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[RP] Domaine de Terrides : un solstice ducal.

Asophie



A une vingtaine de lieues à l'est de Montauban, juste au sud du petit village de Catelsarrazin, s'étendait le vaste domaine de Terrides. Au cœur d'un écrin de verdures mariant les pastels des plates-bandes et les tendres du chêne, les vifs des buissons floraux et les chatoyants des herbes du parc, les sombres des bois et les glauques des étangs, se dressait la demeure de la Vicomtesse Sophie. Petit bijou fantaisiste, autrefois pavillon de chasse qui au fil des siècles s'était agrémenté de longs bâtiments et de pièces ouvertes, ornementé de fenêtres et de cheminées décorée, le lieu était absolument indéfendable, ou presque. Le lieu respirait la bonne humeur bucolique et le repos joyeux...

C'est en ces lieux que Sophie vint, pour le solstice d'été, accueillir des hôtes aussi inattendus qu'inespérés avec un plaisir non feint, prête malgré tout à toutes les surprises.

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Isambre
Drôle de temps. A mi-chemin entre la moite épaisseur d’un orage de juin et la chaude lumière de juillet, la Guyenne s’activait. Révolte et moissons allaient bon train. Un paysage que la petite troupe avait traversé de long en large, paisiblement, presque inerte au milieu de toute cette agitation estivale. Qu’avaient-ils tous à s’énerver, se bousculer ?

On avait sans doute encore trouvé moyen de s’étriper en toute bonne foi.

Politique ? Les puissants passeraient, les petits prendraient leur place. Pas de quoi s’affoler. Brigandages ? Tellement exotique… Religion ? Cela tombait à pic, ils allaient tout droit vers les ennuis.


L’idée l’amusait.

Le regard ambre quitta cet horizon qu’il fixait sans intelligence depuis bientôt une heure. Que tout ceci était monotone. Jusqu’au gazouillis débilisant du Duc qu’on avait embarqué de force dans une pompeuse voiture d’apparat.

Elle soupira ce qui l’agaça.
Elle ne faisait que ça. Soupirer. Soupirer. Soupirer. Regarder l’âme de son compagnon s’évaporer un peu plus tous les jours. Soupirer. Soupirer.


Oh, il avait bien encore quelques instants de lucidités : « j’ai faim ». Soupire. « J’ai soif ». Soupire. « J’ai peur ».

Elle avait bien essayé de pleurer. Elle y avait même excellé pendant un temps. Il faut dire que le cloître obscur où elle s’était « retirée » (pour ne pas dire qu’elle avait fuit) n’avait rien de bien engageant. Mais un jour, il avait bien fallu rentrer.

Il était tard ou très tôt, cela importait peu. Elle observait vaguement le ciel dont la teinte lumineuse et amère avait le goût troublant des retours redoutés.
Le regard effrayé s'était posé brusquement sur la forteresse blafarde inondée de rouge. Non, à l’évidence, il était tôt.
La monture s’ébrouait, nerveuse. Quelque chose d’indicible se communiquait à l’animal par la crispation excessive des muscles de ses cuisses ou les agressions du mors.
La cavalière s’était pétrifiée au premier mouvement du garde. Peu importait si la froideur de sa face était prise pour de la hauteur, pourvu qu’on n’y lut pas la peur.
Elle avançait, raide, engoncée dans les carcans sombres d’une tenue de voyage masculine. La basse cour était encore éteinte et son entrée dans Haute-Tour n’avait eu aucun témoin. La salle de l’Echiquier était froide et morne, abandonnée.
Le talon malhabile crissait contre les marches du terrible escalier. L’écho ne renvoyait plus que l’unique son chaotique de son pas boiteux. Même Guénolé avait cessé de rire.
Le corps endolori frissonnait. Puis, sa main gantée avait mit en branle la lourde porte des appartements du Duc.


Le chef de la Dame de Blanquefort s'inclina quelque peu vers la droite. Une voie amie lui parlait.

Isambre lui sourit au mieux qu’elle put.

- Oui, nous arrivons à Terrides. Il faut préparer le Duc.
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Garzimlebo
La honte…

C’était le sentiment le plus familier du Duc depuis maintenant plusieurs mois, depuis une éternité. La honte de sa déchéance, plus encore la honte d’avoir failli à ses responsabilités, d’avoir abandonné le peuple qui l’avait porté sur le trône à nouveau, d’avoir lâché son Conseil, quitté ses amis… Ce n’était pourtant pas sur un coup de tête qu’il avait agi, cela ne lui ressemblait pas de toute façon. Non, la réflexion avait été longue et pénible. Mais la réalité s’était imposée d’elle-même : sa personne ne pouvait plus rien pour le bien du peuple de Guyenne. Pire, ses trous de mémoire et ses pertes de contrôle pouvaient jeter le duché à bas… Fidèle à ce qu’il avait toujours voulu représenter, Garzim Hyrglas-Blanquefort avait donc pris la décision de débarrasser la Guyenne de ce danger. Ainsi le Duc de Guyenne avait-il abdiqué, le Protecteur de Guyenne rendu son Collier, le Consultant militaire coupé court à sa collaboration avec l’Etat-major de l’Ost, le chef d’armée tombé l’oriflamme de ‘Volens nolens!’. Des sommets, il s’était précipité lui-même dans les tréfonds de la solitude, de l’oubli et… de la honte.

Sentiment familier, en effet. Du moins était-ce là le seul qu’il fût capable de ressentir, d’identifier, mais surtout de se souvenir… Car là était le grand malheur de cet homme dont la clairvoyance et la capacité d’analyse avaient fait la réussite: son esprit l’abandonnait. Oh, il n’était pas sénile, non, pas encore… Il avait ses « bons moments » comme disaient Isambre et Gwenolé. Des moments que le semi-manchot vivait pourtant comme les plus cruels de son existence déjà durement marquée. Car si pour son entourage il s’agissait là de rares et précieux instants à partager avec celui qu’ils avaient connu et aimé, le Duc lui ne voyait que les longues heures écoulées entre deux reprises de conscience, ce temps gâché et perdu à jamais. Le temps… Il s’était toujours battu contre lui, et tout spécialement depuis leur installation en Guyenne, à l'été 1455…


La nostalgie…

Voilà sans doute le second passe-temps du Duc. Nostalgie d’une époque révolue, désormais oubliée ou inconnue de la plupart des hommes. Souvenirs d’une vie sur les routes, du Royaume tout d’abord, de Guyenne ensuite. Une vie passée les armes à la main, toujours au service d’une cause qu’il voulait croire plus grande que lui-même. Quels arpents de terres guyennoises ne l’avaient vu passé, d’une frontière à une autre, d’une bataille à la suivante ? Amertume des amitiés mortes, âcreté des haines enfouies… Espoirs perdus et désillusions se succédaient sans cesse dans une folle ronde conduisant inévitablement ses pensées dans le tourbillon de l’oubli de soi.

Qu’il était doux de ne plus se sentir exister, de se laisser porter en ces espaces apaisés, dénués de sens, de souffrances et de temps. On disait son esprit dérangé et l’on avait raison. Mais peut-être se trompait-on sur celui de ses deux états relevant de ce « dérangement »… Etait-ce pour fuir le monde que son esprit s’enfouissait de plus en plus, laissant un corps animé de pulsions primaires et un regard vide ? La vie avait-elle eu raison de lui ? Dieu avait-il fait preuve d’une divine clémence en lui permettant de se réfugier aussi profondément en lui-même, à tel point qu’il puisse en oublier jusqu’à son existence ?


D’autres que lui se chargeaient cependant de lui rappeler la dureté de son existence. Dés qu’il ouvrait sur le monde des yeux libérés du voile de la folie, Isambre et Gwenolé se pressaient à ses côtés, lui donnaient les dernières nouvelles, tentaient d’encourager ses dernières résistances à tenir encore… Il n’y avait guère plus que ceux-là à côtoyer quotidiennement le Duc. Gwenolé avait régné en maître en la forteresse après l’effondrement de son maître, ordonnant les affaires de la mesnie et prenant des dispositions pour parer à l’urgence, tandis que la Duchesse se précipitait au couvent le plus proche pour y prier le Très Haut de cesser là ce jeu cruel. Depuis son retour, chacun avait retrouvé sa place. A l’exception du semi-manchot qui ne quittait plus la chambre ducale, devenue hospital et prison pour le maître des lieux.

Egaré, désemparé, ne sachant comment faire face à l’inattendu de sa situation, Garzim n’avait pas compris l’absence de son épouse durant les premiers mois. Il aurait tout aussi bien pu s’agir de quelques semaines que d’une année, d’ailleurs… La crise qui avait suivi la première venue d’Isambre dans la chambre, d’une intensité et d’une durée encore jamais égalées, avait précédé une période de léger mieux. La descente aux enfers avait depuis repris.


Comment imaginer que le Duc de Blanquefort traversait aujourd’hui la Guyenne dans un carrosse aux rideaux tirés ? Cet homme, monté si haut qu’il ne s’était pas senti chuter, était désormais caché à la vue du monde par ses proches. Pour le protéger, ou pour protéger l’honneur de la Maison ? Qu’importe, il aurait compris, du temps où il le pouvait encore…

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Asophie
Depuis que l'on avait convenu d'accueillir la mesnie Blanquefort à Terrides, depuis qu'on était arrivé en avance pour tout préparer et plus encore, depuis qu'on avait annoncé qu'un convoi aux armes des ducs venait de dépasser Castelsarrasin, Sophie tournait en rond entre le grand salon, le grand hall et le perron, plus nerveuse que pucelle en nuit de noces. Comment serait-il? Dans quel état? Comment se comporter?

Car depuis janvier et cette lettre écrite par Garzim lui-même qui lui avait arraché des sanglots d'angoisse, il n'y avait eu que le silence. Il y décrivait, dans un de ses moments de cruelle lucidité, la lente chute de son esprit, l'absence d'espoir de recouvrer un jour la raison et lui faisait ses adieux, en toute pudeur. Ce soir là, quelque part entre Lyon et Montauban, alors qu'elle venait de lire cette missive, Iohannes avait eu un mot de trop, et leur couple improbable dont le petit nuage apprenait à se teinter de rose s'était violemment déchiré... Sophie s'était soudain sentie cruellement abandonnée, trahie par le destin. Comme si un pilier de soutènement de son existence venait d'être réduit en miettes. Elle avait pleuré, protesté et prié, encore et encore, mais les bruits et rumeurs indirects qui lui revenaient parfois de Blanquefort n'étaient pas porteurs d'espoir. Jusqu'à récemment...

Garzim... le beau Garzim, le dieu manchot, à la souveraineté déchue mais à la majesté intacte.
"Son" Protecteur... Car il faut bien avouer que si elle avait offert un titre conçu à sa mesure, c'est bien parce qu'elle en assumerait d'abord toute la propriété et en tirerait tout le bénéfice! Elle se souvenait de ces nuits d'angoisses et de solitude dont Iohannes était absent et où elle ne recevait que trois personnes, vidant, il faut l'avouer quelques verres pour s'alléger les peines. Ces nuits à réfléchir aux mesures à envisager, aux décisions à prendre et pour lesquelles le lendemain, elle devrait afficher un regard assuré et une voix ferme, sans plus aucune trace de ces hésitations nocturnes dont Garzim et Isambre avaient été les témoins et les confidents. Ils avaient été là, présents et remplissant leur devoir de consilium. Et fidèles...
Un petit sourire voilé d'une triste nostalgie ourla ses lèvres. La Baronne, à l'époque accaparée par sa charge de Recteur, avait bien du accepter de lui "prêter" son époux, même en grognant. Et le Protecteur de servir d'escorte à chacune des sorties de la Duchesse, ou presque... jusqu'à ce premier malaise à l'Ost, auquel elle aurait du prendre garde. Mais Garzim l'avait rattrapée, amenée à l'abri des regards. Le saignement de nez avait cessé... Un simple coup de fatigue avait-elle dit. Le même qui se reproduirait trois semaines plus tard, en haut d'un escalier qu'elle s'apprêtait à descendre. Seule, cette fois. Et là encore, à son réveil, outre Diia et Emi médicastres plus que conseillères ducales, outre Mimi et Barry qui étaient passés autant pour parler vote que pour l'assurer de leur amitié, il y avait Garzim... qui avait passé sa nuit auprès d'elle, à lui tenir la main, à la réconforter quand elle pensait devenir folle... Cruelle ironie. Alors que ses errements et délires, consécutifs à sa chute, n'étaient que temporaires, il l'avait rassurée avec bienveillance. Attentionné, fort, souriant, il s'était présenté comme un bouclier à sa terreur, Protecteur jusqu'aux dernières secondes de son "règne"...

Elle se secoua soudain, sortie de sa rêverie par le galop d'un cavalier dans la cour. Était-ce Iohannes qui arrivait ou déjà l'avant garde Blanquefort? Remisant ses souvenirs au fond de sa mémoire, elle s'avança sur le perron...

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Mimi83720
Bien qu'elle se soit résolu à le ranger depuis plusieurs mois déjà, si la brune avait tenu sans faillir au plus fort de la tempête, le fait d'avoir porté longtemps et si fièrement l'étendard de la dernière armée de la mesnie Hyrglas-Blanquefort n'y avait sans doute point été étranger.
Ni les médisances, ni l'abdication de son mentor et ami, ni même le long enfermement volontaire de Sa dame dans un cloître ne l'avait découragé.
Lors, la folie, la maladie, les exils, la mort de nombre de ses proches l'avaient cruellement frappé en vagues successives, mais tel le roseau, si la jeune femme s'était parfois sentie plier, jamais elle n'avait douté avoir en elle la force de pouvoir toujours se relever, notamment grâce à l'amitié qui réchauffait toujours son coeur qu'elle imaginait pourtant parfois être devenu de glace.

Espérant pour le moins le retour proche des jours meilleurs, Mimi avait fini par rompre avec ses dernières responsabilités. Entraves qu'elle avait autant aimé qu’exécré, mais dont elle avait soudainement eut besoin impérieux de se libérer, afin de réfléchir sereinement au chemin qu'elle souhaitait prendre, seule, ou non, pour elle, mais également au nom de tout les siens.
Il ne lui restait d'ailleurs à ce jour qu'a mettre fin à l'hypocrisie de son mariage pour qu'enfin elle puisse réellement tourner une nouvelle page, sans regrets aucuns.

Mais dans ce tableau certes provisoire, idyllique de par sa simplicité, la cadurcienne n'avait point laissé de place au viking rouquin.
Et pourtant elle l'avait laissé revenir à Cahors... Bien qu'elle ait réussit à le faire fuir une première fois, bien qu'une seconde, à leur retour de Gascogne, elle l'ait de nouveau maladroitement repoussé. Dangereusement proches, ils s'étaient mis à penser comme un couple, illégitime soit, puisqu'elle était toujours mariée à un autre et que certains événements avaient interrompu sa démarche auprès du père Bardieu.
Peut être ne se sentait-elle tout simplement pas prête à prendre le risque de blesser la dernière personne qui semblait l'aimer inconditionnellement, alors qu'en toute honnêteté ses sentiments à elle n'étaient pas à la hauteur. Pourquoi diantre ne s'étaient t-ils pas contenté de devenir des amants?
Toujours est-il que malgré cette relation ambigüe, et chaste! Ils ne s'étaient jamais plus quittés. Dans le regard de l'autre tout paraissait tellement plus beau, les gestes affectueux et complices, leurs provocations et taquineries semblaient au moins pour un temps leur suffire et même leur être devenus indispensables.
Comment expliquer cette relation particulière à sa très chère baronne? Elle ne s'était pas montré curieuse, seulement très pragmatique à l'ébauche de ses premières explications...

Un sourire se dessina sur les lèvres de Mimi qui coula un regard vers Hal, silencieux, peut être tout simplement intimidé par la voiture d'apparat du Duc qui les suivait toujours à courte distance.

Ils avaient beau eu se rendre tout d'abord à Sarlat où la brune devait récupérer quelques biens de la mairie de Cahors et conclure affaire avec leur maire si efficace, les occasions de se retrouver pour discuter avaient été bien rares. Elle avait été d'ailleurs la seule à profiter de la compagnie d'Isambre, et de rares éclairs de lucidité du semi manchot pendant lesquels il semblait alors s'offusquer qu'elle ne rende comptes et confidences qu'à son épouse.
Les festivités de Montauban prometteuses les distrairaient certainement tous agréablement, quoi qu'il en soit Mimi était impatiente désormais de retrouver ses voisins.
Elle serait même allé jusqu'à dire que l'ex mirifique gouverneur de la cité des saules lui avait manqué, tout comme leur hôtesse d'ailleurs.


D'un ton presque joyeux elle lança l'intention du nouveau cadurcien :

Au bout du chemin la récompense! Nos montures ne serons surement pas les seules à pouvoir s'abreuver... J'imagine sans peine la qualité de l'accueil de Sophie, fais moi confiance!

Puis la jeune femme talonna sa monture pour rejoindre Isambre sur sa droite. Seule en tête depuis plusieurs heures, elle était surement en proie à ses propres réflexions et tracas qu'il était grand temps d’interrompre, la somptueuse demeure ne semblait plus si loin.

Ma dame?


- Oui, nous arrivons à Terrides. Il faut préparer le Duc.
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Le chagrin est une carpe. Le bonheur une anguille. (Jean-louis Aubert)
Gwenole
Gwenole de Languengar, c'était son nom. Issu d'une fratrie nombreuse de l'une des plus anciennes famille de la noblesse bretonne _ l'une des plus désargentées aussi _ le jeune homme servait maintenant depuis longtemps la maison Hyrglas-Blanquefort. Plus précisément, il était au service du Duc. Autant dire que la vie n'était pas drôle tous les jours... D'un autre côté, ce furent des années durant lesquelles il côtoya les plus grands et vécu à un pas de la grande vie. Juste un pas. Un pas derrière, dans les couloirs comme dans les banquets, debout et près à remplir la coupe de son maître. Il avait été page, secrétaire particulier, aide de camp, l'homme de confiance de celui qui avait dirigé par trois fois la Guyenne.

C'était avant le drame*... Avant que le patron devienne débile. Ah ça, ça n'avait pas été drôle non plus, c'était même franchement pire en fait. Entre recevoir des ordres et être traité... plutôt bien au final, et en arriver à essuyer la bouche du Duc, il préférait se faire gueuler dessus de temps en temps. Désormais, il était garde malade et se faisait plutôt dégueuler dessus.

Enfin bref, on ne lui avait pas demandé son avis, pas plus qu'aux autres sans doute. Ce qui faisait, quelques mauvais mois et autres péripéties plus tard, que le jeune breton chevauchait à présent avec ce qu'il restait de la mesnie Hyrglas-Blanquefort en Guyenne. Destination : Terrides, ses parcs, son cadre champêtre, son atmosphère reposante... et surtout ses vingts lieues de distance de la ville la plus proche. Il ne s'agissait pas de se donner en spectacle dans les rues de Montauban en courant après un Duc pris de folie ! Non, Terrides les mettait à l'abri de cela. Ce n'était pas les pécores des bourgades alentours qui leur causeraient beaucoup de mal.

A la tête de la petite compagnie, on commençait à s'agiter... A coup sûr, ces gens-là aurait très bientôt des ordres à lui donner.





* Pour toi, Dubosc...
Isambre
Alors qu’elle sortait du carrosse, la Dame de Blanquefort fut, pour la énième fois, surprise par la chevelure fauve de leur compagnon de voyage au nom imprononçable. Elle se demandait depuis quelques temps où son amie avait bien pu dégoter l’énergumène. Elle n’avait pas cherché les confidences de Mimi, l’histoire viendrait d’elle-même, bientôt.

Sa monture s’ébroua alors qu’elle s’asseyait en selle. Le dos raide, le cou emprisonné dans son carcan de drap sombre, Isambre ne se retourna pas en direction de la monture vide de son époux. Elle donna le signe du départ à la petite troupe qui se dirigea au galop en direction de la demeure de Terrides.

La course et la poussière soulevée par les montures et le carrosse ducal ménagèrent une entrée remarquée dans la cour du château, effrayant tout être normalement constitué. La charge de Blanquefort avait été en son temps assez redoutée, la Duchesse s’amusait fort à le rappeler au bon souvenir des Guyennois.

D’un rapide mouvement de pupille elle embrassa l’ensemble des bâtiments qu’elle jugea aménagé avec goût puis posa ses yeux sur la Dame du lieu, sortie, vraisemblablement pour les accueillir.

Elle démonta et s’adressa aussitôt à Gwenolé :

- Tu aides le Duc à descendre.

La duchesse invita d’un signe de tête Mimi et son compagnon à la suivre. Elle se dirigea ensuite immédiatement vers le perron où attendait leur hôtesse.

La dame de Blanquefort salua cérémonieusement la jeune femme, d'une révérence toute protocolaire.

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Gwenole
Dans le mille. Limite si on ne lui avait pas fait changer les braies du Duc, des fois que… Non mais vraiment, j’vous jure ! On lui avait appris à lire, à écrire, à compter, à manier l’épée et le bâton dans une certaine mesure, à monter, à remplir tous ses offices de Page, de Secrétaire et toutes sortes de choses encore qu’il avait été amené à savoir faire pour le service de ses maîtres. Mais ça… S’il ne devait pas tant au Duc, s’il n’avait pas pour lui une sorte de… oui, d’affection, ces derniers mois auraient certainement eu raison de sa bonne volonté.

Enfin, on s’était assuré que le Duc était présentable, on l’avait parfumé. Le demi-manchot n’avait pas bronché durant toute la halte, si bien que Gwenolé n’aurait su dire dans quelle « phase » il se trouvait. Puis l’on était reparti de plus belle, dans une folle chevauchée emmenée par la Duchesse. Celle-là aussi, il faudrait la faire surveiller…


« - Tu aides le Duc à descendre. » lui intima la Boiteuse devant le perron du château.

Soit, c’était son rôle, pas de souci donc. Le jeune breton fit donc signe au cocher de mettre en place le petit tabouret servant d’escalier et ouvrit la porte de la voiture. Une hésitation s’empara de lui alors qu’il allait pour glisser la tête à l’intérieur… Et si le Duc se trouvait bien ? Son attitude un peu plus tôt pouvait être un indice. Gast ! Il était au service personnel du Duc de Blanquefort et son devoir premier était de veiller aux intérêts de celui-ci. Allons, laissons une chance à ce grand personnage de se présenter à son hôtesse dans toute sa splendeur… Il aurait bien le temps de faire étalage de sa déchéance plus tard.
Alors Gwenolé se place sur le côté de la porte et annonce d’une voie claire :


Sa Grâce Garzim Hyrglas-Blanquefort !
--Chanteclair
Le cahot de la voiture commençait réellement à le mettre à bout de nerf. Franchement, comment osaient-ils mettre à si grand mal son naturel sensible ! Oh les rustres ! Les atrophiés de la fibre artistique ! Les rabougris de la Muse ! Les rikikis du slip !

- Oh tiens, on s’arrête!

Le gringalet se tourna vers un interlocuteur fantôme.


- Que je suis sot, voilà que je me parle tout seul !

Un petit rire efféminé et terriblement agaçant cascada entre les incisives immaculées d’une dentition juvénile.

Le chapeau coloré se dandina un instant puis s’excita plus volontiers alors que la porte de la voiture s’ouvrait. Alors, le panache bigarré s’épanouit de toute sa splendeur à la lumière du jour :

- Ah bien dites-moi, je finis par en avoir mal aux fondements ! Sommes-nous enfin arrivés ? Le Duc va avoir toutes les peines du monde à nous rattraper cette fois!
Gwenole
Fichtre nouille et stupéfaction ! Qu’est-ce qu’il fout là celui-là ?! D’ailleurs, sur le coup de l’émotion, c’est ce que s’exclame le breton :

Mais qu’est-ce que tu fais là toi !? Fais place au Duc !

Accompagnant la parole par les gestes, il happe le troubadour et l’expédie hors du carosse sans ménagement. Avant de fourrer la tête à l’intérieur de la voiture, franchement cette fois.

Madame, le Duc a disparu ! s’écrie quelques instants plus tard une figure transformée par la honte, l’anxiété et la crainte.
Garzimlebo
[A quelques lieues de là...]


Le gamin avait tourné la tête. Quelques secondes à peine, suffisamment pour notre énergumène. Le Duc avait été pris d'une irrésistible envie d'aller batifoler dans les herbes hautes. Sorti par la porte opposée de la voiture, le voici en quelques pas dissimulé à la vue de tous par les bois environnants...

Une fois soulagé, le fol se met en route au petit bonheur la chance, ignorant ce qu'il fait là, où il va et qui il est. De toutes manières, la compagnie a mis les voiles à toute berzingue pendant qu'il enquiquinait une fourmilière...

Pardon madame, bonjour monsieur... Enchanté les arbres, lui c'est l'plus gentil des amoureux de la forêt ! Faîtes passer l'mot aux écureuils !



[edit le 29/06 pr correction]
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Asophie, incarné par Garzimlebo


Plus qu’une monture, c’est bientôt toute une cavale et un équipage complet qui débarquent en galop et en poussière dans la cour de Terrides. En écho au barouf produit par l’arrivée montée de la mesnie Blanquefort, c’est le branle-bas de combat général au sein de la valetaille de Terrides. Les palefreniers, domestiques et autre s’agitent en tous sens, ajoutant au capharnaüm de l’instant au milieu duquel la maîtresse de maison tâche de garder grâce et contenance…

Enfin, au cœur du nuage de poussière se détache la silhouette légèrement claudicante de la Duchesse. Descendant une marche aussitôt, Sophie s’avance à sa rencontre avec un sourire sincèrement ravi de la retrouver, tâchant de masquer au mieux l’effet que produit sur elle le visage marqué et la mine effroyable que la Luzech, elle, dissimule avec noblesse et dignité, la saluant dans une révérence très protocolaire que Sophie se voit dans l’obligation de lui rendre, eut égard à leur différence de rang. Se redressant enfin, elle pose la main sur la bras d’Isambre. Alors qu’elle s’apprête à lui souhaiter la bienvenue d’une voix claire, le jeune Gwenolé qu’elle a déjà eu l’occasion de croiser fait claquer sa voix au cœur du foutoir pour annoncer le Duc ! La moitié de Terrides et Sophie elle-même se retrouvent presque au garde-à-vous, prêts à plonger pour une nouvelle révérence.

Et de rester un instant bouche-bée devant le personnage haut en couleur et en voix qui surgit du carrosse.

Pas le temps de demander de qui il s’agit que le jeune page l’a déjà poussé sans plus de manière et a littéralement plongé dans la voiture. A nouveau, Sophie se tourne vers Isambre, profitant du flottement pour lui souhaiter la bienvenue mais elle demeure pour tout dire bouche bée…


Madame, le Duc a disparu !


Le temps suspend son cours… Ou le mystère du carrosse jaune.. ou plutôt marron bois en l’occurrence.

Isambre
Stoïque. C’était le terme. Isambre ne se donna pas la peine de tourner le chef en direction de la voix paniquée de son serviteur. Elle parvint même à étouffer dans l’œuf un soupire.

Un léger sourire se dessina sur les lèvres carmes de la Duchesse. D’une voix calme et grave, la Dame de Blanquefort s’adressa à son hôtesse :


- Ma Dame, quelle charmante demeure vous possédez ! Un paradis terrestre à n’en point douter.

Puis avec un petit geste de la main droite, elle désigna ses deux compagnons :


- Je me permets de vous présenter une amie très chère, Dame Mimie et son ami, Messire Halvgud qui nous vient de loin.

Elle avait, dû, encore une fois écorcher le nom du malheureux. Éloignant cette considération d’un léger signe de tête, elle revint immédiatement à ses moutons :

- Lors, les présentations sont faites, mes amis. Je crains fort qu’il nous faille nous atteler à sujet plus... original! Des volontaires pour une battue ducale ?

Le ton de la voix de la Duchesse s’en fit presque joyeux.
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--Fanch_efflam
Bigre. Le Duc ! V’là aut’chose… Un lapin rose, bon. Après avoir abusé du bon vin de Bordeaux des caves de Blanquefort, passe encore ! Mais un Duc, le nez au vent, dans la campagne montalbanaise… Y avait d’quoi s’étonner ! Ou alors c’était vraiment d’la bonne, la cruche que la maraude lui avait refilé à la dernière taverne visitée.

Fanch sauta plus qu’il ne descendit de son destrier mais ralentit son pas à l’approche de son maître.

C’est qu’la bête pouvait s’avérer farouche. La dernière fois, il avait fallu le courser dans les marais et ç’avait pas été de la galette bretonne aux p’tits légumes. Non non non. Non de d’là, c’est qu’il avait de la ressource le Duc.

Un sourcil perplexe frétilla sur le visage buriné du Breton. Le ceinturer ? Le plaquer au sol ? Il avait beau être un doux dingue, sa baffe ferait des misères…

- Vot’ Grâce, j’peux t’y vous aider ?

Pas de réponse.

- Mmh, ça vous dirait de faire une p’tite balade avec moi ?

Le v’là grimpé sur le cheval. Bon. Total maîtrise.

Le garde de la forteresse de Blanquefort chemina quelques minutes, à pied, au côté de son maître, pour arriver, triomphant dans la cour de Terrides.
Reconnaissant immédiatement sa Dame, il se dirigea vers elle. Il était pressé de lui transmettre le bébé. On sait jamais… Quelque fois que ça le reprendrait de gambader…


La maison était en grand émoi, visiblement. Sans doute la perte impromptue du Duc. Lui-même faillit en oublier le pourquoi du chmilblik.

- Oh, ma bonneDame, je viens de Blanquefort, avec des nouvelles de mademoiselle vot’fille. C’est pour ça que j’avions accouru là.

Il s’interrompit, on ne l’écoutait plus. La Duchesse venait d’ouvrir la lettre et elle était visiblement furax. L'été serait chaud, pas besoin d'être devin pour le savoir.

Citation:
A sa Grâce Isambre Hyrglas-Blanquefort, Duchesse de Blanquefort et baronne de Luzech,

Ma très estimée, très honorée mère,

Salutations respectueuses.


Je vous prie de pardonner le long silence dont j'ai sans doute trop librement usé. Je crains d'avoir trop tardé à me rappeler à votre souvenance, objet, sans doute, de ce mutisme dont vous me gratifiez depuis bien des mois.

C'est donc en gage de piété filiale qu'aujourd'hui je fais usage d'une main qui n'est pas mienne afin de vous informer de ma situation présente.

J'ai reçu une brève missive de sa Grâce qui m'a fort égoïstement contentée tant elle annonçait pour moi la fin de ce pesant exil en terres bretonnes. Car tel était le sens de cet éloignement, n'est-ce pas ? Ne craigniez pas néanmoins que cette triste histoire ne vienne chagriner notre entente, ma Dame.

Je suis et resterai votre fille bien fidèle, tout comme Dieu Très-Haut le commanda : Tu honoreras ton père et ta mère et tes supérieurs pareillement. Soyez donc satisfaite, car si mon obéissance ne vous est acquise par amitié, elle le sera cependant toujours doublement par devoir, puisque vous répondez à ces deux caractéristiques.

Fi de tout ceci, j'en arrive au but de ma lettre. Je me trouve présentement sur les chemins de Bretagne en compagnie de deux amis de notre maison: messire Kal et Dame Millie. Leur amitié a réchauffé un voyage pluvieux. Je profite donc de cette missive pour vous confirmer mon arrivée à Blanquefort, comme convenu avec sa Grâce, à la mi-août.

J'espère vous y trouver en d'aussi bonnes dispositions que le sont les miennes à votre égard.

Veuillez me faire l'honneur de croire, Madame ma Mère, à mon dévouement filial,

Azhénor Hyrglas-Blanquefort.
Sancte
Ya pas de lézard ! Iohannes était bien à Terrides. Mais oui,il prenait son temps pour descendre des étages. Garzim ... Isambre ... Combien de temps s'était écoulé depuis leur dernière rencontre ? Il lui semblait que cela faisait une éternité. Tant d'évènements s'étaient écoulés depuis ... Malgré tout, il se trouvait encore faiblement honteux de l'épisode "Xenac" et appréhendait férocement de constater de visu l'état de délabrement lamentable dans lequel se trouvait celui qu'il prenait pour un des plus grands, sinon le plus grand, héros de Guyenne. Pourtant, les grandes amitiés ne meurent jamais. S'il voulait conserver ses liens avec ces vieux amis, il fallait accepter l'effort de dénouer quelques noeuds, qui étaient sans doute restés coincés dans leur gorge réciproque. Il lâcha un soupir et jeta un dernier regard sur sa gravure sur bois.



Ouais ... Pas mal. Ça devait plus ou moins ressembler à çaille, un Gob' du Quercy.


[Quelques minutes plus tard, dans la Cour.]

- Madame la Duchesse, monsieur le Duc, le Domaine de Terrides se fait une grand joie de vous accueillir. Soyez sûrs que nous mesurons l'honneur qui nous est fait à sa pleine et juste valeur. Aussi, si durant votre séjour, je puis vous être d'une quelconque utilité, commandez, et vous serez obéis en moins de temps qu'il ne le faut pour le dire.
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