--L_araignee..
Lété approche et avec lui, la chaleur puante des nuits à Paris. Les charniers, le quai de la Grande Boucherie, les tanneries, autant dodeurs qui lattirent, lentourent de milles promesses, autant deffluves qui lui tournent la tête et lentraînent à sa perte. Une lumière hypnotique à la lucarne dune auberge, la rejoindre, lembrasser, sen repaître ; aimer le soleil parce quil darde des rayons bien chauds, et même la nuit, quelle magie. Mais lodeur est forte comme un appel à la débauche, au lucre et à la gourmandise, la lumière, pourtant, lattire. Une supplique envoûtante, cest personnel, cest une affaire de la nature, dinstinct, on ne repousse pas le soleil, pas quand il fend la nuit, quil crève les ténèbres pour se donner à vous. On se rue vers lui, éperdu, on se donne, on se consomme dans sa chaleur, le soleil est lastre qui régit tout et la vie .. Surtout la vie..
Infortunée mouche qui vient se prendre dans la toile dune épeire. Spectateur amusé que lhomme qui fixe en silence linsecte qui se débat violemment, brisant ça et là, les délicats fils de soie tendue dans lespace étroit du soupirail de la chambre dauberge où il réside pour lheure. Encore un peu, encore un instant, la mouche bat des ailes, stupidement, arrachant un sifflement moqueur à lhomme, faut-il être fou ou naïf pour espérer se défaire dune toile daraignée. Encore un peu, encore un espoir qui séteint aussi vite que vient la maîtresse des lieux. Magie dune rencontre entre deux homonymes, deux entités si différentes et si semblables pourtant. La peur qui sinsinue, une dernière seconde quand les pattes viennent taper sur les fils pour rejoindre la proie affolée, une dernière seconde la terreur quand ce sont huit yeux qui la fixent et que les crochets sabattent et que le venin vient engourdir linfortunée. La suite, il la connaît par cur, les yeux se ferment, et mentalement, il évoque dans son esprit, larachnide qui se tourne et emmaillote linsecte dans sa soie à labri des intempéries, à labri des jalousies. Quand il rouvre les yeux, la belle de nuit a déjà remonté sa proie hors des convoitises, immobile dans un coin, elle guette les autres proies de la nuit qui ne manqueront pas de venir se perdre dans ses filins, attirées par la chandelle.
Immobile, il attend que le temps passe. Immobile comme le monde qui lentoure.. Rien na changé, ni le temps, ni les gens. Que la haine et lamour qui vont en sintensifiant. Deux amours, à jamais, lune pour son esprit, lautre pour son corps, la première jusquà la mort, la deuxième pour le restant de sa vie, terrorisé par des femmes, repu de leur tendresse, affamé de leurs regards, dun simple geste. LAlterac, morte dans sa folie, la Corleone, vivante par elle. Et lui, qui erre entre les ombres et les chimères, lui qui na plus quune vie vouée à la haine quil peut développer tant le temps lui semble long en Bourgogne, et pour cause, il a quitté la Bourgogne, prétextant une course importante à la Capitale. Quelle course ? Aucune. Il naime pas la Bourgogne, ne la jamais aimée de Son vivant, ne laime encore moins maintenant quElle est morte. Et la Capitale est un des endroits les plus surs pour trouver la Corleone, il a traîné vaguement du côté de la Rose Noire, espérant la voir, sans toutefois la chercher. Il nest pas un de ces amoureux transi, il est de ces amants qui signore et qui oublie, pour y repenser linstant daprès, plus fort peut être, plus dur surement. Il ne laime pas, elle le passionne. Il lexècre parce quelle le damne, il la respecte parce quelle sest imposée où à Sa mort ne restait quun gouffre laissée par la haine froide.
La haine, comme lamour, on la cultive, lui, il la nourrit de plus de souvenirs quil nen ait besoin. Il aime deux femmes, il en hait tout autant. Deux traîtres à leur parole, deux traîtres à Sa volonté. Elles mourront, le temps fera son office, qui passe bien trop lentement à son goût.
Alors dans la moiteur de la chambre parisienne, il attend, immobile que reprenne le manège de lépeire, jumelle arachnéenne.
_____________