Estrella.iona
[Ou la soirée pyjama d'ailleurs.]
St Aignan-la-Roë, un soir comme les autres... Ou presque.
Décidément, ces dernières semaines avaient étaient horribles, cumulant révélations, déceptions, hallucinations, rédemption...
Et comme par hasard, la stabilité politique de l'Anjou n'était pas au beau fixe et en rajoutait un peu plus à l'humeur toujours plus morose des angevins.
Mais les angevins, ils n'avaient pas tous les mêmes problèmes.
Et l'Etoile et ses amies, elles avaient des vrais problèmes. Des problèmes de filles, des problèmes insolvables, des problèmes affreux.
Alinéa qui venait sous peu de se réconcilier avec son fiancé qui l'avait trompée avec on sait pas trop quoi.
Calyce qui était fiancée avec un blond mais qui semblerait-il en aimerait un autre.
Davia dont le coeur balance entre guerre, paix, Dames blanches, chevalerie et un certain Séverin.
Johanara qui s'est amourachée d'un rustre mais qui, il parait, aurait un coeur enfouit quelque part.
Et enfin Trella qui avait reçu quelques jours auparavant une lettre d'une bonne femme qui se prenait pas pour une poire et qui, dans sa haine aveuglante, s'était plu à la traiter de divers noms d'oiseaux. Certes, elle avait pas tort. Certes y'avait certainement du vrai dans sa lettre. Mais dedans y'avait quelque chose qui sonnait faux, comme si cette lettre transpirait la jalousie.
Mais de toutes manières, après avoir discuté avec le principal responsable, tout semblait s'être arrangé. Il n'avait pas demandé pardon mais il avait regretté, et elle l'avait cru.
V'nez toutes chez moi, on va boire, manger et parler sur les gens.
Et ça va grave me changer les idées et les votres aussi. Parce que j'en ai marre de penser à l'autre cruche et à ses lettres suintantes de méchanceté.
L'invitation est lancée à la cantonade à ses complices pour le soir même. Qui qui va refuser de se gaver de petits gateaux tout en s'alcoolisant le sang et en déblatérant moultes commérages sur untel ou unetelle ? Personne de normalement constitué.
Et si Trella avait lancé pareille invitation, en dépit de son gout accru pour tout ce qui est breuvages et commérages, c'est parce qu'elle avait une idée derrière la tête.
L'année dernière, lorsqu'elle avait commencé la couture et qu'elle avait fini par être à peu près douée, elle avait confectionné une multitudes de petites poupées de chiffons, de taille miniature. Ces petites poupées avec comme particularité de posséder un détail physique qu'on pouvait relier à des personnes existant.
C'est une jeune femme un jour qui lui avait donné le truc au détour d'une ruelle. Elle piétinait quelque chose avec acharnement, ce qui avait étonné l'Etoile, et quand elle avait demandé ce qu'il s'était passé, la jeune fille avait ramassé ce qu'il restait de la pauvre poupée pour la lui montrer.
C'est la poissonnière, mon mari est parti avec, du coup j'y fais mal...
Comment c'est possible ?
Bah r'gardez, elle a de la laine jaune sur la tête... c'est parce qu'elle est blonde. Du coup c'est elle en p'tit, et quand j'y tape ça y fait mal à elle.
Oooooh...
D'aucuns diraient que c'est un peu de la sorcellerie, mais l'astuce avait beaucoup intéressé Trella sur le moment : c'est qu'à l'époque elle aussi avait une vendeuse de poisson dans les pattes, une horrible rouquine qui voulait lui voler son mari.
Elle avait donc voulu mettre ce savoir à l'épreuve et avait confectionné une petite poupée pourvue d'un sourire grimaçant et de morceaux de laine rouge collés sur le haut de son crâne... Maeve tout craché.
Et pendant des heures elle maltraitait la poupée, la piquait avec des aiguilles, la laissait tomber, la noyait dans de grandes chopes de bière, l'ébouillantait avec de la tisane insipide.
Et elle s'était tellement pris au jeu qu'elle s'était fabriqué une multitude de ces petites choses, chacune symbolisant une personne de son entourage : il y avait les poupées Calyce et Davia avec leur laine noire sur la tête, toujours en bonne place, toujours bien traitées, jamais abimées, il y avait la poupée Tiss au sourire charmant qui veillait sur les autres, bien droite sur l'étagère, la poupée Aurélie, sa fille, qui était particulièrement bien réussie, il y avait la poupée Aimbaud, toujours aux cotés de Calyce, la poupée Leandre, chérie puis progressivement délaissée pour finir par subir le même sort que la poupée Maeve.
Toute une collection de figurines. A force de traitement intensifs sur sa représentante, la vraie Maeve avait fini par se noyer...
Peut-on vraiment encore parler de coincidence ?
Toujours était-il que l'histoire semblait se répéter et qu'il était temps de mettre un terme à tout ça. Puisque personne ne semblait vouloir la suivre quand elle parlait de lever une armée pour aller couper la tête de l'indésirable et de ses deux morpions, elle avait opté pour la solution; moins radicale certes, mais qui payait à la longue, suffisait de voir comment ça avait bien marché sur la rouquine.
Dans la chambre à coucher, bien cachée dans une commode, la boite à poupées sommeillait depuis bientot un an. C'était l'occasion de la réveiller et surtout de profiter de cette soirée pour en fabriquer de nouvelles.
Une bouffée de nostalgie envahit la jeune fille lorsqu'elle rouvrit le coffret... Elles étaient toutes là.
Il était temps de leur fabriquer de nouvelles compagnes...
Tissus, aiguille, fil, et l'Etoile de fabriquer trois nouvelles figurines, la duchesse et ses rejetons.
Nul doute que ça plairait aux filles. On a forcément un ennemi à qui on veut du mal dans sa vie, qu'on l'avoue ou non.
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St Aignan-la-Roë, un soir comme les autres... Ou presque.
Décidément, ces dernières semaines avaient étaient horribles, cumulant révélations, déceptions, hallucinations, rédemption...
Et comme par hasard, la stabilité politique de l'Anjou n'était pas au beau fixe et en rajoutait un peu plus à l'humeur toujours plus morose des angevins.
Mais les angevins, ils n'avaient pas tous les mêmes problèmes.
Et l'Etoile et ses amies, elles avaient des vrais problèmes. Des problèmes de filles, des problèmes insolvables, des problèmes affreux.
Alinéa qui venait sous peu de se réconcilier avec son fiancé qui l'avait trompée avec on sait pas trop quoi.
Calyce qui était fiancée avec un blond mais qui semblerait-il en aimerait un autre.
Davia dont le coeur balance entre guerre, paix, Dames blanches, chevalerie et un certain Séverin.
Johanara qui s'est amourachée d'un rustre mais qui, il parait, aurait un coeur enfouit quelque part.
Et enfin Trella qui avait reçu quelques jours auparavant une lettre d'une bonne femme qui se prenait pas pour une poire et qui, dans sa haine aveuglante, s'était plu à la traiter de divers noms d'oiseaux. Certes, elle avait pas tort. Certes y'avait certainement du vrai dans sa lettre. Mais dedans y'avait quelque chose qui sonnait faux, comme si cette lettre transpirait la jalousie.
Mais de toutes manières, après avoir discuté avec le principal responsable, tout semblait s'être arrangé. Il n'avait pas demandé pardon mais il avait regretté, et elle l'avait cru.
V'nez toutes chez moi, on va boire, manger et parler sur les gens.
Et ça va grave me changer les idées et les votres aussi. Parce que j'en ai marre de penser à l'autre cruche et à ses lettres suintantes de méchanceté.
L'invitation est lancée à la cantonade à ses complices pour le soir même. Qui qui va refuser de se gaver de petits gateaux tout en s'alcoolisant le sang et en déblatérant moultes commérages sur untel ou unetelle ? Personne de normalement constitué.
Et si Trella avait lancé pareille invitation, en dépit de son gout accru pour tout ce qui est breuvages et commérages, c'est parce qu'elle avait une idée derrière la tête.
L'année dernière, lorsqu'elle avait commencé la couture et qu'elle avait fini par être à peu près douée, elle avait confectionné une multitudes de petites poupées de chiffons, de taille miniature. Ces petites poupées avec comme particularité de posséder un détail physique qu'on pouvait relier à des personnes existant.
C'est une jeune femme un jour qui lui avait donné le truc au détour d'une ruelle. Elle piétinait quelque chose avec acharnement, ce qui avait étonné l'Etoile, et quand elle avait demandé ce qu'il s'était passé, la jeune fille avait ramassé ce qu'il restait de la pauvre poupée pour la lui montrer.
C'est la poissonnière, mon mari est parti avec, du coup j'y fais mal...
Comment c'est possible ?
Bah r'gardez, elle a de la laine jaune sur la tête... c'est parce qu'elle est blonde. Du coup c'est elle en p'tit, et quand j'y tape ça y fait mal à elle.
Oooooh...
D'aucuns diraient que c'est un peu de la sorcellerie, mais l'astuce avait beaucoup intéressé Trella sur le moment : c'est qu'à l'époque elle aussi avait une vendeuse de poisson dans les pattes, une horrible rouquine qui voulait lui voler son mari.
Elle avait donc voulu mettre ce savoir à l'épreuve et avait confectionné une petite poupée pourvue d'un sourire grimaçant et de morceaux de laine rouge collés sur le haut de son crâne... Maeve tout craché.
Et pendant des heures elle maltraitait la poupée, la piquait avec des aiguilles, la laissait tomber, la noyait dans de grandes chopes de bière, l'ébouillantait avec de la tisane insipide.
Et elle s'était tellement pris au jeu qu'elle s'était fabriqué une multitude de ces petites choses, chacune symbolisant une personne de son entourage : il y avait les poupées Calyce et Davia avec leur laine noire sur la tête, toujours en bonne place, toujours bien traitées, jamais abimées, il y avait la poupée Tiss au sourire charmant qui veillait sur les autres, bien droite sur l'étagère, la poupée Aurélie, sa fille, qui était particulièrement bien réussie, il y avait la poupée Aimbaud, toujours aux cotés de Calyce, la poupée Leandre, chérie puis progressivement délaissée pour finir par subir le même sort que la poupée Maeve.
Toute une collection de figurines. A force de traitement intensifs sur sa représentante, la vraie Maeve avait fini par se noyer...
Peut-on vraiment encore parler de coincidence ?
Toujours était-il que l'histoire semblait se répéter et qu'il était temps de mettre un terme à tout ça. Puisque personne ne semblait vouloir la suivre quand elle parlait de lever une armée pour aller couper la tête de l'indésirable et de ses deux morpions, elle avait opté pour la solution; moins radicale certes, mais qui payait à la longue, suffisait de voir comment ça avait bien marché sur la rouquine.
Dans la chambre à coucher, bien cachée dans une commode, la boite à poupées sommeillait depuis bientot un an. C'était l'occasion de la réveiller et surtout de profiter de cette soirée pour en fabriquer de nouvelles.
Une bouffée de nostalgie envahit la jeune fille lorsqu'elle rouvrit le coffret... Elles étaient toutes là.
Il était temps de leur fabriquer de nouvelles compagnes...
Tissus, aiguille, fil, et l'Etoile de fabriquer trois nouvelles figurines, la duchesse et ses rejetons.
Nul doute que ça plairait aux filles. On a forcément un ennemi à qui on veut du mal dans sa vie, qu'on l'avoue ou non.
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