--Mahaut.
La journée avait été longue mais fort rentable. Fouillant dans sa besace, elle en sortie un chiffon ensanglanté, ainsi quune modeste bourse de 10 écus. Les hommes avaient afflués en nombre, tous satisfait... Mahaut s'était forgé une solide clientèle aux grés de ses passes torrides. Sa réputation n'était plus à faire, et chacun, qui souhaitait prendre un moment de plaisir, savait où la trouver.
Dans la capitale, la concurrence était rude. Les marchands des provinces éloignées apportaient avec eux, leurs lots de miséreuses. Elle ne pouvait rien y faire, hormis se montrer plus désirable encore. Comme toutes ces femmes, son visage portait les marques de lassitude. Le temps naidant pas, il fallait tant bien que mal faire ressortir son charme. Elle avait un visage angélique, et était, elle et son corps, un tout désirable.
Mahaut et Mélisendre travaillaient au fond dune ruelle sombre. Bien que chacun connaissait lemplacement exact de ce lieu de débauche, jamais la morale et la justice navaient pointée le bout de leur nez. Peut-être était-ce grâce aux nombreux services rendus aux titulaires ? Le maire, dans sa grande sagesse, avait su fermer les yeux La vertu ? Piouf ! ça nourrit pas son homme !
Comme à laccoutumée, la fréquentation était moindre à lheure du dîner. Muni de sa compagne dans adversité, elle soctroya une pause. Le repas était bien maigre. Tant mieux se disaient-elles, cela évitera au ventre de gonfler. Le patron avait accepté de leur louer une petite bicoque. Pour le confort ? Assurément non. Car cette bâtisse navait rien de confortable. Elle empestait la ruelle suintante et dégoulinante de défection, et le froid régnant portait de même son lot de misère. Les planchers craquants et le couinement des rats à la peau si sombre, quils semblent être sortie de la bouche du Sans-Nom en personne.
La grosse cloche sonne. La nuit tombante, avant de reprendre ses uvres, il fallait rejoindre le patron pour reverser une partie de ses gains La vie était dure, et elle pensait un jour s'affranchir de cette tutelle. Mais le chef disposait de certains moyens de pressions ne lui laissant pour l'instant guère le choix.
Mélisendre avait un fils Elle sétait faite engrosser par le patron, un jour où la solde était trop maigre.
Elle frissonne. Le vent se lève et s'engouffre dans la ruelle. Sous son manteau, seule une fine nuisette la protège du froid....