Cerridween
[ Everyone I know goes away in the end and you could have it all my empire of dirt ]
Elle glisse le long du mur, comme une feuille morte...
Les cheveux de feu défaits dégoulinent sur ses épaules, agglomérés de sueur, comme éteints.
Sa main s'ouvre et la lame tombe sur le sol dans un bruit mat de métal fatigué.
Un filet de sang coule le long du creux de sa paume, abimés, cloqués, fendus, avant de glisser sur ses doigts et chuter en petites gouttes opaques...
Le mannequin qui se trouve devant elle est informe. Défiguré. Des coups ont fait sauté des bouts de bois qui jonchent le parquet, piétinés.
Elle a mal. Si mal qu'elle ne sent plus rien. Son épaule ne répond plus, ses jambes ne la tiennent plus debout. Ses joues sont creusées, blafardes. Sa poitrine se soulève au rythme de sa respiration, diffuse, difficile, hachée...
Elle a voulu voir. Voir si elle pouvait atténuer. Ça encore... si elle pouvait oublier. Arrêter de souffrir. Un instant... Une minute... une seconde... Elle a essayé de tout son corps. Pendant deux longues heures sans s'arrêter. Devant une armée entière, imaginaire. De taille et d'estoc, toute la gamme de ce qu'elle connaît, toutes les bottes. Trempée jusqu'aux os, épuisée jusqu'à la moelle, elle vient de tomber...
Rien n'y a fait...
La tête roule sur le côté, contre la pierre. Son visage est séché par le sel et la sueur. Il semble avoir vieilli de dix ans, tant il est crispé, défiguré par la douleur et la peine. Elle laisse éclater un sanglot dans la froideur de la nuit alors que lentement se consument les dernières chandelles.
Chevalier, je suis désolée de devoir sortir de notre monastère pour vous apprendre la triste nouvelle...
C'était une si belle journée. Le soleil caressait les terres de Léard où le blé poussait sans encombre. Les grillons ronronnaient tranquillement. Laïs riait dans sa chambre, en faisant un pas de danse au bras de son cousin. Elle passait en revue, vêtue d'une simple chemise blanche, de ses braies noir corbeau et de ses bottes de cavalier, les derniers préparatifs en cuisine avant d'aller vers les ateliers. Elle a passé du temps à discuter avec les lavandières, participant du bout d'un sourire en coin aux caquetages sur les hommes et leurs regards qui se faisaient pressant sur les manches et les pans de robes qui remontent de plus en plus au champs, proportionnellement à la chaleur de l'été qui s'installe. Elle a engagé ses pas vers l'écurie et a passé la porte pour que ses bottes foulent les pierres de la cour. C'est là qu'elle les a vu. Tous trois. Elle a lentement perdu son sourire en ne voyant pas le leur. Les mines étaient graves sur les trois visages, l'un plus vieux que les autres. Celui du prieur. Elle est resté comme une statue, plantée au milieu de l'espace vide pendant qu'il s'approchait, les deux autres moines en retrait. Il lui a parlé doucement, presque tendrement. Elle a ouvert la bouche. Aucun son n'est sorti. Sa tête a tourné. Elle a manqué de trébucher, prise d'un grand tremblement.
Mon enfant, je...
Elle n'a plus rien entendu. Rien... Elle n'a pas entendu l'Intendante arriver dans son dos et la soutenir en appelant à l'aide. Elle n'a pas vu Laïs se décomposer sur le seuil et pleurer dans les bras de Gauwyn. Elle ne se souvient pas. Elle se rappelle s'être réveillée dans son lit à la lueur d'un demi quartier de lune. Avoir penser à un mauvais rêve. Et être tombée durement dans la réalité en voyant l'Intendante la regarder avec inquiétude et lui dire qu'elle était désolée, si désolée. Elle ne sait pas comment elle a eu la force d'écrire deux lettres. Elle ne sait plus. Elle sait juste qu'elle voulait que cela cesse...
Et la voilà, cassée sur le sol, poupée de chiffon désarticulée. Elle ne refoule plus rien. Elle saigne. Elle saigne abondamment, inondant ses joues. Elle n'aura pas tenu sa promesse. Une des plus importantes. Celle qu'elle a fait quand il est mort dans ses bras. Elle n'aura pas réussi encore une fois. Elle n'aura rien pu faire encore une fois. Et encore une fois, cela la torture, la vrille, des entrailles jusqu'à l'âme.
Je vous hais...
Le murmure s'est déjà perdu dans le silence alors qu'elle apostrophe le ciel en hurlant.
JE VOUS HAIS !
Il lui a prit. Lui. Celui qu'elle a essayé de préserver. L'ainé de la fratrie. Encore un. Père, fils... pour elle, plus de saint esprit. Elle aurait pourtant tout donné. Tout...
C'était une si belle journée...
Le soleil caressait les terres de Léard où le blé poussait sans encombre. Les grillons ronronnaient tranquillement. Laïs riait dans sa chambre, en faisant un pas de danse au bras de son cousin. Elle passait en revue, vêtue d'une simple chemise blanche, de ses braies noir corbeau et de ses bottes de cavalier, les derniers préparatifs en cuisine avant d'aller vers les ateliers.
Elle ne pourra pas recommencer...
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Elle glisse le long du mur, comme une feuille morte...
Les cheveux de feu défaits dégoulinent sur ses épaules, agglomérés de sueur, comme éteints.
Sa main s'ouvre et la lame tombe sur le sol dans un bruit mat de métal fatigué.
Un filet de sang coule le long du creux de sa paume, abimés, cloqués, fendus, avant de glisser sur ses doigts et chuter en petites gouttes opaques...
Le mannequin qui se trouve devant elle est informe. Défiguré. Des coups ont fait sauté des bouts de bois qui jonchent le parquet, piétinés.
Elle a mal. Si mal qu'elle ne sent plus rien. Son épaule ne répond plus, ses jambes ne la tiennent plus debout. Ses joues sont creusées, blafardes. Sa poitrine se soulève au rythme de sa respiration, diffuse, difficile, hachée...
Elle a voulu voir. Voir si elle pouvait atténuer. Ça encore... si elle pouvait oublier. Arrêter de souffrir. Un instant... Une minute... une seconde... Elle a essayé de tout son corps. Pendant deux longues heures sans s'arrêter. Devant une armée entière, imaginaire. De taille et d'estoc, toute la gamme de ce qu'elle connaît, toutes les bottes. Trempée jusqu'aux os, épuisée jusqu'à la moelle, elle vient de tomber...
Rien n'y a fait...
La tête roule sur le côté, contre la pierre. Son visage est séché par le sel et la sueur. Il semble avoir vieilli de dix ans, tant il est crispé, défiguré par la douleur et la peine. Elle laisse éclater un sanglot dans la froideur de la nuit alors que lentement se consument les dernières chandelles.
Chevalier, je suis désolée de devoir sortir de notre monastère pour vous apprendre la triste nouvelle...
C'était une si belle journée. Le soleil caressait les terres de Léard où le blé poussait sans encombre. Les grillons ronronnaient tranquillement. Laïs riait dans sa chambre, en faisant un pas de danse au bras de son cousin. Elle passait en revue, vêtue d'une simple chemise blanche, de ses braies noir corbeau et de ses bottes de cavalier, les derniers préparatifs en cuisine avant d'aller vers les ateliers. Elle a passé du temps à discuter avec les lavandières, participant du bout d'un sourire en coin aux caquetages sur les hommes et leurs regards qui se faisaient pressant sur les manches et les pans de robes qui remontent de plus en plus au champs, proportionnellement à la chaleur de l'été qui s'installe. Elle a engagé ses pas vers l'écurie et a passé la porte pour que ses bottes foulent les pierres de la cour. C'est là qu'elle les a vu. Tous trois. Elle a lentement perdu son sourire en ne voyant pas le leur. Les mines étaient graves sur les trois visages, l'un plus vieux que les autres. Celui du prieur. Elle est resté comme une statue, plantée au milieu de l'espace vide pendant qu'il s'approchait, les deux autres moines en retrait. Il lui a parlé doucement, presque tendrement. Elle a ouvert la bouche. Aucun son n'est sorti. Sa tête a tourné. Elle a manqué de trébucher, prise d'un grand tremblement.
Mon enfant, je...
Elle n'a plus rien entendu. Rien... Elle n'a pas entendu l'Intendante arriver dans son dos et la soutenir en appelant à l'aide. Elle n'a pas vu Laïs se décomposer sur le seuil et pleurer dans les bras de Gauwyn. Elle ne se souvient pas. Elle se rappelle s'être réveillée dans son lit à la lueur d'un demi quartier de lune. Avoir penser à un mauvais rêve. Et être tombée durement dans la réalité en voyant l'Intendante la regarder avec inquiétude et lui dire qu'elle était désolée, si désolée. Elle ne sait pas comment elle a eu la force d'écrire deux lettres. Elle ne sait plus. Elle sait juste qu'elle voulait que cela cesse...
Et la voilà, cassée sur le sol, poupée de chiffon désarticulée. Elle ne refoule plus rien. Elle saigne. Elle saigne abondamment, inondant ses joues. Elle n'aura pas tenu sa promesse. Une des plus importantes. Celle qu'elle a fait quand il est mort dans ses bras. Elle n'aura pas réussi encore une fois. Elle n'aura rien pu faire encore une fois. Et encore une fois, cela la torture, la vrille, des entrailles jusqu'à l'âme.
Je vous hais...
Le murmure s'est déjà perdu dans le silence alors qu'elle apostrophe le ciel en hurlant.
JE VOUS HAIS !
Il lui a prit. Lui. Celui qu'elle a essayé de préserver. L'ainé de la fratrie. Encore un. Père, fils... pour elle, plus de saint esprit. Elle aurait pourtant tout donné. Tout...
C'était une si belle journée...
Le soleil caressait les terres de Léard où le blé poussait sans encombre. Les grillons ronronnaient tranquillement. Laïs riait dans sa chambre, en faisant un pas de danse au bras de son cousin. Elle passait en revue, vêtue d'une simple chemise blanche, de ses braies noir corbeau et de ses bottes de cavalier, les derniers préparatifs en cuisine avant d'aller vers les ateliers.
Elle ne pourra pas recommencer...
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