Watelse
Maitre Watelse était silencieux depuis longtemps. Son esprit pourtant lui était bien en action. Tantôt, il combattait les cris de son cur. Tantôt, il cherchait à démêler les sombres affaires qui pourraient les pousser, lui et sa lignée, vers le néant. Tantôt, il levait les yeux vers Sa fragile épouse qui l'ignorait tout bonnement, puis les rebaissait vite sentant son coeur vibrer dangereusement.
Marmande à nouveau. L'endroit où ils allaient s'enterrer un moment. Pus le choc. Le choc d'entre de nouveau la nonnette lui parler. Le supplice de l'entendre l'appeler Watelse, alors qu'il désespérait qu'elle l'appelle Georges.
Je ne vous appartiens plus...L'évêque mort, vous n'avez plus de contrôle sur moi. C'est fini, Watelse. Fini.
Le reste, Watelse ne l'entendit que de très loin. Car, il fuyait le coq à grandes enjambées. Il fuyait les couteaux de ce regard féminins. Il fuyait le futur moribond qu'il voyait se dresser devant lui. Oui, Georges Léonard Watelse était affaibli et ne le supportait plus.
Criant à Payen sans se retourner d'un ton éteint : Rentre Dame Watelse, elle délire!
Dame Watelse.... Plus vraiment. Jamais vraiment été. Lui rendre sa liberté? Perdre la chance d'une descendance?... Le coeur de Watelse se brisait. Ses espoirs tombaient en morceaux. Il avait mal. Et la dernière personne qui l'avait rendu si malheureux avait fini six pieds sous terre. Tuer Ellya? L'esprit embrouillé, le vieux Watelse partit à la recherche d'une bouteille pour s'y noyer.
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Watelse le Paon de Gascogne
" Je suis persuadé que si un Paon pouvait parler, il se vanterait d'avoir une âme, et il dirait que son âme est dans sa queue."
[Voltaire]
Watelse
[Quelques jours après]
Quelques lunes s'étaient levées sur les toits de Marmandes et les étoiles étaient témoins des larmes d'Ellya Watelse, enfermée à double tour dans sa chambre.
Watelse passaient la plupart de son temps dans le couloir, tantôt accoudé à la fenêtre, tantôt assis à même le sol, la tête tapant régulièrement contre la porte de la Dame, l'oeil triste et l'esprit ailleurs. Livide, tel un mort qui comprend enfin qu'il n'a pas vécu vraiment.
Watelse était malheureux. Malheureux de ne plus voir son épouse qu'il croyait abhorrer à tord. Malheureux de ne pas savoir l'exprimer. Malheureux enfin qu'il soit trop tard pour le lui dire.
Elle le haïssait.
Payen, la mine déconfite, sortit de la chambre, le plateau toujours aussi plein de nourriture. Un regard qui en disait long vers le maître, puis il s'en alla en cuisines.
Les cloches sonnèrent. L'appel de l'Aristote chéri d'Ellya. Lui, elle l'aime! prononça t'il avec amertume.
Aristote... Aristote... Mais oui, Aristote était la seule chose qu'elle accepterait de lui!
Il pénétra sans plus attendre dans la chambre et n'y alla pas par quatre chemins.
Dame Ellya, je vous apprécie, et je souhaiterais que vous m'aimiez bien. Vous n'accepterez de moi aucun cadeau, je le sais. Vous êtes trop au-dessus des bijoux dorés et des robes somptueuses... Alors, je vous offre ceci : mon âme. Apprenez moi Aristote et tous ses Saints. Je ne dis pas que j'y croirai. Mais j'y songerai à travers vous....
N'était-ce donc pas assez?? Pas un mouvement. Le Maitre panique et semballe:
Et vous m'aviez entretenu d'un projet d'abbaye de femelles... enfin filles à Marmandes Je vous donne tout mon or pour votre succès.
Watelse vibrait. Watelse gémissait de ne savoir déchiffrer le visage de la nonnette. Watelse était dans un autre monde, où pour une fois, sa Personne passait après une autre.
Bien sûr, ce don ne viendrait pas sans retour. La question d'un rejeton Watelse serait abordée plus tard...
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Watelse le Paon de Gascogne
" Je suis persuadé que si un Paon pouvait parler, il se vanterait d'avoir une âme, et il dirait que son âme est dans sa queue."
[Voltaire]
Watelse
Ces mots soufflés, Georges Léonard Watelse les reçus comme une giffle. Une giffle à sa fierté. Une giffle à son amour-propre. L'homme n'avait pas eu beaucoup d'espoir à sa requête mais il n'avait pas prévu pour autant un retour de bâton si violent de la si douce Ellya. Et cette demande monstrueuse : retrouver son ancien fiancé. Affront terrible. Blessure mesquine à celui qui venait de déclarer si ardemment ses sentiments.
Serait-ce une mise à l'épreuve de sa ferveur? Oui, ça devait être cela.
Ma Dame Watelse, je mets tous mes gens à votre service pour retrouver celui... pour lequel votre coeur s'est épris. Et peut être trouverez vous le temps d'éclairer mon coeur et mon esprit aux lueurs de votre Dieu.
Watelse espérait que ce cathéchisme serait le moyen de parler à la tendre femme. Quelques moments privilégiés qu'elle lui aurait autrement refusés.
Sauriez-vous me donner les quelques détails sur la disparition de cet ancien amant : son âge, le dernier endroit où il aurait été vu...?
Watelse serra les dents, prêt à entendre Ellya parler de l'autre avec tendresse. Jalousie et malaise se feraient vite ressentir.
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Watelse le Paon de Gascogne
" Je suis persuadé que si un Paon pouvait parler, il se vanterait d'avoir une âme, et il dirait que son âme est dans sa queue."
[Voltaire]
Watelse
Un Watelse n'a qu'une parole : je vous accompagnerai aux messes.
Le Maitre lui tendit sa main pour qu'elle y prenne appui dans l'escalier. Lors de la descente qui lui parut interminable, Georges repensa à la passion qui avait transparu dans la voix de la nonnette alors qu'elle lui décrivait son ancien prétendant. Cela le mettait au supplice.
Il essaya de lancer la discussion :
Avez-vous eu le temps de préparer votre sermon?...Sur quoi porte t'il?
Watelse était désireux de l'entendre parler de sa voix calme et régulière. Cette voix qui l'avait apprivoisé depuis leur mariage.
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Watelse le Paon de Gascogne
" Je suis persuadé que si un Paon pouvait parler, il se vanterait d'avoir une âme, et il dirait que son âme est dans sa queue."
[Voltaire]
Watelse
[Deux mois, quelques jours et quelques heures plus tard]
Georges Léonard Watelse avait maigri. Son manque d'appétit lui faisait désormais quitter la table avant le service de la viande rouge. Il se suffisait d'un morceau de pain et de quelques cuillères de potages. Et surtout, il ne quittait jamais la pièce sans emporté son verre rempli de vin rouge. Fort. Sec. Parfait pour son humeur.
Car, il devait se donner du courage sitôt une porte fermée entre lui et sa femme : il s'enfermait dans son bureau, s'assayait dans son fauteuil, et attaquait l'ouverture des missives reçues en journée.
Watelse avait depuis la requête de son épouse pour la recherche de son ancien fiancé, dépensé sans compter pour honorer son engagement. Il avait vidé sa caisse principale, pour un sourire d'Ellya. Pioché dans la cassette de secours pour un remerciement de ses lèvres. Mais seule la froideur de la Dame l'acceuillait à chaque diner et une question : Qu'en est-il de lui?. Voilà pourquoi il écourtait les moments avec elle. Elle, lui parlant de l'autre qui avait ravit son coeur.
Bien sûr, elle même avait tenu sa promesse de lui donner un enfant. Aussi, l'acceuillait-elle chaque mercredi et vendredi dans sa couche pour la conception. De ce côté, pas de nouvelle positive non plus.
Il déplia la première missive. Rien. Personne n'avait entendu parler de lui depuis près d'un an maintenant. Disparu. Cette réponse négative lui aura coûté (regard sur son registre), 245 écus. Qu'ils sont chers ces enquêteurs. 145 écus pour un Non. Comme les cinquantaine de réponses négatives déjà payées.
L'homme se passa la main sur le front, désespéré. L'autre main se balançait à côté de la chaise, tenant entre les doigts la précieuse bouteille.
Cette promesse le menait à la ruine et à la plus profonde tristesse. Le riche Paon n'était plus qu'un poulet déplumé. Bientôt, il devrait fermer l'orfèvrerie de Paris. De toute manière, à quoi bon s'il n'avait pas d'héritier à qui tout léguer?
Rasade d'alcool dans le bec.
Seconde missive. Le Maitre s'arrête d'avaler le breuvage. Nom d'un chien galeux! souffla t'il. Plus haut avec l'excitation: Ma Dame! Ma Dame!
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Watelse le Paon de Gascogne
" Je suis persuadé que si un Paon pouvait parler, il se vanterait d'avoir une âme, et il dirait que son âme est dans sa queue."
[Voltaire]
Watelse
Elle était là, dans l'embrasure de la porte. Watelse se prit à imaginer la petite fille qu'ils auraient peut-être et il espérait sincèrement qu'elle eut la grâce de sa mère.
Ils ont trouvé quelqu'un. Une piste. Dans le Berry, près de votre abbaye. Un homme qui se fait appeler Poussmousse au Grand Soupir... Un ...
Il se leva et avec une infinie douceur, il lui prit la main et l'amena s'asssoir à sa place.
Ma Dame, ma Personne ne peut qu'imaginer vos espoirs. Et je doute que votre coeur soit préparé à une telle nouvelle.
Le Maitre prit son temps pour choisir ses mots. Il mit dans les mains d'Ellya sa bouteille de vin rouge.
Ce "Grand Soupir" est un pauvre bougre, un lépreux qui vient de temps à autre mendier dans les rues.
Avant qu'il ne perçoive la moindre réaction de la jeune femme, il posa sa main ferme sur son épaule:
Ellya. Il se peut que ce ne soit pas lui. Mais.. après tant de fausses pistes, c'est le seul qui... Mais ça peut être encore une énième erreur.
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Watelse le Paon de Gascogne
" Je suis persuadé que si un Paon pouvait parler, il se vanterait d'avoir une âme, et il dirait que son âme est dans sa queue."
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Watelse
Il imaginait bien ce refus de croire, cette insistance de la pure Ellya à garder intact en son esprit l'image de l'être aimé.
Il essayait de la soutenir comme il pouvait, mais ce qu'il reçut ne lui donner que l'envie de fuir. Des paroles acerbes. Des reproches. Du mal-être. Rien que Watelse ne put éteindre d'une étreinte ou d'un baiser. Non, il ne la toucherait pas. La gifler aurait était plus simple. L'embrasser aurait tout de suite conduit à une réponse dégoûtée de la Dame. Et elle aurait eut raison. Il se méprisait. Et ce sentiment le menait irrémédiablement vers sa bouteille d'alcool. Jamais un Watelse n'avait été si minable. Ses aïeux devaient se retourner dans leur tombe.
La voix éteinte, il répondit juste trois mots :
Bien, Ma Dame.
Puis, il sortit chercher d'autres écus dans son coffre, pour une énième recherche.
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Watelse le Paon de Gascogne
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Watelse
Georges Léonard Watelse était vaniteux. Il était également pingre, fier, jaloux, violent, rancunier et misogyne. Son enveloppe charnelle englobait ainsi mille essences négatives, il est vrai. Cependant, depuis que l'amour (ah... l'Amour...) était venu s'insinuer jour après jour dans son cur, le Maitre orfèvre n'était plus qu'un tissu moite, imbibé de gentillesse, de délicatesse et d'espoir d'affection réciproque. Bien sûr, ces qualités ne se montraient au grand jour que face à sa femelle attitrée, Ellya. Et cette situation trainait, sans que la fidèle Dame Watelse ne lui donne aucun signe encourageant.
Maitre Watelse revenait de Paris. Sa malle était encore close près de la porte d'entrée, et il ne savait pas encore s'il devait repartir bientôt. Une jeune femme avait depuis peu fait irruption dans sa vie et commençait sérieusement à l'enquiquiner. Il en était profondément énervé, et il hésitait à déchirer la missive qu'il avait entre ses doigts.
Entrée en trombe de son épouse qu'il croyait en pleine prière dans sa chambre.
Madame, que ...?
Ses mots faiblement prononcés furent rapidement arrêtés tant l'agitation de son épouse prenait le dessus : les flots de paroles féminins sont souvent des torrents où il serait bien sot de faire construire des barrages.
Mais les paroles d'Ellya prenait du sens. Le baptiser? Lui? Spinoziste, fils de spinoziste et dont les aïeux l'étaient également. Watelse restait les yeux écarquillés fixés sur son épouse. Un cadeau? Autre qu'un livre de prière? Il resta un moment silencieux, puis pris les mains d'Ellya, encore agités, et la fit s'assoir sur le lit.
Elle l'avait encore appelé Georges. Et comme un sortilège, ce simple mot sorti de sa bouche lenivrait et le mettait dans un état second.
Ellya... Je peux vous appeler Ellya?... Vous permettez? Oui?... Bien. Ma Personne est nourrie d'une spiritualité toute spinoziste mais je vous ai promis de m'ouvrir à votre foi. Et je le pense vraiment. Ne croyez-vous pas que ces croyances peuvent trouver complémentarité?
Le vieil homme acculé par le poids de l'âge vint s'assoir à côté d'elle.
Jaccepte de me faire baptiser mais seulement par vos mains, car c'est par vous et pour vous uniquement que j'aimerai votre dieu. Mais ne m'en voulez pas trop si parfois, mon esprit réfléchit encore comme le Spinoziste que je suis. Le seul cadeau que je vous demande alors, est votre indulgence.
Souriant :
On ne change pas si vite un vieux bougre, n'est ce pas?
Brusquement, il partit dans le couloir. On entendit ses pas dans l'escalier, descendre, puis remonter. De nouveau dans la chambre, Maitre Watelse tendit une petite boite à sa femme :
Une boite de macarons... Je n'aime pas beaucoup, mais il parait que les femelles en raffolent. J'ai pensé que vous aimeriez... vous, qui ne mangez plus vraiment.
En effet, laissant loin sa femme, Watelse s'inquiétait du peu d'appétit de son épouse.
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Watelse le Paon de Gascogne
" Je suis persuadé que si un Paon pouvait parler, il se vanterait d'avoir une âme, et il dirait que son âme est dans sa queue."
[Voltaire]