Afficher le menu
Information and comments (2)
<<   <   1, 2   >>

[RP] De la posologie au veuvage, une question de gouttes*

--Scopolie
Vous avez gagné un doonuts.

Je l'observe froidement s'agenouiller devant moi, songeant à ce que je vais lui faire subir. Quoi qu'elle ait pu faire, sa pénitence ne se résumera pas à donner aux pauvres et à aller à la messe. Peut-être que je lui demanderais de partir en pèlerinage très loin, ce qui me permettra de loger ici autant de temps qu'il le faudra. Je vais peut-être même l'envoyer cueillir un bouquet de fleur sous l'orage. A moins que je ne lui fasse dépecer un lapin et le cuisiner. Ou alors, je l'empêche de manger durant plusieurs jours. Je passe ma main sur la bosse ouverte de mon front et lui fait signe que ce n'est pas grave, qu'elle peut se confesser. Voir mon sang sur le bout de mes doigts ne fait que me donner envie de faire couler le sien.


Une soupe empoisonnée ?...

Si elle ne s'était pas empressé d'ajouter à qui elle l'avait servi, j'aurais sûrement tourner de l’œil. J'espère que ma mort, elle, sera imprévue et immédiate, que je n'aurais pas le temps de me rendre compte que je ne suis plus en vie. Pourquoi pas mourir de vieillesse dans un lit confortable ? D'autres veulent mourir dignement, et ce sont souvent eux qui meurent les premiers. Au final, peu importe comment on meurt, ce qui compte, c'est comment on a vécu. Et moi, j'aurais vécu longtemps, et j'aurais fait du tort à plus d'une femme parce que leur simple existence pousse au vice.

Z'êtes entrain de me dire que vous êtes indirectement responsable de la mort de votre mari censé être en Croisade ?


Un autre aurait été choqué, moi je le suis juste un peu. L'habit ne fait pas le curé, je devrais pourtant le savoir. A la Cour des Miracles, il n'est surprenant de voir les orphelins racketter les ivrognes avec un coutelas, alors une femme aux traits si doux qui assassine les gens... Je la revois dans la cuisine, avec son couteau à la main, puis je regarde le chandelier. Elle aurait pu me tuer. J'aurais pu mourir ce soir, un jour d'orage, dans l'anonymat, et Deos seul sait ce qu'elle aurait fait de ma dépouille. La pluie s'écrase avec force sur les vitraux que le vent fait trembler. C'est une belle soirée pour mourir.

Deos n'y est pour rien. Il ne permet à personne de tuer un aristotélicien, seulement les hérétiques et les criminels. Je suis sûr que votre mari était un homme bon, quoi qu'un peu violent après avoir bu, peut-être, mais il est aussi du devoir de la femme de faire passer le bien-être de son mari avant le sien. Il fallait lui pardonner ses coups de colère et les mettre sur le compte de ses problèmes personnels et professionnels, mais maintenant que le mal est fait... Vous allez vous repentir comme il se doit et non Le remercier pour quelque chose qu'Il n'a pas voulu...

Je me lève du banc, j'entends le sang battre contre mes tempes. Je me suis vraiment cogné fort, à moins que ce ne soit l'excitation qui monte à l'idée de lui faire du mal. La nature humaine est noire comme du charbon, aussi fluide que de la poix et sent la mort. S'il n'y avait pas d’institutions pour préserver une certaine morale publique, alors on en serait encore à assommer les femmes pour abuser d'elles et à tuer le voisin pour lui voler son bout de viande. Et parfois, ces instincts primaires refont surface, même dans une chapelle.

... maintenant.

Je glisse ma main sous son bras et je l'invite à se relever, lui prenant la chandelle des mains pour la poser sur le banc avant de la faire avancer en direction de l'autel surplombé par une grande croix représentant Christos crucifié. Et tandis qu'elle a les yeux levés vers le messie, je reste derrière elle pour ouvrir en silence mes braies et libérer mon outil de punition avant de m'approcher d'elle.

Priez pour votre âme...

Je m'approche encore d'elle ; ma tête au dessus de son épaule, j'arrive à sentir son parfum envoutant, celui d'une agnelle isolée dans une clairière. Elle a peur, je devine sa peau qui frissonne sous mon souffle chaud et aviné. C'est si bon d'avoir le contrôle sur quelqu'un.

... je m'occupe de votre corps.

Un avertissement qui arrive trop tard pour qu'elle puisse m'échapper. Je saisis sa nuque brusquement et je l'oblige à plier l'échine jusqu'à ce que son visage soit écrasé sur l'autel. Plus elle se débat, plus je resserre mon étreinte sur son cou. Impatient de passer à l'acte, je n'attends pas qu'elle se soit calmée pour que de ma main libre, je lui soulève son jupon tel un rideau qui laisse apparaitre un plaisant spectacle : deux jambes blanches surmontées d'un fessier charnu. Je ne m'attarde pas sur la vue, et d'un coup sec, je profane ce lieu étroit où sûrement nul n'a jamais été. Le tonnerre qui gronde couvre mon râle de plaisir malsain. Je vais faire des confessions plus souvent.


_________________
--.beatrice.


Cher auditeur attentif et passionné : toi qui espères chaque épisode avec l'impatience d'un enfant devant le dernier spectacle de marionnettes ("Victorine et Aymeric : la vengeance" bientôt dans vos salles) ; toi qui trembles d'effroi pour le destin de Béatrice ; toi qui trembles d'effroi pour le destin de Scopolie (non toi tu peux sortir); ou même toi là qui arrive en plein topic et qui aurait bien besoin d'un résumé des épisodes précédents... profite, oui, profite car c'est bientôt la fin de cet horrible conte.




Il n'est pas en croisade, j'ai menti.

Ah ben oui mais, toi, aussi, si tu lui mens...

Lui pardonner ? Je veux bien me repentir devant Deos pour ce que j'ai fait, mais jamais je ne lui pardonnerai ce qu'il a fait lui.
Qu'il croupisse en enfer.


Le prêtre la prend par le bras, presque avec douceur. Il la débarrasse du chandelier qui, depuis son banc, dessine maintenant des ombres plus grandes sur les murs. Elle se laisse mener devant l'autel, elle a confiance. Désormais libérée de ce terrible secret, elle se sent plus forte. Cette confession les lie à tout jamais. Et même s'il a l'air un peu bizarre, avec ses cheveux défaits, sa blessure au front et ses yeux impénétrables, elle sait qu'il ne la livrera pas à la justice des hommes.
Et elle a raison. (pour une fois)

Elle lève les yeux vers la croix aristotélicienne. La voix du prêtre est étrange, tendue... "priez"... Elle sent sa hâte palpable. Mais quand elle comprend qu'elle lui tourne le dos et qu'il est bien trop proche, il est trop tard... "je m'occupe de votre corps".

La main avenante s'est transformée en poigne féroce sur sa nuque. Sa pommette éclate sur le marbre froid mais elle n'a pas le temps d'avoir mal. Elle réfléchit à toute allure, pour trouver un moyen de lui échapper. Elle envoie ses griffes au hasard pour l'empêcher de relever ses jupes. Touchant un bras, le visage peut-être. Il ne doit pas approcher. Le chandelier est trop loin, sinon elle l'aurait assommé avec. Elle se serait acharnée sur lui avec, jusqu'à lui faire sauter les dents et éclater les yeux. Mais force est de constater qu'elle est impuissante.

Lui, non. Elle crie.
Elle crie à en ébouriffer Christos qui doit bien se marrer au-dessus d'eux. Mais la main se ressert sur son cou et la force à se taire, l'oblige à rester penchée là, devant lui, humiliée, vaincue. Elle enrage plus encore de s'être laissée berner, que de la douleur qu'il lui inflige. D'ailleurs, elle ne sent plus son corps, coincé entre l'homme et le marbre, bafoué tant et tant, sous les coups puissants. Elle ne tente plus de le repousser. Elle est au bord de l'évanouissement. Elle manque d'air. Et c'est tant mieux car si elle se réveille un jour, tout son être saura la brûlure de cette sordide pénétration.
--Scopolie
Les contes commencent comme s'il pouvait s'agir de notre vie : un curé et une bonne femme sous l'orage. Puis, il y a l'élément perturbateur qui va faire que le gentil va être à la merci du méchant : elle l'invite chez lui. Ensuite, les péripéties : une confession suivie d'un viol. Et après ? Il n'y a que les enfants, adorablement naïfs, qui ne savent pas que tous les contes finissent bien, que le méchant finit enfermer en prison par un jeune prince et que la gentille l'épouse et qu'ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. Mais voilà, on est pas dans un conte, on est dans la réalité. Ma réalité. Et dedans, c'est moi qui gagne.

Saleté, elle m'a griffé la main. Et si d'ordinaire, je ferais attention à ce qu'elle ne me crève pas un œil avec ses ongles, le plaisir de m'insinuer par la force dans ce corps, de sentir sa chaleur autour de mon membre en léthargie depuis le temps que je n'ai pas touché une femme. Les catins sont trop bavardes, car même si on les paie bien, elles sont bavardes, elle restent femme. C'est tellement mieux les fidèles : la peur est un meilleur bâillon que l'argent. Ma main se ressert autour de son cou, et peu à peu, elle arrête de gesticuler, encaissant sans broncher l'ardeur d'un faux curé qui rêvait de faire ça depuis un moment, avec elle depuis qu'il a aperçu le visage qui se cachait derrière cette laine bleue.

Si son mari nous regarde de là où il est, il doit bien rire lui aussi. Je lève les yeux vers la statue de Christos qui nous observe avec son regard plein de bonté et de douceur, comme s'il avait pitié nos errements à nous, pauvres mortels qui obéissons à notre nature profonde. Et les râles de plaisir sauvage, les cris de douleurs, se confondent et trouvent écho dans la chapelle avec le grondement du tonnerre et les clapotis de la pluie. Je presse son corps contre l'autel, jusqu'à l'écraser s'il le faut, mais j'irai aussi loin qu'il m'est possible d'aller. Plus qu'un plaisir charnel, c'est un plaisir sadique, celui de soumettre un semblable à sa volonté. Et plus je suis dévoré par le péché, plus ma main se resserre autour de son cou. Son visage est bleu, elle étouffe, et elle serait morte si le vitrail n'avait pas éclaté sans prévenir, laissant s’engouffrer les bourrasques de vent, soufflant les chandelles et nous laissant seulement la lumière vive des éclairs.

Sans réfléchir, je la relâche et sort de son sanctuaire ravagé pour reculer de quelques pas. Le verre crisse sous mes bottes. J'aperçois la silhouette lorsque l'orage me le permet, et au-dessus d'elle, la figure de Christos qui a semble-t-il la tête tournée vers moi, l'air grave sous l'éclairage du tonnerre. J'écarquille les yeux de surprise. Est-ce une punition divine pour avoir tant de fois abuser du titre de curé ? Je rebaisse la tête vers la femme que je perçois bouger. Et maintenant, que va-t-elle faire ? Se venger, sûrement. C'est elle ou moi. Je recule encore de quelques pas. Mais où est ce putain de chandelier ?


_________________
--.beatrice.


Jusqu'à la garde.

Les yeux grands ouverts, elle ne voit plus. L'effroi et les larmes troublent sa vision. Bientôt sa langue pendra hors de sa bouche, elle bavera de la mousse comme un pendu, et sa teinte bleutée prendra la couleur blafarde de la mort. Le temps s'égraine, trop lent. Quand va-t-elle enfin mourir, que tout cela s'achève ?

Elle sent les pulsations de son cœur s'alentir à mesure que les coups de reins du prêtre s'accélèrent. Elle voudrait être ailleurs. Son âme va s'envoler par les vitraux dont elle aperçoit les lueurs, par intermittence. L'orage est devenu silencieux. Ou bien est-ce elle qui n'entend plus, ni le tonnerre, ni les râles de son violeur ... ni les battements de cœur. Enfin, elle va rejoindre son dieu.

Mais soudain, la voila qui suffoque, effondrée sur le sol. Son corps a dû glisser à un moment. Elle ne se souvient plus quand.

Les chandelles se sont éteintes. Le vent souffle. Est-elle encore dans la chapelle ? Oui, elle en aperçoit les murs, à la faveur des éclairs. Elle tousse, entre deux gémissements plaintifs, et la douleur s'éveille, vive. Une douleur jamais éprouvée. Est-il donc pire que son horrible époux ? N'a-t-elle donc pas éradiqué le mal en tuant ce monstre ? Elle suffoque à nouveau, mais de rage. La haine qui la submerge, bat le sang dans ses veines. C'est une autre vie qui coule en elle, sombre, démesurée.

La lueur d'un éclair le révèle. Il est là. Et le chandelier est .. là. Ils ont regardé tous deux l'arme du crime qu'ils s'apprêtent à commettre. Ils se précipitent. Mais l'homme est plus rapide. Elle se cogne à lui et tombe dans les vitraux cassés. Ses genoux sont égratignés, mais elle se relève et recule d'un pas.

Il va approcher, sans savoir que dans son dos, elle tient un triangle de verre bleu ayant appartenu à la robe de Saint Bynarr. Elle penche la tête, inoffensive à souhait. Elle regarde le cou du prêtre.
Sa carotide, en réalité.
Au prochain éclair, son sort sera réglé.

Oui, mais le sort de qui ?
--Scopolie
Et Dieu dit : Que la lumière soit ; et la lumière fut.

Car cet éclair fut comme une révélation : le chandelier est là, presque équidistant entre nous. Celui qui l'attrapera aura l'avantage. Mais déjà, les ténèbres reprennent place dans la chapelle. Le chandelier a disparu avec la lumière, à nous de le retrouver maintenant et de tuer l'autre, car c'est une ordalie que nous impose Christos qui continue de nous observer, pauvres pécheurs, pour punir l'autre et expier nos fautes. Je me précipite dans le noir, car tel est Sa volonté. Et tant pis si je manque de glisser sur les débris de vitrail, peu importe si je risque de me faire défigurer, ou pire, en tombant. Lorsqu'Il ordonne, on obéit sans réfléchir. Mieux encore : lorsqu'une bonne femme a la manie de tuer les hommes qui la maltraitent menace de vous défoncer le crâne avec un chandelier, vous foncez dans le tas, et vous la bousculez violemment jusqu'à que vous saisissiez l'arme contondante qui servait autrefois de décoration. Et moi, j'ai réussi à faire tout ça, parce qu'Il est avec moi, et peut-être aussi parce que je suis trop pauvre pour mourir.

Je serre fermement le chandelier dans ma main et je l'observe, ou plutôt je devine sa silhouette et j'attends qu'un éclair me révèle les traits de son visage. Elle semble résignée à subir son sort. Et même si je n'ai qu'une hâte, en finir avec elle, la situation me parait étrange. Une femme normale aurait, selon son caractère, crié, essayé de fuir, affronté la mort en face ou sauté dessus. Mais pas elle. Elle est sereine, comme si elle était déjà morte. Ou comme si elle attendait quelque chose. Quelqu'un ? Le doute m'envahit. Y aurait-il une troisième personne dans la pièce ? J'esquive un pas sur le côté, je regarde derrière moi. C'est le noir total, et même les éclairs n'arrivent pas à lever toute la lumière dans l'endroit. Le vent et la pluie auraient peut-être suffi à couvrir le bruit de ses pas. Mais où ? Je me tourne vers elle, perplexe. Elle attend que je vienne, comme une sirène sur son rocher qui s'exhibe devant les marins. Ah, les femmes. Je les haïs.


Tu as tué ton mari, tu as ôté la vie de l'une de Ses créations et tu as rompu tes vœux de mariage. Mais ne t'en fais pas, Il est miséricordieux et je peux voir moi-même que tu n'as pas mauvais fond. Agenouille-toi, joins tes mains et prie avec ferveur car tu as reçu Son châtiment à travers mon corps. Tu es pardonnée de ton péché, mais prends garde à vivre dans la Vraie foi à partir de maintenant...

Je ne prendrais pas de risques. Son sort sera réglé lorsque je serais sûr que personne d'autre ne s'est invité à la confession. Bien mal m'en prit : trop inquiété par un ennemi imaginaire, apeuré par un bruit sourd dans le fond de la salle, je ne vis pas ce qui existait réellement mais était caché. Voilà comment j'en suis arrivé à lui tourner le dos.

_________________
--.beatrice.


Et Dieu dit : la boue, c'est bon pour tes croûtes. Ou quelque chose approchant, on n'est pas bien sûr de la traduction.



Elle le regarde presque avec tendresse. Elle a pitié de lui, car elle va le tuer. Bien obligée. Après ce qu'il a fait. Ce ne serait pas justice d'envoyer l'époux ad patres, et pas cet immonde prêtre. En plus il n'est même pas beau, même pas propre, même pas distingué. Deos, pourquoi m'avez-vous envoyé cet homme horrible. J'ai mal. Les yeux de Béatrice se remplissent de larmes.

A demi-folle, elle s'agenouille pour prier comme il ose encore le lui demander. A genoux devant lui, elle joint ses mains qui possèdent encore le triangle de verre cassé, et violemment elle se projette vers l'objet de sa honte, pour lui ôter ce par quoi il l'a offensée, effacer son crime, remonter le temps, quand il ne l'avait pas encore violée de façon si abjecte.

Malheureusement, c'est le moment qu'il choisit pour se tourner à demi, inquiet de trouver un ennemi potentiel dans son dos. Elle s'est plantée dans sa hanche et se redresse, tremblante d'effroi. Elle a échoué. Le bout de verre est là, piqué, à portée de main, elle pourrait encore, mais elle a peur, il va crier, se débattre, répliquer.

Elle recule et lui échappe, se rue sur la porte qui donne dehors, défait l'énorme verrou qui est dur. Il ne sert pas souvent. Elle tire de toutes ses forces, n'osant jeter un regard derrière elle, de peur qu'il soit là, tout proche, pour lui sauter dessus.

Sa robe est déchirée, ses cheveux ruissellent sous la pluie battante, ses bottines s'enfoncent dans la boue. Où aller ? Trouver un endroit, vite. Elle court droit devant elle, comme un lièvre pris en chasse, idiote. Elle tombe, se relève, pleure de frayeur.

Avec un peu de chance, il est en train de se vider de son sang devant l'autel. Mais pour en être sûre, il faudrait vérifier, se retourner, braver la vérité. Et ça, c'est au-dessus de ses forces.
--Scopolie
"Le danger que l'on pressent, mais que l'on ne voit pas, est celui qui trouble le plus"
(Jules Cesar)

Les ombres dansent dans la chapelle : quel sombre spectacle qui s'offre à moi et qui me glace d'effroi comme si le Sans-Nom en était le réalisateur, les éclairs la lumière et la pluie le son. Quel monstre se nourrissant de nos péchés et de nos sentiments négatifs pouvait bien se cacher dans les ténèbres ? J'observais, mais je ne voyais rien, parce que je ne regardais pas au bon endroit. L'ennemi est celui l'est sans le paraitre. Honte à moi, je suis pourtant un imposteur de longue date. Je n'ai pas su me méfier de ce faux angelot qui sauta sur moi ; et le temps que je comprenne ce qu'elle fait, j'avais un morceau de Saint Bynarr planté dans la hanche. Un comble pour un faux curé.

Je n'ai jamais aimé avoir mal. Quoi que personne n'aime, à moins d'une perversion. Mais je ne supporte vraiment pas la douleur. C'est pour cela que j'ai choisi la voie de l’Église, je ne suis pas censé me faire frapper. On ne devrait pas non plus m'entendre pousser un hurlement de douleur en me tenant la hanche pour observer avec stupéfaction le vitrail planté dans mon corps, mon sang qui colle la bure à ma peau. Si je ne l'avais pas aperçu entrain de s'enfuir, si je ne m'étais pas imaginé au gibet, j'aurais continué de geindre. La peur, l'instinct de survie, l'adrénaline ; tout ce que vous voulez, mais je devais agir. Alors je saisis le morceau de verre à deux mains et je tira dessus en serrant les dents si forts que j'ai cru que j'allais en casser l'émail. Des larmes au bord des yeux, le visage déformé par une hideuse grimace, je retira le Saint de ma hanche avant de le jeter loin dans l'ombre avant de me pencher pour ramasser le chandelier.

En me redressant, je l'entends essayer de forcer le cadenas. Elle est prise au piège, encore un signe de Deos qui veut qu'on lave nos péchés par le sang. Qu'il en soit ainsi, selon Sa volonté. Je m'avance vers elle en boitant, j'ai l'impression que chaque pas me fait perdre d’avantage de sang. Heureusement, le bout de verre a tapé contre l'os et aucune perte n'est à déplorer. Cela ne m'empêche pas de marcher plutôt lentement. De toute façon, elle ne peut pas sortir. Mon arme dans la main, je la fixe, je me vois déjà lui défoncer le crâne. Tant pis pour elle, j'aurais pu l'étrangler dans une position agréable -pour moi.


Tu n'échapperas pas à Son Jugement !!

C'est une menace, une prédiction. Je vais te tuer parce que je ne suis pas un curé comme les autres et parce que tu as essayé de me tuer. Mon cœur bat plus vite, je suis tout proche, je pourrais presque sentir son odeur, et... la porte s'ouvre, elle disparait. Non ! Je me précipite à sa poursuite, sacrifiant d'avantage de sang pour pourvoir accomplir ma mission divine. La douleur me donne de la fièvre, rend mes yeux injectés de sang. Le vent souffle comme pour me repousser à l'intérieur mais je persiste, je sors en courant après elle, je ne la laisse pas prendre de la distance, je perds mon sang, je me sens faible... Je ne vais tiendrai pas longtemps. Ma main crispée sur ma blessure, j'essaie de ralentir l’hémorragie. Je ne vois plus rien. La pluie m'aveugle. Où est-elle ?!

A quelques enjambées de moi, entrain de se relever, comme si Deos lui-même me l'offrait sur un plateau d'argent. Je n'ai plus le temps d'hésiter, je m'avance, j'élève le chandelier vers les nuages noirs et je la frappe au niveau de la nuque. Mais ça ne suffit pas à achever la bête. Elle continue de remuer, essayant de ramper à mes bottes, ses ongles s'enfonçant dans la boue. Si je n'étais pas blessé, je l'aurais emmené pour abuser d'elle jusqu'à ce qu'elle en saigne. Mais c'est trop tard pour elle. Je lui tourne autour à distance respectable pour m'assurer qu'elle ne cache rien. Je ne me laisserais pas avoir deux fois.


Tu vas rejoindre ton Créateur et Il va juger de ton âme. As-tu une dernière volonté en ce monde ?

Réfléchis bien car se seront tes derniers mots. La dernière image qu'on aura de toi vivante, c'est ton corps vulnérable et à moitié nu dans la boue. Ceux qui te retrouveront, par contre, ne sauront pas que c'est toi.

_________________
--.beatrice.


[Tout est possible à celui qui croit.*]

Elle court, aveuglée par la pluie et par les larmes. Tombe encore. Sa robe se déchire sur les pierres, et se déchire quand elle se relève, révélant ses jambes luisantes de boue sous les guenilles. Peu importe. La boue, elle la porte déjà, celle de l'opprobre qu'il a introduit en elle.

Mais soudain, elle entend derrière elle son pas dans les flaques. Il est là, elle voudrait crier, courir, et crier encore, mais la frayeur l'empêche. Elle trébuche et il assène le premier coup, violent, la faisant retomber contre le sol. Ce sol qui la dégoûte, froid, odorant et terreux, vaseux. Où se mêle maintenant son sang à elle, ferreux et visqueux. Elle a envie de vomir.
Il va la tuer...

Ne pas s'évanouir.

Réunissant ses dernières forces, elle se retourne pour affronter le danger. Et il est là, bien là, au dessus d'elle, plus effrayant encore que dans son imagination ! Dégoulinant sous les bourrasques, le regard féroce. Elle voit le chandelier, objet de sa mort prochaine.

Elle devrait se redresser, fière et femme, lui asséner ses vérités, qu'il ira en enfer pour ce qu'il a fait, mais qu'elle veut bien lui pardonner pourvu qu'il s'en aille.

Mais, minablement, elle recule en rampant. Ses pieds glissent dans la boue, faisant remonter ses jupons déchirés. Il lui demande ses volontés, comme un bourreau à sa suppliciée. Si elle parle, il va lui asséner le coup de grâce. Elle ne veut pas ! Pourtant elle murmure :


Que dieu me vienne en aide.

La dernière chose qu'elle a vue, c'était le chandelier, dressé dans les airs, puis un éclair. Et une épouvantable décharge tout autour qui fit éclater son cœur déjà mis à mal par l'épouvante.

Les foudres divines sont impénétrables.




*Saint Luc.
See the RP information <<   <   1, 2   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)