Dire que le Seigneur d'Epernay était contrarié, était un euphémisme. En soit, cela ne pouvait être une surprise, la contrariété étant une seconde nature chez le Chambellan de Champagne, soigneusement dissimulée sous un vernis très policé.
Mais tout de même, ces jeunes filles, quoique très nobles et pupilles royales allaient en jacassant telles des oies dans une basse-cour.
Pis encore, sa Majesté semblait vouloir assister à un cour de danse qui ne pouvait s'annoncer sous les meilleurs auspices, en raison d'un maistre de musique qui, après avoir été exubérant demeurait aphone.
Et que dire des futures danseuses... des grandes, des maigres, des grosses, des mal-tournées, des contrefaites et même une étrange créature blanche que l'on pouvait croire issue de l'enfer lunaire tant elle était pâle.
Sauf qu'une enfant, même fantomatique et ne pouvant inspirer que quelques effrois mais protégée de sa Majesté, devenait respectable.
Or donc, le Maistre de Danse, sans se départir de son sourire, salua d'une réverence et une à une toutes ses demoiselles avant de risquer aimablement en se tournant à demi vers le Maistre de musique, tout en s'adressant également aux pupilles de France, non sans glisser un oeil en direction de sa Majesté :
Si ces demoiselles les Pupilles de France voulaient bien composer deux lignes de face, les plus grandes et les plus âgées de ces aimables personnes seraient chargées de mener les pas des plus jeunes et plus petites.
Prudence est mère de toutes les précautions, si bien que le Maistre de Danse indiquait plutôt que de donner des ordres. Il ajouta ensuite, s'incluant dans le dispositif :
Lorsque nous serons tous en place et que le Maistre de musique sera disposé à faire entendre de sa voix et de ses instruments, je suggère que ces demoiselles adressent à leurs partenaires une réverence en "R", prélude à toute danse.
Et le Maistre de danse de joindre le geste à la parole en gratifiant l'assemblée d'une très gracieuse réverence en "R" dansée.