Ingeburge
[Du Louvre à Vincennes]
Le convoi avait serpenté en une longue file depuis le Louvre, point de départ de son périple jusqu'à Vincennes, point d'arrivée. Durant tout le voyage l'ayant mené d'une résidence royale à une autre, il avait adopté une allure mesurée et tranquille, même une fois hors les murs là où habituellement, les voitures, qu'elles figurassent ou non dans un solide et sûr cortège, prenaient de la vitesse et ne se risquaient pas à s'attarder sur les chemins forestiers menant au domaine vincennois. Ce train modéré et prudent s'expliquait par ce que transportaient les lourdes charrettes de bois chargées à pleine capacité et menées avec dextérité par des cochers auxquels des ordres précis avaient été donnés : point de hardiesse dans la conduite, point d'imprudence dans les manuvres, il s'agissait d'arriver à bon port et surtout, d'y parvenir sans risquer de verser sur le côté en ayant foncé trop rapidement vers une de ces ornières meublant les chemins empruntés. Ce rythme raisonnable et paisible était donc assuré par des conducteurs à l'expérience éprouvée auxquelles des consignes claires et fermes avaient été transmises mais était en outre garanti par toute une troupe de cavaliers chargés de veiller sur le précieuse et pesante cargaison. Aux chariots jalousement surveillés et protégés de couvertures s'ajoutaient des charrettes plus légères occupées par toute une foule d'artisans et un carrosse dans lequel avaient pris place le Grand Maître des Cérémonies de France et le jeune clerc qui, depuis la préparation du sacre de Reims, suivait l'officier royal dans tous les déplacements et obligations inhérentes à sa charge à la Maison Royale. Le convoi était parti tard dans la nuit du vendredi au samedi pour parvenir à son but vincennois aux premières lueurs du jour et ce fut au petit matin que la caravane parisienne débarqua dans la cour du château royal qui avait acquis ses lettres de noblesse par la grâce des rois Saint-Louis, Philippe VI et Charles V, ce dernier ayant pour sa part englouti plusieurs centaines de milliers de livres dans la réfection et l'agrandissement de la résidence.
[A l'orée d'un bois, théâtre des Festivités de Vincennes]
D'un il inquiet, la duchesse d'Auxerre scruta à nouveau le ciel. C'était peut-être la cinquante-huitième fois, à moins que cela ne fût la soixante-neuvième, qu'elle levait les yeux vers la voûte céleste afin d'y guetter l'apparition de nuages noirs et menaçants là où seules étaient visibles les manifestations de l'aube laissant sa place à l'aurore. Des nuées annonciatrices d'une ondée, voilà ce qu'elle guettait fébrilement de ses prunelles opalines et pour l'heure, alors que l'astre du jour était sur le point de faire son apparition au bord de la ligne d'horizon, les seules couleurs reconnaissables étaient violacées et rosées. De noir, point et il fallait espérer que ce constat ne divergeât point durant toute l'ascension du soleil. C'était ce qui inquiétait fort la Froide alors qu'elle supervisait l'installation de l'espace qui accueillerait les invités de la Reine de France par la faute de laquelle il avait fallu s'organiser en vue de réjouissances en plein air. Ingeburge, quand la missive de la souveraine lui était parvenue, s'était montrée circonspecte et elle avait pu abondamment bénir d'avoir pris connaissance de cette lettre dans un moment de solitude tant son visage avait exprimé étonnement et perplexité. Elle n'avait jamais compris et ne comprendrait jamais que l'on eût le goût de se trouver à l'extérieur en dehors des occasions commandant de s'y rendre. Si sa tolérance s'étendait jusqu'aux promenades dans un jardin propices et favorables au délassement du corps et de l'esprit et aux chasses qui ne pouvaient que se dérouler hors d'un bâtiment, pour le reste, elle se montrait intransigeante : le Très-Haut n'avait pas donné aux hommes le talent d'ériger de solides, confortables et chauds bâtiments pour que l'on gaspillât son temps dehors, au froid et que l'on risquât d'attraper la malemort. Oui, tant la surprise que le déplaisir avaient régné en l'esprit d'Ingeburge; la lettre avait été reçue en mars, il y avait bien de quoi s'alarmer et les chroniques et mémoires appuyaient avec vigueur les craintes qu'elle avait commencé de concevoir quant au temps. Elle s'était donc attelée à sa tâche, docile, ne sachant trop s'il fallait louer le ciel qu'il se montrât clément ou espérer que le temps soit si mauvais que l'on fût obligé de réquisitionner la salle d'apparat de Vincennes et passant sans attendre commande d'une mante pelissée qu'elle étrennerait en cette funeste occasion.
Les semaines avaient passé, les festivités se dérouleraient en mai le samedi vingt-et-un et si les gelées du début de printemps étaient désormais derrière, l'on pouvait toujours raisonnablement songer qu'une averse aurait le mauvais goût de se déverser sur les hôtes de la reine et c'est ce que de son il mort elle guignait. Non loin d'elle, les artisans et ouvriers forgerons et charrons, scieurs de longs et menuisiers, charpentiers de grande et petite cognée et huchiers travaillaient sans relâche, suivant à la lettre les directives données quand ils avaient été engagés pour ce chantier particulier. Il s'agissait de mettre en place ce qui accueillerait les invités attendus ainsi que la reine et sa suite, en prenant en compte les souhaits de la souveraine, les besoins de celle-ci, le confort de tous, la réputation d'excellence de la Maison Royale et donc, ce ciel qui pourrait se révéler porteur de malheur humide, voire pis. Plusieurs temps forts rythmeraient une journée qui s'annonçait chargée et tous seraient placés sous le signe de la royauté exaltée et du cadre sylvestre.
C'est ainsi que non loin du relais de chasse, un espace fut transformé en véritable salon de plein air. Il s'étendait sur une aire dont on avait soigneusement coupé et égalisé l'herbe, à l'orée d'un bois qui servirait de frémissante et verdoyante toile de fond. Sur une estrade point trop élevée pour respecter le désir de Béatrice d'être proche de ses vassaux mais suffisamment pour marquer la prééminence de celle-ci, avait été installée une cathèdre de bois aux accoudoirs ornementés de fleurs de lys et de fruits sculptés et de feuilles fraîches, auguste siège surmonté d'un court dais de velours azur sur lequel avaient là aussi été piquées des feuilles et qui était tant destiné à protéger la reine des rayons hardis du soleil qu'à la prémunir des éventuelles gouttes qui s'aviseraient de tomber. A la droite de ce trône, en retrait, avait été montée une petite table agrémentée de glands et de marrons destinée au Grand Maître des Cérémonies de France et à sa droite toujours, mais un degré plus bas par rapport à la cathèdre, se trouvaient les fauteuils parés où prendraient place les Grands Officiers de la Couronne et celui réservé au Grand Ecuyer de France qui s'y installerait une fois son serment prêté. A sa gauche, en retrait là aussi, quelques sièges avaient été placés pour accueillir les dames de la chambre et les dames de compagnie, sièges aux pieds desquels avaient été posés des carreaux ornés d'orbiculus de tapisserie destinés aux jeunes pupilles royales. La verdure parant l'estrade et les sièges ainsi que les sculptures et les ornementations pouvaient laisser accroire que l'on tenait là le refuge de quelque délicieuse dryade. Face à ce bas échafaudage de bois, avaient été disposées des formes, sorte de bancs rembourrés et garnis d'étoffe dont les broderies reprenaient des motifs sylvestres, où se tiendraient les vassaux franciliens et leurs accompagnateurs sans qu'une distinction de rang se fît, la simplicité était le mot d'ordre et les vassaux se mêleraient les uns aux autres sans qu'aucun protocole vînt les déranger. Une allée séparait en deux les rangées de banquettes et menait jusqu'à l'estrade. Derrière les places réservées aux vassaux franciliens enfin, des bancs de confort moindre mais de bonne facture avaient été installés afin d'accueillir les membres des Ecuries Royales invités à venir assister, avant de s'atteler à la chasse, à l'intronisation de leur nouveau chef. Derrière la dernière rangée se tiendraient les huissiers qui accueilleraient les heureux bénéficiaires des cartons d'invitation de l'Office Royal des Cérémonies et qui annonceraient ceux qui devraient l'être, la Reine de France notamment. Et, si les hôtes auraient l'infini plaisir de pouvoir observer les exubérantes frondaisons qui leur feraient face, ils pourraient aussi apercevoir un autre genre de forêt, à quelques encablures du lieu où se dérouleraient les cérémonies, une forêt de tentes. De petits chapiteaux avaient en effet été montés; d'une part, des bleus dont l'un était le quartier général de l'Office des Cérémonies, l'autre le cabinet de retrait de la reine si celle-ci désirait s'isoler quelques instants ou se protéger d'une ondée légère, c'était aussi pour se protéger de ce risque qu'une dernière était destinée aux invités le pavillon de chasse serait sinon le havre, le refuge de tous en cas d'averse abondante et d'autre part, deux chapiteaux blancs qui abriteraient l'ameublement et les mets et boissons jusqu'au moment où serait servie la collation champêtre. Toutes ces tentes bordaient elles la forêt et Ingeburge, toujours inspirée par les nymphes des bois, s'était amusée à les faire parer de lierre et de glycines.
A nouveau, le nez et le menton de la duchesse d'Auxerre pointèrent vers le ciel. L'aube et l'aurore avaient cédé leur place au lever du soleil qui commençait de darder ses rayons sur le domaine royal de Vincennes. Au château, le lever de la reine devait être en train, la Chambre devait être en pleine effervescence, la Bouche également. Ingeburge aurait pu rendre visite à Béatrice afin de lui présenter ses hommages et lui communiquer le programme du jour mais elle ne pouvait se permettre de quitter un instant le chantier, il fallait assurer une surveillance assidue et rigoureuse et puis, elle n'aimait rien tant que d'être parmi tous ceux qui concrétisaient ses projets et ses idées. Après son débarquement nocturne, elle s'était donc quelque peu reposée avant de procéder à sa toilette et à son habillement Diane chasseresse en diable, sa chevelure avait été séparée en deux longues nattes nouées d'un ruban et lui retombant dans le dos et auréolée de sa couronne de duchesse bourguignonne; son corps drapé d'une houppelande de taffetas noir serrant sa poitrine et devenant lâche sous la ceinture portée haute, somptueuse robe à la couleur profonde, aux manches évasées et à la traîne courte rebrodée de fleurs de houblons et d'aubépines, les broderies étant reprises sur les manches collantes de sa cotte; ses pieds chaussées de bottes de cuir souple; ses mains baguées et enfoncées dans les poches de la mante chaude et douillette posée sur ses épaules et qui laissait entrapercevoir le rutilant collier de l'Ordre de la Toison d'Or.
Les chuchotements des commis, les appels des valets, les éclats de voix des artisans, le bruit mat des outils, le froissement des étoffes, le bruit du vent s'insinuant caressant dans les ramages; Ingeburge s'étourdissait de la rumeur occasionnée par la dernière touche mise aux préparatifs, oubliait tout à fait ce qui faisait son quotidien et s'enivrait de cette adrénaline charriée dans son corps, de cette excitation grandissante qu'elle sentait sourdre en elle. Quelques mots furent lancés, d'une voix brève et ferme : la cadence ne devait surtout pas être ralentie, Béatrice devait être aux mains des caméristes ou devait alors s'entretenir avec le Grand Aumônier de France, bref, elle devait avoir quitté sa couche pour se préparer à cette journée où de nouveau tous les regards seraient braqués sur elle; quel que fût ce qui se déroulait dans les appartements royaux, cela ne signifiait qu'une chose, les réjouissances allaient bientôt débuter.
La Prinzessin quitta son poste d'observation pour rejoindre celui des huissiers alors que les travailleurs désertaient les lieux, elle, cherchait des yeux les gardes royaux qui n'allaient pas non plus tarder. Si l'arrivée de Béatrice et de sa suite n'était pas pour tout de suite, les invités allaient commencer à apparaître, un à un, ou par petits groupes, avant d'affluer tout à fait. Ils laisseraient leurs équipages aux mains des garçons d'écurie et des palefreniers de Vincennes avant de cheminer tranquillement, le long d'un chemin balisé, jusqu'à l'emplacement de la cérémonie qui semblait avoir été placée sous le païen mais haut patronage des oréades, des napées, des auloniades, des alséides, des méliades et des hamadryades.
EDIT : j'aime pas me relire, mais faut bien, humpf
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Grand Master of Ceremonies of France , oh yeaaaaaaaaaaaaaaaaaah
Back dans les bacs, wesh!
Le convoi avait serpenté en une longue file depuis le Louvre, point de départ de son périple jusqu'à Vincennes, point d'arrivée. Durant tout le voyage l'ayant mené d'une résidence royale à une autre, il avait adopté une allure mesurée et tranquille, même une fois hors les murs là où habituellement, les voitures, qu'elles figurassent ou non dans un solide et sûr cortège, prenaient de la vitesse et ne se risquaient pas à s'attarder sur les chemins forestiers menant au domaine vincennois. Ce train modéré et prudent s'expliquait par ce que transportaient les lourdes charrettes de bois chargées à pleine capacité et menées avec dextérité par des cochers auxquels des ordres précis avaient été donnés : point de hardiesse dans la conduite, point d'imprudence dans les manuvres, il s'agissait d'arriver à bon port et surtout, d'y parvenir sans risquer de verser sur le côté en ayant foncé trop rapidement vers une de ces ornières meublant les chemins empruntés. Ce rythme raisonnable et paisible était donc assuré par des conducteurs à l'expérience éprouvée auxquelles des consignes claires et fermes avaient été transmises mais était en outre garanti par toute une troupe de cavaliers chargés de veiller sur le précieuse et pesante cargaison. Aux chariots jalousement surveillés et protégés de couvertures s'ajoutaient des charrettes plus légères occupées par toute une foule d'artisans et un carrosse dans lequel avaient pris place le Grand Maître des Cérémonies de France et le jeune clerc qui, depuis la préparation du sacre de Reims, suivait l'officier royal dans tous les déplacements et obligations inhérentes à sa charge à la Maison Royale. Le convoi était parti tard dans la nuit du vendredi au samedi pour parvenir à son but vincennois aux premières lueurs du jour et ce fut au petit matin que la caravane parisienne débarqua dans la cour du château royal qui avait acquis ses lettres de noblesse par la grâce des rois Saint-Louis, Philippe VI et Charles V, ce dernier ayant pour sa part englouti plusieurs centaines de milliers de livres dans la réfection et l'agrandissement de la résidence.
[A l'orée d'un bois, théâtre des Festivités de Vincennes]
D'un il inquiet, la duchesse d'Auxerre scruta à nouveau le ciel. C'était peut-être la cinquante-huitième fois, à moins que cela ne fût la soixante-neuvième, qu'elle levait les yeux vers la voûte céleste afin d'y guetter l'apparition de nuages noirs et menaçants là où seules étaient visibles les manifestations de l'aube laissant sa place à l'aurore. Des nuées annonciatrices d'une ondée, voilà ce qu'elle guettait fébrilement de ses prunelles opalines et pour l'heure, alors que l'astre du jour était sur le point de faire son apparition au bord de la ligne d'horizon, les seules couleurs reconnaissables étaient violacées et rosées. De noir, point et il fallait espérer que ce constat ne divergeât point durant toute l'ascension du soleil. C'était ce qui inquiétait fort la Froide alors qu'elle supervisait l'installation de l'espace qui accueillerait les invités de la Reine de France par la faute de laquelle il avait fallu s'organiser en vue de réjouissances en plein air. Ingeburge, quand la missive de la souveraine lui était parvenue, s'était montrée circonspecte et elle avait pu abondamment bénir d'avoir pris connaissance de cette lettre dans un moment de solitude tant son visage avait exprimé étonnement et perplexité. Elle n'avait jamais compris et ne comprendrait jamais que l'on eût le goût de se trouver à l'extérieur en dehors des occasions commandant de s'y rendre. Si sa tolérance s'étendait jusqu'aux promenades dans un jardin propices et favorables au délassement du corps et de l'esprit et aux chasses qui ne pouvaient que se dérouler hors d'un bâtiment, pour le reste, elle se montrait intransigeante : le Très-Haut n'avait pas donné aux hommes le talent d'ériger de solides, confortables et chauds bâtiments pour que l'on gaspillât son temps dehors, au froid et que l'on risquât d'attraper la malemort. Oui, tant la surprise que le déplaisir avaient régné en l'esprit d'Ingeburge; la lettre avait été reçue en mars, il y avait bien de quoi s'alarmer et les chroniques et mémoires appuyaient avec vigueur les craintes qu'elle avait commencé de concevoir quant au temps. Elle s'était donc attelée à sa tâche, docile, ne sachant trop s'il fallait louer le ciel qu'il se montrât clément ou espérer que le temps soit si mauvais que l'on fût obligé de réquisitionner la salle d'apparat de Vincennes et passant sans attendre commande d'une mante pelissée qu'elle étrennerait en cette funeste occasion.
Les semaines avaient passé, les festivités se dérouleraient en mai le samedi vingt-et-un et si les gelées du début de printemps étaient désormais derrière, l'on pouvait toujours raisonnablement songer qu'une averse aurait le mauvais goût de se déverser sur les hôtes de la reine et c'est ce que de son il mort elle guignait. Non loin d'elle, les artisans et ouvriers forgerons et charrons, scieurs de longs et menuisiers, charpentiers de grande et petite cognée et huchiers travaillaient sans relâche, suivant à la lettre les directives données quand ils avaient été engagés pour ce chantier particulier. Il s'agissait de mettre en place ce qui accueillerait les invités attendus ainsi que la reine et sa suite, en prenant en compte les souhaits de la souveraine, les besoins de celle-ci, le confort de tous, la réputation d'excellence de la Maison Royale et donc, ce ciel qui pourrait se révéler porteur de malheur humide, voire pis. Plusieurs temps forts rythmeraient une journée qui s'annonçait chargée et tous seraient placés sous le signe de la royauté exaltée et du cadre sylvestre.
C'est ainsi que non loin du relais de chasse, un espace fut transformé en véritable salon de plein air. Il s'étendait sur une aire dont on avait soigneusement coupé et égalisé l'herbe, à l'orée d'un bois qui servirait de frémissante et verdoyante toile de fond. Sur une estrade point trop élevée pour respecter le désir de Béatrice d'être proche de ses vassaux mais suffisamment pour marquer la prééminence de celle-ci, avait été installée une cathèdre de bois aux accoudoirs ornementés de fleurs de lys et de fruits sculptés et de feuilles fraîches, auguste siège surmonté d'un court dais de velours azur sur lequel avaient là aussi été piquées des feuilles et qui était tant destiné à protéger la reine des rayons hardis du soleil qu'à la prémunir des éventuelles gouttes qui s'aviseraient de tomber. A la droite de ce trône, en retrait, avait été montée une petite table agrémentée de glands et de marrons destinée au Grand Maître des Cérémonies de France et à sa droite toujours, mais un degré plus bas par rapport à la cathèdre, se trouvaient les fauteuils parés où prendraient place les Grands Officiers de la Couronne et celui réservé au Grand Ecuyer de France qui s'y installerait une fois son serment prêté. A sa gauche, en retrait là aussi, quelques sièges avaient été placés pour accueillir les dames de la chambre et les dames de compagnie, sièges aux pieds desquels avaient été posés des carreaux ornés d'orbiculus de tapisserie destinés aux jeunes pupilles royales. La verdure parant l'estrade et les sièges ainsi que les sculptures et les ornementations pouvaient laisser accroire que l'on tenait là le refuge de quelque délicieuse dryade. Face à ce bas échafaudage de bois, avaient été disposées des formes, sorte de bancs rembourrés et garnis d'étoffe dont les broderies reprenaient des motifs sylvestres, où se tiendraient les vassaux franciliens et leurs accompagnateurs sans qu'une distinction de rang se fît, la simplicité était le mot d'ordre et les vassaux se mêleraient les uns aux autres sans qu'aucun protocole vînt les déranger. Une allée séparait en deux les rangées de banquettes et menait jusqu'à l'estrade. Derrière les places réservées aux vassaux franciliens enfin, des bancs de confort moindre mais de bonne facture avaient été installés afin d'accueillir les membres des Ecuries Royales invités à venir assister, avant de s'atteler à la chasse, à l'intronisation de leur nouveau chef. Derrière la dernière rangée se tiendraient les huissiers qui accueilleraient les heureux bénéficiaires des cartons d'invitation de l'Office Royal des Cérémonies et qui annonceraient ceux qui devraient l'être, la Reine de France notamment. Et, si les hôtes auraient l'infini plaisir de pouvoir observer les exubérantes frondaisons qui leur feraient face, ils pourraient aussi apercevoir un autre genre de forêt, à quelques encablures du lieu où se dérouleraient les cérémonies, une forêt de tentes. De petits chapiteaux avaient en effet été montés; d'une part, des bleus dont l'un était le quartier général de l'Office des Cérémonies, l'autre le cabinet de retrait de la reine si celle-ci désirait s'isoler quelques instants ou se protéger d'une ondée légère, c'était aussi pour se protéger de ce risque qu'une dernière était destinée aux invités le pavillon de chasse serait sinon le havre, le refuge de tous en cas d'averse abondante et d'autre part, deux chapiteaux blancs qui abriteraient l'ameublement et les mets et boissons jusqu'au moment où serait servie la collation champêtre. Toutes ces tentes bordaient elles la forêt et Ingeburge, toujours inspirée par les nymphes des bois, s'était amusée à les faire parer de lierre et de glycines.
A nouveau, le nez et le menton de la duchesse d'Auxerre pointèrent vers le ciel. L'aube et l'aurore avaient cédé leur place au lever du soleil qui commençait de darder ses rayons sur le domaine royal de Vincennes. Au château, le lever de la reine devait être en train, la Chambre devait être en pleine effervescence, la Bouche également. Ingeburge aurait pu rendre visite à Béatrice afin de lui présenter ses hommages et lui communiquer le programme du jour mais elle ne pouvait se permettre de quitter un instant le chantier, il fallait assurer une surveillance assidue et rigoureuse et puis, elle n'aimait rien tant que d'être parmi tous ceux qui concrétisaient ses projets et ses idées. Après son débarquement nocturne, elle s'était donc quelque peu reposée avant de procéder à sa toilette et à son habillement Diane chasseresse en diable, sa chevelure avait été séparée en deux longues nattes nouées d'un ruban et lui retombant dans le dos et auréolée de sa couronne de duchesse bourguignonne; son corps drapé d'une houppelande de taffetas noir serrant sa poitrine et devenant lâche sous la ceinture portée haute, somptueuse robe à la couleur profonde, aux manches évasées et à la traîne courte rebrodée de fleurs de houblons et d'aubépines, les broderies étant reprises sur les manches collantes de sa cotte; ses pieds chaussées de bottes de cuir souple; ses mains baguées et enfoncées dans les poches de la mante chaude et douillette posée sur ses épaules et qui laissait entrapercevoir le rutilant collier de l'Ordre de la Toison d'Or.
Les chuchotements des commis, les appels des valets, les éclats de voix des artisans, le bruit mat des outils, le froissement des étoffes, le bruit du vent s'insinuant caressant dans les ramages; Ingeburge s'étourdissait de la rumeur occasionnée par la dernière touche mise aux préparatifs, oubliait tout à fait ce qui faisait son quotidien et s'enivrait de cette adrénaline charriée dans son corps, de cette excitation grandissante qu'elle sentait sourdre en elle. Quelques mots furent lancés, d'une voix brève et ferme : la cadence ne devait surtout pas être ralentie, Béatrice devait être aux mains des caméristes ou devait alors s'entretenir avec le Grand Aumônier de France, bref, elle devait avoir quitté sa couche pour se préparer à cette journée où de nouveau tous les regards seraient braqués sur elle; quel que fût ce qui se déroulait dans les appartements royaux, cela ne signifiait qu'une chose, les réjouissances allaient bientôt débuter.
La Prinzessin quitta son poste d'observation pour rejoindre celui des huissiers alors que les travailleurs désertaient les lieux, elle, cherchait des yeux les gardes royaux qui n'allaient pas non plus tarder. Si l'arrivée de Béatrice et de sa suite n'était pas pour tout de suite, les invités allaient commencer à apparaître, un à un, ou par petits groupes, avant d'affluer tout à fait. Ils laisseraient leurs équipages aux mains des garçons d'écurie et des palefreniers de Vincennes avant de cheminer tranquillement, le long d'un chemin balisé, jusqu'à l'emplacement de la cérémonie qui semblait avoir été placée sous le païen mais haut patronage des oréades, des napées, des auloniades, des alséides, des méliades et des hamadryades.
EDIT : j'aime pas me relire, mais faut bien, humpf
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