Linon
Enfin la béatitude d'un lit confortable et d'un repos bien mérité. Linon s'était couchée avec la satisfaction que procure l'épuisement du corps après une longue chevauchée. C'est que depuis quelques temps, elle ne faisait plus que ça... aller de ville en noeud, dormir dans des auberges plus ou moins douteuses quand ce n'était pas dans des granges.
Mais depuis qu'elle avait rejoint sa berrichonne d'amie, le confort de ses nuits avait augmenté d'un cran. C'est l'avantage de fréquenter la noblesse ! Ça ne dort point dans les fourrés ces p'tites choses délicates... Et la jeune femme ne se faisait pas prier pour se vautrer dans les draps fins et les dentelles qui constituaient l'environnement de survie de la Baronne en goguette.
La nuit à Lignières avait été brutalement interrompue vers midi par un de ces lamentables valets dont Jo aimait s'entourer, lequel avait eu l'outrecuidance de surgir dans sa chambre pour lui présenter une convocation des douanes tout en la reluquant de manière éhontée. Linon avait du passer la journée à régler des formalités administratives et n'avait rejoint la troupe qu'au moment du départ.
Maintenant qu'ils avaient rejoint la belle Auvergne, qu'ils étaient installés dans le magnifique château de Magnet, que Marko disposait d'une chambre pour lui tout seul, Linon s'était étalée sans vergogne dans le confortable lit de la très confortable chambre que le maître des lieux lui avait attribuée, et elle y dormait du sommeil du juste, bien décidée à ne pas ouvrir les yeux avant que le soleil ne soit très très haut dans le ciel...
Linon!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Sursaut de la jeune femme dont le coeur manqua un battement alors que les cris d'orfraie accompagnés de violents coups assénés à la porte la tiraient de son sommeil pourtant si mérité.
*Mais c'est pas vrai!!!* Coup d'oeil embrumé et incrédule vers l'une des grandes fenêtres dont l'entrebâillement des lourds rideaux ne laissait aucun doute : il faisait nuit, c'était la nuit! Les douanes dormaient à cette heure-là, comme tous les honnêtes travailleurs !
Maugréant, bâillant et se frottant les yeux, Linon s'extirpa du lit comme elle put, se cogna le pied dans un meuble en récupérant un châle et boitilla vers la porte en pestant contre les caprices baronnesques de la rouquine amie dont elle avait reconnu la voix. Elle allait l'entendre!!
Linon !!!!!!!!!!!!! Z'êtes décente? J'entre !
Ça va, ça va, j'arriv'...
La porte s'ouvrit à la volée, quelque chose se précipita sur Linon et lui enserra fortement la taille, manquant lui faire perdre l'équilibre...
Mais...! Marko?
Le visage penché vers l'enfant qui se serrait contre elle, elle caressa ses boucles brunes avec inquiétude
Marko...qu'y a-t-il?
Elle releva un regard courroucé vers cette dingo de Baronne
M'enfin Jo !! Que lui avez-vous fait ? Ça ne va pas de lui faire une telle peur? Regardez dans quel état vous me l'avez mis...
La jeune femme s'arracha difficilement à l'étreinte féroce de l'enfant et se pencha vers lui
Dis-moi Marko... Damejo n'a pas été gentille? Que t'a-t-elle fait?
Linon
Aïeeeee!!! Mais ça va pas??? Allez-vous me lâcher espèce de folle?
Linon, cette fois bien éveillée, assaillie par l'enfant qui la collait et tirait la langue à Jo et par celle-ci qui lui plantait des ongles effilés dans la peau dut secouer le bras pour se débarasser de l'une tout en repoussant l'autre.
Massant son avant-bras rougi sur lequel s'imprimait la trace des ongles de la furie, elle se prit à les morigéner
Allez-vous vous calmer? Jolie troupe de peureux que voilà ! Voyons Jo, vous êtes grande maintenant, essayez de ne pas raconter n'importe quoi... Personne ne nous attaque, pour quoi faire donc? Petit sourire en coin à son amie Craignez-vous pour votre vertu? Sourire qui finit en éclat de rire... J'aurais pensé qu'elle n'avait plus rien à craindre...
Hum, bref... Et toi Marko, Jo n'est pas une vilaine sorcière, même si elle est rousse. C'est pas de sa faute et ça lui va très bien. Elle est juste un peu excessive, c'est pas de sa faute non plus. Mais arrête de lui tirer la langue, elle est quand même Baronne... Et les fantômes n'existent pas !
Linon considéra un instant les deux farfelus en face d'elle : l'enfant en chemise longue et pieds nus se rapprochait d'elle lentement et l'air de rien, tout en jetant des regards inquiets et peu amènes vers la baronne qui semblait réellement décoiffée et effrayée dans sa longue chemise de dentelle, un châle sur les épaules.
Bon... J'ignore ce qui fait tout ce bruit, mais vous n'allez pas tous dormir avec moi, c'est certain! Donc le mieux serait d'aller voir... Et votre militaire? Il dort lui bien sûr? Pfff... toujours pareil avec les soldats... rien à en attendre...
Jo, je vous en prie reprenez-vous et allons voir ce qui se passe. Mais j'vous promets qu'avant qu'on me pende, vous s'rez tondue !
Elle se tourna vers sa chambre, récupéra deux bougeoirs et en tendit un à Jo après en avoir allumé les bougies à l'aide d'une branchette enflammée aux braises qui couvaient dans la cheminée.
Bien.. euh... comme j'ignore ce qui se passe dans ce château, peut-être devrions nous nous armer?
Hélas, épée et bouclier étaient restés dans la salle de garde... Linon se résigna à prendre une ombrelle que Jo avait abandonnée là au retour d'une promenade, la lui tendit, puis, après un regard circulaire sur les meubles, attrapa en soupirant sur le quasi bigotisme de son amie, le Livre des Vertus et le flacon d'eau bénite que Jo disposait dans toutes les chambres. Elle s'accroupit près de l'enfant et lui confia le flacon.
Bon, les fantômes n'existent pas et la plupart des monstres non plus... Cependant, si on voit quelque chose de vraiment pas aristotélicien, tu pourras l'asperger avec ça.
Petit sourire réconfortant au Marko, discret baiser dans ses boucles brunes, Linon se redressa en s'enveloppant dans le châle destiné surtout à couvrir la nudité que dévoilait sa chemine trop fine, et précédant ses compères, s'avança bravement vers le couloir.
Allons pourfendre le fantôme de Magnet !!
Linon
A peine étaient-il sortis dans le couloir qu'un olibrius se plantait devant eux et leur reprochait le vacarme que faisait Jo. Aussitôt celle-ci se précipita sur lui et se mit à le tripoter, à la surprise offusquée de Linon qui ne reconnut le fiancé de son amie que lorsqu'il fut un peu recoiffé. Les dires baronnesques lui arrachèrent un petit rire moqueur.
Ben tiens.... Ya qu'à dire que c'est Linon qui empêche tout le monde de dormir en jouant au fantôme dans les couloirs !
Levant les yeux au ciel devant tant de mauvaise foi, elle soupira puis revint à l'enfant qui lui serrait la main.
T'en fais pas mon Marko, on va pouvoir aller dormir maintenant que le grand seigneur des lieux et sa follasse de fiancée ont pris les choses en main... pas not'faute si le château est hanté, hein...
Sur ces mots, elle rouvrit la porte de sa chambre en bâillant, mais Marko résistait et la tirait vers le couloir.
Non, viens... j'veux voir le fantôme !
Il n'y a aucun fantôme, au pire des rats en train de jouer. Ça suffit maintenant, on va s'coucher !
T'y connais rien! J'veux voir le fantôme ! Et j'suis pas un pleurnichard...
Et l'enfant lâcha sa main et détala dans le couloir pour rejoindre le couple qui s'éloignait. Décidément... le monde entier semblait s'être ligué contre le sommeil de Linon qui fit claquer la porte avec humeur et rejoignit en maugréant et à grands pas l'improbable troupe de chasseurs de fantômes.
Mais en effet, de curieux marmonnements et gémissements plus ou moins étouffés et des bruits de choc contre le mur se faisaient entendre... Une porte entrebaîllée laissait passer une faible lueur. La jeune femme finalement moins rassurée posa les mains sur les épaules de son beau-fils, glissa la tête entre celles des fiancés et les regarda tour à tour.
Bon, qu'est ce qu'on fait? On va pas passer la nuit dans ce couloir?
Elle poussa la baronne d'un léger coup de coude
Allez-y Jo ! Après tout, ce sera chez vous dans peu de temps... autant vous familiariser tout de suite avec les trucs bizarres qui se passent ici. Courage, on protège vos arrières !
--Serguei
Fier comme un paon , Serguei nen finissait plus de se mirer dans la grande psyché , caressant la soie de la frusque chapardée avec un sourire on ne peut plus satisfait qui dévoilait les quelques dents noires qui lui restaient.
Cest quil avait bon goût lbasin , laurait pourtant pas cru la première fois qula baronne lui avait ramené son grand dadais pensait il plein de morgue tout en caressant son reflet de ses petits yeux vuiseux.
Et pas quand matière de fripes! La petiote qui soccupait du linge lavait bien choisi aussi!
Frétillante la gazoute, elle avait pas cessé de bassicoter ses miches sous son pif , point besoin de la bloner celle la , il avait réussi sans mal à la biger dans un coin des cuisines.
La voilà quarrivait justement
Allez entre mignonne , fais comme chez toué , les baziots doivent roupiller. Tiens enfile ça
Lui jetant à la figure la fameuse perruque rousse quune grande partie des ribaudes et autres domestiques à la cuisse légère dont Serguei aimait à sentourer avaient déjà portée , il lui lança un regard concupiscant avant de lattirer à lui :
Enlève moué donc mes braies et retire tout ça
On est bien hein? Semmerdent pas les brelots! Ça cest dla couche! Pas comme sur le chenat hier où on tnait point à deux.
Accompagnent ces paroles par une bonne torgnole sur son séant , le vieux cocher ne tarda guère à commencer son affaire , peu désireux de perdre du temps , cest quune bonne bouteille darmagnac lattendait en sa chambrée!
Il en avait presque fini avec la jeunette quand un hurlement se fit entendre.
Crie pas si fort , jsais bien que jfais ça bien mais tvas réveiller les nobliaux!
Mais les aubades qui suivirent ne trompaient pas
Menfin!!!!! Verrat lubrique! Vile fripouille!
Ciel ma baronne!
Poussant la malheureuse lingère qui roula hors du lit , il remonta ses braies à la hâte , et jeta un regard penaud à sa maîtresse.
Cest alors que la Linon savança pour prendre son caniot par le bras . Serguei eut juste le temps de lui souffler à loreille , dans un relent de souffre dû à son haleine avinée juste avant de la reluquer :
Tvois ma gueuse , si tavais point fait ta bêcheuse , ça aurait pu être toué!
Linon
Cétait le comble! D'abord on la réveillait sous des prétextes farfelus, puis on la traînait dans des couloirs plein de courants d'air à la poursuite des lubies de Marko, tout ça pour lui infliger le spectacle déplorable de la débauche de cette canaille de Sergueï, lamentable cocher libidineux de Jo...
Linon d'abord bouche bée devant le spectacle improbable du Don Juan des cuisines vautré sur une rouquine, eut un court moment d'absence avant que l'interpellation offusquée de Jo ne la fasse réagir... Elle avançait pour attraper l'enfant qui restait sidéré quand le cocher en profita pour lui crachouiller des horreurs à l'oreille.
Subitement enragée qu'il se permît de seulement imaginer qu'elle eut pû prendre la place de la fille qui avait roulé hors du lit, Linon sentit son bras partir tout seul et son coude percuter violemment l'estomac de l'égrillard toujours penché sur elle.
Elle attrapa l'épaule de Marko pour le tirer vers elle tout en se tournant vers la baronne et son fiancé, le regard noir, les narines pincées de colère et le souffle court.
C'est vraiment scandaleux, Jo, le spectacle et l'attitude de votre personnel. Comment les choisissez-vous donc? Vous organisez des concours ou quoi? Votre goût pour la racaille est vraiment suspect, je suggère que vous filiez vous confesser dès que le jour se lèvera.
Quant à vous messire-son-fiancé, j'espère que vous lui ferez passer le goût des libidineux une fois que vous en aurez fait une femme honnête, à défaut d'en faire une femme raisonnable ! Que dois-je donc faire pour obtenir la pendaison de ce sale type qui s'est déjà permis de me tripoter ?? Et sous l'oeil complaisant du cousin de Jo en plus!!