et passer un moment avec elle. Le besoin de se retrouver un peu seuls tous les deux se faisaient dominateur chez la duchesse au point d’en oublier la fatigue et la douleur qui martyriseraient son pauvre corps dès le lendemain.
Pensées agréables calées dans un coin de sa tête s’aidant d’un bâton qui ne la quittait plus, Ana partit d’un pas décidé dans la direction de la place du village, la traversant assez rapidement finalement puis bifurquant sur sa gauche, elle avisa les grands champs de blé avec au loin le moulin qui se détachait de l’horizon. Le sourire s’accentua. Elle avait déjà fait la moitié du chemin et ne perdait pas espoir ce qui était bon signe chez la jeune femme. Rien ne l’arrêterait désormais et à la pensée de se rafraichir aux abords de la rivière n’en était que plus agréable. Un bonjour à droite, un sourire à gauche, Ana ne perdait pas son enthousiasme et saluait les gens avec bonheur. Qu’il était bon de se sentir revivre sous le regard des gens. Plus que quelques pas et bientôt le moulin sera à porté de foulée.
Merci de m'envoyer un mp si vous voulez participer ljd Ana.Lise
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