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[RP] Le cimetière des miracles

Baudouin.
[Au pas, au pas, doux trépas]

Il aurait pu se rendre directement à la Pourpre, mais il éprouvait le besoin de flâner. Lui, homme des chevauchées orientales étaient maintenant revenu depuis longtemps et voilà qu'il était presque sédentaire. Presque... Car il se ménageait toujours une porte de sortie, au cas où. Même si lorsqu'on est devenu vieux, une ressent le besoin d'un peu de calme et de repos. Pourtant, lui, dans le repos, finissait par s'éteindre, silencieusement.

Il arpentait donc les rues de la Cour, le front soucieux, se demandant comment ferrer son poisson. Une chapelle en ruine. L'odeur de la mort. Oh, il la connaissait bien et elle ne lui faisait pas peur. L'envie morbide de marcher au milieu des tombes. Il pénétra sur la terre sacrée. Pourquoi chercher un vivant parmi les morts? Il n'en savait rien, mais il suivait son instinct.

Evidemment, le cimetière était désert. Désert? Des murmures et un corps filiforme penché sur un autre à moitié allongé, à moitié mort?

Bizarrement, la silhouette penchée lui rappelait quelqu'un. Une entrevue furtive. Et plus ses pas le rapprochait d'elle, plus la ressemblance devenait frappante. Il esquissa un sourire et sans bruit, le pied léger, sans même faire crisser un gravier, il s'approcha et s'adressa à la femme.


Oh là, Capitaine! Allons bon étrange lieu pour border les gens. Est-ce la mort que vous donnez? Ou l'aide à un pauvre mourant?

Il s'avança un peu plus, posa sa main sur l'épaule de la Blanche et se pencha vers le corps. Ses mains se crispèrent sur l'épaule, ses dents se serrèrent et tout son corps se contracta alors que ses lèvres murmuraient comme une plainte:

Cerdanne...!!!

C'était bien elle, là, gisant sur le sol froid du cimetière. Elle, la seule, l'unique. Elle, qui possède son coeur. Elle, qui la soustrait à une retraite forcée, au désespoir, à la mort. Elle, qui distille la vie dans ses veines lorsque leurs routes se croisent. Elle, avec qui il a tant vécu et partagé.

Il se ressaisit, le vieux soldat et observe un peu mieux la scène, comprenant que la Baile tente visiblement de secourir son petit chardon. Inutile donc de vouloir lui faire la peau. Et c'est d'un voix rauque qu'il regarde la Capitaine de l'Ecu Vert, inquiet.


Mais que s'est-il donc passé?

Il tombe, à genoux près du corps encore faible et regarde la jeune femme.

Cerdanne... Cerdanne! Je t'ai cherché si longtemps... Réponds-moi je t'en prie, c'est moi, Baudouin.

D'un oeil expert de vieux guerrier, il scrute le corps qu'il connaît si bien, cherchant ce qui la rend si faible. Il reconnaît les marques de leurs dernières aventures. Il la revoit, hurlant, criant, souffrant et la rage qui lui étreignait le coeur alors qu'il ne pouvait rien faire. Il revoit sa fuite, comment il a du la laisser seule, perdue, blessée. Et là, elle gise, sans aucune blessure mortelle visible, juste éteinte la petite flamme qu'il aime tant dans ses yeux....

Cerdanne, réveille-toi!


Cerdanne
Citation:
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur,
Ne peut plus t'enfourcher! Couche-toi sans pudeur,
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte
Résigne-toi, mon cœur; dors ton sommeil de brute. Ch. Baudelaire.


La douleur l’emprisonne et elle veut descendre encore.
Voir, vérifier la profondeur du gouffre…
Elle y était presque...elle en était sure...

« Tu crois être tombée au plus profond, mais tu verras ma belle, tu pourras tomber encore plus bas »
… Le regard noir de l’amie qui lui parle des vertiges des enfers danse devant elle.
Le rire…Il manque le rire…Il manque les flammes vives du feu de camp…Il manque le mouvement et le souffle…

Machinalement, ses doigts se lèvent devant elle, cherchant à toucher le visage de la confidente.
Vérifier… Et sa main rencontre une main.
Peau chaude et souple, vivante, qu’elle retient contre la sienne, froide et rêche.
Boire à la chaleur qui coule dans les veines de ce corps penché sur elle. Instinctivement, avide tout à coup.
Gourmande d’un gout oublié.
Elle a encore le gout de la pomme en elle...mais la silhouette parle de ressusciter.

La provençale voudrait bien s’agiter, se soustraire à ce samaritain qui parle de renaissance.
Juste la force de laisser échapper un grognement et de poser un dernier regard hargneux.
Mais sa main reste soudée à la sienne.
Vouloir malgré soi. Mais vouloir quoi ?

Tenter de recoller les morceaux et de se rappeler.
Elle est ou ?
Les croix, partout autour…le cimetière...
Le vieux crouton parfumé recolle à ses lèvres et elle y puise un peu plus l’envie de revenir…
Fermer les yeux encore un instant et laisser l’air froid, humide lui prouver qu’elle vit.
Pourquoi… elle veut plus, elle y arrive plus.

Cerdanne... Cerdanne!

L’ours !…L’ours et un samaritain…
Deux contre elle, tout contre.

Bouge ! Ouvre les yeux !

Retenir les larmes qui montent.
Elle est sure, elle a effleuré le fond. Des tremblements l’agitent qu’elle dissimule en tentant de se relever...
Alors, elle ouvre les yeux et esquisse une grimace.


Je faisais un somme, c’est tout...
Juste un somme...
On peut plus dormir tranquille hein...
Même au milieu des morts c’est le bordel.
T’ont relâchés les moinillons mon ours ?


Son regard se fixe sur l’inconnue et ne la lâche plus...

Pomme reinette…t’en reste de Ta liqueur?

Qu’ils la croient ou pas, elle s’en moque...Elle a soif, encore….
_________________
Baudouin.
[Dans le désarroi du chagrin, il est vain de chercher une réponse à ses questions - Charlie Chaplin]

Elle bouge, elle parle, le petit chardon qu'il a connu si vivant, et pourtant, quelque chose semble brisé. Souvenirs...

La dernière fois qu'il la vue, elle s'enfuyait dans la campagne béarnaise - sans aucun rapport avec la sauce - à moitiée nue, cheveux aux vents, le corps marqué par la haine des Inquisiteurs, causée par leur amour. Il avait tout fait pour la sauver, il aurait donné sa vie s'il avait fallu, et alors que lui restait enchaîné au monastère, elle prenait la clé des champs qu'il lui avait consciencieusement confiée. Vole ba belle, sauve-toi de cet enfer et vis... Vis, pour toi, pour nous.

Mais elle était là et semblait en bien plus piteux état que lui. Il esquisse un sourire malgré tout lorsqu'elle cherche un excuse. Un somme? A d'autre ma belle, il te connaît bien le vieux soldat, il sait que tu ne dormais pas.

Il prend fermement son bras et passe le sien autour de sa taille pour la soutenir, lançant un regard à la brune Baile, si elle a de la gnôle qu'elle la sorte vite, qu'on quitte ce lieu funèbre et funeste.


Baile, donne-lui donc ce qu'elle réclame, ça la requinquera! Et quittons ce lieu, il n'est pas encore temps d'y résider.

Il sert Cerdanne contre lui, elle est si maigre, si faible, il a peur de la briser et pourtant il resserre l'étreinte, il sent bien qu'elle à froid, qu'elle tremble légèrement et nerveusement. Etait-elle aussi décharnée lorsqu'elle a perdu leur enfant, elle était si sombre, alors que là, elle semble juste brisée, coquille vide, assoiffée de vie, ou de mort.

Il te faut un toit et un lieu pour te reposer, ma douce.

Ma douce... il l'a si souvent appelé ainsi, ma douce alors qu'ils ont vécu tant de violence.

Ma douce, parce que je t'aime, je t'ai toujours aimée et si souvent mal prouvé, ma douce parce que même lorsque tu me fais mal, tu es la douceur de mon coeur.


Baile
Il est des rencontres qui ne peuvent se faire que dans la cour des grands, des miracles. Il est des vies qui ne peuvent continuer de s'écrire qu'en réveillant des morts, des endormis. Il est des amours silencieuses, qu'on n'entend que lorsque le corps hurle enfin son désarroi, son désespoir.

Quand le vieux militaire débarque, la jeune capitaine n'est pas surprise. C'est comme ça, c'est maktoub. Ou en train de l'être. Elle sourit, prémices d'une réponse plus mordante, mais qui ne verra jamais le jour. Parce que le corps de Baudouin a hurlé son désespoir, parce que le frisson qui parcourt la Baile quand la main encore ferme lui presse intensément l'épaule, ne la trompe pas

Et les mots sortent, en question, en prière, en supplique. Là où la dérisoire provocation de la Blanche a échoué, eux s'insinuent dans l'esprit embrumé de la brune, se fraient un chemin au plus profond de son être. Parce qu'il l'aime, et qu'elle doit le laisser l'aimer… Cerdanne, puisque c'est ainsi qu'on te nomme, tu ouvres alors les yeux. C'est lui qui te tire du royaume de morts où ton trône de reine attendra encore un peu.

Gnôle ou pas liqueur, témoin indélicat de la scène qui se jouait sous ses yeux, la Baile recula doucement, s'asseyant lourdement sur l'herbe du cimetière, et se demandant pourquoi elle ne se levait tout simplement pas, ne laissait pas les retrouvailles se faire et la vie reprendre son cours tranquille. Ou pas. On aurait pu dire qu'elle avait réussi sa mission, celle que personne ne lui avait confiée: faire que Cerdanne passe encore quelques jours sur terre, au moins.

Et pourtant, elle ne se décidait pas. On ne renonce pas si facilement aux rêves dont on n'a pas conscience et qui semblent se matérialiser sous nos yeux. Si certains n'aiment que les tordus, d'autres ne sont attirés que par les étoiles filantes, les inaccessibles sphères de feu qui bouleversent tout sur leur passage, et autour desquelles gravitent les éternels solitaires en quête d'amour. Le regard qui la fixe, elle le connaît. C'est celui d'une étoile. D'une tempête dans un crâne. Et c'est pour cela qu'elle ne se résoud pas à partir.

Alors elle sort à nouveau la flasque, et la tend à l'ancien gardien de la Rose, aujourd'hui gardien d'une âme en perdition.

Tiens le calva, Baudouin, c'est pour elle.

Elle que la Blanche ne quitte pas des yeux. Elle qui captive la capitaine, depuis que le vieux militaire a pris les relais du sauvetage. Mais elle reste ce qu'elle est, la Baile, et la proposition fuse, pour dédramatiser le moment.

Emmène-la à la Rose, ça la requinquera…

_________________

I never saw a wild thing feel sorry for itself. A little bird will fall frozen from a bough without ever having felt sorry for itself.
Nine_


[Prélude… De la cour au Chatelet, du Chatelet à la cour]

Elle s’était faite choppée par le col et pas de la plus agréable des manières.
Mais pour avoir par le passé, croisé le regard de la brune, elle savait quand râler et quand fermer le bec.
Aujourd’hui était un jour à hocher la tête et à dire oui m’dam...


Tu parles d’une dame…

Tout en grommelant, la môme avait franchit le pont et après avoir chapardé de quoi remplir son estomac, elle arpentait la rue.

Le châtelet et son lourd portail.
Elle ne le perdait pas de vue et entre deux bouchées de pain, soupirait, grommelait, maudissait la Provençale.
Elle détestait ces hauts murs et les silhouettes massives de la soldatesque lui flanquaient la trouille.

Soudain les portes s’ouvrirent en grand et la charrette des trépassés franchit lentement l’enceinte des geôles...
Le drap grossier, grisâtre qui recouvre les morts de la nuit est presque plat. La récolte est maigre et c’est tant mieux pour la gamine.
Les chevaux vont tranquilles dans la rue et Nine se faufile à sa suite.
La clochette accroché au chariot tinte aigre et doucereuse et chacun s’écarte dans les ruelles pour laisser passer le convoi puant.
L’odeur déjà lui fait plisser le nez et elle regrette amèrement d’avoir bâfré autant de pain.

Pourvu qu’elle puisse, pourvu qu’ils soient là…
A fixer autant l’arrière de la charrette, elle en oublie presque les mouches qui volètent et l’odeur qui s’échappe à chaque cahot..
C’est le cri rauque du vieux qui conduit la mort qui la ramène à la réalité. Il rouspète devant l’amoncellement d'ordures qui barre la route et agite sa cloche comme un damné.


Laissez passer les trépassés !!!

La belle occase, peut-être la seule.
La brunette, souple et silencieuse comme un chat grimpe dans la charrette et soulève sans vergogne le linceul …
Livide mais concentrée elle dévisage, écarte et trouve…
Brune et brun entremêlés...
Les mâchoires serrées, elle bouscule encore un peu les corps raidis et son visage tout entier se plisse sous l’effort...
Les mains de la femme n’ont pas de bague, mais la môme insiste…
Le dos, il lui faut être sure…
Le dos de la femme et sa croix de misère…elle les a trouvés !

Elle en rirait presque et c’est un visage hilare qu’elle relève vers la ruelle enfin dégagée.
Sous les yeux ébahis des premiers badauds de Paris la belle et qui déjà la montrent du doigt.
D’un saut rapide, elle retrouve le pavé et s’éloigne en courant sous les hurlements du vieux...
Il était temps …Le cimetière des innocents étaient devant eux qui attendait son lot de corps pour alimenter son charnier.

Elle les aura bien mérité ses écus la Nine et deux fois plutôt qu’une…

Cerdanne
[Prélude II… A la Cour…Une impasse, près du cimetière…]

L'or de l'herbe le plomb du ciel
Séparés par les flammes bleues
De la santé de la rosée
Le sang s'irise le coeur tinte
Paul Éluard


Sa réserve d’opium s’amenuisait de jour en jour et les volutes épaisses qui lui offraient le repos de l’âme s’effilochaient avec le soleil qui pointait le nez…
Vautrée à même le sol, elle s’étira longuement, bousculant au passage le poivrot qui ronflait à côté d’elle.
Les nuits étaient fraiches en cette fin d’été et y a pas à dire, serrés comme des sardines, on partageait la vermine et la chaleur…

D’un geste plus violent, elle repoussa l’ivrogne en grimaçant.
Il puait vraiment trop…
Un coup de botte plus conséquent et l’homme empêtré dans ces vapeurs alcoolisées grogna et se roula en boule un peu plus loin.

La provençale ouvrit un œil et repéra l’entrée de l’impasse ou elle s’était installée pour la nuit et d’un mouvement paresseux bascula sur le dos et offrit son visage chiffonné au ciel bleu.
Elle grogna devant la lumière brutale qui l’éblouissait et ferma les yeux.
Le bruit était ridicule, mais Cerdanne sursauta et s’attendait à voir un rat filer entre ses jambes.
C’est une souris aux yeux transparents qui lui faisait face.


Saloperie !
Nine ! Bordel, un de ces quatre je vais te percer la panse avant même que tu puisses dire ouf…
T’as intérêt à avoir de bonnes nouvelles...


Son visage se tordit et elle regarda la môme avec un air mauvais...

Fillette tu poques à mort… d’où tu sors cette odeur ???
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Nine_
[Prélude II suite.. A la Cour…Impasse, près du cimetière…]



T’es grave toi hein…

Le regard translucide se troubla et un rictus mauvais étira les lèvres de la môme.
La main tendue devant la Provençale, elle la toisait du haut de ces douze ans.


J’ai tes informations. Mais ça va te couter plus cher que prévu.
Je sens la mort la brune et par ta faute.
Je veux mes écus et le prix d’un bain aux termes.
Tu peux venir avec moi, je suis pas bégueule.
Tu pues autant que moi et ce n’est pas peu dire.
Je les ai trouvé tes macchabés. L’avait pas la bague la femme mais une belle croix dans son dos.
A c’te heure, doivent déjà être dans la fosse.
Si tu te magnes, seront ptet pas trop enfouis sous les autres arrivants…


La main toujours tendue bouscule la Provençale qui la fixe sans rien dire.
Le sourire détend enfin ses traits d’angelot quand elle sent le poids des piécettes dans sa menotte.
Les doigts fermement resserrés sur sa fortune, elle laisse échapper un claquement de langue satisfait.

Une pièce de plus fut encore négociée pour aller répandre la bonne nouvelle aux Corleone encore vivants et qui trainaient leur peine dans le coin


Tes potes seront prévenus avant la fin de la matinée…
Tu sais ou me trouver si t’as encore besoin de mes services…


Cerdanne

[..Dans le cimetière, non loin des charniers...]


Elle n’avait pas la bague, qu’elle a dit la gamine mais la croix gravée oui..
Ça ne pouvait être qu’elle.
Assise contre un muret à moitié effondré, elle resta un long moment prostrée.
Le cœur au bord des lèvres et l’âme en miette.
Sur ! Elle ne toucherait plus à cette saloperie de pipe pendant un sacré bout de temps.

Le soleil n’était pas encore au zénith et elle bailla une dernière fois.
Le bain serait pour une autre fois.
Autant rester dans l’ambiance.
L’avait plus qu’à attendre l’équipe de choc.

La brune se releva et décida d’arpenter soigneusement le cimetière. Il allait lui falloir une place de choix à la Bella.
Pas question qu’elle traine dans un coin pourri du cimetière.
Il faudrait qu’elle puisse être vue de partout et que du haut de son piédestal elle domine le monde des morts….et des vivants


Oui.. Là plantée en plein milieu. Que chacun sache..

La brune éclata de rire et repartit vers le charnier en sifflotant…
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Miramaz
Dans un bouge mal famé d'un quartier parisien guère plus reluisant, la Rasée lampe la dernière goutte d'alcool de prune de sa flasque personnelle en contemplant le lever de soleil par une fenêtre à la toile déchirée. L'humeur est aussi sombre que les nouvelles apportées par la rumeur publique, une morte de plus est à regretter, l'alcool aide à ne pas s'effondrer, apaisant le moindre sentiment pour ne laisser qu'un cœur vide de toute émotion. La prune évaporée jusqu'à la dernière goutte, c'est chope sur bière et bière sur chope qui continuent l’œuvre d'abrutissement, avachissant peu à peu la silhouette de Mira, jusqu'à ce qu'elle se retrouve écroulée dans son coin, cul par terre et crâne pas plus haut.

Quelques heures plus tard, c'est dans cet état que la gamine aux yeux trop clairs pour être honnêtes l'aperçoit, la secouant et la malmenant sur indication du tavernier jusqu'à ce que l'ivrogne ouvre un œil, émergeant ainsi de son paradis éthylique. Une fois suffisamment dégrisée pour être apte à émettre autre chose que des onomatopées dignes d'une femelle CroMagnon, la jeunette peut accomplir sa tâche. Les informations sont répétées et rabâchées un nombre de fois suffisant pour être sûre que la sans-cheveux les comprenne et retienne, avant que la brunette messagère ne la déleste de quelques écus, rétribution bien méritée des efforts fournis.

Quelques bières plus tard -il faut bien contrer la gueule de bois et hydrater cette langue pâteuse-, la Mirette quitte le tripot crasseux, traînant sa carcasse à pas lents en direction du cimetière de la Cour, lieu de rendez-vous indiqué par la môme. Cherchant la fosse commune, puisqu'il s'agit du point stratégique des moments à venir, elle se dirige vers le coin le plus puant de la nécropole, plissant le nez pour atténuer l'odeur de décomposition qui lui saute à la gorge manquant de lui faire rendre l'alcool ingurgité plus tôt. Un sifflotement lui fait dresser l'oreille en même temps qu'il provoque hérissement du duvet recouvrant son crâne, qui peut bien agir ainsi dans ce lieu de désolation?

Furtivement elle s'approche du son incongru, jusqu'à en découvrir l'origine, soupirant de soulagement. Point de pervers aux goûts sexuels douteux, ni de trafiquant de cadavres à l'enrichissement morbide ou d'apprentis médicastre au passe-temps sinistre, seulement celle qu'elle cherche. Le trajet ayant fini de chasser les brumes de l'ivresse, c'est de son ton plaintif habituel qu'elle peut saluer la provençale.


'lut Cerd'.. humpf.. t'pourrais mieux choisir les emplac'ments des p'tites saut'ries où tu m'invites.. c'loin d'sentir bon dans l'coin.. M'fout les j'tons c't'endroit.. on est seules ou d'aut' rappliquent?
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Cerdanne
["...Je veux bâtir pour toi, Madone, ma maîtresse,
Un autel souterrain au fond de ma détresse,
Et creuser dans le coin le plus noir de mon coeur,
Loin du désir mondain et du regard moqueur,
Une niche, d'azur et d'or tout émaillée,
Où tu te dresseras, Statue émerveillée...." A une Madone - Ch Baudelaire]


Sauteries, sauteries. Le mot est faible ma rasée.
J’dirais plutôt festin de reine..


Tout en se rapprochant de Mira, la Provençale, les cheveux en bataille, regard encore voilé et balayé par les mèches collées de crasse laissa échapper un rire sardonique.
La lame de sa dague accrocha le soleil qui doucement poursuivait sa course et elle joua un instant avec avant de se planter devant la rasée.

Ici ça pue mais toi t’es bien frileuse..
Des relents alcoolisés qui ne passent pas ma belle ?
T’es la première…
Et je ne vais pas attendre les autres pour faire ce que j’ai à faire...
Les corps vont s’amonceler au dessus de la Bella et le soleil va taper fort….

Visage offert au cercle jaune qui réchauffait gentiment l’air de ce petit matin, elle grimaça.

Y a pas un nuage…
Et de toute façon on ne pourra pas agir avant la nuit.
J’espère simplement que Nine va les trouver rapide…
tant que j’y pense..faut que je la vois la môme…


Cerdanne siffla entre ses doigts et une frimousse émergea d’un muret, regard vif et inquiet.
La brune s’accroupit à sa hauteur et murmura à l’oreille du môme qui hochait la tête d’un air entendu.
Une piécette changea de main et la silhouette du gamin disparut aussi sec de l’enceinte du cimetière…


Cà c’est fait…

Le regard halluciné se posa sur la rasée et la Provençale esquissa un maigre sourire.

J’ai besoin d’eau.
Faudra bien m’ absoudre hein……Après……


La brune fixa longuement Mira et plissa les yeux.

J’ai besoin de toi. Le cimetière est encore calme.
Et j’ai un truc à récupérer.. en bas…là..


D’un mouvement d’épaule, elle désignait le charnier où reposaient deux corps maudits enlacés…

J’ai besoin que tu fasses le guet..
Le temps de faire ce que j’ai à faire…


Déjà elle se dirigeait vers la fosse béante qui gémissait sous les assauts des gaz putrides…
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Miramaz
Festin de reine, c'est qu'elle serait presque drôle la brune..en un autre lieu et dans d'autres circonstances mais surtout si elle n'avait pas l'air aussi effrayante ainsi couverte de crasse et échevelée comme elle l'est. Son rire fou et l'éclat de sa lame ne contribuent pas à rassurer Mira qui aurait bien fui sans les mots qui tintent agréablement à ses oreilles. "MA rasée", pas juste "LA rasée" nan nan, elles ne sont plus inconnues, elle peut avoir confiance en Cerdanne et rester là, seules au bord de la fosse commune.

Sale nuit ouais.. mais t'as raison n'attends pas les aut'.. qu'on finisse avant qu'l'odeur n'empire sous la chaleur à v'nir

la Rasée lève les yeux, fixant désespérément le ciel, pas un nuage non, pas de pluie bienfaitrice ou de brouillard miraculeux pour faciliter leur tâche, tout se fera sous la surveillance de l'astre solaire, comme un clin d’œil sordide du destin. Le sifflement la ramène aux gestes de la provençale, provoquant un haussement de sourcil pour faciliter la compréhension de la scène.

'Core un messager? Et ta Nine, t'pourras lui dire d'me réveiller en douceur la prochaine fois? Une vraie brute malgré sa p'tite taille..

Le corps s'étire pour appuyer les dires, articulations craquantes et nuque raide apportent les preuves de la brutalité niniesque. L'esprit tente lui de suivre les discours de la brune, avec pas mal de difficultés pas seulement dues au reste d'alcool baignant le crâne lisse. De l'eau.. absoudre après.. elle se croit dans la crypte d'une église ou quoi? Le grommellement est retenu sous le regard scrutateur, et la caboche s'agite de haut en bas pour acquiescer sans chercher plus longtemps. La demande suivante rentre dans les cordes de la Mirette, qui esquisse un pâle sourire.

J'surveille.. j'te préviens si un truc m'plaît pas..m'enfin mets pas trois plombes.. c'quoi c'que tu veux récupérer?

Les sourcils froncés mais obéissante, elle se poste à quelques pas du charnier, tournant régulièrement la tête pour surveiller les alentours tout autant que les mouvements provenant de la fosse. Elle n'allait pas agir seule? La vieille était légère mais tout d'même, pourvu qu'les autres arrivent qu'elle-même n'ait pas à descendre là-dedans.. sûre qu'elle en ferait des cauchemars pour le restant de ses jours.
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Rikiki
Dans une taverne au milieu de.. bah on sait pas... Bref, dans une taverne au milieu d'un endroit inconnu mais au quel on peut facilement dire qu'il est douteux.

C'lonel vous comptez rester ici longtemps? Faites fuir tout mes clients j'vais finir par faire comme les deux aut' tavernier et vous faire virer...

On s'en fout des aut' clients, à moi tout seul j'bois plus que tout ses pechnnos attardés.. Pis j'en ai marre..

Marre de quoi?

De ta sale tronche... Dès que tu ouvres la bouche c'est pour te lamenter sur ta misérable vie, qui a mes yeux a autan d'intérêt qu'un mendiant dans une rue... Tu pues l'ennui, et ça m'ennerve. l'seul truc bien avec toi, c'est qu'tu sers de l'alcool..


C'pas très gentil, ça C'lonel...

Attend c'tout c'que t'as trouvé pou...


Phrase laissé en suspens. Qui a bien pu interrompre le nain dans sa profonde et habituelle envie de pourrir la vie des autres, quitte à être ridicule ce qui l'a l'habitude de l'être depuis l'âge de 10 ans, âge à partir du quel il a arrêté de grandir. Oui donc qui a l'a interrompue? bah c'est une fillete. Fillette qui lui murmura quelques mots à l'oreille et le nain se leva, comme si il était automatisé, étrange non?

Sans payer ou dire un mot de plus, et avec l'enchantement du tavernier, il sortit de la taverne. Remettant son casque sur la taille, surement pour cacher ses cheveux roux, il se dirigea donc vers le Cimetière le tout accompagné de son sifflement habituel. Oui niveau discrétion on repassera...


Rhaaa, ça pue par ici. ça sent la mort... Ah bah oui j'suis con quand j'm'y met moi... C'est un cimetière. 'tain moi si j'dois crever j'veux pas être balancer là dedans... Les morts ils me toucheront... Oui enfin d'un autre point de vue, je les sentirai pas me toucher... Rho pis on verra bien comment j'vais crever...


Il fit le dernier virage, et toujours du même pas s'approcha de ce qui semblait être une cimetière. À y voir de plus près, c'était surtout une sorte d'empilage de cadavre, à celui qui ira le plus haut. nan franchement c'était pas son truc...

Eh y a quelqu'un d'vivant dans c'merdier?!
Cerdanne
[..Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.
La conscience Victor HUGO]


Dans la fosse : Acte I

L’odeur pestilentielle qui s’accentuait au fur et à mesure qu’elle s’approchait de la fosse commune ne l’atteignait pas.
La silhouette vacillait devant le trou et semblait hésiter…l’épaisseur de l’air, le bruit sourd des insectes qui tournoyaient semblaient danser avec elle.

L’était déjà plus là la Cerd. Loin très loin…
De sa mémoire engourdie surgissait des éclats de vie, de rires, d’échanges.
Sad qui plantait ses yeux noirs dans les siens, avare de mots, un léger sourire pour toute conversation et qui tendait sa main comme une offrande.
L’observant, amusée de la voir tressaillir devant la bague chatoyante de la dame aux Framboise.
Entre deux bouffées opiacées, la Bella avait murmuré.


« Elle sera à toi Cerd à ma mort.
Dernière faucharde…l’étincelle doit perdurer.
Je préfère la bouffer plutôt que de la voir tomber dans d’autres mains. »

Les grognements avaient succédés aux rires.
La nuit avait coulé noire, blanche, philosophique et dérisoire, ironisant sur la futilité de leur existence.
Cherchant les arêtes tranchantes sur les quelles elles pourraient se raccrocher…n’en trouvant pas ou si peu…

*****
Une mouche bleutée plus téméraire que les autres s’engouffra dans son cou et la Provençale se secoua comme possédée par le démon...
L’instant d’après, elle franchissait le monticule de terre et plongeait vers les corps étalés comme poupées de chiffon.

Il fallait faire vite, le fossoyeur n’avait pas encore recouvert de terre les cadavres et les charrettes des autres quartiers n’allaient pas tarder à ramener leurs lots de charognes.
Accroupie sans scrupules sur les corps allongés elle souleva, poussa, bouscula les morts et tomba en arrêt devant le visage livide, marbrés de la Corleone.

Bella…

Assise à même les corps, Cerdanne fixait la morte.
Hypnotisée.
La découverte brutale de celle qu’elle considérait comme une sœur lui arracha une longue plainte.
Elle se pencha d’un geste tendre et souleva le corps inanimé, le serrant un instant contre elle.
La berçant comme une enfant…s’éloignant vers le bord de la fosse, Sad accrochée à ses bras.
Cherchant l’ombre, elle la reposa doucement sur la fine pellicule de terre qui les protégeait des charognes qui pourrissaient.
Les mains de la Bella étaient nues.
Pas de poinçon. Comme l’avait dit Nine.


Sad…ou l’as-tu planqué cette foutu bague.
Agenouillée, elle fixait l’Italienne…

Ou ? Ou ?......

Cerdanne entendait la voix éraillée, le rire sardonique de la vieille tata et grogna.

Tu l’as bouffé ? Déconnes pas …t’as pas fait ça hein…

La rage, la douleur n’avait plus de barrière et la brune secoua la dépouille..

T’as pas fait ça dis !!!

D’un doigt rageur elle ouvrit la bouche aux chairs tuméfiées, farfouilla, cherchant l’improbable et resta prostrée un long moment..

T’es une belle saloperie au fond…

Sa main tâtonna, trouvant la lame acérée de sa dague.
Cerdanne releva la tête et contempla le ciel azur.


Jusqu’au bout, hein. Jusqu’au bout…Je savais, je savais que tu le ferais. Je te connais bien au fond.
N’empêches t’es une vraie saloperie.
Me faire ça ! A moi !


La brune s’appuya contre la terre et ferma les yeux un instant.

Ça doit pas être plus difficile que de vider un lapin, remarque…Tu fais chier Sad. Tu fais vraiment chier !
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Miramaz
Aux alentours de la fosse...

Mouais Mouais..m'répond pas Cerd' et file dans ton trou p'dant qu'jveille..j'sais même pas c'que tu fous mais faut qu'joue le planton.. Font quoi les aut' bordel.. t'jours pour moi l'sale boulot... Elle râle et grommelle la Rasée mais avec de bonnes raisons pour une fois, l'endroit lui fout les jetons, la chair de poule malmène sa peau, elle tressaille au moindre son, battement d'ailes d'un corbeau, grattement d'un rat, bourdonnement de mouches.. Ya pas à dire, elle est à l'aise dans un cimetière, heureusement pour Cerdanne qu'il fait grand jour, en pleine nuit, seule ainsi, Mira aurait déjà fuie sans craindre de passer pour une froussarde.

Des bruits mous et humides s'élèvent de la fosse, la faisant s'éloigner un peu plus, assez loin pour ne pas risquer d'apercevoir ce qui s'y passe, que la provençale y fasse ce qui lui chante, la chauve ne l'interrompra pas. Elle ne l'aidera pas à piétiner les cadavres, les retourner, les déplacer, ces corps sans vie sont bien trop froids et puants pour qu'elle ose les toucher sans craindre d'enfreindre un commandement divin. Les morts sont fait pour être loin des yeux, enterrés ou brûlés sans que des mains inopportunes puissent en maltraiter la chair, c'est cette conviction bien ancrée en elle qui l'empêche d'approcher même lorsqu'elle entend la voix de Cerdanne s'élever, semblant discuter seule.

Accroupie à quelques pas du trou béant, l'oreille tendue pour tenter de comprendre ce que raconte la charognarde, elle ne fait déjà plus attention aux alentours, tu parles d'une guetteuse.. Un sifflement retentit au loin sans qu'elle ne réagisse, trop concentrée sur la voix de sa compagne du jour: mais pourquoi elle grogne après Sad? La vieille n'peut plus rien pour elle, ni bien ni mal.. Pas le temps de chercher la solution à cette énigme que des jurons retentissent quelque part dans son dos, elle sursaute, s'affalant dans la terre grasse, avant de ramper jusqu'au bord du trou prête à prévenir Cerdanne dès que la situation sera correctement évaluée.


Ya qu'des morts.. normal dans un cim'tière.. rentrez chez-vous s'pèce de fou vivant!

Le principe de discrétion est une nouvelle fois oublié alors qu'elle grogne à voix haute en direction de l'individu. Seul ou accompagné? Fossoyeur, homme du guet, ou maraud? Autant de questions qui ne peuvent trouver réponse qu'en apostrophant l'homme en question, se taire et tenter de le surprendre ne lui viennent pas à l'esprit, sa langue est toujours la première défense de la Rasée même si ça lui attire souvent plus d'ennuis que prévu.
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Rikiki
C'est lugubre, très lugubre... Noir et triste. La désolation s'échappe de la peau des cadavres, la mort guette et se délecte. Âmes perdues en masse, le nain s'avançait au milieu de la puanteur qu'engendre cette fameuse mort... Même si il pensait fermement qu'un mort était aussi agressif qu'un neuneu en chaleur, il n'était pas confiant... il avait l'impression qu'on l'épiait, qu'on le jugeait, et qu'une place toute chaude, aussi petite est elle, lui était réservée. comme si on le voyait déjà ici, au milieu des autres morts, sans cérémonies. C'moche, c'est sur.

une voix le tira de ses lugubres pensées.


Ya qu'des morts.. normal dans un cim'tière.. rentrez chez-vous s'pèce de fou vivant!


Bah tiens, un fantôme qui fait d'l'humour... Rha mais j'm'en calle si y a des morts, j'cherche des vivants, moi... Tu sais les gens avec un truc dans le corps qui fait "boum-boum", ça veut dire qu'ils sont en vie, eux... Pis t'qui toi?

faites chier les gens à parler sans vous présenter...


IL s'approcha sur ses gardes, c'est pas qu'il avait peuur, nooon... Bon un peu quand même. Mais voilà, une voix qui sort de nul part qui vous dit qu'y a que des morts, ça fout un peu les j'tons.

Puis si j'suis fou ça me regarde d'abord. Dis vu que t'es crevée, la voix, tu voudrais pas m'dire si t'as aperçu le corps d'une vieille? S'appelle Corleone.

Pis merde pourquoi j'te cause...


là questions qu'il se posa était simple, si jamais la voix v'nait à l'attaquer et qu'elle était déjà morte, comment il ferait pour lui en foutre des coups? C'nul les combats où l'autre s'prend pas de coup.

Personnellement j'cherche pas à te tuer, sauf si t'es déjà morte, mais viens pas me titiller les mollets.. titiller et mollet, ça rime... Héhé.. Hum...
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