Barthelemy
Tard dans la soirée. Du moins tôt pour les couches tard. Mais tard pour les couches tôt et pas mal de gens normaux. Voilà qui rime, mais qui ne fait pas avancer notre histoire. Il est donc aux alentours de 23 heures, quand une carriole, tirée avec difficultés par Rachel, s'approche du dispensaire par les rues de Blois. Pourquoi avec difficultés ? Parce que Barthélémy est étalé de tout son poids dans la charrette, mal, très mal en point et en poing.
En effet, en cette soirée du 03 juin 1459, le barbu fut prit de l'envie soudaine de défier le Sir Lucas, puis de répondre à ces coups. D'abord par jalousie, par amour pour sa compagne Iloa, ensuite par fierté. Cette fierté de coq propre à tout homme. Seulement voilà, la bagarre s'était bien passé. Trop bien passé même pour Lucas, qui avait flanqué une rouste phénoménale au jeune homme, sans même une égratignure. Barthélémy, de son côté, avait perdu quatre de ses dents, cassé son nez et sa main gauche, ainsi qu'une de ses côtes droites. Autant vous dire qu'il avait morflé, et énormément en plus, sous les coups de Lucas. Ainsi, il était affalé dans la charrette, regardant les étoiles sans boucher, une épaisse croûte de sang à la hauteur de son nez jusqu'à sa lèvre supérieure, et crachant du sang à intervalle régulier.
Malgré son état, de nombreuses pensées se bousculaient dans la tête de Barthélémy. La Honte, d'abord, encore et toujours, de l'acte de chair qu'il avait prodigué hier avec Iloa. La Crainte, ensuite, car sa Mère ne répondait plus à sa missive. La Crainte, encore, car il ne savait si il pouvait partir lundi. La Jalousie, d'avoir vu Iloa plus se préoccuper de son adversaire que de lui durant le combat. La Peur, toujours de la perdre. Obnubilé par ce flot de pensées continues, le jeune barbu ne se rendit même pas compte que son regard avait quitté les étoiles pour le plafond du dispensaire.