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[RP] Le cimetière des miracles

Laell


Le rictus du diablotin convenait bien aux sentiments qu'avait engendré la mort de Sad, mélange de tristesse, de rage et de fierté. Il semblait se moquer de la troupe qui se démenait dans une désorganisation à la mesure des différences des protagonistes. Puis enfin la dépouille de Sad fut déposée et recouverte au pied de son gardien.

"...Dégagez. Comment je vous ai couillonnés. Maintenant 'seriez gentil de me laisser faire mon travail. J'en ai marre d'attendre que vous partiez. j'vous entends pleurnicher d'puis un moment."

Les yeux de la gamine se levèrent vers l'importun, voilà ce dont elle avait besoin, un crétin sur qui passer ses nerfs. Elle s'était retenu d'en mettre plein la tronche du nain quelques temps plus tôt mais avec celui là, elle se donnerait carte blanche. Pas le temps de réagir que déjà Rodrielle lui imprimait quelques phalanges dans la mâchoire.

Y a rien de mieux pour célébrer le départ de la Sad' ! Ca défoule ! Vous d'vriez essayer !

La gamine éclata de rire, l'idée avait été partagée visiblement. Son énervement s'envola devant le visage ensanglanté du visiteur. Il avait sûrement pas prévu ce genre de réaction, plus habitué aux enterrements de bonnes gens.

Mériterait presqu'on lui file sa pièce, au moins pour le spectacle offert.

C'est vrai que ça convenait mieux que des pleurs pour finir en beauté cet enterrement.

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Miramaz
Deux mains de plus vinrent creuser pendant qu'au tour ça se montrait son affection en piques gentillettes, la pelle provençale apparut une fois le boulot fini, provoquant un grognement miramazien de plus. Râle vite coupé par les gestes de la tatouée et de la gamine, le corps de la mamma gisait maintenant dans sa dernière demeure, il était grand temps de finir cette lugubre cérémonie.

Motte après motte la terre recouvrit la pâle dépouille, la faisant disparaître au monde pour n'en laisser traces que dans l'esprit des présents, la gargouille -comme un dernier amant pour l'italienne- fut posé au dessus d'elle, gardien de son sommeil éternel. Pas le temps de verser quelques larmes ni de bégayer de tristes discours, que leur tapage fit rappliquer un invité inattendu..

Mal reçu l'invité, accueil à la hauteur de sa prétention, on ne joue pas au plus malin avec le clan Corleone.. Rodrielle imprima la marque de ses phalanges sur la mâchoire du pilleur, le rendant inerte un instant suffisant pour permettre à la Rasée de ramasser une pierre à lui jeter. Cailloux se teintant de sang pour achever sa course «aux pieds» du diable solidifié telle une offrande à la mémoire de la morte.


On l'tue, on vide ses entrailles et on les répand autour de la tombe? Son fantôme veillera d'ssus comme ça.. à moins qu'il n'serve d'esclave à tata Sad..

Elle espérait bien ne pas être prise aux mots, ne rêvant que de quitter ce sinistre lieu pour rejoindre la brume bienfaisante de l'alcool, seul lieu où elle pourrait oublier cette sale journée. Un nouveau frisson secoua son échine quand une morbide mélopée parvint à ses oreilles, l'endroit ne semblait plus si désert qu'auparavant, battre en retraite semblait une solution intelligente..

Ou s'non.. on abandonne l'importun là et on s'tire d'ici.. l'avait raison l'nain..ça gèle ici.. j'irai bien m'réchauffer avec d'la gnôle..
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--Sadnezz.
« La mort est douce : elle nous délivre de la pensée de la mort. »
de Jules Renard


La joyeuse bande... Regardez-les, avec leur gueules d'enterrements, regardez-les... La Rodrielle en a bu son chagrin. Le Chardon en a perdu les ch'veux. Fallait en vouloir de la fosse, mais la Cerdanne a des couilles par dessous. L'anneau ceint de son scintillant le doigt qui le mérite, qui est l'arracher aux tripes d'une machabée avec la peau sur les os. Une morte qui attend, sage et silencieuse, qu'on la balance dans sa tombe au lieu de se demander qui aura le bonheur de s'y atteler. Plus rien ne nous effleure quand on est ailleurs. Plus rien ne nous effraie. On regarde les autres tirer leur chaines sans nous, souffrir à leur tour, et un jour rendre les armes. Comme nous.

Tripailles à l'air, les mouches se rappliquaient. Les nièces aussi, portées par les rumeurs funestes, ces graines de mauvaises vies. Bien jeunes pour s'imprégner du charnier, et c'est pas plus mal quand tu regardes ce que ça devient au fil du temps, une Corleone. Comme si tous ceux qui naissaient sous le nom de l'opprobre se retrouvaient dans la décrépitude, ou dans le tragique. Les femmes de la familles tenaient l'héritage, triste héritage. Des femmes aux poings durcis et aux yeux creusés, des belles de nuits qui poussent selon l'anarchie du vent et le bon vouloir de la pluie. Nul ne resterai plus indifférent à leur nom, ce nom qu'elles traineraient comme un fardeau, et qui leur filerai de la mauvaise réputation. La mort détruit mais la vie dégrade. Elle feraient elles aussi les essayages de la mort, touchant les maladies, perpétuant le gout de l'irréparable.

C'est drôle le destin, ça vous prend toujours par surprise au moment où tout semble écrit. Qui aurait misé sur une telle cérémonie? La vieille tante se payait le luxe de se faire enfermer entre quatre planches, comme pour mieux pourrir au sec. Et sous les yeux d'un beau cerbère, d'effroi et de pierre... Sous l'oeil marmoréen de la gargouille, la mémoire de la Sad serait bien gardée... L'oreille dressée, la langue pendante, les babines réhaussées avec tout le chaleureux que sa morte avait su donner... Un monument larcin, qui lui siérait bien..

Détestez-là, la vieille carne, détestez-là comme elle a pu détester. Détester le droit chemin et les trop bien coiffés. Les sent-la pisse! Les miséreux, les traines poulaines, tous ceux là qui l'on vue s'animer. Ceux-là qui ont peut-être reçu une once de gratitude, en compagnons de misère. On court après l'argent, on crève sans le sou. Sad voit tout, et ricane affectueusement. Elle grogne la mira, mais ça lui fait une belle jambe, encore un peu et elle en aura deux, elle pourra cavaler. Cavaler quand on est crevée, a quoi bon? L'éternité n'est elle pas faite pour le repos? La mort, le maître absolu. Elle qui l'a tant appelée pour d'autres, voilà qu'elle est venue pour elle.

Les fourmis achèvent leur labeur, Corleone trouve la sérénité du tombeau avec son compagnon à la gueule d'enfer. Qu'il était beau le temps des cerises, celui où on lui cassait les noyaux.. Maintenant l'éternité semble bien longue, et il y fait bien moins chaud. Une petite visite de temps à autre, les amis... les amant(e)s ... Un mort qu'on abandonne est mort deux fois. La solitude d'une vie c'est moche, mais celle d'une éternité...


The End.

Cerdanne
....Mars 1460...

[ Artichaut de l’espoir
Patauger dans une mare noire, fine
Suivant le chant du corbeau
Qui nous ronge au plus profond de notre âme
Rouge
Comme un éclat rubis d’une mouette blessée
Je t’ai cueilli le jour de tes rubicondes solitudes
Comme un soupir qui s’éparpille dans la lenteur
Jaune
La vie débute au chant du coq
Désormais je ne suis plus seule.
Bleu
Sybille Rembard]


Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas foulé le sol parisien. A bien y repenser, depuis la mise en terre de la Bella.
Oui, bien du temps avait passé…
Ou ?, elle se le demandait parfois. En tout cas ici, rien n’avait changé.
Les silhouettes toujours aussi vacillantes hantaient les ruelles, les rats pullulaient et la puanteur allait et venait dans le courant d’air sans que le froid n’arrive à les figer.

Machinalement, ses doigts jouaient avec le poinçon si chèrement acquis et depuis peu, un ceinturon alourdissait ses hanches.
Bien caché, noué à même le corps, ses croix cloutées s’échauffaient doucement contre la peau mate de la Provençale.

Un sourire léger traversait par moment le visage au regard fermé. A perdre les gens qu’elle avait aimé à cette vitesse, elle finirait couverte de plomb et d’or, étouffée par les souvenirs pesants.
Bagatelles en comparaison de son âme qui avait atteint le summum de la liquéfaction.
Plus grand-chose qui la retienne vraiment de sombrer totalement. Mais le « petit rien » elle s’y accrochait comme une naufragée. Et question naufrage, elle en connaissait un rayon.

La route depuis Bolchen, avait été une bonne chose.
Un vrai circuit pour touristes avides de vert tendre et d’oiseaux piailleurs.
Le pire à la longue c’est que ça fonctionne.
Ça vous a à l’usure ces bestioles…
Déjà sevrée des douceurs opiacés et autres artifices, elle avait effectué un vrai parcours purificateur pour arriver jusqu’aux Innocents.
De l’eau, le produit de ses chasses, de l’air pur et les petits oiseaux…
Prête pour affronter la mort, pas légers et âme en vadrouille, loin très loin d’ici…

Le cimetière des Innocents, enfin, se tenait là devant elle …


On y est !

Sans une hésitation, elle se dirigea vers le coin reculé ou gisait tata, couvé d’un œil malin par la gargouille que Cerdanne avait promu gardien du repos de la mercenaire.

Sad…ma Bella, ça faisait bien longtemps…

La brune s’installa contre la statue de pierre et resta silencieuse un long moment.

Tu me manques et je t’en veux toujours autant d’être partie.
Je m’habitue, c’est tout.


La main, nerveuse triturait la chevalière, les bottes s’acharnaient à labourer les pousses vertes qui avaient osée prendre racine, et contre sa chair palpitait le souvenir d’un autre mort.

Il est mort, Sad…
Tu sais, le père de…enfin tu sais, l’ours dont je t’ai parlé quelquefois…
Faut que j’écrive à son frangin pour lui dire.
Tu vas peut-être me donné de ton inspiration divine. Va savoir, de là haut.

.....Les filles se battent pour prendre ta succession.
Je suis invité à la fête. Imagine !
Elles ne vont quand même pas nous faire le coup du baiser, j’espère.


Les bottes, si la brune persiste, allaient bientôt atteindre la dépouille de Sad ou du moins ce qu’il en reste…
La lune d’un coup d’éclat plus blanc lui intima l’ordre de se tenir tranquille..


Si tu veux bien, je vais rester près de toi, un peu.
Pas longtemps, promis ! Le temps de trouver les mots pour son foutu frangin.
Ensuite, nous irons trinquer à la taverne des Corleone…

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Cerdanne
Pour les trouver, elle les avait trouvé les mots.
Epais et noirs comme la terre qu’elle s’escrimait à labourer avec le talon de ses bottes depuis son installation tout contre la Tata.

Misérables phrases pour fin de vie misérable.
Sa propre culpabilité devait se voir comme chaque point sur les I qu’elle traçait d’une main nerveuse.
Ses démons n’appartenaient qu’à elle.
Si ce Jehan, un jour voulait absolument en savoir plus, il n’aurait qu’à parcourir le royaume à sa recherche.

Fin de l’épitaphe.

Souffle léger pour faire sécher une mauvaise encre à la lueur tremblotante d’une flammèche de suif.

Le regard une dernière fois se perd sur le courrier qu’elle vient d’écrire.


Citation:
A Jehan de Brélidy
De Cerdanne de Llivia

Quelques mots porteurs de bien mauvaises nouvelles.
Sachez que votre frère n’est plus.
Il m’est pénible de vous écrire mais je pense que Baudouin aurait souhaité que vous soyez informé de sa disparition.

Condoléances.

Cerdanne de Llivia.
Paris, Mars 1460.


Voilà !…Pas grand-chose hein !
On ne peut pas dire que tu es d’une grande inspiration Bella.
J’espère que tu te réserves pour me pousser vers des heures plus amusantes.
Oui, je sais ! C’est sec !
Mais bon ; Un je le connais pas son frangin et Deux ; je n’ai pas non plus à lui raconter ma vie ni même celle de Baudouin.


D’un mouvement hargneux elle fourra le parchemin dans sa besace. Le pigeon se sera pour plus tard.
Va savoir, peut-être l’inspiration subitement, traverserait le ciel noirâtre et s’abattrait sur elle ; elle rédigerait d’autres mots et pourrait même laisser couler les sanglots.
Une dernière fois les bottes s’acharnèrent sur les mottes de terre et la Provençale se releva.


Une bonne chose de faite Sad…
M’enfin si le vieil ours est aussi bavard que toi, je n’ai pas fini de parler au vent…
Je repasserais, c’est sur.

D’une main distraite, elle balayait la mousse qui parsemait le diable de pierre et laissa échapper un ricanement. Au moins pour te dire qui va te succéder…

Si ton souffle veut bien me suivre Bella, je file à la « Sans nom » voir si l’âme des Corleone y rode encore.
Boucler le pèlerinage.

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Yuliya
Noir. Noir le plus complet. Silence assourdissant. Où était-elle ? Quel était ce poids qui comprimait sa poitrine, qui chaque seconde rendait sa respiration plus difficile ? Yuliya avait chaud. Et froid. Et encore chaud. Et encore froid. Soudain son odorat se mit à lui jouer des tours. Du moins c’est ce qu’elle crut l’espace d’un instant. Quelle était donc cette odeur infecte, mélange de pourriture de fruits et d’animal crevé ? La rousse ne pouvait le dire. D’ailleurs elle ne pouvait pas bouger non plus, comprimée également sur ses côtés, comme enrobée dans des draps moelleux. Peut-être qu’elle dormait en fait. Qu’elle rêvait comme elle n’en avait jamais eu la possibilité depuis longtemps.
La jeune fille secoua la tête, chassant cette idée absurde de sa petite tête. Dans les rêves ça ne pue pas. Dans les rêves on peut respirer. Alors, si elle ne dormait pas, où était-elle ?

Cette question, elle se la posa un nombre incalculable de fois en une minute. La panique commença à s’emparer d’elle lorsqu’elle comprit à l’aide de ses mains qu’un tissu, comme un linceul, la recouvrait grossièrement. Si grossièrement que Yuliya réussit à s’en dégager à moitié, constatant avec effroi qu’entre ses doigts elle effleurait de la terre. En une seconde, sa mémoire lui revint.

La journée précédente, ou la nuit précédente, elle ne savait plus très bien, avait été particulièrement arrosée. Comment ne pas boire jusqu’à en mourir quand on passe le plus clair de son temps à la Cour des Miracles ? Comment ne pas boire pour oublier toutes les choses faites pour survivre, même les pires ? Oublier, boire, s’amuser, et encore boire, tel avait été le programme de cette beuverie monstrueuse qui en avait foutu plus d’un à terre. Yuliya avait tenu le choc, un temps. Puis elle s’effondra, dans un sommeil si profond qu’il était impossible de la réveiller. Mais elle avait réussi à ouvrir les yeux, enfin, sur le noir. Le lien avait été vaguement fait, et cette odeur ne pouvait être que celle de cadavres. Oui, on l’avait probablement enterrée vivante pensant à tort que l’alcool l’avait tuée et elle se retrouvait parmi tous les déchets que la Cour des Miracles rejetait chaque jour et chaque nuit que le Très-Haut faisait. L’angoisse s’empara alors d’elle. Si elle était encore vivante, elle n’allait pas l’être encore bien longtemps car bientôt elle manquerait d’air.

Il ne fallait pas paniquer. S’énerver, combattre cette terre qui la recouvrait avec beaucoup trop de force l’épuiserait et l’achèverait. A tâtons elle chercha quelque chose à laquelle elle pouvait s’agripper. Avec horreur sa main atteignit un bras. Un bras sans corps. Yuliya pensa s’en servir comme une pelle pour déblayer un peu de terre, mais elle savait que ce coup de main de la providence était dérisoire. La rousse entreprit cependant de gratter au-dessus d’elle, tentant tant bien que mal de réduire la couche de terre qui la séparait de la surface. Avec un peu de chance les fossoyeurs étaient trop crevés pour travailler correctement. Il fallait tout de même se dépêcher car sa respiration était pénible. Mais la chance était pour une fois avec elle, car au niveau de son visage apparaissait un mince filet de lumière émanant de quelques lumières de l’autre côté de la rue. Epuisée, Yuliya se hâtait à dégager le plus de terre possible pour pouvoir respirer à plein poumons et sortir de ce trou à rats. Une bonne dizaine de minute plus tard, la délivrance. Ses cheveux roux plein de terre, les longues gambettes encore enterrées mais d’une certaine façon assise, elle s’écria.


« - Rha…y a personne pour m’aider ?! Y a des abrutis qui m’ont enterrée vivante, je dis ça, je dis rien ! »

Avant de jurer intérieurement en se demandant si tout le monde n’allait pas déguerpir en courant histoire de la laisser se débrouiller seule, encore.
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--Goalhard


Ca faisait bien longtemps que le gueulard n'était point venu jusqu'en ces lieux de misère et de malheur. Si longtemps qu'il avait peine à croire qu'il avait un jour écookiesé ces fangeuses venelles et ces tripots sordides en compagnie de coquillards, écornifleurs et autres gibiers de potence. Potence à laquelle il avait échappé, tout comme il avait survécu aux batailles que sa compagnie de mercenaires avait livré, le chef étant habile à toujours choisir le côté des vainqueurs. Les années avaient passé, Goalhard avait jugé qu'avoir échappé tant de fois à la camarde avait du épuiser son quota de veine. Il s'était rangé, l'ancien routier. Il s'était acheté une conduite et avait même trouvé une place chez des "gens biens". Il n'avait point oublié ses frasques de jeunesse pour autant. Et l'une des frasques en question pourrissait justement ici même, au cimetière des miracles.

Et c'était un curieux spectacle que celui de cet homme mûr, planté devant l'une des fosses communes à se remémorer avec un brin d'émotion une femme morte depuis des années. Ah mais quelle femme aussi! Pour sûr, on n'oubliait pas comme ça la Cathau, la plus douée des catins de l'époque! Cette façon qu'elle avait de vous soulager... l'âme....


« - Rha…y a personne pour m’aider ?! Y a des abrutis qui m’ont enterrée vivante, je dis ça, je dis rien ! »

Voilà qui coupait court aux rêveries stériles! Ainsi ramené au présent, le gueulard tourna le regard vers la tombe voisine.... d'où émergeait une garcelette! On a beau en avoir vu d'autre dans sa vie, voir un vivant sortir d'une tombe vous cloue tout de même le bec quelques instants! Mais cette mutité ne dura guère et Goalhard retrouva vite la voix de stentor qui lui valait son surnom.

Par les bourses velues du Sans Nom! C'est quoi cette histoire? Enterrée vivante?

L'avait bien entendu parler de ces folles de Dieu qui se faisait emmurer vivantes, histoire parait-il de racheter par leur réclusion les péchés du pauvre monde. Mais d'ordinaire, ces illuminées ne choisissaient pas la Cour des Miracles pour ça. Et surtout, elles préféraient les caveaux aux fosses, et n'essayaient pas d'en sortir ensuite.
Yuliya
Moment de solitude. Il y avait vraiment quelqu’un dans ce fichu cimetière. Mais où se trouvait ce fameux quelqu’un, Yuliya ne pouvait le dire, les cheveux en pagaille sur ses yeux. Elle tourna la tête, une fois. Rien, si ce n’est un énorme engourdissement au niveau de son cou. Elle tourna alors la tête une seconde fois, passablement énervée et de mauvaise humeur. Cette fois elle aperçut un homme, apparemment bien plus âgé qu’elle et qui lui était totalement inconnu. Agacée elle répondit.

« - Euh…vous pourriez pas m’aider plutôt ? J’veux bien vous expliquer mais là présentement j’aimerais bien sortir, j’ai des fourmis dans les jambes. »

Et ce n'était même pas une image. La rousse sentait des bestioles grouiller sur ses gambettes mais elle ne pouvait guère les bouger pour s’en débarrasser. Quant à son mal de tête, il l’empêchait de crier comme une hystérique à cause de ces petites bêtes qu’elle détestait tant.

« - Sinon c’est quoi votre nom ? »

Certes la question pouvait surprendre dans ce contexte, mais s’il n’était pas trop chien il allait surement l’aider et Yuliya allait par conséquent devoir le remercier. On peut trainer à la Cour et être aimable, parfois. Et puis ça permettait de faire connaissance même si le lieu ne se prêtait pas tellement à ce genre de chose. Ceci dit, se faire enterrer vivant n'était pas non plus une activité courante, même dans les cimetières, du moins c'est ce que pensait Yuliya.
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--Goalhard


Le gueulard balaya les environs du regard, méfiant. Pas parce qu'il était à peu près rangé q'uil avait oublié pour autant comment on montait un coup fourré. La donzelle n'avait pas l'air dangereuse mais elle aurait pu être l'appât de deux ou trois marauds moins inoffensifs dissimulés aux alentours.

Mais il ne détecta aucune présence suspecte autour d'eux. En bougonnant quelque peu _ non mais dans quelle galère allait-il s'embarquer? _ il s'approcha, saisit la garcelette par les poignets et la hissa hors de sa drôle de tanière.


Voilà, on est mieux sur terre que d'ssous, hein?

D'un air curieux, il examina l'étrange bestiole qu'il venait de secourir. Pas bien vieille, pas bien épaisse non plus et.... rousse comme une diablesse, ce qui ne manqua pas de faire naître un sourire goguenard sur les lèvres du gueulard.

Ca s'rait-y à cause de tes bouclettes qu'on t'a mis là? Y en a qu'ont vite fait d'penser que les rouquins sont des créatures du démon...

Notez bien que lui ne faisait pas partie de ce genre de grenouille de bénitier. A son avis, les démons étaient bien trop malins pour désigner aussi clairement leurs serviteurs à la vindicte des friands du bucher!

Je m'appelle Goalhard. Et toi petiote, comment qu'on te nomme?
Yuliya
Les yeux bleus scrutèrent le visage de l’homme dont la méfiance était évidente. La Yu ne lui en voulut presque pas dans la mesure où elle comprenait parfaitement ce sentiment quand elle trainait dans les environs. Elle avait échappé à la mort bien des fois et à sa liste des morts manquées de peu, elle pouvait à présent rajouter cette péripétie tombale. Enfin il se décida à l’aider et l’attrapa par les poignets pour la tirer de son terrier. Une fois sortie, Yuliya tenta de rester sur ses longues guiboles toutes maigres et de ne pas tomber tête la première dans la terre pleine de vers.

« - Hm…ouais, les cadavres c’est pas trop ce que je préfère. »

Rapidement elle tenta de retirer les mottes de terres qui s’étaient accrochées à elle mais aussi les insectes et autres bestioles qui s’étaient immiscés dans ses vêtements en ne manquant pas de lancer quelques vilains mots en l’air lorsqu’elle sentait un ver frotter à sa peau alors qu’elle était incapable de l’atteindre. Après s’être dandinée deux trois minutes, elle reprit.

« - J’pense pas que ça vienne de mes cheveux. Par expérience les plus mauvaises personnes que j’ai rencontrées étaient pas rousses. Et puis entre nous, des croyants, je sais pas s’il y en a des masses dans le coin. »

Un sourire se dessina à la commissure de ses lèvres lorsqu’elle se souvint, même vaguement, de la beuverie qui l’avait conduite ici.

« - Nan c’est juste que j’ai abusé de l’alcool hier et que j’ai du piquer un roupillon un peu trop violent. J’ferai gaffe la prochaine fois. Sinon moi c’est Yuliya. Vous venez voir quelqu’un de particulier ici ? »

Dans l’imaginaire de Yuliya on venait au cimetière pour rendre visite, pour se souvenir, pour discuter même si l’on a pas de réponse. Avoir une conversation silencieuse même si tout le monde s’en défend parce que parler dans le vide donne l’air ridicule. A vrai dire elle ne savait pas trop ce qu’on ressentait quand on venait ici, elle n’avait jamais connu ses parents et ne savait pas où ils avaient été enterrés, s’ils l’avaient été réellement. Puis elle avait grandi, au propre comme au figuré d’ailleurs, et avait su se détacher de ce souvenir, même si elle restait fascinée par les cimetières. Quoi qu’un peu moins depuis qu’elle l’avait vu de si près.
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--Goalhard


Le gueulard hocha la tête, un brin amusé.

T'as pas tort petiote, les croyants sont pas l'espèce la plus répandue d'la Cour. M'enfin si j'me souviens bien, z'ont quand même plus vite fait de croire au Sans Nom plutôt qu'au Très Haut, dans le coin.

En revanche, il fronça les sourcils lorsqu'elle lui expliqua les causes de sa mésaventure. Oh pas qu'il avait quoi que ce soit contre la picole, au contraire. Il avait lui-même une descente des plus honorables. Mais de là à passer pour morte et s'laisser enterrer sans réagir, y avait quand même un brin d'abus.

Mouais, tu f'rais bien de ralentir un peu en effet, t'auras pas toujours un brave gars aux environs pour te sortir du pétrin.

Et le gueulard de partir d'un bon gros rire. Si on lui avait dit, dans sa jeunesse, qu'un jour il pourrait se qualifier de "brave gars", ça l'aurait fait marrer un sacré moment, pour sûr! Puis, désignant du geste du pouce la tombe voisine, il répondit à la question de la donzelle.

Y a une vieille connaissance à moi qui pourrit là-dessous depuis des années. Ca m'prend parfois, de venir la voir.... Faut dire que les autres de cette époque ont fini becquetés par les corbeaux à Montfaucon, y m'reste que là que j'peux venir, quand l'envie m'en prend.

Et toi Yuliya? Courienne de naissance? Ou t'as échoué ici en cours de route?
Yuliya
« - Ah bah c’était peut-être son bras que j’ai touché tout à l’heure. »

Yuliya était comme ça, spontanée, parlant parfois sans trop se rendre compte de ce qu’elle disait. Peut-être que la plaisanterie n’allait pas lui plaire ce qui l’aurait tout de même un peu chagrinée dans la mesure où il lui avait sauvée la peau. Et c’était bien la première fois que quelqu’un était venu à son aide. La plupart du temps il fallait qu’elle se débrouille. Mais ça, c’était surement bientôt fini.

« - Nan, ça fait quelques temps que je suis là. Mais c’est parce que je voulais voir Paris. J’voyage beaucoup, mais j’avais plus un rond alors je me suis retrouvée là. Y a des moments c’est festif quand même. Trop aussi. Je compte partir bientôt, tant qu’il en est encore temps. J’ai pas envie de devenir prostituée ou un truc dans le genre. »

Oh non, elle n’en avait absolument pas envie. Pourtant elle avait bien failli quand elle était tombée sur un de ces hommes aux réseaux influents qui aurait facilement pu mettre les charmes de la rouquine à disposition de certains mâles. Yuliya était un peu une anomalie dans ce monde. Venue presque de façon hasardeuse, peut être trop joyeuse, trop naïve pour vivre dans un tel quartier. Y rester plus longtemps lui serait surement fatal.

« - Vous vivez dans les environs ? Ou vous venez juste voir votre connaissance dans sa triste demeure ? »
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Goalhard
Son bras? Ptêtre ben, encore qu'il doit plus en rester grand chose à part des os, depuis l'temps qu'elle est là. Pis bon, si j'me souviens bien, y a du monde là-dessous: c'était une fosse commune alors...

Alors bref. Le gueulard était pas du genre à se formaliser des éventuels mauvais traitements que les vivants infligeaient aux morts vu que pour ceux-là de toute façon, ça faisait plus vraiment de différence... Qui sait, la Cathau aurait ptêtre même été contente de pouvoir aider une petiote. Elle avait eu le coeur aussi tendre que les cuisses après tout, de son vivant.

C'en était une, de catin. J'peux comprendre que t'aie pas envie de ça comme avenir mais alors t'as en effet intérêt à pas moisir dans le coin. Parce qu'à part cadavre ou coureuse de rempart...

Moi j'ai mis les voiles d'ici depuis un sacré paquet d'années. Mais ça m'arrive de revenir à Paris de temps à autre, et c'te fois j'ai eu envie de v'nir faire un tour ici.

Pris d'une inspiration subite, lui qui n'était pourtant pas habitué des éclairs de génie, il demanda soudain à la petiote.

T'as une idée de c'que tu veux faire si tu t'sors d'ici?
Yuliya
La rousse se gratta la tête. A vrai dire elle ne savait pas trop ce qu’elle allait faire. Repartir, c’était sur. Mais après quoi ? Elle ne pouvait pas le dire faute de le savoir.

« - Je voyage souvent, je pense que je vais reprendre ma route et voir du pays. Y a quand même un paquet de villes que je n’ai pas vues. »

Un autre petit grattement de tête. Elle allait devoir rechoper une carte, la sienne ayant malencontreusement disparu la veille lors de sa beuverie. D'ailleurs elle avait perdu un sacré paquet de choses. Il était peu probable qu'elle les retrouve n'arrivant pas elle-même à se souvenir quelles étaient ces fameuses choses. Un jour elle oubliera sa tête.

« - Vous êtes parti loin d’ici ? »
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Goalhard
La gueulard hocha la tête, compréhensif. Baguenauder ça et là et découvrir le monde avait de bons côtés.

Oh j'ai pas mal roulé ma bosse à droite et à gauche avec quelques compaings. On se louait comme mercenaires quand on en avait l'occasion, et si on trouvait pas d'embauche... on s'débrouillait. T'vois le genre....

Il afficha un grand sourire narquois. Se débrouiller, c'était chaparder sa pitance sur les étals, délester les bourgeois de leurs bourses et colifichets précieux, établir quelques "péages" sur les chemins.... La routine des miséreux et des gagnes-petits.

Un jour, en Maine, on s'est fait pincer par le guet et on a tous fini en geôle. On attendait plus grand chose à part être jugés et pendus: z'étaient plutôt expéditifs en la matière là-bas, en c'temps-là. Pis finalement, le coup d'bol. La comtesse de l'époque était dans un bon jour, elle nous a laissé le choix: finir au gibet ou s'enrôler dans l'armée. T'imagines bien qu'on a pas choisi la cravate de chanvre ! Pis au final, quand c'te comtesse là a eu fini son mandat, j'y ai été au culot et j'lui ai dit que servir le Maine je m'en foutais. Mais que la servir elle, vu qu'elle m'avait sauvé la peau, ça me botterait. Elle a accepté et j'me suis retrouvé garde, à la suivre pour pas qu'il lui arrive de bricole. Et elle avait la bougeotte, on a vu du pays: Maine, Alençon, Guyenne, Périgord, Paris...

Goalhard s'interrompit un instant, songeur. Pour sûr, ç'avait été le bon temps, celui de la défunte duchesse. Toujours sur les routes, bien nourri et souvent de bonnes occasions de castagne, la belle vie quoi!

Maintenant, j'sers sa fille. La petiote a pas l'envergure de sa mère mais c'est pas une patronne pénible et elle paie régulièrement les gages de ses gens. D'ailleurs, si un jour t'as envie de t'poser quelques temps... elle cherche toujours plus ou moins du monde, tu peux tenter ta chance .
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