Gwenole
Gwenole de Languengar, c'était son nom. Issu d'une fratrie nombreuse de l'une des plus anciennes famille de la noblesse bretonne _ l'une des plus désargentées aussi _ le jeune homme servait maintenant depuis longtemps la maison Hyrglas-Blanquefort. Plus précisément, il était au service du Duc. Autant dire que la vie n'était pas drôle tous les jours... D'un autre côté, ce furent des années durant lesquelles il côtoya les plus grands et vécu à un pas de la grande vie. Juste un pas. Un pas derrière, dans les couloirs comme dans les banquets, debout et près à remplir la coupe de son maître. Il avait été page, secrétaire particulier, aide de camp, l'homme de confiance de celui qui avait dirigé par trois fois la Guyenne.
C'était avant le drame*... Avant que le patron devienne débile. Ah ça, ça n'avait pas été drôle non plus, c'était même franchement pire en fait. Entre recevoir des ordres et être traité... plutôt bien au final, et en arriver à essuyer la bouche du Duc, il préférait se faire gueuler dessus de temps en temps. Désormais, il était garde malade et se faisait plutôt dégueuler dessus.
Enfin bref, on ne lui avait pas demandé son avis, pas plus qu'aux autres sans doute. Ce qui faisait, quelques mauvais mois et autres péripéties plus tard, que le jeune breton chevauchait à présent avec ce qu'il restait de la mesnie Hyrglas-Blanquefort en Guyenne. Destination : Terrides, ses parcs, son cadre champêtre, son atmosphère reposante... et surtout ses vingts lieues de distance de la ville la plus proche. Il ne s'agissait pas de se donner en spectacle dans les rues de Montauban en courant après un Duc pris de folie ! Non, Terrides les mettait à l'abri de cela. Ce n'était pas les pécores des bourgades alentours qui leur causeraient beaucoup de mal.
A la tête de la petite compagnie, on commençait à s'agiter... A coup sûr, ces gens-là aurait très bientôt des ordres à lui donner.
* Pour toi, Dubosc...
Gwenole
Dans le mille. Limite si on ne lui avait pas fait changer les braies du Duc, des fois que
Non mais vraiment, jvous jure ! On lui avait appris à lire, à écrire, à compter, à manier lépée et le bâton dans une certaine mesure, à monter, à remplir tous ses offices de Page, de Secrétaire et toutes sortes de choses encore quil avait été amené à savoir faire pour le service de ses maîtres. Mais ça
Sil ne devait pas tant au Duc, sil navait pas pour lui une sorte de
oui, daffection, ces derniers mois auraient certainement eu raison de sa bonne volonté.
Enfin, on sétait assuré que le Duc était présentable, on lavait parfumé. Le demi-manchot navait pas bronché durant toute la halte, si bien que Gwenolé naurait su dire dans quelle « phase » il se trouvait. Puis lon était reparti de plus belle, dans une folle chevauchée emmenée par la Duchesse. Celle-là aussi, il faudrait la faire surveiller
« - Tu aides le Duc à descendre. » lui intima la Boiteuse devant le perron du château.
Soit, cétait son rôle, pas de souci donc. Le jeune breton fit donc signe au cocher de mettre en place le petit tabouret servant descalier et ouvrit la porte de la voiture. Une hésitation sempara de lui alors quil allait pour glisser la tête à lintérieur
Et si le Duc se trouvait bien ? Son attitude un peu plus tôt pouvait être un indice. Gast ! Il était au service personnel du Duc de Blanquefort et son devoir premier était de veiller aux intérêts de celui-ci. Allons, laissons une chance à ce grand personnage de se présenter à son hôtesse dans toute sa splendeur
Il aurait bien le temps de faire étalage de sa déchéance plus tard.
Alors Gwenolé se place sur le côté de la porte et annonce dune voie claire :
Sa Grâce Garzim Hyrglas-Blanquefort !
--Chanteclair
Le cahot de la voiture commençait réellement à le mettre à bout de nerf. Franchement, comment osaient-ils mettre à si grand mal son naturel sensible ! Oh les rustres ! Les atrophiés de la fibre artistique ! Les rabougris de la Muse ! Les rikikis du slip !
- Oh tiens, on sarrête!
Le gringalet se tourna vers un interlocuteur fantôme.
- Que je suis sot, voilà que je me parle tout seul !
Un petit rire efféminé et terriblement agaçant cascada entre les incisives immaculées dune dentition juvénile.
Le chapeau coloré se dandina un instant puis sexcita plus volontiers alors que la porte de la voiture souvrait. Alors, le panache bigarré sépanouit de toute sa splendeur à la lumière du jour :
- Ah bien dites-moi, je finis par en avoir mal aux fondements ! Sommes-nous enfin arrivés ? Le Duc va avoir toutes les peines du monde à nous rattraper cette fois!
Gwenole
Fichtre nouille et stupéfaction ! Quest-ce quil fout là celui-là ?! Dailleurs, sur le coup de lémotion, cest ce que sexclame le breton :
Mais quest-ce que tu fais là toi !? Fais place au Duc !
Accompagnant la parole par les gestes, il happe le troubadour et lexpédie hors du carosse sans ménagement. Avant de fourrer la tête à lintérieur de la voiture, franchement cette fois.
Madame, le Duc a disparu ! sécrie quelques instants plus tard une figure transformée par la honte, lanxiété et la crainte.
Asophie, incarné par Garzimlebo
Plus quune monture, cest bientôt toute une cavale et un équipage complet qui débarquent en galop et en poussière dans la cour de Terrides. En écho au barouf produit par larrivée montée de la mesnie Blanquefort, cest le branle-bas de combat général au sein de la valetaille de Terrides. Les palefreniers, domestiques et autre sagitent en tous sens, ajoutant au capharnaüm de linstant au milieu duquel la maîtresse de maison tâche de garder grâce et contenance
Enfin, au cur du nuage de poussière se détache la silhouette légèrement claudicante de la Duchesse. Descendant une marche aussitôt, Sophie savance à sa rencontre avec un sourire sincèrement ravi de la retrouver, tâchant de masquer au mieux leffet que produit sur elle le visage marqué et la mine effroyable que la Luzech, elle, dissimule avec noblesse et dignité, la saluant dans une révérence très protocolaire que Sophie se voit dans lobligation de lui rendre, eut égard à leur différence de rang. Se redressant enfin, elle pose la main sur la bras dIsambre. Alors quelle sapprête à lui souhaiter la bienvenue dune voix claire, le jeune Gwenolé quelle a déjà eu loccasion de croiser fait claquer sa voix au cur du foutoir pour annoncer le Duc ! La moitié de Terrides et Sophie elle-même se retrouvent presque au garde-à-vous, prêts à plonger pour une nouvelle révérence.
Et de rester un instant bouche-bée devant le personnage haut en couleur et en voix qui surgit du carrosse.
Pas le temps de demander de qui il sagit que le jeune page la déjà poussé sans plus de manière et a littéralement plongé dans la voiture. A nouveau, Sophie se tourne vers Isambre, profitant du flottement pour lui souhaiter la bienvenue mais elle demeure pour tout dire bouche bée
Madame, le Duc a disparu ! Le temps suspend son cours
Ou le mystère du carrosse jaune.. ou plutôt marron bois en loccurrence.
--Fanch_efflam
Bigre. Le Duc ! Vlà autchose
Un lapin rose, bon. Après avoir abusé du bon vin de Bordeaux des caves de Blanquefort, passe encore ! Mais un Duc, le nez au vent, dans la campagne montalbanaise
Y avait dquoi sétonner ! Ou alors cétait vraiment dla bonne, la cruche que la maraude lui avait refilé à la dernière taverne visitée.
Fanch sauta plus quil ne descendit de son destrier mais ralentit son pas à lapproche de son maître.
Cest qula bête pouvait savérer farouche. La dernière fois, il avait fallu le courser dans les marais et çavait pas été de la galette bretonne aux ptits légumes. Non non non. Non de dlà, cest quil avait de la ressource le Duc.
Un sourcil perplexe frétilla sur le visage buriné du Breton. Le ceinturer ? Le plaquer au sol ? Il avait beau être un doux dingue, sa baffe ferait des misères
- Vot Grâce, jpeux ty vous aider ?
Pas de réponse.
- Mmh, ça vous dirait de faire une ptite balade avec moi ?
Le vlà grimpé sur le cheval. Bon. Total maîtrise.
Le garde de la forteresse de Blanquefort chemina quelques minutes, à pied, au côté de son maître, pour arriver, triomphant dans la cour de Terrides.
Reconnaissant immédiatement sa Dame, il se dirigea vers elle. Il était pressé de lui transmettre le bébé. On sait jamais
Quelque fois que ça le reprendrait de gambader
La maison était en grand émoi, visiblement. Sans doute la perte impromptue du Duc. Lui-même faillit en oublier le pourquoi du chmilblik.
- Oh, ma bonneDame, je viens de Blanquefort, avec des nouvelles de mademoiselle votfille. Cest pour ça que javions accouru là.
Il sinterrompit, on ne lécoutait plus. La Duchesse venait douvrir la lettre et elle était visiblement furax. L'été serait chaud, pas besoin d'être devin pour le savoir.
Citation:A sa Grâce Isambre Hyrglas-Blanquefort, Duchesse de Blanquefort et baronne de Luzech,
Ma très estimée, très honorée mère,
Salutations respectueuses.
Je vous prie de pardonner le long silence dont j'ai sans doute trop librement usé. Je crains d'avoir trop tardé à me rappeler à votre souvenance, objet, sans doute, de ce mutisme dont vous me gratifiez depuis bien des mois.
C'est donc en gage de piété filiale qu'aujourd'hui je fais usage d'une main qui n'est pas mienne afin de vous informer de ma situation présente.
J'ai reçu une brève missive de sa Grâce qui m'a fort égoïstement contentée tant elle annonçait pour moi la fin de ce pesant exil en terres bretonnes. Car tel était le sens de cet éloignement, n'est-ce pas ? Ne craigniez pas néanmoins que cette triste histoire ne vienne chagriner notre entente, ma Dame.
Je suis et resterai votre fille bien fidèle, tout comme Dieu Très-Haut le commanda : Tu honoreras ton père et ta mère et tes supérieurs pareillement. Soyez donc satisfaite, car si mon obéissance ne vous est acquise par amitié, elle le sera cependant toujours doublement par devoir, puisque vous répondez à ces deux caractéristiques.
Fi de tout ceci, j'en arrive au but de ma lettre. Je me trouve présentement sur les chemins de Bretagne en compagnie de deux amis de notre maison: messire Kal et Dame Millie. Leur amitié a réchauffé un voyage pluvieux. Je profite donc de cette missive pour vous confirmer mon arrivée à Blanquefort, comme convenu avec sa Grâce, à la mi-août.
J'espère vous y trouver en d'aussi bonnes dispositions que le sont les miennes à votre égard.
Veuillez me faire l'honneur de croire, Madame ma Mère, à mon dévouement filial,
Azhénor Hyrglas-Blanquefort.