Le moment qu'elle redoutait le plus arriva. Du coin de l'oeil, elle observa Thibauld qui se tortillait encore sur son siège. Il resta un moment silencieux et sans bouger. Que se passait il encore ? Est ce qu'il hésitait ? La pensait il folle ? Elle l'avait pourtant choisi exprès en sachant qu'il n'oserait pas lui faire l'affront de gâcher ce moment. Oui, lorsque Navigius lui avait parlé de cet instant de cérémonie, la peur avait gagné son ventre et la première chose qu'elle demanda était de savoir si n'importe qui pouvait répondre à cette question. Par n'importe qui, elle pensait plus précisément à Kirke. Pour sur, si lui devait en attester, elle n'était pas sortie de l'auberge. C'est qu'il avait un drôle d'humour le petit blondinet. Déjà qu'il se croyait le plus beau, le plus fort. Ca, c'était bien signe que son jugement était erroné. Et de toute manière, le plus beau était incontestablement Thibauld qui finit par se lever, jouant avec un parchemin.
Elle fronça légèrement les sourcils lorsqu'elle comprit ce qu'il tentait de faire et réprima un rire. Le pauvre.
Elle écouta attentivement ce qu'il avait à dire à son sujet et plus il avançait dans son discours, plus le rouge lui montait aux joues. D'ailleurs, à la fin elles étaient aussi rouge qu'une tomate et des papillon dansaient dans son ventre. Il est vrai qu'ils précipitaient peut être les choses entre eux, mais pourtant, elle était tellement sur d'elle, sur d'eux, sur du nous qu'ils formaient. Elle se pinça légèrement les lèvres, coupable d'être parfois submergée de doutes, coupable de trop écouter ce que les autres pouvaient avoir à dire à leur sujet. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'elle l'aimait.
Son regard noisette le suivit jusqu'à ce qu'il retourne à sa place et elle resta songeuse et quelque peu ébranlée par son discours, n'entendant pas que Navigius s'adressait à elle.
Pardon ? Oh oui !
Elle se secoua légèrement la tête puis pris une grande inspiration. Elle avait également préparé un discours mais maintenant, tout était embrouillé dans sa tête.
Pour devenir mon parrain, j'ai choisi Messiah de Penthièvre, un homme d'une quarantaine d'année, les cheveux grisonnant, toujours bougon et pas réellement prolixe.
Oui, pour moi il s'agit d'une personne de grande qualité à titre affectif, mais il ne faut pas le lui répéter.
Son visage se tourna vers Messiah et elle lui fit un petit sourire géné.
Pourquoi ? Tout simplement parce que j'étais trop jeune lorsque mon père nous a quitté pour me souvenir de lui et qu'en la personne de Messiah j'ai trouvé une figure paternelle. Certes, il a une drôle de manière de le montrer, mais jusqu'à présent, il a toujours été là pour moi, pour écouter mes peines, mes joies, mes caprices, pour me conseiller, m'aider à réaliser mes projets, ne pas hésiter à me dire lorsqu'il pensait que je fais une connerie, même si je ne l'écoute pas. Peu de personnes ont la chance de pouvoir choisir sa famille, moi si.
Pour devenir ma marraine, j'ai choisi Johanara de Bérénice d'Ambroise, Baronne de Lignières, une femme d'une vingtaine d'année, très coquette et qui représente à mes yeux un modèle de féminité. Mais elle est rousse, personne n'est parfait. Il ne faut pas lui dire non plus.
C'est également à titre affectif que je souhaite qu'elle devienne ma marraine aujourd'hui. Je ne peux pas dire qu'elle est comme une mère pour moi car je la vexerais, mais je pense pouvoir dire qu'elle est comme une grande soeur. Comme Messiah, elle est toujours là pour moi, même si ce n'est pas forcément pour les mêmes choses.
En réalité, je trouve mon choix excellent par les différences qui existent entre Messiah et Johanara. Chacun à leur manière et sur des sujets différents pourront m'apprendre des choses, me soutenir et faire de moi quelqu'un d'entière et de respectable. Surtout Johanara pour le respectable.
D'ailleurs, j'espère qu'ils se marieront. Bon, bien sur, le fait que je considère Messiah comme mon père et Johanara comme ma soeur complique un peu les choses car ce n'est pas très très.. Hmm.. Enfin vous comprenez. Heureusement, ce n'est que dans ma tête alors ils peuvent se marier, c'est parfait non ? Il faudra que j'y travail.
Enfin, je divague. Comme je l'ai dit, peu de personne ont la possibilité de choisir sa famille mais ce jour représente pour moi, en plus de mon entrée dans l'amitié aristotélicienne, l'officialisation des liens qui, je crois, existent entre nous. J'aimerais d'ailleurs être sous leur responsabilité pour les grands choix que j'aurais à faire dans ma vie et qui demandent, habituellement, le consentement de la famille légitime ou du chef de famille. J'ai beaucoup d'affection pour ma cousine et elle le sait, cependant, nous sommes deux personnes très différentes avec des points de vues différents. Ainsi, j'ai peur que mes intérêts et mes aspirations ne soient pas toujours respectés si je reste sous sa responsabilité, ou qu'ils le soient de manière forcé, ce qui risque de porter atteinte à nos relations. C'est pour préserver cette relation que je demande à être confié à Johanara et Messiah. J'espère que ma cousine ne m'en tiendra pas rigueur et qu'elle comprendra les motivations de ma demande.