[RP] La statue de Sainte Boulasse

Non loin de la place du village, érigée auprès de la plus ancienne des tavernes, maintenant abandonnée, se tenait la statue de Boulasse, la Sainte. Tout le monde la connaissait, tout le monde la vénérait, et pour cause! Elle faisait souvent le plaisir de tout un chacun. Et bien que son culte soit fait à Cologne et à Mâcon, de nombreuses statues de la Sainte peuplaient le Royaume, ça et là.

La Patronne des vignerons et des taverniers observait les passants sous son masque de pierre, impassible. Son socle gravé de six roses rappelait un dogme oublié du commun des mortels. Le sourire figé de la jeune Sainte rappelait aux croyants toutes les bonnes paroles qu'elle avait prononcées.

Ellya se trouvait face à la statue, le même sourire aux lèvres. La veille, la Sainte Boulasse lui avait rendu visite durant sa promenade, invisible, et, sans raison apparente, lui avait laissé sur le chemin un souvenir. La nonnette venait donc rendre à son tour visite à la défunte, en guise de remerciement.

Ô Boulasse, merci pour ce bout de bois. Je t'avoue que je ne comprends pas vraiment le pourquoi de ce présent ni à quoi il va bien pouvoir me servir. Je n'ai pas de porte ni de fenêtre à calfeutrer. Je n'ai pas de chariot à construire. Mais je te remercie du fond du cœur en espérant qu'un jour lumière se fasse sur l'utilisation de cette stère.

Puis, silencieusement, elle adressa une prière plus personnelle à la statue de la Sainte avant de faire demi-tour, l'esprit et le cœur léger.



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Avant qu'elle n'ait pu faire trois pas, Georges Léonard Watelse, son mari, sortit de l'ombre où il se tenait. Le ton accusateur:

Alors, comme ça, on prie Sainte-Boulasse?

L'oeil suspicieux, la masse virile se meut vers la frêle nonnette:

Alors, comme ça, on boit.... on boit TROP?

Le Maitre tournait autour d'elle comme un corbeau autour d'un charnier, près à se repaitre de cette culpabilité saisissante :

Est-ce vous, Dame Watelse, qui avez bu TOUTE ma bouteille. Elle était sous mon matelas et Ma Personne l'a retrouvée hier cachée dans une de vos bottes.

Il est vrai que le viril Watelse avait depuis peu comblé sa frustration de mari peu comblé dans l'alcool. Et quelques matins, il se réveillait dans des endroits insolites : pas plus tard qu'hier, son nez reposait dans le derrière de son chien, lui même affalé sur sa paillasse près de la cheminée.

Alors, qu'avez vous donc à confesser à Sainte-Boulasse, jeune fille?
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Watelse le Paon de Gascogne

" Je suis persuadé que si un Paon pouvait parler, il se vanterait d'avoir une âme, et il dirait que son âme est dans sa queue."

[Voltaire]

Je... Non.

Surprise, elle avait pris un ton pivoine qui, loin de l'innocenter, en rajoutait à sa culpabilité.

Je vous le jure. Non.

Elle le murmurait, par crainte. Restait immobile comme la statue derrière elle. La même lueur de femme-martyre se lisait dans leurs yeux.

Par tous les saints... Cessez cela.

Ellya baissa le regard. Soumise. Si son époux avait décidé cela, comment pourrait-elle le faire changer d'avis? D'autant que la réalité était toute autre. Comme les soirs précédents, la nonnette avait retrouvé la veille son époux ivre et affalé sur sa bergère, bouteille en main. Doucement, doucement, elle le lui avait prise, l'avait vidée et cachée parmi ses biens. Raté.

De quel droit avez-vous fouillé dans...

Elle se tut, se rattrapa.

Que mon époux m'excuse. J'ai fauté.

Il la laisserait ainsi plus rapidement en paix. L'accuser d'ivrognerie serait pire.

Je viens tout juste de me confesser à elle, comme vous pouvez l'imaginer. J'ai honte, grande honte...

"... de vous avoir comme mari", songea-t-elle.
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[Un autre jour, une autre heure]


Le coeur battant la chamade à la suite d'un rêve agité, la nonnette se réveillait. Elle mit de longues minutes avant de retrouver une respiration plus calme. D'une main, elle enleva la mèche de cheveux qui collait contre son front moite. Un rêve, c'était juste un rêve, se répétait-elle.

Hou hou. Hou hou.

Elle frémit. Elle devait toujours dormir. De deux doigts, elle se pinça et grimaça. Non, elle était bel et bien éveillée. A pas de loup, elle sortit de chez elle, espérant ne pas réveiller l'Infâme tandis qu'il cuvait.

Un vent froid se faufilait entre les ruelles; Ellya resserra son châle de fortune contre elle. Elle leva son clair regard en direction de l'arbre le plus proche.

Par tous les saints...

Deux yeux rouges la regardaient. Deux yeux qui appartenaient à un hibou. Avant même qu'Ellya eut pu réagir, il s'envola, laissant tomber derrière lui quelque chose. La nonnette se rapprocha et ramassa une truite. Une truite!

Intriguée autant qu'apeurée, elle rentra vite jusque dans sa chambre avant de s'accouder à la fenêtre. L'étrange volatile n'était toujours pas revenu. A l'aube, quand le boulanger du coin commençait tout juste à battre sa pâte, elle se rendit à la statue de la Sainte Boulasse.

Seule toi, Boulasse, peut être à l'origine d'événements aussi étranges. Mais le sens de ce présage, encore une fois, je ne le comprends pas. Dois-je me rendre à la rivière la plus proche? Je le ferai s'il le faut. Je te remercie, ô Boulasse, pour ta protection.

Aussi vite qu'elle était venue, elle repartit. Non, elle ne croiserait pas Watelse cette fois!



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[Le lendemain quand le mystère s'épaissit]

Une autre nuit agitée. La nonnette se retournait dans sa couche, émettant de curieux gémissements.

***

Raymond la regardait, bienveillant. Elle le connaissait au plus profond de son être et, légère comme un nuage, elle se dirigeait vers lui. Elle sentait qu'elle souriait. Était-ce son ami? Très certainement.

Arrivée à ses côtés, il ne bougea pas. Immobile. Rien de plus normal. La nonnette s'allongea par terre, les yeux rivés vers un ciel d'une beauté à vous couper le souffle. De son clair regard elle suivit un vol d'oies avant d'observer la cime d'un poirier. Raymond s'y trouvait maintenant. Sans échelle, à cheval sur une branche, il cueillait les fruits juteux. Et longtemps, longtemps, elle l'observa ainsi. Apaisée.

***

Les yeux grands ouverts, calme, elle se redressa. Instinctivement, elle glissa une main à côté d'elle, main qui se referma sur une poire. Un regard par la fenêtre lui fit comprendre que le soleil était déjà levé. Enfilant sa robe de bure et une capeline légère, elle se dirigea pour la deuxième fois de la semaine vers la statue de la Sainte dont elle ne comprenait pas le but.

Ô Boulasse.

Un silence.

Je vais essayer.

Elle se retourna.

Je vais essayer.

Et le Très-Haut seul pouvait savoir ce qui se tramait à l'intérieur du crâne de la jeune Watelse, à ce moment-là.


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Marmande sur le chemin de la statue

Le barbu était trop content, il lançait sa pelle en l'air en la rattrapant d'un air négligé et enjoué. Elle était venu le voir... Enfin, elle avait trouvé sa porte. Le pas de sa porte... Pourtant ça faisait plus de deux mois qu'il avait la forme, qu'il était heureux, que sa vie c'était de la boulasse quoi ! ...
Et hier enfin au matin, la découverte, la preuve, la révélation, ...., Deux épis de maïs ...


Montalembert jusqu'a présent pensait qu'elle l'avait complétement oublié, il se demandait si ces voyages dans les villes de Guyenne l'empêchait de le trouver, de le situer... Mais que néni, elle attendait juste un peu , pour mieux le connaitre surement.

Arrivée devant la statue, Montalembert s'agenouille, et honore le nom de la très Haute.

Somnolant près de la statue, sous le ciel étoilé, le sommeil finit par gagner sur lui.

Ce fut dans un sursaut que le jeune lorrain s'éveilla, un peu avan l'aube. Il fulmina silencieusement. Décidement, il avait le sommeil trop facile. Il risqua un oeil vers la statue. L'offrande qu'il avait déposé pour la Sainte Boulasse avait disparu.

Hum...

Que faire ? Serait-ce suffisant pour obtenir de la Sainte un retour aux joies de la boulasse ?
Ersinn en doutait fortement. Il aurait voulu voir de ses propres yeux ce qui était advenu de son offrande, composée .. simpelement de roses. Hem.. Sans nul doute, il pouvait affirmer qu'il s'agissait d'un vilain qui les avait volé à son insu ! Maudit sommeil..

Un petit soupir franchit ses lèvres, et il s'adossa contre le mur. Finalement, il ne savait pas quel moyen employé afin de regagner les faveurs de la Sainte Boulasse. Boire jusqu'à plus soif ? Mmmpf.. Trop cher. S'agenouiller devant cette pauvre statue de marbre, et prier ? Trop humiliant, selon lui, et le jeune lorrain n'y croyait pas vraiment. Ou peut-être que si, finalement..

Il secoua la tête, mais le doute s'était déjà installé en lui. Se pouvait-il que ce fut la solution ? Pourtant, jadis il n'avait pas besoin de recourir à des méthodes aussi extravagantes..

Finalement, il s'approcha timidement de la statue. Observant les alentours, il n'y avait toujours personne. Et c'est tant mieux, grmbl..
Il posa un genoux à terre, et .. formula en marmonnant son voeu de retrouver les bonnes grâces de la Sainte Boulasse.

Sur le chemin de la statue

Montalembert était parti tôt ce matin dans les prairies pour faire une cueillette assez étrange; point de fruit ou de champignon, il ne répond pas a un quelque conque appel du ventre, mais à une faim autrement plus surprenante.

Il cueille des fleurs, les choisit longuement, et essais tant bien que mal de les agencer en un bouquet.

Sur la route de la statue, son bouquet dans une main , sa pelle dans l'autre, le barbu sourit , trop heureux de sa bonne ètoile.

La grande , la Haute Sainte Boulasse lui a rendu visite deux jours de suite...

Matinale, la nonnette avait décidé de se rendre en taverne afin de savourer une bonne tisane chaude. Rien de tel pour démarrer une journée merveilleuse - car elle le serait, pour sûr! Sortant de chez elle, elle déambula dans les rues de Marmande, les yeux grand ouverts et un sourire ravi au bout des lèvres.

Non loin de sa destination, un reflet la fit cligner des yeux. Tout en faisant papillonner ses yeux clairs éblouis, elle se rapprocha de la source de lumière. Cinq écus gisaient à même le sol n'attendant qu'elle. Elle se releva et chercha du regard si quelqu'un aux alentours semblait chercher son argent. Mais l'endroit était désert. Ravie de cette aubaine, elle récupéra les écus et décida de faire un détour par la statue de la Sainte Boulasse, puisqu'elle seule pouvait être à l'origine d'un tel miracle.

En murmurant, la jeune Watelse lui adressa ses remerciements les plus sincères, se promettant de revenir le lendemain avec une offrande.



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Deux jours auparavant, elle avait bu. Oh, non de sa propre volonté. Mais la boisson l'avait rendue malade et ses dernières nuits avaient été peuplé de cauchemars et d'insomnies épuisantes. Pourtant, la nuit précédente, alors que mille pensées emplissaient la tête de la nonnette, alors qu'elle mourrait d'inquiétude pour sa filleule, alors que l'espoir de revoir un jour sa nièce se faisait moindre, alors que d'aucuns partaient... elle avait passé une nuit merveilleuse!

Sitôt le soleil levé, elle avait ouvert les yeux, reposée et alerte. D'une humeur exquise, ses mots faisaient des envolées lyriques. Ayant décidé de travailler pour quelqu'un ce jour à cause de la lourde chaleur qui faisait rage et qui aurait pu lui faire se sentir mal au verger, elle traversa les ruelles de Marmande. Elle s'obligea à faire un détour par la statue de Boulasse, toutefois.

Boire sans abuser. J'ai compris la leçon, ô Sainte, n'aies crainte.



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Hé bien, Oblate ! Toujours aussi idolâtre, à ce que je crois entendre. clama-t-il de sa voix forte, et lui jetant la première pierre. Il s'était pourtant promis de laisser en paix l'esprit de la jeune femme, mais il était à craindre que sa droiture théologique prenait toujours le pas sur ses résolutions. Pendant qu'il déboulait sur la place, il en profita pour s'hydrater et se rincer le visage à la fontaine. Bien entendu que par ce temps, le combattant qu'il était rissolait sous son armure et souffrait de la chaleur ...
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"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la gloire !"
S.I. - Chevalier Errant de la Réforme Aristotélicienne.

Elle sursauta avant de se retourner vivement. Un sourire flotta sur les lèvres de la nonnette tandis qu'elle observait le Montalbanais se rafraichir. Avant de prendre la parole, elle ne put s'empêcher, toutefois, de jeter un coup d'oeil aux alentours.

C'est un plaisir de vous revoir, messer Iohannes. Bien que dire cela me soit dangereux.

Elle s'approcha de l'homme en armure, délaissant la statue derrière elle.

Savez-vous que l'on m'a affublée du surnom d'hérétique après votre dernier départ?

Une ombre voila le regard de la jeune Watelse en souvenir de cette insulte qu'elle avait bien du mal à digérer. Toutefois, comme dit précédemment, elle était particulièrement en forme ce jour. Ainsi elle retrouva sa bonne humeur coutumière aussi vite qu'elle s'était envolée.

Il me tarde de voir ce que l'on me réservera, la prochaine fois! Rien de trop cruel, je l'espère.
Qu'est-ce qui vous amène à Marmande?
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Hé bien, pour tout vous dire, les devoirs que j'ai contracté auprès du Duché de Guyenne me conduisent à traverser le territoire et par conséquent, à faire halte à Marmande ; qui ma foi, n'a pas toujours été aussi accueillante qu'elle peut l'être aujourd'hui.

Il n'en fit aucune mention, mais il se retrouva tout aussi navré que marri que leur dernière entrevue ait occasionné à la Cistercienne un taillage de croupières. Dites à un homme une absurdité sur le dogme romain, il opinera docilement de la tête. Mais entretenez-vous simplement avec un Aristotélicien Réformé qu'il méprise ou abhorre, et vous serez hérétique ! Pitié que de voir la religion réduite à l'instrumentalisation des rancunes. Preuve s'il en était encore une fois, que l'ignorance était la source de toutes les afflictions. D'où l'impérieux besoin d'illumination du peuple par l’Écriture. A l'exemple de ces patrons déroutés par leurs employés, Iohannes se résigna cependant sur ce cas, non sans humour, mais avec une ironie amère. Cela lui fit penser qu'il avait d'ailleurs un écrit à rédiger pour ce soir, ou au surplus pour demain matin. Les oiseaux voyageaient doucement, comme si leur propre envolement se trouvait accablé par l'écrasement de la chaleur estivale.
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"Aux hommes la droiture et le devoir, et à Dieu seul la gloire !"
S.I. - Chevalier Errant de la Réforme Aristotélicienne.

Revenez dans quelques mois et vous en serez encore plus surpris, messer Iohannes.

D'un geste de la main, la nonnette épousseta une poussière qui avait fait intrusion sur sa jolie houppelande. Elle fronça légèrement son nez, bien peu convaincue finalement de pouvoir travailler sous une telle chaleur. Peut-être ferait-elle mieux d'attendre la fin de soirée?

J'aimerais m'attarder pour bavarder avec vous mais je risque de tourner de l’œil si je reste ainsi en plein soleil. J'espère que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.

Et comme pour approuver ses propos, les joues de la nonnette étaient cramoisies et une discrète goutte de sueur perlait le long de son cou.

Je vous souhaite toutefois une agréable traversée du duché.
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Le lendemain...

La nonnette revenait voir la statue. Il fallait bien avouer que la Sainte prenait drôlement soin de la sacristine! Ce jour, non seulement elle était de bonne humeur mais elle avait également eu une révélation.

Aussi, avant de partir, elle souhaitait remercier Boulasse de la clarté qu'elle avait mise dans ses idées. Une fois la chose faîte, les mots murmurés, le regard d'admiration donné, elle s'en retourna prestement en direction de l'église.


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