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[RP] En souvenir des jours heureux

Navigius


Vous pouvez disposer Thomas.

C’est sur ces ultimes paroles que l’italien, le nez penché dans un long parchemin portant l’estampille de Rome, remercia le jeune étudiant qui était venu lui porter un autre panier de lettre étant arrivées le matin même. Le bureau de l’Archevêque, d’habitude si ordonné, était plongé dans un entreposage douteux de nombreuses missives, la correspondance du prélat ayant littéralement augmenté exponentiellement depuis son élection au conseil comtal. Les missives s’entassaient, toutes scrutés lentement par l’homme d’église, qui ne dormait que trop peu, s’attirant les foudres de Sœur Jeanne, que l’on entendait maugréer et pester contre le surmenage de l’italien, des cuisines jusqu’à la chapelle.

Passant une compresse mouillée dans son visage, le prélat se perdit à caresser une petite barbe naissante qui se formait sur ses joues, signe qu’il n’avait plus quitté son bureau depuis trop longtemps. Lorsque le sommeil le prenait, il ne faisait que s’allonger un moment sur le divan près de la table de thé. Partout en ville, l’on constatait que l’italien, si régulier dans sa marche dès midi, n’était plus en vue nulle part, se terrant dans un mutisme douloureux, ne sortant que pour se rendre au castel, en coche, et au palais de justice.


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--Thomas_de_montfort




Déposant le panier de lettre, toutes plus importantes les unes que les autres, puisque le courrier était filtré en fonction des sceaux qu’il arborait, le jeune estudiant de droit se retourna vers le prélat, qui n’était plus que l’ombre de lui-même, visiblement tourmenté par le tumulte qui se déclenchait en place publique. Le jeune françoys était pris de compassion pour le prélat, qui était complètement déphasé par rapport aux années dans lequel il évoluait. La ruralité profonde de la campagne italienne ne se transposait pas aux villes de France, et le cadre référentiel de l’ecclésiaste en était perturbé.

Souriant envers celui qui avait défrayé ses études, et plus encore, lui avait accordé la main de sa propre sœur, le jeune homme fut surpris de se voir chassé de la pièce, fait rare puisque l’ecclésiaste était homme de peu de solitude.

À votre convenance Monseigneur, nous reviendrons vous porter le repas, votre sœur est aux cuisines et vous réserve une surprise m’a-t-on chargé de vous transmettre.

--Elisea_di_carrenza




Aux cuisines du palais épiscopal

Une mèche rebelle ne cessait de revenir hanter le front de la jeune femme, qui tirait sur ses dix-sept ans bien comptés, le visage crispé dans un effort de sérieux et de concentration, la langue perlant au coin de sa bouche, symbole physique d’un effort mental anormal, alors que l’italienne tentait de déchiffrer l’écriture épouvantable de son ecclésiaste de frère, dont les livres de cuisines étaient un charabia monstrueux, tout comme les résultats d’ailleurs. Saupoudrant un peu d’estragon et de ciboulette, elle huma le fumet du civet qu’elle était entrain de préparer, s’étant accordée avec Sœur Jeanne qu’il fallait à tout prix faire sortir le prélat de sa torpeur.

Elle n’avait pas l’habitude, à Auch, de faire la cuisine, puisque les religieuses s’en occupait diligemment et avec un plaisir certain, mais depuis l’embauche de nouveaux domestiques, la jeune italienne redoutait une quelconque tentative d’empoisonnement contre son aîné, la culture italienne en la matière étant plus de fondée. Voilà donc pourquoi elle se trouvait en cuisine, plus méfiante que jamais, alors que la famille était en péril, devant la fragilité de l’aîné.

Suniva
" - Monseigneur !! MONSEIGNEUR !!!! FAUT QUE J'VOUS PARLE !!! "

Elle tambourinait contre la lourde porte de bois qui fermait l'Archevêché. Les gardes l'avait laissée passer, reconnaissant une des jeunes ouailles de Navigius qui venait régulièrement suivre la Pastorale.
Il aurait fallu sans doute beaucoup pour que leur hallebardes s'abaissent et bloquent l'entrée de la cour majestueuse du palais épiscopal dont l'entrée donnait sur la Grand Place du Château.... Leurs bouilles reflétaient la bonté de leur Maitre et sans doute que leur consignes étaient de laisser venir à lui tous ceux qui en exprimeraient la demande, sans autre formalité.

Suniva qui de plus en plus souvent s'y rendait, avait suivi les discussions et entendu un Duc et une Dame, ancienne Prévoste qui tenaient des propos qui lui ayant fait froncé les sourcils, puis surprise, avaient fini par l'effrayer tant leurs mots semblaient venus d'un autre monde... Celui du Sans Nom à n'en pas douter.
La jeune femme avait donc couru, pensant que le meilleur remède aux agissements du Sans-Nom était l'Archevêque. Et elle tambourinait à sa porte, avide d'explications.


" - MONSEIGNEUR !!! HOLAAAAA !! OUVREZ ! YA PERIL !!!"


Suniva tambourinait, encore et encore à s'en rompre les doigts...

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--Elisea_di_carrenza




Dans le couloir central

Le bruit l’avait attirée hors de la cuisine, alors que la recette semblait être à point. L’on tambourinait à une porte, visiblement, avec vacarme et fracas, ce qui détonnait avec le calme fantomatique de l’endroit. Marchant d’un pas rapide, elle se dirigeait vers le bureau de son frère, craintive que ce ne soit quelconques gardes venus l’arrêter. La pauvre italienne était dans tous ces états depuis quelques jours, subitement, le nom Di Carrenza était méprisé en gargotte et dans les différents lieux publics. Son aimé, Thomas, hochait régulièrement de la tête à ce sujet, comme pour masquer l’évidence, le prélat était devenu un homme recherché par une frange de la classe politique, une cible à abattre.

Tournant le couloir, une chandelle à la main, elle découvrit une jeune dame, visiblement ébranlée et énervée, qui sommait le prélat d’ouvrir la porte, prétextant un quelconque cas de sorcellerie. Il était vrai que certaines dames à la Cour ainsi que dans les officines de l’Armagnac méritaient ce titre dument acquis par la mauvaise foy et le fiel, mais était-ce là situation à s’en énerver? Souriante et rassurée, elle s’adressa à la demoiselle.

- Bonsoir très chère dame, bienvenue au palais épiscopal, qu’est-ce qui arrive pour que vous produisiez tel vacarme? J’ai bien peur que vous ne réveillez frère Ingomerus, ce serait là une chose horrible, il est si irascible en ces heures.

Soudain, la porte du bureau s’ouvrit.

--Thomas_de_montfort




Se saisissant d’une pile d’ouvrages de droit, car l’homme était de ceux qui trouvaient fascinant les décisions juridiques rendues par les Roys de France, de Charlemagne à nos jours, l’estudiant se dirigea vers la porte du bureau, n’espérant plus une réponse de l’homme qui était tenancier du lieu, le sachant sans doute à mi-chemin entre Paris et Rome, dans une quelconque missive. Un ultime regard paternel à son endroit avant de sortir, il fut surpris par de lourdes frappes dans la porte. Nul doute possible, Élisea s’était brulée sur le chaudron et venait maugréer contre la cuisine. Il ouvrit donc la porte… et un poing s’écrasa dans la pile de livre qu’il portait, le débalançant et faisant tomber sa charge.

- Héla jeune demoiselle! Qu’est-ce qui vous rend donc de telle humeur? Vous me semblez bien pâle, par ailleurs, je me présente, Thomas de Montfort, enchanté.

Ramassant maladroitement ses livres, il offrit un magnifique sourire à Suniva avant de voir son visage s’illuminer à la vue de sa promise. Un léger bruit de parchemin se fit entendre, suivi du son d’une canne sur le plancher de roc…


Navigius


L’italien se retrouvait au cœur d’une lecture passionnante, désireux d’expédier les différents comptes-rendus de l’Assemblée Épiscopale de France avant les huits-heure, puisqu’il n’avait que très peu de temps à y consacrer. Visiblement concentré, il maugréa une approbation à l’endroit des paroles de Thomas, avant de raturer de sa plume un large pan de sa lecture.

Fichue mentalité d’incendiaires! Ils vont bien finir par faire s’embraser le Royaume avec leur intransigeance…

Commentant bien plus pour lui-même que pour l’assistance en voie de partir, il leva un sourcil par-dessus le parchemin alors qu’une voie étouffée par la lourde porte et un tambourinement soutenu se faisait entendre. S’en suivi la chute avec fracas impliquant Thomas et l’arrivée de sa perle de sœur au bout du couloir. Se saisissant de sa canne, l’homme s’avança.

Qu’est-ce donc qui se passe ici? Dame Suniva? Que se passe-t’il, ma foy, vous me semblez affolée. Prenez donc place auprès de l’âtre, je vous fais porter un thé.

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Suniva
Le poing de Suniva allait s'abattre encore sur la porte de l'Archevêchée quand celle-ci s'ouvrit. Le poing de la jeune femme s'abattit emportée qu'elle était par l'élan donné et sa grande détresse. Il s'abattit sur une pile de manuscrits et autres parchemins qui se répandirent aussitôt sur le sol.


- Héla jeune demoiselle! Qu’est-ce qui vous rend donc de telle humeur? Vous me semblez bien pâle, par ailleurs, je me présente, Thomas de Montfort, enchanté.


Un moment interdite, Suniva suivit la course d'un parchemin, rougit puis avisant le jeune homme qui lui faisait face entreprit de s'expliquer


" - Pardon... Je su..."


Une voix féminine et amicale l'interpella à son tour.


- Bonsoir très chère dame, bienvenue au palais épiscopal, qu’est-ce qui arrive pour que vous produisiez tel vacarme? J’ai bien peur que vous ne réveillez frère Ingomerus, ce serait là une chose horrible, il est si irascible en ces heures.


La jeune femme au comble de la confusion rougit de plus belle


" - Ah bah c'est que... Faut que je v...."


Une porte s'ouvrit et Suniva encore paniquée vit arriver celui qu'elle voulait voir afin d'être rassurée... Elle plongea dans une humble révérence oubliant les autres personnes pour se concentrer sur Navigius. Dans son esprit, seul son mentor pour la Pastorale pouvait l'aider....


" - Monseigneur !! C'est terrible !! Faut que je vous explique !!"


Qu’est-ce donc qui se passe ici? Dame Suniva? Que se passe-t’il, ma foy, vous me semblez affolée. Prenez donc place auprès de l’âtre, je vous fais porter un thé.


Elle suivit mécaniquement l'Archevêque et s'installa sans même y penser dans une haute chaise au coin de l'âtre dont la chaleur ne réussit pas à calmer ses tremblements de nervosité.


" - Je sais pas ce qu'est un T, mais sauf votre respect, je crois qu'il me faut quelque chose de fort pour me remettre de mon émotion. Z'êtes en danger Monseigneur, vous et tout le Comté avec vous ! Et moi, et le Comte et tous les habitants aussi ! "


Plisse les yeux, fronce les sourcils, regarde autour d'elle puis énonce sur le ton de la confidence


" - Le Sans-Nom est parmi nous ! J'vous assure... En tous cas, si c'est pas lui, ses engeances cherchent à s'emparer de nous ! Faut appeler la Sainte Inquisition Monseigneur !"


Convaincue et au bord de la terreur, la jeune femme hochait vigoureusement le chef, appuyant ainsi ses dires pour convaincre .

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Navigius


L’homme d’église fut étonné de l’état d’agitation qui régnait chez dame Suniva, à croire qu’elle avait rencontré le Sans-nom au détour d’une ruelle. Il était un moment dubitatif devant tant d’émotions déployées par la jeune femme, se demandant si lui-même, d’un naturel calme et taciturne, n’avait jamais déployé une quelconque force. L’âge l’avait pris doucement, les habitudes casanières s’étaient vite emparées de l’initiative de la jeunesse, le laissant là, posé et sempiternellement calme. Il se saisit d’un peu de camomille qu’il mit à bouillir avec l’eau, se faisant rassurant.

- Voudriez-vous des biscuits, dame Suniva? Où peut-être quelques légumes du jardins, nous avons fait pousser des haricots aux fenêtres.

Sans doute la jeune demoiselle ne comprendrait pas, mais se calmer était la chose à faire avant d’aborder le sujet dont elle était venue lui parler. Il fit un signe rassurant de la main à sa sœur cadette ainsi qu’à Thomas, qui s’empressèrent de quitter la pièce, comprenant l’importance de la situation.

- Qu’y a-t-il donc, Dame Suniva, expliquez moi la situation calmement.

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Suniva
Bien que ayant l'esprit encore tout chamboulé, la jeune femme retrouvait un peu du rose de ses joues au fur et à mesure que la sérénité du prélat et ses paroles apaisantes faisaient leur effet.

A la proposition de manger, elle hocha négativement la tête avec un maigre sourire. Son estomac était encore bien trop noué pour accepter quoique ce soit.

Elle posa ses mirettes mordorées sur les flammes de l'âtre un moment, poussa un soupir et commença ses explications d'une voix qui avait perdu toute vigueur ...


" - Merci de bien vouloir écouter la pauvre petite paysanne que je suis, Monseigneur. Mais j'avoue que j'ai l'esprit rempli d'incertitude. Croyez-vous que le Sans-Nom puisse donner des pouvoirs aux gens ? Des pouvoirs qui leur permettrait de répandre le mal dans notre contrée ?"


Les yeux se levèrent vers Navigius, visiblement la jeune femme lui avait donné sa confiance et attendait de lui des réponses sans détours...

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