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Information and comments (3)

Info:
Où une Araignée, un Irlandais & une Corleone parlent de desseins peu recommandables.

[RP Fermé] - I. A une Passante.

--L_araignee..



L’été approche et avec lui, la chaleur puante des nuits à Paris. Les charniers, le quai de la Grande Boucherie, les tanneries, autant d’odeurs qui l’attirent, l’entourent de milles promesses, autant d’effluves qui lui tournent la tête et l’entraînent à sa perte. Une lumière hypnotique à la lucarne d’une auberge, la rejoindre, l’embrasser, s’en repaître ; aimer le soleil parce qu’il darde des rayons bien chauds, et même la nuit, quelle magie. Mais l’odeur est forte comme un appel à la débauche, au lucre et à la gourmandise, la lumière, pourtant, l’attire. Une supplique envoûtante, c’est personnel, c’est une affaire de la nature, d’instinct, on ne repousse pas le soleil, pas quand il fend la nuit, qu’il crève les ténèbres pour se donner à vous. On se rue vers lui, éperdu, on se donne, on se consomme dans sa chaleur, le soleil est l’astre qui régit tout et la vie .. Surtout la vie..

Infortunée mouche qui vient se prendre dans la toile d’une épeire. Spectateur amusé que l’homme qui fixe en silence l’insecte qui se débat violemment, brisant ça et là, les délicats fils de soie tendue dans l’espace étroit du soupirail de la chambre d’auberge où il réside pour l’heure. Encore un peu, encore un instant, la mouche bat des ailes, stupidement, arrachant un sifflement moqueur à l’homme, faut-il être fou ou naïf pour espérer se défaire d’une toile d’araignée. Encore un peu, encore un espoir qui s’éteint aussi vite que vient la maîtresse des lieux. Magie d’une rencontre entre deux homonymes, deux entités si différentes et si semblables pourtant. La peur qui s’insinue, une dernière seconde quand les pattes viennent taper sur les fils pour rejoindre la proie affolée, une dernière seconde la terreur quand ce sont huit yeux qui la fixent et que les crochets s’abattent et que le venin vient engourdir l’infortunée. La suite, il la connaît par cœur, les yeux se ferment, et mentalement, il évoque dans son esprit, l’arachnide qui se tourne et emmaillote l’insecte dans sa soie à l’abri des intempéries, à l’abri des jalousies. Quand il rouvre les yeux, la belle de nuit a déjà remonté sa proie hors des convoitises, immobile dans un coin, elle guette les autres proies de la nuit qui ne manqueront pas de venir se perdre dans ses filins, attirées par la chandelle.

Immobile, il attend que le temps passe. Immobile comme le monde qui l’entoure.. Rien n’a changé, ni le temps, ni les gens. Que la haine et l’amour qui vont en s’intensifiant. Deux amours, à jamais, l’une pour son esprit, l’autre pour son corps, la première jusqu’à la mort, la deuxième pour le restant de sa vie, terrorisé par des femmes, repu de leur tendresse, affamé de leurs regards, d’un simple geste. L’Alterac, morte dans sa folie, la Corleone, vivante par elle. Et lui, qui erre entre les ombres et les chimères, lui qui n’a plus qu’une vie vouée à la haine qu’il peut développer tant le temps lui semble long en Bourgogne, et pour cause, il a quitté la Bourgogne, prétextant une course importante à la Capitale. Quelle course ? Aucune. Il n’aime pas la Bourgogne, ne l’a jamais aimée de Son vivant, ne l’aime encore moins maintenant qu’Elle est morte. Et la Capitale est un des endroits les plus surs pour trouver la Corleone, il a traîné vaguement du côté de la Rose Noire, espérant la voir, sans toutefois la chercher. Il n’est pas un de ces amoureux transi, il est de ces amants qui s’ignore et qui oublie, pour y repenser l’instant d’après, plus fort peut être, plus dur surement. Il ne l’aime pas, elle le passionne. Il l’exècre parce qu’elle le damne, il la respecte parce qu’elle s’est imposée où à Sa mort ne restait qu’un gouffre laissée par la haine froide.

La haine, comme l’amour, on la cultive, lui, il la nourrit de plus de souvenirs qu’il n’en ait besoin. Il aime deux femmes, il en hait tout autant. Deux traîtres à leur parole, deux traîtres à Sa volonté. Elles mourront, le temps fera son office, qui passe bien trop lentement à son goût.

Alors dans la moiteur de la chambre parisienne, il attend, immobile que reprenne le manège de l’épeire, jumelle arachnéenne.

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--Sadnezz.




Ses doigts noueux grattent le bois qui soutient sa paillasse.

L'été approche. Avec lui les nuits légères, la chaleur qui étreint et oppresse. Courtes ou inexistantes, ces nuits laissent à Belladone le temps de vaquer ou de hanter sa Garçonnière. Cherchez le garçon. Il n'y en a pas. Depuis qu'Eroz est mort, personne ne vient plus visiter son repaire, ni ses nuits. Le fil des années les lui allongeait, comme si vieillir apportait les douleurs et le temps de bien les subir. Ses sorties se faisaient rare depuis l'assouvissement de ses bas instincts en terre bénie. Renier sa propre terre, la seule qui lui a ouvert les bras sans poser de question l'avait assombrie, un peu plus. Sortir en dehors des Miracles, c'était prendre le risque de se faire rattraper par ses erreurs. Ou par un maréchal qui se serait levé les doigts du cul. Elle avait lu dans le regard des passants lors de sa dernière escapade nocturne de dérangeantes pensées. Oui, lorsqu'elle se pointait, c'était le début des ennuis. Regarder sa vie passer par une fenêtre opaque, en solitude... A devenir dingue. L'ainée n'avait pas le vice d'alcool, sans quoi elle y aurait déjà noyé ses relents misanthropes.

Tic nerveux, le flot ininterrompu de ses pensées se fait dense au fur et à mesure que ses ongles sales s'usent.

Posée près d'un édredon informe la dague de la Concèze ne nargue personne. Le double tranchant est immaculé à l'instar de la grosse pierre qui l'orne. L'image de Roland revient, inévitablement. Inlassablement. Perpétuelle. Association naturelle, personnification de l'objet passé de sa main à la sienne. Il l'aimait la Concèze... Mais il a échoué. Protectrice, l'arachnide a été dépassée. Quelle peut-être cette sensation? Perdre l'objet du désir, celui-là même dont on assurait l'exclusive sécurité. Frêle corps tombé du mauvais coté de la toile, broyé par un impitoyable destin. La pauvre icône. Peut-être que c'est là que résidait l'explication. Cette attirance, terrible attirance. Et partagée, bien que rien ne soit gravé dans la pierre. L'idée que, pour témoigner de la vivacité de son deuil , il ne veuille exprimer quelque chose qu'avec quelqu'un qui n'ait pas l'air trop vivant.

Les sillons que tracent les griffes sombres se creusent, comme se creuse un tombeau.

Le matin pointe sa trogne désœuvrée. Elle le fait presque pâlir la Corleone, quand il la voit désarticulée, pantelante sur son lit d'introspection. La joue creuse et l'oeil cerné, couchée nue sur le ventre. Il y a dans l'air une torpeur mortifère, qu'accentuent allez savoir pourquoi ses longues mèches grises et éparses, nées d'entre de noirs et épais cheveux. Comme un vieux saule esseulé elles se laissent tomber avec indolence de son dos mutilé au vide qui la sépare du sol. Mercenaire en désuétude. Combien y-en a-t-il eu, des rixes et des heurts, du stupre et du sang. L'ichor n'apporte pas jouvence, c'est un fait. Frisson de lucidité qui ébranle la lippe carnassière. Qu'il est loin le temps de la bleusaille... C'en est effarant.

Erection vengeresse au bois blessé du sommier, écharde. L'immobilité reprend ses droits.


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Finn.

L'Roy des Canards dit:

- « L’homme privilégié soit politiquement, soit par filiation, est un homme intellectuellement et moralement dépravé.

La monarchie, c'était une erreur. Une erreur, que dis-je, le mot est poli. Une calamité. Il faut certes une autorité, c’est la soupape de sûreté à toute ébullition positive pour l'homme. Il n’y a cependant pas besoin ni d’organisation, ni de législation politique, deux choses qui, soit qu’elles émanent de la volonté d'un souverain ou du vote d’un conseil élu, sont toujours également funestes et contraires à la liberté des peuples parce qu’elles leur imposent un système de lois extérieures, et par conséquent despotiques. La liberté de l’homme consiste uniquement en ceci qu’il obéit à ses propres lois parce qu’il les a reconnues lui-même comme telles, et non parce qu’elles lui ont été extérieurement imposées par une volonté étrangère, quelconque. [...] »

En capitale royale, le gueux quêtait. Centre névralgique du pouvoir souverain étranger qu'il ne pouvait reconnaître, la ville s'imposait comme dédale pavé de pierres froides et humides. La misère s'y est établie comme plaies sur corps lépreux. L'apparente touffeur régnante dissimulait la pire des rigueurs sous un amas de codes régentant la conduite temporelle de ses passants. Qu'importent les moins chanceux d'entre eux. Là résidait la brutalité du titan législatif, insidieuse et délétère. Seule alternative à cet avilissement, la force brute et implacable de celui à qui l'hardiesse ne fait point défaut par la grâce de Dieu.

Dans quel sombre cloaque auraient pu trouver refuge de tels êtres?

Arpentant les berges de ce qui sera à jamais le tombeau de nombres de Justes venus nourrir la grosse friture parisienne, l'Irlandais se retrouva aux portes d'un tripot dissimulé aux yeux du tout-venant. Si ce n'était l'apaisante vue sur l'onde fluviale, tout dans ce bouge ne trouvait d'égal que l'anarchie d'un poulailler. L'habituelle truandaille s'y pavanait sans crainte pour y dilapider sa solde bien mal acquise. Lui s'y présentait d'une lassitude sans pareille afin de purger son âme d'un énième vice: celui du jeu. Les cartes lançaient des œillades racoleuses au bougre dépenaillé. Il prit alors place à une table où l'effervescence sous-jacente exaltait ses sens. La vinasse servie suffirait à les tempérer le temps de se remplir les poches. Si l'Irlandais était chanceux, il n'en avait pas l'air. De sa vieille bure à ses bottes de troupier, son allure s'accordait parfaitement avec le cadre de bric et de broc. Le décorum ampoulé de l'extérieur disparaissait dès la première pression sur la porte branlante préfigurant l'entrée. On y respirait certes à en déposer ses tripes sur le plancher mais l'étourdissement d'icelieu ne se drapait d'aucun voile.

Au milieu des rebuts, fruits d'une société décadente, on tentait de faire plier l'échine à Dame Providence.

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--L_araignee..


    « L’envie est la religion des médiocres. Elle les réconforte, répond aux inquiétudes qui les rongent de l’intérieur, et en dernière instance, leur pourrit l’âme et leur permet de justifier leur mesquinerie et leur jalousie au point de croire que ce sont des vertus et que les portes du ciel s’ouvriront seulement pour les malheureux comme eux, qui passent dans la vie sans laisser de trace que leurs sordides tentatives de rabaisser les autres et si possible de détruire ceux qui, par le simple fait d’exister et d’être ce qu’ils sont, mettent en évidence leur pauvreté d’esprit, d’intelligence et de courage.

    Bienheureux celui qui lapident les crétins, car son âme ne leur appartiendra jamais. » - Carloz Ruis Zafón, Le Jeu de l’Ange.


L’envie. La vie, un tout.

Pour qui ? Pour quoi ? Quand ? Où ? Comment ? Bordel, que de questions auxquelles il ne veut pas répondre. Enjoindre les hommes à prendre les armes, renverser la royauté, d’une main la briser et dans un souffle, sentir la victoire apaiser le délire des nuits et d’une vie d’insomnie à se ronger le cœur et le corps pour une infinité de sentiments paradoxaux. Paradoxe, tu es né paradoxe, tu es paradoxe, tu seras .. Homme. Il crève de chaleur, de la moiteur parisienne qui aliène jusqu’aux confins de la mansarde, l’épeire a déserté le champ, elle se repaît de son met de choix, jusqu’au prochain. Ce n’est qu’une succession, une malheureuse et ridicule succession d’évènements qui n’ont de sens que là où la morale bienséante s’accorde à leur en vouloir donner un peu.

Pour qui ? Elles. Pour quoi ? La vie ? Quand ? A l’heure de votre mort. Où ? Ici. Comment ? En vivant, en vivant de cette soif de mort, de l’épanchement de ce sang noirâtre qu’il a vu se déverser sans y pouvoir rien faire, de l’épanchement de ces bons sentiments qui le font gerber jusqu’à la bile, jusqu’à l’aigreur, l’aigreur d’une vie passée sans but, jusqu’à Sa venue, et ramenée à sa morne existence. Voix intérieures, relents d’un passé qu’il a bâclé, alors que le corps était bassiné de compresses aux relents framboisés.


_ Tu fais quoi dans la vie ?
_ J’attends.
_ Et plus sérieusement, Roland ?
_ Ah ouais.. Je suis assassin..
_ Ah ..
_ Donc j’attends..
_ Oui.

Ce oui comme une évidence, comme une latence dans les méandres de sa vie, le chemin ? Quel chemin, ils mènent tous au même endroit : Les bras de la Camarde. Elle aussi, elle attend, son heure, son temps, le dernier jour, le dernier soupir, la folie en pointillés de leur vie. En finir ? Maintenant ? Trop de bêtises, trop d’inepties, mais pas trop de lâcheté. En finir de leur vie avant d’entamer la sienne. L’épeire, consoeur arachnéenne, qui revient, tendre les fils mortels là où les ailes désespérées de la mouche les avait brisés. L’épeire finira sa soirée seule, son homologue humain cède sa place au jeu de la vie et de la mort, pour goûter à celui plus humain, plus tangible qu’est celui des dés.. Truqués.

Jamais pris, il faudrait pour cela l’audace qu’aucun n’a quand le faciès peut amène les défie de le prétendre tricheur. Mais il triche oui, comme il triche avec la vie, avec ceux qui l’entourent. Et les marches sont descendues pour gagner la salle de l’auberge et rejoindre les ivrognes et autres déchets abjects que la société a fait naître en son sein, mère désolée ou fière, patrie chérie ou haïe, elle les a vu naître, les a fait proliféré, une catin baignée de sueur qui dégage l’odeur fétide du stupre et de l’envie, de la médiocrité, de l’humanité, et celle-ci les serre, les étouffe dans ses bras à s’en donner la nausée jusqu’à exécrer cette progéniture attardée. Tu les aimes tes enfants, au point des fois, de les maudire et les tuer, d’un coup de poignard, d’un souffle qui manque, d’un cœur qui s’arrête, mais ils trichent eux aussi, s’arrachent à cette contemplation morbide. Il n’est pas son fils, il ne l’a jamais été. Etre enfant de la vie ? Et en mourir.

Sourire goguenard quand il rejoint la table bien connue maintenant des joueurs, un nouveau en face de lui. Généralement, ils viennent et s’en vont dépités, généralement, ce sont des provinciaux, attirés par l’appât du gain, et qui finissent dépouillés et éventrés dans les ruelles crasseuses de la Capitale. Un souffle, un sifflement qui s’extirpe d’entre les lèvres fines, alors qu’il le considère, une lueur de défi amusé glissant dans l’acier du regard.


_Une partie de rafle ?


Trois dés sortis de la manche du grand mantel, trois dés qui assurent la victoire. Trois dés posés sur la table pour qu’il se rassure en les pensant réglementaire. Mais il n’y a pas de règles, pas plus au jeu de la Rafle, qu’au jeu de la vie.

Joue l’Irlandais .. Pipé.

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Finn.
    Les dés que les déciers ont fait
    M’ont de ma robe tout défait ;
    Les dés m’occient,
    Les dés m’aguettent et épient,
    Les dés m’assaillent et défient,
    Ce pèse moi. *


L'Roy des Canards dit:


- « Forts de notre passion pour la juste justice et de notre Foi inébranlable dans le triomphe du Canard sur toutes les bestialités théoriques et pratiques; forts aussi de la confiance et de l’appui mutuels que se donnent le petit nombre de ceux qui partagent nos convictions, nous nous résignons pour nous-mêmes à toutes les conséquences de la monarchie, dans laquelle nous voyons la manifestation d’un mouvement naturel. Toute l’histoire nous apparaît comme la négation révolutionnaire, tantôt lente, apathique, endormie, tantôt passionnée et puissante, du passé. Elle consiste précisément dans la négation progressive de l’animalité première de l’homme par le développement de son humanité. L’homme est parti de la nuit profonde de l’instinct animal et arrivera à la lumière de l’esprit, ce qui explique d’une manière tout à fait naturelle toutes ses divagations passées, et nous console en partie de ses erreurs présentes. Traversant l’esclavage monarchique, terme transitoire entre son animalité et son humanité, il marche aujourd’hui à la conquête et à la réalisation de son humaine liberté. D’où il résulte que l’antiquité d’une idée, loin de prouver quelque chose en sa faveur, doit au contraire nous la rendre suspecte. Car derrière eux est leur animalité et devant eux leur humanité, et la lumière humaine, la seule qui puisse nous réchauffer et nous éclairer, la seule qui puisse les émanciper, nous rendre dignes, libres, heureux et réaliser la fraternité parmi nous, n’est jamais au début, mais toujours à la fin de l’histoire. S’il est même nécessaire de nous retourner en vue de l’étude de notre passé, ce n’est que pour constater ce que nous avons été et ce que nous ne devons plus être, ce que nous avons cru et pensé, et ce que nous ne devons plus ni croire ni penser, ce que nous avons fait et ce que nous ne devons plus jamais faire. Et, puisqu’il est constaté que tous les peuples d'Europe ont cru en la monarchie, nous devons en conclure simplement que l’idée de noblesse, issue de nous-mêmes, est une erreur historiquement nécessaire dans le développement de l’homme, et nous demander pourquoi et comment elle s’est produite dans l’histoire, pourquoi l’immense majorité accepte encore aujourd’hui ce système. Tant que la racine de toutes les absurdités qui tourmentent le monde, la monarchie, restera intacte, elle ne manquera jamais de pousser des rejetons nouveaux. C’est la protestation instinctive et passionnée de l’être humain contre les étroitesses, les platitudes, les douleurs et les hontes d’une existence misérable. Contre cette maladie, dis-je, il n’est qu’un seul remède: c’est notre volonté de bouger ce monde. Car ce petit peuple n'est pas irraisonné. Il existe une catégorie assez nombreuse d’âmes honnêtes mais faibles qui les rejettent en détail, mais n’ont pas le courage, ni la force, ni la résolution nécessaires pour les repousser en gros. Elles abandonnent à notre critique toutes les absurdités particulières de la monarchie, elles font fi de toutes les lois, mais elles se cramponnent avec désespoir à l’absurdité du système juridique. Leur Reyne n’est pas l’être vigoureux et puissant, l'image brutalement positive de leur abrutissement. C’est un être nébuleux, diaphane, illusoire, un mirage, un feu follet qui ne réchauffe ni n’éclaire. Et pourtant elles y tiennent, et elles croient que si la monarchie un jour disparaît, ce Royaume disparaîtrait avec elle. Ce sont des âmes incertaines, maladives, désorientées, n’appartenant ni au présent ni à l’avenir, de pâles esprits éternellement suspendus entre le ciel et la terre, et occupant entre la politique nobiliaire et le servage bourgeois la même position. Ils ne se sentent la force ni de penser jusqu’à la fin, ni de vouloir, et ils perdent leur temps et leur peine en s’efforçant toujours de concilier l’inconciliable. [...] »

Attablé comme les autres, un joueur sortit du lot. Employée à se ruiner, l'assemblée ne prit garde aux deux hommes. Du soudard au seigneur, tous n'avaient d'égard qu'à leur propre perte. Son aisance portait à croire que l'individu était coutumier de la maison. Il se fit alors démon tentateur, invitant l'Irlandais à joindre sa partie. Son jeu. Farouche, Finn se méfia avant d'acquiescer d'un signe du chef à la proposition. L'atmosphère intimiste d'une partie à deux lui seyait davantage. La foule avait le don d'inhiber notre gueux. Trop de bruits, d'odeurs et de propos. Pour cette raison, il évitait autant que possible de côtoyer la civilisation.

La main déposa sur la table quelques pièces qui tintèrent la mise raisonnable afin d'engager la partie. Elle débuta sur les chapeaux de roues. L'Irlandais, mis en confiance remportait gain sur gain. A croire que le Seigneur guidait sa main lançant les dés. Trop beau, trop chanceux. Les mises ne cessèrent pourtant pas de fleurir sur le tapis de jeu, plus conséquentes. L'appât du gain était une soif dont on ne guérit pas. L'inconnu l'avait bien compris, l'Irlandais était cerné. S'il connaissait sa génitrice, il l'aurait vendu pour s'enfoncer un peu plus dans le gouffre abyssale qu'il s'évertuait à créer autour de lui et dans sa bourse. Racketté. On le rackettait littéralement. Un comble. La chance lui tournait la croupe à vue d'œil.

En prise avec le bourreau de ses nerfs, l'Irlandais conservait son flegme caractéristique, les traits impénétrables. Il l'observait sans déceler la moindre faille. L'instinct soufflait tricherie alors que la raison se laissait berner par les effets de manche. A mesure que la partie tournait en sa défaveur, la tension devînt palpable. Leurs bruyants voisins s'éloignèrent, sentant la querelle poindre. On susurrait dans leur dos, on prenait secrètement pari sur l'issue à venir. Finn n'en avait cure, il poursuivit l'observation attentive de son partenaire. Quand il fut évident que la situation ne pouvait être redressée, il s'interrompit. Et sans gêner la récupération des bénéfices de son concurrent, ses iris froides se plantèrent dans les siennes.


- « Tu triches. », lâcha-t-il non comme une honteuse accusation, mais comme l'expression banale d'un simple fait.

L'auditeur attentif pourrait y ouïr une pointe d'admiration, néanmoins cet homme lui restait un mystère et la main qu'il dissimulait sous la table se porta naturellement à sa taille.


*Rutebeuf
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--L_araignee..


    « Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
    Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi.
    Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi!
    Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide. »

    Charles Baudelaire , L’Horloge.


Les constatations amènent les constatations, et dans la voix le mène ton détaché teinté d’admiration.

_ Tu perds.

Faut-il le dire pour le comprendre ? Oui, il perd mais il le fait avec brio, il est d’ordinaire plus habitué aux rixes et aux hauts cris des frustrés et des vexés. Pourtant, le regard n’a pas quitté son adversaire, ni le regard, ni le corps, et l’épaule joue, roule, lui arrachant un soupir d’aise, un sourire aussi, surtout. Ainsi donc, il est comme les autres, ainsi donc, il se bat, mais avec parcimonie, avec discrétion, Dieu que tu es cruel de mettre ainsi face à face deux hommes si semblables pour qu’ils se déchirent pour l’appât du gain.. Mais il ne fera rien, car déjà la mise est empochée, la Rafle est ainsi faite qu’il suffit de miser, de jouer et de gagner. Il gagne.

_ Il y a bien trop de monde, et ces porcs seraient bien trop heureux de pouvoir récupérer les gains.

Si tu oses.. Voilà ce que cela insinue.

On ne meurt pas sans se battre, et s’ils se battent, ils mourront tous deux, l’évidence est là. Et les cancrelats qui peuplent l’auberge y verraient une aubaine. Deux morts, des écus, le guet n’en saurait rien. Si le guet savait, cela se saurait.


_ L’Araignée..

Enchanté, ça me fait plaisir de te rencontrer, embrasse ta mère et ta sœur. Le saurait-il qu’il lui demanderait d’embrasser sa famille ou du moins d’en donner des nouvelles. Le saurait-il qu’il le regarderait différemment et pourrait lui accorder plus de considération. Saurait-il qu’il est Pommières, et il pourrait alors s’attarder plus encore. Mais il ne sait pas, et cela suffit bien à son bonheur de ne pas savoir. Moins on en sait, mieux c’est. C’est la loi à la Cour. Ne connais pas ton prochain, et tu vivras demain. Car il s’agirait d’un mot, d’un geste pour que tout finisse ici et maintenant, il suffirait d’un souffle, pour que la Camarde s’invite à la table. Il y a des oreilles, il y a des yeux, et trop de langues bien pendues.

_ Ils m’agacent, je quitte.

Dans une bourse à sa ceinture sous le mantel, l’argent gagné. Pourtant, il ne s’en va pas tout de suite, c’est une invitation née, non pas de la confiance, mais plutôt de l’ennui. L’épeire fait une piètre compagne de beuverie, alors que celui-ci pourrait tenir le rôle et s’il ne veut pas, qu’il parte, et s’il en veut trop, qu’il crève.

Advienne que pourra.. Les petits hommes font de si grandes choses.

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--Sadnezz.


Oui. Même au confins des Miracles il y a un dieu. Arraché des griffes païennes il subsiste, presque en miraculé parmi les icônes obscures. Il a été coiffé de pentacles, baigné d'offrandes sans noms, il a souffert parmi ces pêcheurs damné. Mais il est là. On a brisé ses vitraux, on a détruit ses cierges, pissé dans sa demeure et sur ses marmoréennes statues, pourtant son regard bienveillant étreint ceux qui savent le regarder, à défaut de ses pieds fouler le pavé à découvert. La Cour l'a banni, mais il est devenu... Un insurgé. Présent, en demi teintes, tapis.

Corleone ne l'a pas perdu de vue. Elle se plait parfois à comparer humblement ses souffrances aux siennes. Cette survie commune, cette inébranlable confiance en une vérité qui un jour ou l'autre, leur révèlera l'erreur dans laquelle ils se sont construit une vie. Il est mal aimé son dieu, ici bas, et elle l'honore terriblement mal. Mais dieu est amour. Alors elle se dit que sa place dans le grand charnier du monde, n'est peut-être pas la plus mauvaise... Qu'elle trouvera au bout du chemin un pardon définitif qui effacera ces années sombres.

Pauvre folle.

Faut-il encore comprendre que l'homme se croit toujours meilleur que son comparse... Mais qu'il n'en est rien. Nous sommes tous l'hérétique de quelqu'un. Son dieu dans l'esprit, l'ainée se croit plus à même d'être comprise le jour où il faudra subir un jugement dernier, d'être pardonnée, d'être... Blanchie. Pauvre folle. Dieu a tout créé. Il a créé la croyance, mais il a aussi créé l'hérésie. Avec tout le respect qu'elle lui doit, Dieu est un sacré fouteur de merde.

Elle a couvert ce corps malmené, cette croix de chair qui lui barre le dos. Cette croix, cadeau et fardeau, blessure-symbole pour témoigner de sa piété bien mal placée. Destinée à ne pas être portée à ses yeux, elle l'accompagne pourtant partout, elle est frustrante. Pourtant, elle lui évitera les coups de fouets, quel pauvre erre s'abaisserait à blasphémer ainsi? Défigurer une image pieuse ne se fait pas...En dehors de la Cour.
Elle a brossé de ses doigts des cheveux sur lesquels le temps et l'argent s'est posé, grossièrement, de façon plus que sommaire. On l'a vue sortir, ou peut-être pas, les malandrins ont face aux questions un étrange et récurrent soucis de mémoire.

On ne la respecte pas pour son âge mais pour sa réputation. Elle le déplore, en silence, à chaque fois que ses yeux en croisent d'autres qui se baissent. Sans se renier, elle est lasse. Sans être mélancolique, elle cherche le but d'une existence qu'elle croirait presque n'avoir pas vécue. Des réponses. Il n'y a qu'un seul endroit où elle sait les trouver.


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Finn.
L'Roy des Canards dit :

- « Aujourd'hui, qu'un malandrin aille à la tète d'une bande déguenillée forcer le Palais de quelque sbire en chef du despotisme, et que, dans sa fureur, il marque sa marche d'une trace de feu et de sang: c'est un assassin, un incendiaire. Il joue en définitive une partie désespérée contre la Royauté, il fait son œuvre en haillons, les bras nus, les cheveux en désordre, et les mains trempées dans l'eau du ruisseau. Il crie, il hurle, il blesse tous leurs sentiments d'élégance. Mais qu'un de ces bouchers d'hommes qui portent une couronne, un beau jour et sans motif, sans danger, sans nécessité, incendie non pas une maison mais une ville et massacre une population toute entière uniquement parce qu'il trouve cela bon à son orgueil, ce n'est plus un incendiaire, ce n'est plus un assassin, c'est un héros, et l'histoire et la poésie feront concurrence de lyrisme pour bénir sa mémoire. Il est vrai que c'est un malandrin en habit brodé, galonné, doré sur toutes les coutures, un cordon en sautoir sur la poitrine, qui a exécuté ces atrocités, posément, d'une main gantée avec le sourire et la grâce du parfait gentilhomme. Ce sont tous ces tourmenteurs, tous ces oppresseurs et tous les exploiteurs de notre temps, nobles et politiques, la gangrène de notre monde. Ils sacrifient pour satisfaire leurs propres passions personnelles et en partie pour affermir la toute-puissance de la Royauté. Leur violence est l'enfance de l'art, la première intelligence venue d'un pouvoir sans intelligence, comme une charrette dételée sur la pente d'un précipice. Faibles et violents à la fois, ils règnent par coup de tête et rachètent toujours une imprudence par une lâcheté, ils donnent continuellement au monde le spectacle d'une politique hermaphrodite, une tyrannie doucereuse, un pouvoir mitigé par l'hypocrisie. Il n'y a pas d'exécration assez forte à vomir contre leurs crimes, pas de potence assez haute pour les punir, ces hommes qui sourient dans la consommation de leurs attentats. Si notre sang tout chaud qu'ils sèment au vent avec tant d'aisance pouvait rejaillir sur eux, les éclabousser de la tète aux pieds, les imprégner d'un parfum d'abattoir; si le cri terrible de leurs victimes pouvait enfin entrer dans ces oreilles augustes d'une noblesse toujours caressée du doux murmure des flatteries, peut-être que leur délicatesse, de nerfs à défaut de bonté, les inclinerait au respect du petit peuple. Mais comme la royauté fait seule la loi en vertu de son omnipotence, chaque fois qu'une ineptie fleurit dans le cerveau d'un noble, la noblesse toute entière transforme cette stupidité en ordonnance et l'impose à l'homme. [...] »


Le gueux ne comptait pas rattraper ses écus, encore moins dans ces conditions. Une mise ne s'échange ni ne se reprend, irrécupérable comme le temps. D'autant plus que la rencontre valait son pesant d'or.

- « L'Irlandais. », céda-t-il avant d'incliner humblement le chef.

Brève introduction, un gage sur l'avenir. Il ne fallait pas être frileux à ce jeu là. L'échiquier grandeur nature ne souffre d'aucune tricherie, Dieu tranchera. Et à mesure qu'ils s'éloignaient des esprits échauffés du taudis, les langues se déliaient.

- « M'autoriserais-tu une revanche ? »

Sans laisser place à une réponse de son interlocuteur, il reprit.

- « On jouerait du même côté, cette fois, et pas d'écus. Nos vies sur la table. Un seul lancer. »

Suffirait-ce à susciter l'intérêt de l'Arachnide ? Et quand bien même, relèverait-il le défi ? L'Irlandais avait bien peu à perdre, et beaucoup à gagner s'il le suivait dans son entreprise. Une partie de jeu offrait une perception toute particulière de la personne d'en face. Nul besoin d'épiloguer pour savoir que cet homme possédait la trempe nécessaire, la sournoiserie en prime. D'avantage que n'importe lequel des forbans qu'il avait put croiser jusqu'ici.

- « Alors, joueur ? »

Une seule réponse, il n'en attendait qu'une. Définitive. Celle qui lui permettrait de tout lui révéler. L'autre, sans importance le verrait disparaître pour de bon, étouffant cette prometteuse collaboration dans l'œuf de la prudence. Car c'était bien d'un joueur qu'il voulait, pas d'un sage.
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--L_araignee..


    « Le monde se divise en deux mon ami, ceux qui ont la corde au cou et ceux qui la leur coupe... Oui seulement celui qu’a la corde au cou c’est moi, moi je risque gros, c’est pourquoi la prochaine fois j’veux plus de la moitié ! » - Le Bon, la Brute et le Truand.


Ils montent vers la mansarde, les saoulards penseront ce qu’ils voudront car le sujet dont il l’entreprend est bien trop sérieux pour que leur promiscuité dans la piaule médiocre sous les toits soit considérée comme sujette aux frivolités.

Il n’a pas parlé pendant la montée dans les escaliers, il n’a rien dit quand il a refermé la porte derrière l’Irlandais, pas plus quand il a sorti une bouteille et deux timbales qu’il pose à même le sol tant l’absence de meubles autre qu’une paillasse est flagrante.

Maintenant, il faut parler. Il faut se laisser aller à ce défaut hors du commun : la soif de mort, la soif de jeu.


_ Les règles ?

Aucune et ce sera parfait. Aucune, jouer sa vie à un jeu dangereux, quelque puisse en être le but, le gain. S’il s’avère qu’en plus, c'est intéressant tant mieux. Le verre est porté aux lèvres avec un sourire en coin avant de lâcher comme un avertissement.

_ Je t’aime bien l’Irlandais. Raconte.
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Finn.
L'Roy des Canards dit:

- « Nous nous sommes attaqués une première fois à la Royauté en Avril, sans que celle-ci ne réagisse. L'action champenoise avait pourtant porté les fruits d'une juste vindicte, mais aucune masse populaire n'a croqué dedans. C'est à délivrer la pensée de toute servitude, que la servitude vienne d'en haut ou d'en bas, de la puissance ou de l'ignorance, que nous devrons d'abord travailler. S'il apparait assez évident maintenant que nous ne balayerons pas cette noblesse d'un simple coup de palme, il apparait tout aussi évident qu'elle a un point faible.
Oui, nous repousserons toute législation, toute autorité et toute influence privilégiée, patentée, officielle et légale, même sortie des urnes, convaincus qu’elles ne pourront tourner jamais qu’au profit d’une minorité dominante et exploitante, contre les intérêts de l’immense majorité asservie. Nous reprendrons à la noblesse les biens qu’elle a dérobés à la gueuserie, pour les rendre à la gueuserie. Nous oserons la faire comparaître devant le tribunal de notre raison.

Oui, mais tout d'abord.. nous devons lui ôter la tête. »


Et il raconta. Tout ce que son Roy palmipède lui avait permis d'entendre. L'Irlandais n'évoqua pas en détail ses camarades. Cette fois-ci, il œuvrait sans eux, pour eux. De son propre chef, il réunirait des gens de désespoir commun. Des gens qui comptent bien réussir ou trépasser. Voire les deux. Concis comme à son habitude, il relata sa haine de la classe nobiliaire, forgée dans la crainte et l'humiliation.

- « Il est temps de frapper d'en bas jusqu'aux plus hauts sommets, mon ami. »

L'uppercut populaire aura raison des spoliateurs. Bouleverser l'ordre établi d'un magistral coup de pied dans la fourmilière royale. Finn se révélait comme rarement devant un inconnu, dévoilant ses sombres desseins de concert. Ceux de toute une vie de misère.


- « Coiffons-la d'une couronne de fleurs... », souffla-t-il comme unique règle.

Le nom de la cible vogua en un murmure jusqu'aux oreilles de l'assassin avant de se perdre dans l'écho lointain de la beuverie du rez-de-chaussée. La timbale haute, patiente, il ne restait qu'à sceller l'entente d'un seul choc. Durant cette latence, les esprits se sondaient. Finn avait foi en l'inconnu, sûr de ne pas s'être trompé en lui confiant cet assassinat. Fou, certes, mais déterminé. Seul, il ne réussirait qu'à se faire embrocher avant d'avoir pu enfoncer la moindre épine dans l'auguste figure. Il lui fallait des âmes prêtes à s'élever dès maintenant. Pour la gloire personnelle ou la revanche, peu importait. Le triomphe post-mortem délivrait un goût amer dans une bouche gorgée de sang.

Servir les intérêts d'un plus noble, père de ses frères palmés, était bien plus grand honneur pour le simple pion méprisé des grands usurpateurs. Leur idole de verre allait périr, amorce d'une nouvelle ère qu'il léguerait aux Canards, si l'Araignée le voulait bien...

Piquons, piquons fort!



Discours d'Oesophage.

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--L_araignee..


    « Un petit quidam, ça ne fait pas de vague... Tu tues une baleine, t’auras les écolos, t’auras Greenpeace, t’auras le commandant Cousteau sur le dos ! Mais décime un banc de sardines, j’aime autant te dire qu’on t’aidera à les mettre en boîte ! » - C'est arrivé près de chez vous.


Le verre ne sera jamais porté aux lèvres.

De toutes ces têtes couronnées qu'il exècre celle-ci est de loin celle dont il voudrait le plus faire sauter la couronne, pour la faire rouler à ses pieds, la faire jouer aux pieds d'une tombe dans la campagne de Digoine. Comme une promesse d'amour, pas passionnelle, plus douloureux que cela, plus sage aussi, sûrement par certains côtés. L'Irlandais parle et l'Araignée écoute.


_ Tes frères se gargariseront de ce crime si tu le veux. Je m'en fous. Je ne demande qu'une chose : Qu'une autre nous rejoigne et qu'elle tue.


Et quand quelques instants auparavant, l'Irlandais avait parlé, c'est à la Bête à huit pattes de prendre le relai. Pour expliquer la Corleone, ses repaires, ses habitudes et pourquoi elle. Pas tout, le tout est à eux deux, mais l'essentiel. Ni lui sans elle, ni elle sans lui, cela n'est plus permis, elle a trop souffert de croire encore pouvoir se jouer de la vie et tant qu'à l'avoir morte, qu'elle ait au moins la décence de mourir dans ses bras. Un assassin avec une âme, avec un coeur, un reste d'humanité qui s'accroche désespérément, que les femmes ont poli de leurs sourires et de leurs mensonges

Trouver la Faucharde, trouver la Camarde parisienne. La Corleone aux couleurs de cette capitale puante, l'unique qui brandit sa longue chevelure semé de crins d'argent comme on brandirait l'étendard de la mort et du stupre. Trouver la Faucharde, c'est mettre à exécution ce plan par trop bancal encore.

Sourire, fin sourire que guide la haine. Enfin.. Attendre et en mourir, attendre et enfin l'entendre gémir de ce fluide vital qu'ils ont vu tous deux s'écouler sans qu'elle n'y fasse rien pour le préserver. La haine est injuste, l'homme aussi. L'Epeire quant à elle, n'arrête guère son manège létal.

La nuit sourit aux audacieux et à celui qui peut.


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--Sadnezz.


[Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs.Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des épines, ou des figues sur des chardons?] Matthieu 7.15/16

C'est dans l'obscurité qu'elle se repent, comme chez elle, naturellement. Elle est maitresse dans le silence des églises, dans les murmures des prières, dans la chaleur des cierges, dans la poussière sur les pries dieu rappés. Elle pourrait presque faire ses ablutions dans un bénitier, boire son eau au calice, respirer la foy. Sa foy. Sur son visage se découpe la luminosité d'une myriade de confettis clairs, lumière divine, filtré au travers d'une grille qui ne révèle que peu de choses. Peu mais bien assez. Entre ses mains git désarticulée la fine carcasse perlée d'un chapelet, de bois et de sueur, de crasse aussi. Il se tortille frénétiquement, roulant sous la pulpe de ses doigts, empreint de ferveur moite.

Pardonnez moi mon père, car j'ai péché.


Ainsi la rengaine des repentis reprend, douce farandole qui se reforme ponctuellement. A chaque jour sa peine, à chaque jour sa confesse. Son credo, sa désuétude, son renoncement factice et ses larmes de crocodiles. L'obscurité soigne les maux, ou simplement le fait de s'entendre dire... Il te pardonne. Flagelle-toi ma fille! Dieu est miséricordieux. Sous le rideau, la vérité. Le messager, l'intermédiaire. Elle ne sentira jamais aussi paisible qu'à l'ombre du confessionnal, l'italienne. Tout ce qui sort de la bouche d'un curé , planqué derrière une grille poussiéreuse ou derrière sa soutane est parole d'évangile, aussi revient-elle souvent comme une maitresse au lit de son amant, comme une veuve au fleuri de l'épitaphe. Désidérata.

Ce jour est différent et pourtant si semblable aux autres. On lui dictera un destin comme on l'a fait à la pucelle d'Orleans, et elle l'accueillera les bras en croix, les yeux fermés, la détermination comme stigmate. Pour une Epeire, elle voudra bien finir en martyre, bien qu'elle ne le sache point encore... Car dans son esprit quelque peu écorché, Sadnezz aura décidé comme son commanditaire divin qu'affin de sortir de l'enfer perpétré par ses actes, il lui faudrait un ultime. Un grand et majestueux ultime. Comme un "promis, c'est la dernière" , elle se regonflera et regaillardie elle pourra une fois le coeur apaisé se mettre au vert. Prendre retraite. S'effacer et se faire poussière au pied d'un autel.

Les mains se sont jointes, comme un livre des vertus dont la tranche viendrait caresser son front chaud aux mèches sombres et claires qui le marbrent.

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Finn.
Derrière le rideau pourpre, l'Irlandais assistait au manège feutré de l'Italienne. Elle était comme l'avait décrite l'Araignée jusque dans la lassitude de ses pas. Elle semblait déjà morte, à tel point que le poids des années paraissait bien dérisoire en comparaison. Il ne s'attarderait pas sur les pénibles péripéties responsables de cette attitude, ce qu'il savait suffisait à croire qu'elle serait la dernière pièce de sa machination. Indispensable et meurtrière.

Reclus dans l'isoloir central, l'homme en bure vit l'ombre voiler les interstices du grillage voisin. La Camarde entama la rengaine.


- « Ce n'est pas à moi de te pardonner. Le Tout-Puissant ne distille sa divine pitié qu'aux plus sincères. Es-tu méritante? Ton âme est noire, je le sais, je le sens. La crois-tu encore capable de se redorer? », murmura l'imposteur avec un soupçon d'espoir. « Tes péchés ne m'intéressent pas. Le passé ne t'appartient plus, le temps file et bientôt il sera trop tard. As-tu songé à ton avenir? En as-tu seulement un sur cette terre? Il ne saurait tolérer la faiblesse du relâchement. Ton bon repentir ne suffira pas à apaiser Sa juste colère. Il veut du sang... », conclut-il avant de s'interrompre pour laisser la femme digérer ses propos.

Cette séance lui rappelait les nombreuses dont il avait été victime au pays, lorsque son curé se prenait à le rabrouer dans cette intimité singulière. Ensuite, venait la tâche à accomplir. Celle qui allègerait son âme d'un poids trop encombrant pour l'enfant qu'il était à cette époque. De bons souvenirs, qu'il ne cessait de cultiver encore aujourd'hui.

- « Dieu n'est pas vengeur. Le pauvre homme que je suis serait bien en mal de t'expliquer les rouages de Sa justice, elle transcende l'entente dont est capable notre espèce. Je me présente à toi en simple fils. Tout comme toi, il ne m'est permis aucun privilège. D'aucuns pensent détenir la parole divine par une écoute attentive du Ciel et quelques parchemins tamponnés. Ce que je sais ne m'a pas été inculqué par les livres, et encore moins par les guignols en sandales qui les ont griffonnés de leurs imbéciles rêveries. Ma foi, mon amour dévolu pour le Créateur éprouve la vaillance de mon âme à chaque instant. Ce que je t'offre icelieu n'est ni plus ni moins que ton salut. Es-tu prête à joindre ton destin au mien? L'Araignée tisse déjà la toile de ton avenir... »

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--Sadnezz.


Du sang. En proie à une entêtante torpeur pieuse elle regarde ses mains dans lesquelles danse la breloque de bois. Du sang. Mais elle en a plein les mains, du sang. Elle en a plein la vie, plein les nuits, les enfantements, les abandons, les coups ... Du sort, du sang! Du Sang! Comme celui des guerres que permet le Tres Haut. Les croisades saintes, qui rougissent les campagnes.

Ainsi c'est par le sang que s'éteindra le sang.

Les voix du seigneur sont impénétrables. Trouver son salut, qu'importe les moyens, trouver comme l'aveugle la lumière. Les longues mains viennent caresser l'obstacle qui la sépare de cet orateur éloquent. Car ce qu'il dit la touche, inexorablement. Le message n'est pas même subliminal, elle l'absorbe de plein fouet, dévore tous les sous entendus qu'il lui suggère.

Une araignée, sur le fil de sa vie. Quelques mots magiques, il n'en fallait pas plus pour faire sauter les loquets de sa volonté. L'étendue des possibles la fait tressaillir, l'Arachnide l'appelle. Il est derrière tout cela. Derrière.

C'était l'essence même de leur relation. Se perdre, se chercher sans réel but que celui de mieux se séparer de nouveau. Une non-relation, froide et terriblement insoluble. L'obsession des corps, la compulsion des chairs. L'attachement n'était pas évident, invisible, mais pas si inexistant. Ils s'ont dans la peau. Ne se tendent pas la main; se servent. L'un de l'autre, l'un sans l'autre. Naturellement, sans attente ni règles. Ce sont les abrutis qui ont inventé des règles aux relations. Ils ne se trompent pas, ils vivent. S'abandonnent, se reviennent. S'aveuglent, se bâillonnent, se désirent, se détestent. La nuit ne les a jamais vu prendre repos l'un contre l'autre, pourtant ils se sont repus plus de fois qu'il ne veulent bien le croire. Se dévorer, se posséder, et partir. Ne jamais se dire au revoir, au revoir est une promesse. Les promesses c'est du vent. Ne jamais dire jamais, ni toujours... Mon amour. C'est sans sourire qu'elle a écouté le confesseur, on la croirait imperméable, mais taisez-vous donc; elle exulte. C'est sa peau qui touche la sienne, par procuration de mots, et son corps qui s'asservit à l'appel de son amant. Vous ne le voyez pas, pourtant lui le verra.

Elle sait qu'il y a un Dieu en haut, et tout ce qu'elle a appris de l'amour avant l'épeire c'est comment blesser l'autre avant qu'il ne le fasse. Mais pour un ultime, plus rien n'existe. Tout s'envisage.


Je suis ton homme.


Rend-moi le mien.

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