--Josselyn_
L'homme s'égare dans un sommeil égoïste qu'il cultive avec sérénité, sans angoisse et sans tourment. Mais sa concentration nocturne se disloque et finit par disperser ses rêveries pour le rappeler à la réalité. Douce quiétude d'un réveil apaisant. Il sent contre son corps la muse endormie, qui trouve chaque nuit refuge dans quelques drogues obscures. Il s'enveloppe lentement de l'atmosphère pénétrante qui règne entre les murs, ranimant son instinct sauvage et animal. Les premiers rayons d'un soleil de plomb viennent s'abattre sur la jalousie de leur cocon.
Les draps se froissent, se confondent alors que l'homme se retourne pour contempler les traits de la belle endormie. Il la sent apaisée, la devine transportée par une profonde narcose. Du bout des doigts, il redécouvre le creux d'un coude, le fil d'un bras de celle, qui, évanouit dans ses songes, le fascine. Et déjà un baiser frivole prend racine sur son épaule.
Les pensées de l'homme s'évadent alors, et voguent à travers les vagues et les monologues de son esprit en éveil. Son intuition ne le trompe pas, il sait que l'improbable va venir déchirer leur journée. Mais qu'importe. Prolonger cet enivrement délicat et tromper le jour en retombant dans la torpeur et l'oisiveté. D'un bras rassurant, il ceint le corps de son autre, et s'assoupit à nouveau.
Il oublie un instant les écueils acerbes, les inquiétudes nocives, de leur vie dissolue et dénuée de toute morale...
--Josselyn_
Des pensées éhontées et audacieuses s'égarent et se fracassent dans l'esprit du jeune arrogant alors qu'il foule le matin d'un pas intrépide. Le soleil s'élève avec lourdeur dans un ciel vaporeux que seuls quelques oiseaux impertinents et désabusés viennent percer. Un silence troublant, invitant au malaise et à la méfiance règne dans les dédales encore obscures de la ville endormie. Les bottes, élancées, claquent, et se suivent avec une monstrueuse élégance. Mais l'heure n'est plus à la cérémonie, et déjà, le jeune homme franchit les portes d'une taverne qui transpire la tourmente, la crasse, et le sang.
Il se libère de sa cape jusqu'alors rabattue à mi-visage, et va prendre place face à un homme à la silhouette généreuse, et à la chevelure grasse. Un sourire édenté siège sur son visage, tandis qu'un regard moqueur, et particulièrement malsain vient souligner toute la vulgarité du personnage. Quelques mots sont échangés. Le visage de Josselyn se révèle étrangement dur, sombre. Les voix s'échauffent, les menaces fusent. On parle politique, trahison, on promet au jeune homme de dévoiler une violente vérité qui viendrait anéantir tous ses projets prometteurs concernant une carrière politique. Il se sent piégé, et déjà sa main vient se perdre au fond de sa poche. Il en sort une fiole qu'il vide sans trembler, sans hésiter dans la chope de son adversaire, profitant de son manque d'attention pour verser le breuvage mortel.
Un sentiment dextrême jouissance, de victoire, le traverse lorsque l'homme bedonnant plonge ses lèvres dans le liquide empoisonné. Le regard de Josselyn se met à briller, d'angoisse, mais aussi de complaisance face à son geste. Un sentiment malsain se déploie dans tout son être, le mal faisant naitre en lui un nouvel assassin dénué de tout regret. L'homme bedonnant réclame de l'air, et se laisse accompagner par Josselyn à l'extérieur de la taverne. Mais des spasmes s'emparent de sa carcasse, l'emportant dans une mort cruelle et douloureuse. Son corps est trainé au pied d'un arbre venu se déployer au cur de Saint-Aignan. La cape de Josselyn flotte dans les airs, pour venir recouvrir le corps sans vie de l'audacieux qui voulait le faire tomber.
Mais alors que les premières clameurs de la ville s'élèvent, le jeune mâle devine que le temps presse. Partir. Loin. Sans elle, sans véritable espoir de la retrouver un jour...
Exquiz
La voilà partis dans une traque hystérique, prête à dépecer n'importe quel inconnu qui aurait une trace d'ADN du disparu sur lui. Les moindres recoins sont fouillés, rien n'est épargné. Parfois, elle toque à quelques maisonnées, aux échoppes, elle déboule dans les tavernes, et renifle chaque odeur... Mais... si l'homme a disparu, ce n'est pas pour se trouver au milieu de la foule grouillante... loin de là.
D'un sombre regard, elle observe la broussailles forestière qui sétend loin devant elle...menaçante, mystérieuse, avec quelques secrets bien enfouis.
Et cette lune, qui ne cesse de la tourmenter quand vient le soir, lui rappelant leur dernière expédition nocturne.
Elle n'a plus d'autres choix que d'affronter la réalité, si elle veut le retrouver.
C'est donc d'un pas déterminé, qu'elle s'élance vers les grands arbres, foulant le sol terreux de ses pas acharnés.
A la recherche d'une preuve, comme un témoignage de ce qui a bien pu arriver. Elle sonde les lieux de son regard perçant, espérant trouver la réponse à ces questions. A force de déambulation, et dans une direction bien connue.. elle comprend qu'il est passé par là. L'odeur de la fuite se fait sentir, porté par les embruns tourmentés de l'ombre masculine.
Le vent se glisse entre les feuilles, et laisse l'écho d'un tissu aérien fendre le silence...
La sorcière rejoins le bruit... trouvant accrocher à un arbre, une cape noir flottant au vent. Le doute n'a pas sa place ici, sur que ce morceau d'étoffe lui appartient.
Peut être la branche l'a t'il rattrapé in-extremis, alors qu'elle cherchait à prendre son envol, dans le ciel vaporeux... peut être l'a t'il laissé ici, avec conscience, dans le but secret qu'elle le retrouve, peut être....
Les hypothèses senchaînent, et semmêlent... lui faisant perdre le fil de sa raison pendant un instant.
Au pied de l'arbre, la terre à été creusé. Patte humaine ou animal? Il suffit de s'approcher, et de voir...
Sous un trou trop vite fait refermé, une fiole de verre, où une seule goutte de breuvage illicite reste visible. Ce flacon, elle le connait, un peu trop bien d'ailleurs, pour ne pas avoir le coeur qui se soulève de crainte, sous sa poitrine. Breuvage mortel et pernicieux qui vous fige le sang et empêche à votre tambour de vie de jouer sa mélodie.
Elle se redresse, refusant de s'avouer vaincue, et arrache la cape d'un geste ample.
Son estomac bouillonne, et manque d'exploser.
Mais elle garde la tête haute, et continue son chemin...
Tant qu'elle n'aura pas vu le corps..le siens où un autre... elle ne croira en rien. Elle se l'interdit.
Continuer d'avancer, et chercher encore...
Sinon, quoi d'autres?
Johan.
L'étourdissante fuite de Josselyn décrochait les lourdes heures dans un vent de fureur et l'éloignait de l'acte odieux qu'il venait de commettre. C'est à grands coups de conjurations et de jurons qu'il tentait de libérer son esprit d'une effroyable réalité. Le mot "assassin" brulait dans ses pensées et se reflétait par un regard étonnement profond, sombre et belliqueux. Alors qu'il traversait la forêt en s'accrochant solidement aux rênes de sa monture, les arbres l'attaquaient et venaient déchirer sa peau dans des craquements stridents.
Guéret... Ville de l'oubli et de la déraison.
Le Corleone s'enhardit de rejoindre une contrée dans laquelle personne ne chercherait à lui faire cracher l'objet de sa venue et où il disposait d'une connaissance bienveillante. Il alla donc s'égarer dans les dédales de la ville, épuisé par une course qui s'était éternisée.
Josselyn! Mon bon ami! Mais que fais-tu donc ici?
Le vieille homme écarta les bras face à un jeune homme marqué par les stigmates d'un voyage éreintant, qui conservait de sa chevauchée une barbe de trois jours. Très vite Josselyn lui expliqua la raison de sa présence entre les remparts de la ville.
Par Aristote... Je vois que tu es devenu un brigand émérite!
Plaisanterie quelque peu douteuse...
Ne t'en fais pas, j'en ai rencontré d'autres, des coupeurs de gorges... Je vais te fournir tout ce qu'il te faut pour que tu puisses retrouver le sommeil. Je dispose de quelques nectars délicieux qui devraient vite te griser et te faire sombrer dans une plénitude absolue. Ne fais pas cette tête-là! Ce n'est pas du poison hein!
Bon sinon, dès demain je te fournirai des vêtements et de quoi te donner une allure un peu plus civilisée. Il y a des donzelles à séduire dans les environs, ce serait dommage de les effrayer avec ta vilaine barbe. Ah? Tu es déjà en couple? Cela ne doit pas t'empêcher de cultiver quelques amourettes... Que le monde serait ignoble si on ne pouvait même plus tromper sa compagne!
Dis, tu as pensé à changer de nom? On risque de vite de retrouver sinon... Que dirais-tu d'Hippolyte? De Germain? De José? Ca n'a pas l'air de te plaire. Et Johan, c'est pas mal non? Je vais tout de suite te préparer un faux certificat de baptême! J'ai fauché un sceau au prêtre de Guéret! Tu verras, personne ne t'inquiètera avec!
Va te reposer mon brave Corleone... Demain est une autre jour!
Citation:Je soussigné Père Antonin, prêtre de la très Sainte et très indivisible Église Aristotélicienne Romaine, certifie par la présente du baptême de Johan le cinquième jour du mois de mai de l'an de grasce 1459 en l'église de Guéret et en la présence de son parrain, Loupiac.
Par ce parchemin, il est avéré que le baptisé a reçu tous les sacrements nécessaires à son élévation et fait désormais parti de la grande famille Aristotélicienne.
Fait le 5 mai de l'an de grasce 1459 en l'église de Guéret.
Père Antonin