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[RP] Un entretien pour la Bouche Royale

Eilinn_melani
C'était une de ces belles journées printanières, chaudes, ensoleillées, faisant pressentir l'arrivée de l'été. L'office de la Bouche Royale connaissait une ère prospère : des nouveaux fournisseurs avaient été trouvés, le Grand Echanson et le Premier Maitre d'Hotel remplissaient leur office, et la Reyne, ainsi que son entourage, semblait satisfaite.

Le regard vide, Eilinn contemplait par les fenêtres du petit Salon les jardins du Louvre, ou s'ébattaient les nobles. Le printemps signifiait également une période propice aux amours, et le Premier Maitre d'Hotel était ainsi bien aise d'être à l'abri dans sa forteresse, loin des bouillonnements d'hormones qui agitaient les jeunes nobles de son âge. A bientôt quinze ans, par sa maigreur, son absence de formes, et son style vestimentaire des plus masculins, Eilinn semblait poursuivre son obsession de tout faire pour éviter le mariage, et pour l'instant cela fonctionnait. Les conséquences de son malaise à Vincennes se dissipaient peu à peu, mais il restait une mélancolie certaine chez le Premier Maitre d'Hotel.

Ce jour, elle recevait un candidat pour le poste de Panetier. Le Grand Chambellan avait semblé perplexe, mais Eilinn avait décidé de laisser une chance au-dit Arnault d'Azayes. Le nom de famille ne lui était pas inconnu, mais il n'était pas dit que cela joue en la faveur de l'impétrant. De par son parcours particulier, Eilinn faisait plutôt confiance en les actes et les gestes, plutôt que par les noms et les titres.

Notre Dame sonna pour signaler la fin de l'office de None. Un garde à l'entrée patientait, et Eilinn lui signifia ses ordres.


Faites-le entrer, si il est arrivé.

Le garde sortit. Si le candidat était arrivé, il n'aurait qu'à entrer directement, si il était en retard, cela serait plus délicat. Le Salon dans lequel le Premier Maitre d’Hôtel patientait était à l'image du Louvre, fastueux, bien décoré, sur le thème de la végétation, et quelques fauteuils étaient disposés autour d'un guéridon ou se trouvaient quelques douceurs et boissons.
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Arnault
Le Louvre, lieu voué à la pure glorification de la plus prestigieuse des cours d’Europe, était en cette belle fin de printemps encore plus fastueux qu’à l’accoutumée. C’était un peu comme si le beau temps donnait au monde l’envie de s’exhiber encore plus et aux yeux d’un encore plus grand nombre de chalands ; et toute une kyrielle d’êtres habitués à déambuler dans d’austères mais fastueux couloirs semblaient prendre un plaisir immense à flâner, le plus souvent sans aucun autre but que celui de se montrer et de regarder, à travers les cours et les jardins.
On ne comptait plus les chapes d’évêques, les affriolantes tenues portées par les jeunes nobles et les fourrures herminées et contre-herminées arborées par leurs pères et pairs.

Autant dire que l’Azayes, qui en temps normal attirait déjà plusieurs regards sur lui, dénotait extrêmement ce jour-là. Sa tenue d’une sobriété extrême et masquant la majeure partie de son visage n’en était, cette fois-ci, pas l’unique motif : il tenait dans ses mains un imposant panier recouvert d’une nappe assez grossière et dégageant un fumet des plus particuliers à cent mètres à la ronde – très pratique pour se frayer un chemin à travers la foule de badauds qui se prélassaient sous les rayons que l’astre solaire dardait généreusement ce jour-là.

Notre-Dame allait bientôt sonner ; Arnault redoubla le rythme de sa progression et arriva au salon des Fougères peu de temps avant que l’office de nonnes ne s’achève. Il fut déçu de ne pas être interrogé quant à la nature de sa venue : il aurait pris un plaisir immense à, en guise de réponse, soulever bien haut le panier qu’il portait et à contempler la réaction de son interlocuteur.
Mais rien de tout cela, la vicomtesse avait bien donné ses ordres et il fut très ponctuellement introduit dans ledit salon.

Il salua autant que faire se peut lorsque l’on est porteur d’un tel objet et attendit d’être invité à prendre place.

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Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
Eilinn_melani
A l'heure dite, le candidat entra dans la pièce. D'un rapide coup d'oeil, Eilinn évalua le nouveau venu, notant l'aspect physique, la tenue sobre, mais également le panier.
N'étant pas Premier Maitre d'Hotel pour rien, Eilinn sentit rapidement une odeur agréable embaumer la pièce, et par déduction, conclut que cela devait être en rapport avec la paneterie. Les mains derrière le dos, la mise impeccable, même si le bâton de sa charge était manquant, Eilinn resta un instant droite comme un I.


Le bonjour, Monseigneur, bienvenue au Louvre. Installez-vous donc.

La voix était affable et polie. Mais le Premier Maitre d'Hotel ne se présenta pas, jugeant que ce n'était pas utile, et ne comptait pas faire montre de curiosité envers le contenu du panier, après tout, c'était à Arnault de démontrer sa motivation et ses projets. Eilinn s'installa dans le confortable fauteuil, non sans un soulagement certain au vu de sa faible forme physique, et attendit donc que son interlocuteur prenne la parole.
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Arnault
Arnault contempla l’impeccable maintien d’Eilinn, si typique de la haute et très ancienne noblesse, bien heureux quoiqu’un peu perplexe devant son très inesthétique bâton d’une couleur incertaine et jurant abominablement avec l’harmonie si symétrique des armes de la vicomtesse. Il sentit que lui aussi était, à défaut d’être contemplé, au moins jaugé ; et cela lui plaisait assez.
À l’invitation du premier maître d’hôtel, il siégea. À sa surprise, Eilinn Melani se tut : il comprit que c’était à lui de commencer.


Tout d’abord, Votre Seigneurie, permettez-moi de vous remercier pour l’intérêt que vous avez porté à ma missive. Je ne vous cacherai pas que je ne sais si l’office de la paneterie n’est pas à pourvoir parce qu’il est déjà occupé ou parce qu’il ne figure pas parmi les offices royaux ; mais peu importe, après tout cela n’est pas le plus important.

Il considéra que la vicomtesse avait tout le loisir de l’interrompre quand elle le désirait et, voulant à tout prix qu'en aucun cas la conversation ne retombât, il enchaîna.

Je vais commencer par vous en dire un peu plus sur moi et sur mes aptitudes dans le domaine qui vous concerne. Peu vous importera de savoir que je suis préfet romain et secrétaire d’État – ces gens ne sont après tout pas spécialement réputés pour leur raffinement gustatif. Ce qui me semble primordial sont mes compétences, et celles-ci proviennent directement de ma naissance.
Vous connaissez la lignée des Azayes et leur noble train de vie. Vous n’êtes pas également sans savoir que la table est l’endroit où un observateur attentif pourra le plus facilement apprendre un nombre impressionnant de choses sur le mode de vie de n’importe qu’elle famille.

Or, et ce disant il avait doucement tourné la tête vers le guéridon, s’il y a bien trois constantes à toutes les tables de tout ce royaume, ce sont bien le vin, la viande et le pain. Me permettez-vous ? s’enquit-il en désignant vaguement le guéridon.
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Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
Eilinn_melani
Les mains posées sur les accoudoirs, le Premier Maitre d'Hotel écoutait avec attention son interlocuteur. C'était une chose qu'Eilinn faisait toujours, tentant de graver dans sa mémoire chaque fait et geste pour mieux s'en rappeler après. L'officier ne releva pas la question sur la charge du panetier, après tout, le d'Azayes avait dit que cela n'était pas important, et ils pourraient toujours revenir sur ce sujet à la fin de l'entretien. Eilinn était de ceux qui laissaient toujours parler les autres avant de prendre soi-même la parole, appliquant l'adage "à tous donne ton oreille, à très peu ta voix", lui accordant une réputation de personne réservée et discrète.

Je connais de nom la famille d'Azayes, peut-être même ai-je déjà croisé un de vos parents* en Champagne, mais je crains de ne guère en savoir plus... Ainsi suis-je curieuse de savoir en quoi la table de votre famille peut se révéler bénéfique pour votre éducation culinaire.

Il semblait que le Premier Maitre d'Hotel n'était pas du genre à y aller par quatre chemins. Le choix du salon de la Fougère était révélateur du tempérament du premier Maitre d'Hotel : humilité, mais surtout franchise, symbolismes floraux de la plante.

Les lèvres s'étirèrent en un mince sourire, tandis que d'un geste élégant de la main, Eilinn désignait le guéridon chargé de quelques friandises.


Je vous en prie, faites comme chez vous.


Pour une fois, c'est elle qui se ferait servir, l'expérience était plaisante. Et le panier commençait à éveiller l'interêt du Premier Maitre d'Hotel, se demandant ce que le d'Azayes avait imaginé pour faire valoir sa candidature.



* dans le sens "large" du terme
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Arnault
Le pain, Votre Seigneurie, poursuivit l’Azayes tout en soupesant, inspectant et évaluant avec grande attention le contenu du guéridon, est souvent considéré comme un bien rustre aliment – il finit d’ailleurs, en Île de France, bien souvent en tranchoir ou en liant pour sauce. Or, certaines cours d’Europe – principalement en Italie – possèdent un office de la paneterie. Il y a donc deux conceptions du pain et, à juger de la missive que vous me renvoyâtes en réponse, je me permets de vous classer dans une catégorie dont je vais humblement m’efforcer de vous faire sortir.

Ah, enfin ! s’exclama-t-il en extirpant du guéridon une flasque de liqueur fort sucrée. Comme je vais devoir vous faire patienter le temps d’une petite préparation, je tenais à vous servir un alcool du meilleur effet avec ce que je vous ferai goûter.

Il joignit le geste à la parole et servit une généreuse ration de liqueur à la vicomtesse avant de se mettre à la tâche. Il sortit de son panier deux espèces d’écuelles : dans la première, il versa de l’eau ; dans la seconde, de la crème. Ensuite, il sortit du panier un petit paquet dont il extirpa une figue qu’il tendit à Eilinn :

C’est une figue de première qualité que je fais venir de la lointaine Byzance. Je vous en prie, goûtez.

Il sourit, plutôt satisfait du déroulement de l’entretien jusqu’à présent, et espérant que la liqueur avait été bien choisie. Il scruta le visage du premier maître d’hôtel, y cherchant une réaction à la proposition de dégustation fort frugale.
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Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
Eilinn_melani
L'entretien prenait un tour inattendu, et Eilinn se retrouva avec un verre de liqueur dans la main, tandis que le d'Azayes sortait des écuelles sur le petit guéridon.
Bien entendu, il n'était marqué nul part que le Premier Maitre d'Hotel se contentait généralement du vin de messe, et qu'il buvait le moins possible d'alcool. Eilinn haussa donc un sourcil d'un air circonspect en inspectant le verre, se demandant si il y avait quelque poison dedans, ou si c'était une tentative pour la rendre plus accorte. L'hésitation se jouait entre deux attitudes : refuser le verre, quitte à vexer le candidat, et goûter de façon fort polie, quitte à faire la grimace.

Eilinn trempa donc le bout des lèvres dans la liqueur sucrée, espérant ne pas trop faire la tête. L'officier ne sut dire si il aimait réellement, tant il était peu habitué à en consommer.


Qu'est-ce donc ?

Eilinn avait beau savoir reconnaitre les épices d'une sauce, identifier de l'alcool, cela dépassait ses compétences. Ce n'était pas pour rien qu'elle s'était adjoint un Grand Echanson, pour pallier à son manque de connaissances dans le domaine du vin et des eaux-de-vies, chose que savait très bien faire la d'Amahir.

Elle se saisit de la figue, là c'était plus dans ses goûts, et la dégusta lentement, regardant avec curiosité ce qu'Arnault préparait. Eilinn s'abstint de poser des questions, se disant qu'elle aurait des réponses bien assez tôt.

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Arnault
Arnault guettait la moindre réaction de l’officier de la couronne, tout en continuant à préparer sa petite concoction sur le guéridon. Jusqu’ici, l’entretien était tout à fait à son goût et il ne regrettait pas d’avoir tenté sa chance en demandant audience à Eillin Melani, qu’il jugeait intéressante autant que charmante.

C’est de l’eau de vie provenant d’un monastère tout près d’Eauze [1], Vicomtesse.

C’est avec une satisfaction qu’il me serait malhonnête de taire – même si lui la dissimulait ; schizophrénie ou anti-mélangisme, à vous de voir – qu’il vit le premier maître d’hôtel croquer l’amande qu’il lui avait tendue. Il enchaîné peu de temps après :

Goûteux mais un peu sec, n’est-ce pas ? Je suis certain qu’il ne vous viendrait pas à l’idée de servir ceci à la table de Sa Majesté. Même accompagné de la liqueur que je vous ai servie. Et pourtant, c’est ce qu’il se fait de mieux en matière de figues.

Tout en parlant, il se livrait aux dernières manipulations : les tranches de pain desquelles il avait retiré la croûte et qu’il avait mises tremper dans de la crème furent pressées, les figues réhydratées dans l’eau furent égouttées et le tout fut pressé puis tendu au premier maître d’hôtel juste comme Arnault terminait sa dernière phrase, à « matière de figues ».

Maintenant, Votre Seigneurie, goûtez-moi ceci.

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[1] Ancêtre de l’Armagnac.
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Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
Eilinn_melani
Eilinn n'avait bu qu'une gorgée de l'eau-de-vie, préférant ne pas se laisser distraire par les effets de l'alcool. Arnault continuait la préparation de sa mixture, et il lui présenta enfin l'écuelle avec le... truc.
Les sourcils d'Eilinn se froncèrent, la chose n'était pas bien appétissante, et elle restait méfiante. Pourtant les ingrédients devaient être bons, mais le mélange du tout lui paraissait assez inhabituel.

Avant de se saisir de l'écuelle, le Premier Maitre d'Hotel lança une première pique.


La présentation laisse à désirer.

Ce qui était la plus absolue vérité, et l'apparat entrait en compte lors de la présentation d'un mets. Eilinn ne pouvait donc pas négliger cet aspect lors du dressage d'un plat destiné à la Reyne et son entourage. Un soupir et Eilinn se saisit de l'écuelle, visiblement sceptique devant la chose.

La cuillère préleva le pain à la crème dans lequel se trouvaient désormais les figues. Un dernier regard à Arnault, de ceux qui disaient "dans quoi je me suis embarquée encore ?", et Eilinn goûta la mixture.
Le Premier Maitre d’Hôtel savait faire abstraction de ses propres goûts lorsqu'il évaluait un plat, pour en déterminer les saveurs et savoir si cela plairait au palais royal. C'était parfois une torture, comme lorsqu'il fallait gouter des escargots, qu'Eilinn détestait, mais que la Reyne appréciait particulièrement.
Ce fut donc une analyse que l'on qualifierait d'objective qui eut lieu, tandis qu'Eilinn recensait les saveurs : le sucré de la figue, le crémeux, et surtout l'alliance des parfums. Ce qui était le plus déroutant était l'absence d'épices, tant la cuisine médiévale en regorgeait. La cuillère reposa un instant sur l'assiette, tandis qu'Eilinn restait impassible, voire... professionnelle. Si le candidat panetier avait espéré lire sur le visage d'Eilinn une appréciation quelconque, c'était raté. Après tout, lui il avait une capuche, Eilinn avait bien le droit de rester marmoréenne...


Et si vous m'expliquiez maintenant ?

La cuillère préleva une seconde bouchée, tandis que le Premier Maitre d'Hotel attendait la réponse d'Arnault.
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Arnault
Avec une sobriété analogue à celle de l’officier qui la proférait, la critique cingla. Mais, par chance pour l’Azayes, elle avait été anticipée – il aurait tout de même été stupide de s’attendre à autre chose devant cette tambouille –, aussi la réplique arriva rapidement mais avec une débonnaireté gaillarde que le lecteur pourrait qualifier de rabelaisienne, en nette opposition avec la sécheresse du premier maître d’hôtel :

Votre Seigneurie, vous avez amplement raison : il est évident que ce met est à peine décent servi lors d’un entretien plutôt informel, en aucun cas je ne comptais vous suggérer de le présenter à notre souveraine. Non, mon but était différent.

Il entendit la demande d’explication et se dit qu’Eilinn devait être à point, surtout avec la feinte d’ébauche qu’il venait de faire. Mais il la regarda encore prendre une seconde (ou même une deuxième ?) bouchée avant de se livrer au doux exercice de la logorrhée :

Mon but était de vous montrer qu’il était possible, en un laps de temps extrêmement court, avec des ingrédients simplissimes et avec un dispositif qui, bien que luxueux, n’en est pas moins rudimentaire du point de vue culinaire, il était possible donc de littéralement transformer un fruit à la saveur intéressante mais péchant par sa sécheresse et sa pauvreté intrinsèque. Cette transformation a été possible par un ingrédient fondamental : le pain.

Il hésita et le regretta immédiatement. Il aurait dû répéter cette ultime partie comme le reste, car à présent il ne savait s’il devait continuer. Après quelques secondes de réflexion pendant lesquelles il fit mine de laisser déglutir le premier maître d’hôtel, il jugea la chose. Il avait jusqu’ici tenu le crachoir plus qu’il n’en est convenant et, même si Eilinn semblait y prendre plaisir, sans doute d’un naturel peu loquace, il était temps de lui laisser en placer une, même si cet exercice devait déplaire aux deux intervenants – subtile étiquette.

Puis-je vous demander la faveur de recueillir votre avis sur ce met, au-delà de sa présentation ?

Il insista sur chacun de ces derniers mots. Le plus honnêtement du monde, il ne concevait pas qu’on ne puisse se délecter de sa petite tambouille : lui-même en vidait des brocs entiers lorsque les cuisines étaient désertes.
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Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
Eilinn_melani
Eilinn prit une seconde bouchée de la préparation d'Arnault. Il était difficile de dire si elle y prenait goût ou non, même si un léger scepticisme était lisible sur son visage. Le Premier Maitre d'Hotel finit par reposer l'écuelle sur le guéridon.

Je ne suis pas d'accord avec vous concernant votre conclusion sur la transformation de la figue. Le pain seul n'en est pas l'auteur. Selon moi, la crème agit aussi en tant que liant, en ramollissant le pain pour pouvoir accueillir le fruit.

Mon avis sur votre préparation...


Il y eut une pause.

Je ne suis pas convaincue. C'est... inhabituel, mais j'avoue ne pas être enthousiasmée.

Voilà, c'était dit. Mais Eilinn était restée relativement neutre dans sa formulation.

Il se posait la délicate question de savoir si il fallait s'en tenir à cette seule démonstration pour estimer si il pouvait apporter quelque chose à la paneterie, ou si elle devait lui donner une autre chance.


Jeune homme...

Eilinn trouva cela risible, sachant qu'il devait probablement être plus agé qu'elle, mais elle ne pouvait se mettre en position d'infériorité de par son statut au sein de la Maison du Roy.

Soit, vous voulez prouver que le pain n'agit pas seulement comme un ... support. Mais pourtant, ici le pain ne servait qu'à mettre en valeur la figue. Du moins à mes yeux.

Eilinn fit une pause, réfléchissant à la suite. Le Premier Maitre d'Hotel pouvait accepter que la démonstration culinaire soit mitigée, mais il fallait que le reste de l'entretien soit à la hauteur de ce qu'elle pouvait attendre d'un membre de son office.

Très bien, passons à autre chose pour l'instant.
Si je résume, vous venez d'une noble famille, vous avez une certaine idée sur la paneterie, qui peut s'avérer intéressante. Mais ce pain que je viens de manger, est-ce vous qui l'avez fait ? Pouvez-vous être capable de mettre la "main à la pâte" au sein des cuisines du Louvre ?


Il avait présenté la théorie, la prime démonstration n'avait guère convaincue Eilinn, restait à savoir si il y avait un savoir-faire pratique.
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Arnault
Les choses se corsaient. Qu’à cela ne tienne : ses parents lui avaient suffisamment répété que c’était toujours dans l’adversité que ses ancêtres s’étaient démarqués, et Arnault n’était pas à ce point dépourvu de fierté pour déroger à cette règle. Il répondit donc, avec une sincérité qui n’était pas feinte :

Permettez-moi d’apporter une nuance à vos dires, Votre Seigneurie. Je pense au contraire que le pain est un support, et il insista sur le « est », mais un support supérieur, pour le dire par le truchement d’une allitération. Vous avez donc raison de dire que le pain ne servait qu’à mettre la figue en valeur, et à mes yeux c’est un compliment : cette tâche peut paraître modeste, mais elle relève pourtant d’une virtuosité particulière.
Ce contre quoi je m’insurge, c’est que certains, et j’espère que vous n’en êtes pas, franchissent allègrement le pas séparant l’aliment support et l’aliment fruste. J’essaie simplement de prouver que le pain est un aliment simple, comparativement au reste de notre cuisine, mais pas pour autant dépourvu d’artisanat, de savoir-faire, de tradition… et de goût, dans les deux acceptations du terme.

Était-ce le contraste entre la douceur et la distance que le premier maître d’hôtel maniait à la perfection ou était-ce la si belle possibilité qui lui était offerte de faire quelques envolées lyriques sur son aliment quotidien ? Toujours est-il qu’Arnault prenait décidément un réel plaisir à s’entretenir avec Eilinn.

Ce pain, je ne l’ai pas réalisé moi-même.

Un bon gros et franc aveu effectué avec bonhomie, avant de prendre le contre-pied et de mieux exposer où il voulait en venir : telle était l’immuable dialectique d’Arnault – sans doute coulait dans ses veines quelque sang de Robert III d’Artois.

J’en aurais été capable – et pourrais d’ailleurs vous le prouver – mais je n’en ai tout simplement pas eu le temps, eu égard des événements périgourdins de cette nuit [1]. Pour tout vous dire, il vient d’un artisan parisien à qui j’ai fourni la recette, la farine et le bois. J’ai une entière confiance en ses mains et son four.
Pour répondre à votre seconde question, officier en les cuisines du Louvre serait un véritable privilège pour moi.

Il avait à nouveau beaucoup parlé et, même s’il lui restait encore un point à soulever, il se tut.

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[1] 7 juin : prise de pouvoir de Celte. Arnault est chancelier de Kad, vicomte de Brantôme.
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Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
Eilinn_melani
La naine maigrichonne restait sceptique devant le discours d'Arnault. Au mieux ses doigts tapotaient légèrement le canapé, tandis qu'elle réfléchissait aux paroles du candidat panetier, signe d'une intense réflexion.
Il semblait vraiment convaincu de ses dires, et cela perturbait le Premier Maitre d'Hotel. Bien entendu, Eilinn ne pensait pas tout savoir sur le domaine culinaire, mais elle estimait déjà être polyvalente. Ainsi Arnault la confrontait à un aspect qu'elle ignorait, et cela perturbait son égo délicat.

Eilinn se leva d'un coup.


D'accord, prouvez-le moi.

Et sans ambages, le Premier Maitre d'Hotel se dirigea vers la porte du Salon de la Fougère, pour prendre la direction des cuisines, prenant juste la peine de vérifier qu'Arnault la suivait.

[Quelques instants plus tard, dans les Cuisines du Louvre]


A pas rapides, Eilinn était descendue dans les entrailles du Louvre, suivie, espérons-le, d'Arnault. Le brouhaha se faisait grandissant au fur et à mesure qu'ils s'approchaient du "lieu sacré" du Premier Maitre d'Hotel, et quand Eilinn poussa la porte, ce fut comme pénétrer dans une antichambre solaire. Il y faisait chaud et le bruit des commis à l’œuvre pour préparer le diner était presque assourdissant.
Le retour d'Eilinn signifia un subtil changement d'attitude parmi les commis, qui baissèrent d'un ton, et le Premier Maitre d'Hotel se dirigea vers la partie des cuisines réservée à la paneterie. Quelques commis oeuvraient pour préparer le pain pour le souper de la Reyne, et Eilinn se retourna vers Arnault pour reprendre la parole.


Prenez le temps qu'il faut. Enfin... vous avez jusqu'à l'heure du diner de la Reyne. Etonnez-moi.

Eilinn s'adossa à une table non loin de là, et croisa les bras pour observer Arnault. Il voulait mettre la main à la pâte, pas de souci, le Premier Maitre d'Hotel venait de le prendre au mot. Il y avait dans les cuisines du Louvre tout ce qui était nécéssaire à Arnault pour prouver sa maitrise de la Paneterie, resterait à savoir si il allait accepter l'épreuve, ou non.
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--Germain.


Le Second était en train de préparer... Ben en fait il ne savait pas trop parce qu'il courait partout, s'affolant avec les commis. Ils jouaient sur le "turn over" pour arriver à finir les plats à temps, faire la vaiselle et garder le lieu propre.
Les cuisines du Louvre se devaient de rester saines, propres et efficaces, c'était le moins que l'on pouvait attendre de cet endroit !

Donc ! Germain était en train de faire la vaiselle lorsque son oreille super développée maintenant, reconnu le son de ses petits pas de naine.

Commis, on est mal elle arrive ! Vite, vite rangez ça ! Il faut nettoyer là, quelqu'un a renversé de la sauce ! Allez, dépéchons, dépéchons !!!

Il s'empressa d'essuyer et de ranger les divers ustensiles qu'il avait lavé, il passa ensuite à une cuisson qui était presque terminée pendant que les commis paniquaient autour de lui.
Quand sa cheffe entra, Germain et tous les autres retinrent leur souffle pour saluer dignement le Premier Maître d'Hotel.

Bonjour Mademoiselle, comme vous pouvez le voir, tout est en ordre !

Il tenta d'afficher une expression détendue et son regard eut le malheur de croiser une cuillière en bois tombée au sol, salissant la cuisine ! Là il manqua d'attraper le commis qui avait fait ça pour l'étrangler...
Voyant son petit rictus, le commis compris immédiatement et ramassa l'objet, très gêné.

Bien, remettons-nous au travail voulez-vous ? Il reste encore beaucoup de choses à faire ici !

Ils se remirent tous au travail et du coin de l'oeil, Germain remarqua qu'un homme suivait Eilinn, un nouveau ?
Pour en avoir le coeur net, il observa où ils allaient et prit un quelconque plat à aller ranger à cet endroit...
Il s'approcha stratégiquement de sa cheffe et se pencha vers elle pour lui murmurer :

Un nouveau fournisseur je suppose, il s'en sort comment ? Je parie que votre jugement intransigeant a trouvé un défaut.

Arnault
Qu’est-ce qu’il pouvait bien se passer dans la tête de cette femme minuscule et au visage de glace ? Arnault, jusqu’ici, avait bien mal anticipé ses réactions et était bien décidé à se rattraper. Mais à nouveau il fut interrompu par la réaction fulgurante d’Eilinn – elle devait se contenir depuis longtemps, bien que rien n’eût paru.
À peine Arnault avait-il digéré la sentence et ses conséquences qu’il vit le premier maître d’hôtel se lever et trotter à un rythme impressionnant au regard de ses minuscules gambettes. Arnault, du haut de son mètre 87, eut dans un premier temps bien du mal à la rattraper. Où diable ce petit bout de femme allait-il bien pouvoir le mener ?

Il ne fallut guère beaucoup de temps à Arnault pour comprendre : avant même le brouhaha très reconnaissable – le même que dans toutes les cuisines, mais en plus fort – il avait déjà conclu que le premier maître d’hôtel ne pouvait vraisemblablement que le mener aux fourneaux. C’était évident, et pourtant il ne l’avait absolument pas prévu. Il avait répété ses tirades, tâchant d’anticiper toutes les réactions qu’eût pu avoir Eilinn, mais en aucun cas il n’avait imaginé que l’entretien prendrait cette tournure.

Vint l’explication, ou plutôt l’esquisse d’explication. Arnault, silencieux, hochait lentement la tête, réfléchissant déjà à mille données. Rapidement, il conclut qu’il fallait qu’un certain nombre de conditions soient remplies pour que le projet qu’il venait d’échafauder puisse être mené à bien. Il attendit que le premier maître d’hôtel se retire avant de commencer.
Ah. Visiblement, la bougresse avait décidé de ne pas perdre une miette du spectacle qu’elle venait de s’offrir. Qu’à cela ne tienne, il allait se livrer à un exercice dans lequel il excellait : l’ignorer – mais cette fois sans dédain.
Il se dirigea vers l’homme qui semblait diriger cette ruche autant que faire se pouvait et l’aborda en ces termes :


Disposez-vous de bois de noisetier ? Quand a été construit votre four ? De quels types de farines et de levures disposez-vous ?
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