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[RP] Je t'aime, moi non plus.

Milo
C'était une soirée comme une autre. Taverne presque vide, seule une connaissance pourvoyait à meubler les silences qui s'installaient parfois. Pourtant, si les yeux s'attardaient un peu sur l'environnement, les langues auraient eu des choses à dire. Mais comme toujours, elles ignoraient ce qui était sous leur nez.

Vautré dans son fauteuil, il relevait parfois la tête pour se raccrocher par bribe à la conversation, plus par obligation que véritable intérêt. Il faut dire que les affaires rusées ne l'intéressaient guère. Reliquats du passés pour les seuls intimes du fameux Pi de Bourgogne. Pourtant, comme le fantôme qu'il était, son ombre pouvait parfois planer au dessus de la tablée, devenant pesante et lourde.

Sous forme de lapsus, elle s'invitait et s'infiltrait dans l'esprit du blond, le ramenant à ses tortures intérieures. De celles qui ne vous lâchaient pas, vous assaillant de questions qui restaient sans réponses, quelle que soit l'envie de les effacer. Mysticisme ou simple folie d'un monde tourné vers le passé ? Il n'aurait su le dire, mais ce nouveau lapsus fût celui qui remplit la coupe.

L'armée de mon... du Pi lui est passé sur le corps entre Chalon et Mâcon

Par déduction, finir la phrase n'était guère difficile. Ce à quoi le géant répondit simplement par une légère phrase, bien que bouillonnant à l'intérieur. Si son mari était à mâcon ce jour là, alors celui qui se trouvait à ses côtés n'étaient pas le sien. Et puis... La conversation avait repris son cours, comme si de rien n'était, laissant le blond à ses réflexions.

Oui mais voilà. L'agacement avait son chemin, alimenté par les gestes désespérés de la rouquine pour tenter de rattraper sa bourde. Chose qu'il détestait. Pianotant sur son accoudoir, il se redressa soudain et sortit sans un mot, sans même un regard pour celle qui partageait sa couche. Il fallait qu'il prenne l'air, qu'il se calme. Car Thor savait ce qu'il était capable de faire dans pareil cas.
Breiz24
Et elle ?
Comme à chaque fois – parce que bien entendu celle-ci n’était pas la première – mortifiée par son erreur, elle n’a que peu de solutions. Rester douce et charmante, et à peu près tout accepter, les mots durs comme les gestes de dédain. Et ne pas pleurer. Parce qu’ils sont en public, et que c’est de sa faute, et qu’elle mérite qu’il la traite ainsi. Elle mérite de souffrir, parce qu’elle a frappé la première, même si elle ne l’a pas fait exprès.
Et puis son fils est là, il est présent, et devant lui rien ne doit sortir de l’ordinaire. Son fils. Son fils à elle, et à Lui aussi, ce mort que le blond voudrait pouvoir tuer encore.

Et l’enfant de se faire instrument, arme de destruction passive entre les mains de sa mère, qui l’encourage à devenir fort comme son père devant le blond diminué par une blessure, enfant qui est à elle comme elle se plait à l’expliquer à une étrangère, enfant qu’elle nomme brusquement « mon amour », des mots dont elle n’use que dans l’intimité la plus absolue, que pour le blond. Tout est bon.

La deuxième solution est plus aisée. Rendre coup pour coup, et attaquer la première. Après tout, ce n’est pas de sa faute. C’est lui qui la repousse en premier. Même si c’est elle qui a dressé entre eux l’ombre du mort.
Elle n’y peut rien. Même si le Pi n’a été son mari qu’une semaine, avant sa mort, et suite à une décision unilatérale du mâle, elle ne pouvait pas le désigner autrement qu’avec un possessif. Il était « son ». Sien, à défaut d’être vivant. Souvent, encore, quand elle parlait de lui avec une personne qui ne l’avait pas connu, elle le nommait « mon défunt ». Sans préciser défunt quoi. Il avait presque tout été pour elle, ami, mentor, père, frère. Mari. Tout sauf amant, même si elle se gardait bien de s’en vanter en public.
Le blond lui le savait. Et pourtant, il se hérissait devant ce nom, et le possessif qu’elle ne pouvait pas tuer.

Rendre coup pour coup oui, attaquer le mur d’indifférence qu’il lui offrait, pour fissurer son dédain. Jusqu’à son départ, comme une victoire. Souffre. Souffre mon amour, si tu me hais c’est que tu m’aimes.

Sur la porte claquée, il était temps de noyer son chagrin. L’avantage, c’est qu’en Bourgogne il y a de quoi.

Il était bien plus tard lorsqu’elle rentra à l’auberge, son fils endormi dans les bras, et qu’elle se faufila dans la chambre occupée par les enfants, leur nourrice et la gouvernante, pour le déshabiller en silence et le glisser sous un drap fin, avant de se glisser dans la pièce qu’elle occupait avec le blond.

Un déclic mat, elle s’adossa à la porte refermée. Sans oser lever les yeux, de peur qu’il ne soit parti.

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Albert Camus.
Milo
Ses bottes foulaient les pavés sans qu'il ne regarda vraiment où il allait. Qu'importait. Qu'importait sa destination, qu'importaient les ivrognes qu'il pouvait croiser et qui l'invectivaient, qu'importaient les catins aux beaux atours qui essayaient de le prendre dans leurs filets. Qu'importait. Où qu'il allait, il le voyait toujours.

L'oeil unique, blafard et rayonnant, le fixait intensément. Et dans son ombre, comme un filigrane, le fantôme du Pi, cet homme qu'il rêvait de tuer une seconde fois, à défaut de se tuer, lui. Moqueur et railleur, son rictus s'agrandissait. mesure que l'aversion et le dégoût envahissaient le blond. N'y tenant plus, il leva son poing droit vers lui, la haine déformant son visage, continuant à avancer vers cet ennemi invisible.


- AH ! CA TE FAIT RIRE HEIN ? FILS DE PUTAIN, QU'EST CE QUE TU CROIS ? BREIZ EST A MOI T'ENTEND ? A MOI ET A PERSONNE D'AUTRE !

Pauvre fou... Ne vois-tu pas les regards qui se portent sur ton passage ? Ne vois tu pas la crainte dans leurs yeux, de te voir invectiver ainsi l'astre lunaire. Ne vois tu pas la pitié remplir leurs yeux, lorsque ta voix parvient à leurs oreilles ? Ne vois tu pas qu'ils te condamnent, eux qui ne te connaissent que par le spectacle que tu peux leur offrir ? Pauvre fou...

Il trébucha et se retrouva ventre à terre, amortissant le choc de par ses deux mains tendues devant lui. Il se redressa à demi, la fureur illuminant toujours ses Azurs.

- Elle est à moi... Et son poing droit, s'élevant et s'abattant sur la pierre humide, comme si le visage du défunt se trouvait à cet endroit. Dussé-je la tuer, tu m'entends ? Et la chair, de se meurtrir davantage contre la roche, s'émerveillant à chaque coup, aspergeant un peu plus le visage déjà torturé du blond. Dussé-je les tuer tous...

Gauvain, Elin, Berthe, Ida, Graine, Gontrand. Peu importait. Il l'avait déjà fait, laissant sa folie s'exprimer, après des mois passés à ruminer sa rancune pour ses pairs. Peu importait. Il était condamné depuis longtemps.



Le visage blafard, les traits tirés, il attendait dans leur chambre le retour de la rousse. Débraillé d'avoir tant haït le défunt maudit, carcan de cuir à moitié défait, il n'était plus que l'ombre de lui-même. Assis sur une chaise, la lucarne en-dessous duquel il se situait diffusait une faible lumière tamisée. Si l'on s'approchait un peu, l'on pouvait voir son visage piqueté de points rouges, irréguliers. Sa dextre, posée sur son genou, tressautait par intermittences, comme à l'agonie. Rouge elle aussi.

Ses Azurs vitreuses se posèrent sur ce qu'il devinait être la porte lorsque le déclic retenti. Un rictus mauvais se dessina sur ses lèvres, évaluant la fine silhouette dont il pouvait deviner les contours dans la pénombre environnante. Sa voix s'éleva en un murmure, rauque et déchiré.


- Est-ce que tu veux mourir ?
Breiz24
Oui.

Bien sur que oui. N’importe quoi pourvu que ce fut de sa main. Tout, pourvu qu’il ne souffre plus à cause d’elle. Tout pourvu qu’il l’aime encore.
Elle tombe, lentement, sur ses genoux. Le sol dur n’amortit pas sa chute, les genoux s’y cognent sans frémir, sous le riche jupon de coton. Elle rampe sur les hématomes en formation, comme une pénitente, elle accroche la jupe aux échardes du plancher pourtant soigneusement ciré, elle s’écorche sur un petit clou de menuisier mal écrasé. Elle ne sent rien.
Elle rampe vers lui et sur ses joues les larmes ne roulent pas encore. Le regard pourtant en est empli.

Elle s’avance, jusqu’à le toucher presque, jusqu’à sentir l’odeur de sa colère, et celle du sang. La coiffe est défaite, dévoilant la lourde natte remontée par des épingles sur son crâne. La robe est ouverte, libérant gorge et épaules. Elle penche la tête, les yeux fixés sur le vide, au sol. La peau nacrée lui dans l’ombre sur la nuque arquée. Elle s’offre.
Et les larmes de rouler enfin.


Tue moi.

Tue-moi que je cesse de souffrir de ta douleur. Tue-moi que je ne puisse plus te blesser. Tue-moi, que je ne puisse plus te faire ça. Tue-moi, encore une fois.

Elle ne bouge pas. Elle ne bougera pas. Il la tuera s’il le souhaite, elle ne remuera pas. Oubliés, les devoirs, le quotidien et les enfants. Oublié son joli rôle de mère courage. Oublié, tout. Tout et tous. Il n’existe plus qu’elle et lui, et cette incroyable douleur qui les vrille.

La tête est relevée, c’est un visage ravagé qui s’offre au blond, une gorge blanche qui palpite, un regard noyé alors qu’elle saisit la dextre, la plus habile, remarquant à peine le vermeil qui s’y étale. Elle s’en empare pour la poser sur le blanc de sa gorge, y referme soigneusement les doigts, un par un, y récoltant un peu de rouge.


Tue moi…

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Albert Camus.
Milo
Il la regardait ramper, roi déchu sur son trône de pacotille. Il la regardait venir à lui, insignifiante et suppliante. Il la regardait, insensible et inflexible. Plus froid que la morsure de l'hiver, trahit au plus profond de son être. Pourtant, malgré son apparente immobilité, nombre de sentiments s'entrechoquaient dans son esprit. Haine. Dégoût. Tristesse. Pitié. Tout ce qu'elle lui inspirait et tout ce qu'il transpirait. Maelström négatif, par la faute d'un mort rongé par les vers.

Pourtant, il la laissa faire lorsqu'elle offrit sa gorge. Il la laissa faire lorsqu'elle passa ses doigts autour de son cou, lesquels tressautèrent légèrement. Étrange fascination que celle de sentir la vie palpiter sous ses doigts. Sentir la moindre déglutition, le moindre changement de pouls. La sentir vivre.

Il ne dit rien dans un premier temps, scrutant le visage ravagé, à la recherche d'un quelconque nerf qui aurait oublié de se tordre de douleur. Les doigts sur le cou bougèrent lentement pour se refermer sur leur proie, lui permettant de respirer sans toutefois le faire librement, tandis que les Azurs, furieuses, jugeaient l'Argent.

Que faire ? Continuer à serrer pour la voir s'éteindre petit à petit ? Ou bien la relâcher et partir pour ne plus revenir ? Devait-il sonner le glas ?


- Pourquoi Breiz ?

Il prit parole tout en se redressant à demi et en la repoussant contre le bord du lit, violemment. Un grondement s'ensuivit, tandis qu'il rapprochait son visage du sien. Si proche qu'il ne pouvait détourner les yeux, si proche qu'elle serait obligée de l'affronter, avant peut-être, de s'effondrer.

- Il est mort, putain ! MORT, tu comprends ?!


Il éructa les mots, y mettant tout ce qu'il ressentait en cet instant, toujours en gardant le même ton, sans jamais hausser la voix. Elle l'avait fait souffrir, il fallait qu'à son tour elle comprenne la douleur qui le vrillait. L'agitant comme une poupée de chiffon, toujours à ça de rompre le fil qui la maintenait en vie.

- Tu n'as qu'un seul mari, moi ! Pas un putain de Bourguignon bouffé par les vers et moisi jusqu'à la racine ! Alors c'est quoi ton problème ? Tu t'es bien foutue de ma gueule et maintenant t'en as marre, c'est ça ?!

Il rapprocha son visage du sien, la haine déformant le visage cicatrisé, dépeignant la sombre fable qui le hantait.

- Choisis. Moi ou lui. Mais je te préviens... De ton choix dépendra l'avenir de tes enfants.

La tuer maintenant alors qu'elle était si consentante serait beaucoup trop facile. Il ne voulait pas de cette issue, celle où elle ne souffrirait pas assez. Et impliquer les enfants était toujours le moyen d'arriver à ses fins, n'est ce pas ?
Breiz24
Elle ne cille pas quand la prise se referme sur sa gorge. Folle. Certainement. Folle à lier. Folle de lui. Ivre de douleur. Qu’importe. Elle ne cille pas non plus quand l’air lui arrive plus difficilement. Ou quand il la projette, lui cognant durement le dos.
Poupée désarticulée entre ses bras, elle le laisse crier. Elle attend qu’il la tue ou qu’il s’arrête. Qu’importe. Qu’importe. Il ne veut plus d’elle alors qu’importe. La mort semble douce. Elle l’appelle délicatement, par ce mince filet d’air qui entre dans ses poumons en sifflant. La mort ne semble pas si douloureuse que ça, finalement. Il était plus aisé de mourir là, maintenant, que lorsque leur fille lui déchirait les entrailles. C’était facile.

Comme c’était facile aussi de menacer ses enfants. Ses enfants. La chair de sa chair. Le sang de son sang. Sa vie. Son œuvre.
Il n’aurait pas du. Dans son dos alors qu’il l’agite encore, une main se glisse dans sa manche, et une lame siffle, sortant de son fourreau. L’acier ne luit qu’un court instant sous la lune.


Tu mourras avant de les toucher.

Il avait tué la douleur. Réveillé la louve. On ne s’en prend pas impunément aux enfants d’une Rusée.
La lame était maintenant pressée sur une gorge, y faisant perler une larme de sang. L’acier étant dans les yeux de la rousse, qui de passive était devenue rageuse. Les jambes s’étaient enroulées souplement à la taille du blond, elle se plaquait contre lui, féline, feulant, un rictus de fureur déformant ses traits. Elle ne cherchait plus à fuir, ni à implorer. Elle le maintenait étroitement pressé contre elle, sa main libre plongée dans les cheveux blonds, les tirant pour mieux offrir la gorge nue à l’acier tranchant.

Elle se moque de la main qui l’enserre toujours. Elle sait, ils savent qu’elle est plus forte que lui. Meilleure bretteuse. Plus rapide. Plus souple. Plus habile. Elle s’en moque tant qu’elle se presse contre lui, se force un passage jusqu’à sa bouche, l’air se raréfiant quand la pression augmente. Elle le tuera s’il le faut. Mais pas avant de l’avoir embrassé une dernière fois.
La langue se darde, elle cherche, les lèvres se touchent, se goutent, se mordent même. Qu’importe, puisqu’ils sont tous les deux damnés. Qu’importe s’ils ne se pardonnent jamais.


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Albert Camus.
Milo
Toute fureur s'envola, lorsque la lame fusa pour venir embrasser sa peau. Il ne lui restait plus qu'un seul goût, amer. De passive, elle était devenue dominante. Répondant sans même le savoir à la question sous-jacente qu'il lui avait posé. Pour lui, cela ne faisait aucun doute, elle aimait toujours cet homme. Ce mort dont le reflet se moqua de lui lorsque les lueurs de la lune jouèrent sur la lame. Et qu'importait si celle-ci s'unissait à présent avec lui.

Il ne bougea pas lorsque ses lèvres se posèrent sur les siennes, pas plus qu'il ne desserra son étreinte sur la gorge laiteuse. Mais il ne répondit pas pour autant à l'étreinte illusoire qu'elle lui offrait. Il ne savait pas trop combien de temps ils restèrent ainsi. Peut-être quelques secondes, peut-être plusieurs minutes. Etonné dans un coin de sa tête que la servante ou l'auberge n'aient pas été réveillés par leur scène.

Un rictus de douleur se peignit sur son visage lorsqu'il reprit ses esprits, relâchant la pression sur le cou de la rousse. Lentement, il détourna son visage et recula la tête. La lame flirta toujours avec sa gorge, l'entaillant un peu plus. Qu'il serait aisé et facile de s'avancer, pour sentir un tout autre baiser que celui sans émotion qu'elle venait de lui offrir.

- Tu ne changeras pas d'avis, n'est ce pas ?

Sa voix était à peine plus audible qu'un murmure, rauque et pleine de chagrin. Le triste constat qu'il venait de faire n'y était pas étranger, ni l'attitude de la rouquine. Il ne pouvait pas laisser un mort entre eux, cela lui était impossible. Lui avait tiré un trait sur son passé pour pouvoir vivre avec elle. Elle aurait du en faire autant.

Il déglutit difficilement, sentant la lame appuyer contre sa glotte. Ses épaules s'affaissèrent, géant désarticulé qui ne tenait plus que par la seule volonté d'affronter la mort en face. La main assassine retomba mollement le long de son flanc, l'autre recroquevillée contre son ventre.


- Je ne peux accepter plus longtemps le fait que tu appelles le Pi ton mari, Breiz. Ton défunt oui. Ton mari, non. Choisis. Lui ou moi.

Choisir n'était pas facile. Mais il fallait le faire à un moment ou à un autre. Par trop de fois, il avait encaissé les mots plus tranchants que l'acier qui s'enfonçait dans sa peau. Par trop de fois, il n'avait rien dit, se contentant de ruminer dans son coin les paroles qu'elle prononçait. Choisir n'était pas facile. Mais pour son avenir, elle devait le faire. Choisir entre la vie ou la mort.
Breiz24
Elle s’est dégagée quand il a finalement lâché son cou. Tout était donc mort entre eux. Parce qu’il ne comprenait pas. C’était si simple pourtant, et si exactement ce qu’il demandait.
Le monde volait en éclats parce qu’il ne comprenait pas qu’il lui demandait ce qu’elle faisait déjà. Parce qu’il lui reprochait des choses qui n’existaient que dans son esprit à lui. Parce qu’il aimait se torturer en finissant ses phrases à sa place.
Ainsi plus rien n’existait… à cause de rien.

Elle n’osait pas se détourner, elle n’osait pas lui présenter son dos. Elle ne voulait pas mourir non, plus maintenant, pas si bêtement. La lame pend mollement au bout de son bras, et ses yeux restes désespérément secs.
C’est d’une voix blanche qu’elle murmure finalement, résignée, comme on clot une sépulture :


Il est mon défunt Milo, il ne sera jamais rien d’autre. Il a tout été pour moi, sauf amant. Et il est mort il y a des années. Mort, incinéré, et enfoui dans un mausolée de Mâcon. Il n’existe plus. Il n’est plus rien qu’un souvenir que je dois entretenir. Pour Gauvain. Pour qu’il sache qui est son père.

Le père qui a voulu de lui, pas celui qui l’a engendré, cela va de soi, bien entendu. Dans l’esprit de la rouquine en tous cas.
Elle sait que le blond souffre de la situation, mais elle ne peut pas l’éviter. Elle ne peut pas lui offrir son fils sur un plateau, elle ne peut pas renier l’homme qui a voulu de son enfant, en premier.

Elle le regarde enfin, la vision brouillée par les larmes qui refusent toujours de couler. La voix tremblant légèrement quand elle conclut :


Il est mort, Milo, et tu es mon âme. Il n’y a que pour toi que cela n’apparait pas comme une évidence.

Même si elle le lui dit. Même si dans l’intimité elle l’appelle ainsi. Son âme, plus que son amour. Celui par qui son esprit reste en vie. Celui qui vient de la tuer.

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Albert Camus.
Milo
Il regardait ses lèvres remuer, les mots lui parvenant difficilement. Voulait-il vraiment les entendre, eux qui devenaient cotonneux lorsqu'ils arrivaient à ses oreilles ? Voulait-il vraiment entendre la vérité ? Celle qu'au fond, sûrement, il connaissait depuis toujours mais se refusait à admettre ? Ou bien au contraire, était-il soulagé de les entendre, ses mots qu'elle ne prononçait jamais, ses mots qui faisaient partis de sa vie et dont il savait trop peu de choses.

Mariés ils l'étaient. Mais quant lui n'avait pas hésité à raconter son passé, douloureux s'il en est, elle restait évasive. Il ne savait pas grand chose de son enfance, encore moins de la vie qu'elle avait eu, avant lui. Et c'était peut-être cela qui le rendait fou, plus que tout autre chose.


- Ton âme ?

Il murmura les mots tout en soutenant son regard, du bout des lèvres, comme s'ils brûlaient. Il eut un sourire triste, avant de se pencher sur elle, le goût du sang emplissant ses narines alors que la colère et la tristesse étaient retombées. Il tendit sa senestre, caressant du bout des doigts les contours du visage qu'il aimait.

- Quel gâchis... Il secoua la tête, sa main glissant pour venir s'appuyer contre sa nuque, la ramenant vers son épaule. Ses lèvres se posèrent sur son front, tandis qu'il continuait sur le même ton, fermant les yeux. Mais sais tu que ton âme est folle, Breiz ?

Il en rirait presque, si l'instant s'y prêtait. Fou, il l'était. Mais tel un funambule qui frôlait toujours le vide, sa folie ne faisait que l'effleurer, sans jamais le faire sombrer. C'était elle qui lui dictait la plupart de ses gestes, c'était elle qui était responsable de son effronterie. Mais toujours elle le narguait sans vraiment prendre possession de lui.

Il laissa son autre bras s'enrouler autour de la taille de la jeune femme, dans le silence pesant. Il n'avait rien d'autre à ajouter, car il n'y avait rien d'autre à ajouter. Seul le goût de bile que lui laissait ce sentiment de gâchis aurait pût sortir de ses lèvres de toute façon. Les blessures étaient ouvertes, béantes, il serait difficile de les faire cicatriser.

Thor, pourquoi es tu si dur avec tes enfants ?
Breiz24
Je sais, oui…

Oui elle savait. Pour preuve, les yeux hagards qui s’étaient posés sur elle quelques instants plus tôt. La main dure qui s’était refermée sur sa gorge. Les questions incongrues qu’il avait posées. La série de gestes qui les avaient conduits là, enlacés.
Parce que bien sur, elle n’avait pas résisté, elle s’était coulée dans l’étreinte avec l’aisance de l’habitude. Parce que là était sa place. Quoi qu’il advienne, quoi qu’il arrive, elle était faite pour être là. Juste contre lui. Il était si grand, et pourtant elle était grande aussi, sa tête se nichait juste contre son épaule. Dans le creux. L’oreille contre son cœur. Etroitement lovée contre lui, les deux poings refermés sur sa chemise. C’était là qu’était sa place.


Je sais…

Elle savait, et elle restait. Elle resterait. Toujours. Jusqu’à ce que la mort les sépare. Ou les réunisse. Qu’importe.
Elle ne bougeait pas. Elle ne bougerait pas. Sauf, peut être, pour lever le visage, regarder le sien. Ou lever une main, pour la plonger dans les cheveux blonds, le pouce égaré sur sa pommette. Les gestes lui échappaient. Ils étaient si lents, si doux, si terriblement habituels après l’horrible folie qu’ils venaient de traverser. Mais l’atavisme dominait tout. L’instinct réclamait le réconfort des réflexes. Des habitudes au secours des âmes béantes.

De l’eau vient noyer ses yeux. Elle n’y peut rien. C’est le contrecoup de l’angoisse qui l’avait saisie. De l’angoisse de le perdre. De devoir le tuer pour ses enfants. De devoir vivre en étant morte. De ne plus être. La voix s’étrangle et meurt presque sur ses lèvres, dans un murmure à peine audible.


Mon âme…

Son âme. Son être. Son essence. Sa vie. Qu’importent les mots qu’on y met, ils ne servent à rien.
Elle se hisse sur la pointe des pieds, et cligne des paupières. L’eau déborde. Et elle mendie un baiser.

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Albert Camus.
Milo
Lui ne bougeait pas, laissant les doigts fins parcourir son visage, plonger dans les cheveux blonds ou caresser sa peau rugueuse d'une barbe naissante. Ses lèvres closes bougeaient imperceptiblement, parfois, lorsque le pouce venait s'égarer sur elles. Mais jamais elles ne s'ouvrirent pour laisser échapper des mots qu'il ne pouvait prononcer.

Ainsi, elle savait. Et malgré tout, elle restait. Même lorsqu'il était à deux doigts de la tuer, même lorsque les mots étaient si violents que le corps en prenait acte pour accomplir la pire ignominie qui soit. Un poids s'ôta de sa poitrine, comme soulagé de la savoir aussi lucide. Le goût amer, lui, était resté, tout comme le sentiment de gâchis. Car quand bien même avait-elle conscience de ce qui était tapi tout au fond de lui, la blessure était encore ouverte.

A cela venait s'ajouter la culpabilité de n'avoir pensé à Gauvain, ce fils qui n'était pas le sien. Les souvenirs à chérir, il savait que c'était le plus important. Pourtant... Ces souvenirs là, il les avait maudit car il pensait qu'ils prenaient le pas sur tout le reste. Un soupir s'échappa de ses lèvres et il rouvrit les yeux, croisant le regard argenté.

- Chut.

Il posa ses lèvres sur les siennes, goûtant un peu de leur humidité, avant de reculer la tête et de poser son menton sur la sienne. Ce baiser, c'était tout ce qu'il pouvait lui offrir, pour l'instant. Chaste et pourtant passionné. Un remerciement scellé de la seule manière qu'il pouvait. Mais il n'en voulait pas plus, pour le moment. Il voulait juste rester ainsi, à la serrer contre lui. Et qu'importait si son allure était débraillée, si quelqu'un, attiré par le bruit, les surprenait ainsi. Il voulait juste rester ainsi.
Breiz24
[ Die Liebe ist ein wildes Tier]

Tout, mais cependant pas assez.
Les larmes débordent. Elles ruissellent sur son visage en cascades d’argent, pour tomber sur ses épaules dénudées. Du sang sèche à son cou, sur la marque rouge laissée par la main vengeresse. Qu’importe.
Ce n’est pas assez. Les yeux ont beau être clos, les âmes ont besoin de repos. Elles ont besoin de s’unir et de laisser les corps parler.

Les gestes sont dictés par l’habitude. Par des centaines de fois identiques. La passion qui les a presque tués les rendra vivants.
Il est aisé, d’une main, de défaire encore quelques crans des lacets déjà lâches. La cotte et la chainse tombent au sol, et les deux mains sont plaquées de chaque coté du visage du blond. Elle doit se hisser sur la pointe des pieds et se reposer sur lui pour l’atteindre, mais elle ne le laissera pas s’échapper. Elle n’interrompra pas le baiser.
L’eau qui ruisselle de ses yeux n’a plus de limites, le coton est au sol et elle, nue contre lui.

Les mains lentement se rassurent. Il ne fuira pas, elles peuvent se glisser dans les blés, et dénouer le lacet bleu qui les retient. Elles peuvent abandonner l’or des cheveux pleuvoir sur le visage larmoyant pour s’en aller réaffirmer leur propriété sur un corps il y a peu perdu à jamais.
Les mains défont et dénouent, juste assez pour se glisser sous la chemise. Les mains explorent et s’immiscent dans les profondes marques qui lardent le dos aimé. Elles se hissent et crochètent les épaules. Elles les immobilisent dans une pose équilibriste, dans une étreinte qu’ils ont déjà connu. Il y a longtemps, quand elle était l’ondine et lui l’intrus. De cette rencontre où elle nu et tremblante d’appréhension et lui vêtu et revêtu de crainte était né un mariage indestructible.
La belle histoire !

Rien ne fait cesser le baiser, la langue dardée n’intensifie que plus les saveurs sauvages, teintée du gout métallique du sang. Rien ne fait cesser le baiser, sauf peut être l’envie de nicher son nez contre lui. Pour respirer une fois encore les fragrances mâles, la sueur, la peur et la colère mêlées.
Là. Le nez dans son cou, dans son col, elle ne bouge pas.
Elle ne bouge plus. Là.


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[* L’amour est un animal sauvage, Rammstein, Amour]
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Albert Camus.
Milo
Il ne bougeait pas, laissant son autre prendre l'initiative. Comme la toute première fois, celle où au bord d'un lac gelé, il était en position de force par rapport à elle. Mais cette fois-ci, les rôles étaient inversés. Lui était à sa merci et elle pouvait le briser à tout moment. Il retint sa respiration, à en voir danser des étoiles devant ses yeux. Il ne bougeait pas, fixant tout simplement cette porte comme si elle était son seul point d'encrage dans cette pièce tourmentée.

Il la laisse faire, poupée de chiffon entre ses bras. Ses gestes deviennent son guide, son odeur sa bouée. Il ferme enfin les yeux, relâchant la pression de ses muscles, respirant les fragrances qu'elle dégage : la peur, le soulagement,la tristesse, l'envie, ce sang laissé sur sa peau d'albâtre, son sang. Comme un rappel à ce qu'il avait failli faire, elle qui le rendait fou, aussi bien dans le bon comme dans le mauvais.

Il la laisse faire et ce n'est que lorsqu'elle vient se nicher au creux de son cou qu'il bouge enfin. Lentement, par crainte de l'apeurer. Sa dextre glissa dans les flammes, tressautant en s'y brûlant alors que son pouce rejetait les larmes incandescentes. Sa senestre gantée, elle, cavala le long de son dos pour venir se poser au creux de ses reins, là où se trouvait le symbole qui restait pour lui une énigme à part entière. A travers le cuir, la pulpe de ses doigts esquissèrent de nouveau le tatouage tant admiré, le redessinant à l'envie, en reprenant possession comme tant de fois auparavant.

Il recula légèrement la tête, observant le visage à demi-caché par la pénombre. Et ses lèvres se posèrent sur ses paupières, s'y attardant pour récolter la peine qu'il faisait couler. Et toujours, silencieux, maladroit, de demander ce qu'il ne méritait pas.

Me pardonneras-tu ?
Breiz24
There ain't no reason you and me should be alone
Tonight, yeah baby


Inspire, expire. Inspire, expire. Il est à toi. Tu es à moi. Ne comprends tu pas ?
La rouquine sourit, de toute son âme, au géant qui la tient.


Tonight, yeah baby
I got a reason that you're who should take me home tonight


Elle était lovée contre lui, elle se dégage maintenant, avec douceur, les yeux rives aux Azurs. Les larmes ont cessé de couler. Elle lui sourit.

I need a man that thinks it's right when it's so wrong
Tonight, yeah baby
Tonight, yeah baby
Right on the limits where we know we both belong tonight


Les limites ont depuis longtemps été franchies. Dans tous les sens possibles.
Les doigts graciles lentement dénouent le col, et font passer la chemise perlée de sang par-dessus les blés, pour l’abandonner au sol.
Elle relève le visage pour sourire encore. Elle dirige oui, mais pas sans lui, jamais. Une main se glisse sur le visage, dans le cou, et la pulpe des cinq bientôt vient effleurer la diagonale argentée qui barre le ventre masculin.


It's hard to feel the rush
To push the dangerous


Elle retrace consciencieusement la ligne elle se réapproprie le grain de sa peau. Et de nouveau elle se coule contre lui, le front accolé à son torse. Pour mieux respirer son odeur. Pour mieux le faire sien, quelques instants.

I'm gonna run right to, to the edge with you
Where we can both fall over in love


De nouveau, les profondes balafres sont explores, sans pudeur. Elle marque son territoire. Elle impose sa douceur. Et remonte, lentement, jusqu’à l’épaule marquée au fer. Comme un rituel, la lettre honnie est bafouée, écrasée sous l’index léger traçant un B possessif. A moi, pour toujours.


I'm on the edge of glory
And I'm hanging on a moment of truth
[…]
I'm on the edge of glory
And I'm hanging on a moment with you
I'm on the edge with you


Avec lui, encore, contre lui, toujours, elle se hisse sur la pointe de ses orteils, elle darde un instant sa langue pour gouter le creux de son cou. Rapide, fugace baiser pour mieux les faire palpiter.

Another shot before we kiss the other side
Tonight, yeah baby
Tonight, yeah baby
I'm on the edge of something final we call life tonight
Alright, alright


Elle tourne, lentement, autour de lui, une main glissant sur son épaule. Elle veut poser les yeux aussi sur les balafres. Jusqu’à l’ultime molécule il est à elle, et la bouche fraiche le fait savoir, posée là où un instant plus tôt une initiale était tracée.
Fragile instant, elle ferme les yeux et s’appuie un instant à lui, l’irrégularité de la peau lacérée frottant contre sa joue.


Pull on your shades 'cause I'll be dancing in the flames
Tonight, yeah baby
Tonight, yeah baby
It doesn't hurt 'cause everybody knows my name tonight
Alright, alright


Elle ne s’attarde pas, pour bien vite se couler à nouveau dans ses bras. Seule une main, posée au creux de ses reins, explore encore les marques de la douleur, et s’insinue sans pudeur dans le passé que lui, n’a pas d’autre choix que d’exposer.
Elle se love pour mieux le posséder, s’immobilise pour mieux se donner.


It's hard to feel the rush
To push the dangerous
I'm gonna run right to, to the edge with you
Where we can both fall over in love


Elle se tait, bien sur. Il est bon de ne rien dire. De n’entendre que les souffles et le bruissement des peaux se mêler. Il est bon de n’être qu’à lui. Elle se dégage encore, séparée de lui par la longueur de leurs bras aux mains entrelacées. Et elle sourit, irradiant le désir qui les lie.

I'm on the edge of glory
And I'm hanging on a moment of truth
[…]
I'm on the edge of glory
And I'm hanging on a moment with you
I'm on the edge with you


Tu vois bien qu’il n’y a rien à pardonner…
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Albert Camus.
Milo
Il se laisse faire, toujours. Condamné qui attend la sentence, celle qui ne viendra jamais. Chaque geste le fait tressaillir, de surprise plus que de peur. Et lorsqu'elle redécouvre à nouveau les sillons creusés par une bataille passée, il ne peut s'empêcher de fermer les yeux un bref instant pour chasser les sombres pensées qui voudraient de nouveau s'inviter.

La lettre inscrite dans sa chair brûle de nouveau lorsqu'elle en traça les sillons, remplacée pour un temps par son nom à elle. Il sourit doucement, le regard toujours rivé sur la porte. Elle le lui avait déjà demandé par le passé : pourquoi ne pas effacer cette honte ? Pour ne pas souffrir davantage. Depuis lors, elle s'évertuait à la supprimer par son propre moyen, arrivant à lui faire croire petit à petit que le L s'était transformé en B.

Il redressa la tête tandis qu'elle l'observait à son tour. Plonger au coeur de l'argent, se souvenir de toutes ces choses qui l'ont fait la prendre pour épouse. Les bons côtés comme les mauvais. Cette part de mystère qui résidait en elle et dont elle ne parlait jamais. Il ne savait rien de son passé, avant la ruse. Ou trop peu. Mais il n'en avait pas besoin de plus, il n'en voulait pas plus.

Un sourire timide, et le voilà qui prit enfin une initiative. Les bottes furent ôtées avec difficulté, ses doigts tremblants le rendant maladroit. Les braies jetées négligemment dans un coin, comme de vulgaires chiffons.

Et le corps frêle d'être entraîné sur la paillasse qui leur servait de lit, le poids des deux faisant gémir le bois. Un sourire, il n'osa bouger le temps de s'assurer que le portant ne s'écroulerait pas sur eux. Le visage aimé lui, parcouru de nouveau, d'abord esquissé par les mains pour être dessiné par les lèvres. Redécouvrant comme toujours ce corps qu'il connaissait pourtant par coeur, le sien dans une attitude protectrice, comme s'il craignait que les fantômes puissent jaillir par enchantement et venir lui prendre ce qu'il n'avait, au fond, jamais perdu.
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