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[RP] Le bal de l'été : des poignards et des plumes

Aymeric
Elle me fait mal,
à l'intérieur je meurs
& Je deviens pâle
Je veux tout oublier
Suis-je normal ?


Traitrise, complot, déception ; tant de lames qui vous transpercent le cœur d'un coup sec, n'épargnant ni les rousses ni les jeunes ; ils arrivent sur vous sans que vous vous en doutiez, vous enlèvent le peu de bonheur que vous aviez. En début de soirée vous souriez, vous buvez, vous êtes heureux et amoureux ; en fin de soirée, vous pleurez, vous buvez encore plus, tout vous laisse un goût amer dans la bouche, vous êtes en colère et triste à la fois. Les mots ont fusé, coupantes, cinglantes, sortant tels des boulets de canon des gorges nouées. Votre monde s'écroule, votre cœur s'est vidé en quelques heures, l'amour qui vous animait gît sur le sol comme un restant de bière et il ne reste plus que votre colère qui vous guide par soubresauts. Car vous êtes un cadavre ambulant secoué par quelques spasmes. Car on vous a poignardé, et si certaines personnes vous ont déçu, ce ne sont pas eux qui vous ont achevé. Ce serait trop gentil. Non, le poignard qui vous achève a un pommeau a la forme d'un cœur, symbole de l'amour que vous portez à la personne. Car vous avez voulu vous venger de ceux qui cherchent à vous nuire, car ils font partie de la patrie de votre bien aimée, car elle les a défendu avec son corps et qu'elle n'a fait que se défendre. Car vous avez son sang sur les mains et que vous êtes mort de ses mains. Car elle fait passer son comté avant ses sentiments pour vous. Car vous êtes un égoïste qui ne comprenez pas pourquoi elle défend ces sous-hommes bureaucratiques qui ne cherchent qu'à vous nuire. Car aucun d'eux n'a voulu lâcher son arme et ils se sont empalés tour à tour pour que l'autre abandonne. Leurs corps enlacés ont roulé chacun de leur côté car tant qu'il leur restera une once de sentiment, que ce soit de la colère ou du patriotisme, leur âme ne sera pas en paix.

La première chose que fait un mort, c'est se débarrasser de ses biens matériels. Car le corps n'a plus aucune importance. C'est son visage pâle et humide de fantôme errant hanté par une tristesse intemporelle qui se présenta au dispensaire. Voilà déjà quelques semaines qu'il n'y venait plus, jugeant son état de santé encourageant, mais ce n'est pas pour une visite médicale qu'il fit mander la nonne qui s'occupait de lui. Dans la pénombre des ténèbres, il se délesta de ses biens pour ne plus être entravé par ces considérations matérielles. Ainsi, il confia à la bonne femme sa charette qui contenait tous ses écus et lui demanda de les mettre dans un endroit sûr connu d'elle seule. Il ne lui restait plus alors que son corps qui allait entamer une phase d'auto-destruction, toutes les barrières psychologies ont sauté en même temps que sa joie de vivre, un sacrifice moindre comparé à la bataille qu'il allait mener. Plus rien ne pourrait l'arrêter car il n'a plus rien à perdre : on l'a dépouillé de son amour et de tout ce qu'il a pu mettre de bon en lui. Il l'a perdu et a perdu son humanité par la même occasion, il n'est plus que l'ombre de lui-même, un reste qui ne continue de ramper que parce qu'il ne peut pas partir sans avoir accompli une dernière chose. Et cela commence par une lettre qu'il fit envoyer au conseil ducal mais dont une minorité n'était pas concernée.




A vous, les 10,

La diplomatie n'est pas une compétence que je maitrise, et je ne vous dois rien, je ne tournerai donc pas autour du pot. J'ai appris que le Conseil discutait de mon cas pour savoir si vous alliez me mettre en procès pour brigandage ou pas. Je vais vous aider à décider.

Il a été rappelé que j'ai subi une attaque par l'armée du roux Carmody car il apparaitrait que j'ai attaqué un soldat de la COLM dont j'ignore le nom. Je fus donc laisser pour mort devant les portes de Limoges, ce qui n'était pas conforme aux ordres donnés par la comtesse Sindanarie Carsenac. Cette bavure militaire, qui équivaut largement à une torture en place publique, était méritée selon certaines personne. Néanmoins, elle n'avait pas lieu d'être, la comtesse s'est alors excusée en personne pour cet incident alors qu'elle fait parti des gens qui pensent que je le mérite. Si elle a su ravaler sa fierté personnelle, c'est pour faire passer l'intérêt de son cher comté avant elle-même. En effet, je ne suis pas du genre à subir les coups sans les rendre, je lui avais donc laisser le choix : soit elle avouait qu'il s'agissait d'une erreur et elle me dédommageait, soit je faisais tomber le château.

Mais que ne ferait-on pas par amour. Durant ma convalescence, j'ai peu à peu vu ce comté sous un autre jour, et je n'ai même pas réclamé l’indemnisation de 1 000 écus qui était convenue. Par amour, j'ai passé une pastorale, prêt à me faire baptiser, à cesser mes larcins et à travailler honnêtement dans une forge. Par amour, j'ai essayé de m'impliquer dans la vie politique de mon nouveau comté en me présentant comme bourgmestre. J'ai même appris à apprécier les habitants qui sont aujourd'hui mes détracteurs : Seleina et Zeinar, vous vous reconnaitrez.

Et vous, bande de cloportes qui grouillaient dans ce château, vous prévoyez de me mettre en procès alors que je n'ai pas commis un seul délit depuis que j'ai regardé la mort dans les yeux ? Vous ne pensez pas que j'ai assez souffert de ma convalescence alors que je partais vers la Bretagne lorsque vos soldats me sont tombés dessus ? Vous voulez en plus de cela me trainer devant un juge qui, avant même que j'ai pénétré dans la salle, sait qu'il me déclarera coupable parce que tous vous êtes intimement convaincus que je suis le brigand en question alors que les faits remontent à si loin que vous seriez incapables de dire où j'étais à cette date ?

Par amour, elle a essayé de me dissuader de me venger de vous et de votre acharnement, vos manigances ; elle aime d'avantage un comté qu'elle sert fidèlement, et elle préfère défendre une bande de bien-pensants qui estiment qu'il est de leur devoir de me condamner devant un tribunal qui sera aussi impartial que les soldats qui m'ont terrassés, que de me donner raison dans ma colère qui es légitime. Parce qu'elle est animée d'un patriotisme sans borne, elle a donné sa vie à son comté : elle est morte depuis le jour où elle lui a prêté serment, condamnée à retrouver visage humain que lorsqu'elle ne travaille pas sur ses dossiers.

Vous êtes responsable, tous autant que vous êtes, de notre séparation. Parce qu'il vous faut avoir le pouvoir sur ceux qui échappent à votre contrôle. Parce que tant que je n'aurais pas renversé votre précieux refuge à vermine, vous ne comprendrez pas vos erreurs. Mettez moi en procès et je vous jure sur l'âme de ma défunte mère que votre précieux castel mangeur de vie tombera en ruine et que tous les conseillers qui y seront ou y auront été seront pendus comme des malfrats durant ce qui sera l'anéantissement de l'institution la plus pourrie qu'il m'ait été donné de voir.

Fait dans ma chambre il y a quelques heures,
Aymeric de Wroclaw
Sindanarie
Une lettre, Votre Grandeur.

Les prunelles émeraude, qui suivaient jusque là des lignes soigneusement calligraphiées pour y déceler toute incohérence qui aurait passé les barrages de leurs précédentes relectures, se relèvent sur le garde qui tient un pli à l'entrée des locaux du Conseil. La réponse claque comme un soupir.

Bordel. Ils veulent vraiment ma peau.

A faire mille choses en parallèle, en même temps, à avoir sans cesse dix dossiers se mêlant sous le crâne, la Comtesse finissait par en avoir plus que sa claque, et la fatigue morale était devenue, le raccourcissement des nuits aidant, un épuisement physique. C'était la dernière ligne droite, la dernière nuit sans sommeil. Demain, demain elle pourrait dormir... Enfin. En paix. Théoriquement, du moins, puisque la lettre que le garde tendait, une fois dépliée, recèle son lot de nouvelles menaces. L'horizon semble se recouvrir... Un geste pour le rappeler avant qu'il ne sorte, et quelques mots précèdent la reprise de l'écriture de la Carsenac.

Si la personne qui vous a donné ce pli est toujours ici, demandez-lui de patienter un instant. Une réponse arrive.

Et, sur le signe d'assentiment du garde, la jeune femme reprend plume et feuillet de parchemin vierge, et les phrases s'alignent, se succèdent, s'enchainent, manquent de se croiser et de s'emmêler autant que les pensées de l'encore Comtesse. Finalement, ce sont des lignes serrées autant que décousues qui couvrent la feuille, rapidement pliée et cachetée de quelques gouttes de cire de chandelle. Le garde est revenu. Le messager est toujours là, il attend. Le pli original est déposé sur un coin de la table. Si un autre membre du Conseil veut le déplier et le lire, il le pourra sans peine et sans que la Carsenac y oppose quelque résistance que ce soit. Et la lettre de réponse change de mains et peut aussitôt partir vers son destinataire. En espérant qu'il ne soit pas trop tard... Bientôt son destinataire pourra lire :

Citation:
    Aymeric, le bonsoir. La suite vous paraitra décousue, je n'en doute pas, mais elle vient en masse à la suite de votre courrier. Déjà, par simple curiosité, qui sont les dix à qui vous vous adressez ? Que vous ne la comptiez pas, je le comprends. Mais l'autre, qui est-il, ou qui est-elle ?

    Maintenant, sur les sentiments... A servir, jeune homme, l'on perd toujours une partie de soi-même, et je pense qu'elle a immensément souffert de devoir s'opposer à vous. Elle vous aime avec une fougue monstrueuse, avec l'ardeur d'une pucelle, avec sa pureté aussi. Elle vous aime comme jamais je ne l'avais vue aimer.

    Mais elle place son premier devoir hors d'elle-même. Elle le place au service d'autres. Elle le place au service de la Couronne de France, de notre Royaume, de notre Ordre, de notre Comté, sans relâche, avec une ferveur qui n'a d'égal que l'amour qu'elle a pour vous. Et c'est son travail, ce travail qui vous la vole, qui vous l'a donnée telle qu'elle est. Sans lui, elle ne serait pas elle. Sans lui, vous ne l'aimeriez pas, votre lettre ne serait pas empreinte du désespoir de la perdre pour une terre que vous commencez seulement à adopter comme vôtre.

    Aymeric, je ne peux que vous dire une chose. Aussitôt mon mandat achevé, dès demain, je demanderai sanction contre celui qui a mené l'attaque contre vous. Vous ne le verrez pas, mais j'ose espérer que le procès pour insubordination aura lieu. La sanction, je l'espère également, portera.

    Cependant, un point me chiffonne. Votre lettre s'inscrit dans l'exacte lignée des considérations développées par Arnaut de Malemort au sein du Conseil comtal, et présente la particularité de faire allusion à des discussions qui ont eu lieu. Ces discussions telles que vous les rapportez sont tronquées. Voilà ce que j'en ai compris. La juge actuelle a fait savoir comment elle jugerait l'affaire, à première vue. La personne que j'ai chargée de voir quel était l'état actuel d'avancement des divers dossiers a annoncé sa volonté de voir s'ouvrir un procès contre vous. Peut-être les discours prêtaient-ils à confusion. Mais je suis sûre d'une chose, naïvement peut-être. Justice fera son oeuvre, et dans votre sens également si abus il y a. Et si vous vous estimez lésé, la Cour d'Appel reste un puissant soutien. Mais, surtout, ne faites pas justice par vous-même et pour vous-même. Sachez endurer comme j'ai su endurer.

    A tout prendre, un deuxième point me chiffonne. Sachez que je n'ai jamais écrit à votre presque-mère pour lui dire que le Comté vous verserait quelque somme que ce soit. Au contraire, je lui ai fait valoir que c'était à la famille d'un jeune noble de pourvoir à ses besoins. En réponse à cela elle n'a rien exigé. Il faut que vous le sachiez : en ce sens, le Comté du Limousin et de la Marche ne vous doit pas un sou.

    Je ne vous poserai, dans la lignée de ce que j'ai déjà évoqué, qu'une dernière question. Par quoi êtes-vous assez lié à mon prédécesseur et ancien Procureur pour qu'il vous fasse connaître partie des discussions ayant cours au Conseil ?

    En espérant que votre réponse sera quelque peu apaisée, et que vous-même trouverez quelque sérénité (et je vous interdis formellement de boire pour oublier), je me permets de vous rappeler deux expressions bien connues. La première : "Tous les coups blessent, le dernier tue", dans sa version originale "Omnes vulnerant, ultima necat". La seconde : "Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort". Soyez fort et, surtout, soyez droit. Ne donnez pas à la justice une occasion inattaquable de s'en prendre à vous. Par égard pour Elle... Pour ne pas briser son coeur.

    En espérant ne jamais vous croiser pour témoigner ou porter une arme contre vous, je vous salue affectueusement... Malgré tout.

Fait à Limoges, le neuvième jour de juillet mil quatre cent cinquante-neuf.

Sindanarie Carsenac

_________________
Aymeric
Je veux juste une dernière danse
Avant l'ombre et l'indifférence
Un vertige puis le silence
Je veux juste une dernière danse


Et le bal se poursuit dans la chambre. Les livres s'envolent et battent des pages pour venir se poser sur le sol, il a donné l'élan nécessaire à la chaise pour qu'elle puisse accomplir ses acrobaties avant de se casser la jambe contre le mur. Il n'y a pas plus beau maquillage pour ce funeste spectacle que les larmes qui brillent comme des paillettes, le sang qui colore son visage et bat contre ses tempes comme une mélodie qui guide ses mouvements. Pas besoin de fumée et d'artifices, l'art est éphémère et il doit disparaitre à la tombée du rideau : la fenêtre était en verre et lui a réellement lacéré les mains, ses grognements sourds lorsqu'il tape contre tout ce qui est à sa portée résulte d'une vraie douleur. L'art est véritable, le bal n'en sera que plus beau. Et bientôt, il pourra quitter cette enveloppe charnelle dans laquelle il se sent si à l'étroit, si faible, il n'aura plus à supporter d'avoir les tripes nouées. Sa colère suinte par tous les pores de sa peau comme une passoire qui se vide peu à peu. Et bientôt, ce sera la fin, la libération ; une fois qu'il sera assuré que son orgueil ne soit pas mis à mal par un procès injuste impuni, il pourra partir pour un monde meilleur où il ne souffrirait plus de ses sentiments.

Assis sur son lit, la tête coincée entre ses mains ensanglantées, il pleure, il jure ; et à défaut de dormir, il se laisse doucement bercer par sa folie. C'est ce moment qu'a choisi le coursier pour frapper à la porte. Aymeric releva la tête, les sourcils froncés et le regard mauvais. Il pensait qu'à cette heure avancée de la nuit, cela ne pouvait être que les gardes qui venaient l'arrêter ou le tuer pour épargner un procès inutile. Décidé à ne pas se rendre sans avoir fait danser sa lame dans le corps de ses attaquants, il saisit son épée d'une main ferme et assurée pour avancer vers la porte contre laquelle on continuait de frapper. Il ne fit plus un bruit, croyant qu'ils allaient l'enfoncer à tout moment. On toqua une nouvelle fois, il saisit la poignée sans ressentir de peur et ouvrit brusquement, l'épée prête à perforer l'estomac du coursier qui le regarde, stupéfait. Dans sa main tremblante, il tient une lettre que le jeune homme lui prend des mains. Il ne s'attendait pas à une réponse si rapide.

Retournant à son bureau après avoir claquer la porte au nez et à la barbe de l'homme, il fit de la place sur son bureau d'un geste ample du bras, ne gardant dessus qu'une bougie, une plume et un encrier. La missive toujours scellée devant lui, il l'observa quelques longues minutes. A quoi bon la lire ? Ils vont essayer de le dissuader, mais tous leurs arguments ne fonctionneront pas. Il ne réfléchit plus avant d'agir, ce précieux enseignement est parti avec elle. Mais juste par curiosité, il la déplie et la lit avec attention lorsqu'il se rend compte qu'elle ne provient pas du conseil mais seulement de Sinda. Et sûrement grâce à ses talents de diplomate, elle a reçu une réponse adressée à elle seule.




Sindanarie,

Votre curiosité n'est pas simple, vous essayez juste de savoir qui m'a renseigné. Mais puisque vous êtes soucieuse de la minutie, j'adresserai mes prochaines lettres aux 8, quoi que je ne sais pas si je fais bien d'épargner les 3. Cherchez un peu et vous trouverez sur quel critère je les compte. En revanche, n'essayez pas de vous faire passer pour simple curieuse, je vais finir par croire que vous aussi vous me prenez pour un idiot.

Sa ferveur à servir ce comté n'est pas à égal à l'amour qu'elle peut me porter, et vous le savez. N'avez-vous jamais délaissé en partie votre mari, si un jour vous en avez eu un, pour travailler au château ou ailleurs ? Elle a choisi de s'opposer à moi plutôt que de voir que ma colère est légitime. "Elle est le Limousin", comme elle m'a dit, mais le Limousin n'est pas elle. Elle choisit d'assumer ma mise en procès alors qu'elle y est opposée. Je peux comprendre qu'on puisse aimer sa patrie, mais pas qu'on puisse l'aimer d'avantage qu'une personne.

Le travail, comme vous dîtes, l'a transformé. Mais ce n'est pas lui qui me l'a donné, c'est lui qui me l'enlève. Car si elle avait écouté son travail, elle m'aurait haï en tant que nuisible à ses terres comme vous l'avez fait avant qu'elle n'essaie de vous convaincre que je ne suis pas simplement un voleur. C'est le travail qui a fait que j'ai eu ces mots durs envers elle qu'elle ne me pardonnera jamais. Sans elle, je suis vide, il ne me reste que ma carcasse à préserver.

C'est ce même sens du travail qui pousse les 8 à vouloir me mettre en procès, et c'est le travail qui vous mènera à votre perte. Tel le Sans-Nom qui pousse les gens à pécher, vous l'écoutez sans voir qu'il vous mène à votre perte. Je suis sûr que ni vous ni les autres ne comprendraient, mais je ne subirai pas sans me battre. Si vous me trainez devant un tribunal, vous saurez qu'à votre tour vous serez bientôt jugés avec tout autant d'impartialité. Punir le meneur de l'armée qui vous a désobéi ne me fera pas changer d'avis, ce qui a été fait n'est pas réparable et je suis sûr que vous n'êtes pas prêts à le pendre pour avoir attenter à ma vie car lui aussi est soumis au travail, il vous est trop précieux.

Vous me faîtes rire avec vos discutions dans une salle soit-disant imperméable. Il suffit d'avoir 1 200 écus et 11 noms pour être sûr d'y accéder. Même pas besoin d'un programme, je pense que les récentes élections l'ont prouvé. Et vous avez tellement d'ennemis, vous Sindanarie mais pas seulement, que tous vos gardes sont sûrement soudoyés. De plus, n'oubliez pas que les anciens conseillers ont encore accès aux discutions : ça en fait des suspects. Même si on ne me rapporte que des bruits de couloir, ce n'est pas tronqué du tout : vous avez parfaitement compris le sens de la discution, Seleina ou Zeinar -mais les deux font la pair- prévoient déjà de m'envoyer au bagne dans les mines. Ainsi, un procès serait inutile puisque la sentence est déjà décidée. Je ne le vis que comme une sanction supplémentaire, le dossier qui avait été archivé par Arnaut l'avait été car il avait jugé le poutrage très largement suffisant comme punition comparé à ce qu'un juge aurait pu me faire, j'en prends pour preuve le dossier d'un brigand nommé Tino Risto qui a attaqué un membre de la COLM : une peine de prison de 2 jours. J'aurais préféré cela plutôt que de me laisser pour mort, me rétablir et rester coincé à Limoges pendant près d'un mois et demi.

Je ne me laisserai pas faire pour elle comme elle n'est pas resté neutre pour moi. Nous avions prévus depuis le début qu'un jour, nos proches se battraient entre deux, ou peu-être même que nous tuerions des proches de l'autre. Idéaliste, je n'avais pas voulu l'écouter mais maintenant, je sais que c'est sur le point d'arriver et que même si nous n'en arrivons pas là, elle ne me pardonnera jamais d'avoir menacer son premier amour. Croyez bien que je le regrette car j'avais pour elle un amour pur comme le diamant et que je vous estimais malgré que vous ne me portez pas dans votre cœur. Raisonnez vos collègues et amis car moi je les ai suffisamment averti. Et n'oubliez pas que si je suis en procès, tous vos efforts ainsi que vos excuses auront été vaines.

Aymeric de Wroclaw
Victorine
Victorine déprimait. Depuis leurs adieux, la vie n'avait plus le même goût.

La plupart du temps, elle rôdait au château, écoutant d'une oreille distraite les conversations les plus sérieuses. Même le bilan de fin de mandat n'avait pas eu l'honneur et l'immense gloire de connaître le crissement de sa plume. De toute façon, elle n'avait rien fait. Rien. Ou alors elle avait oublié car rien n'avait été fécond.
Elle était nulle.

Oui, depuis qu'il était parti pour une vieille rombière fortunée, la laissant seule, sans protection, démunie face au vaste monde, les jours s'étiraient avec monotonie. Ils n'avaient pas achevé l'entraînement. Même combattre elle ne savait pas.
Elle était nulle.

Mais elle était jeune. Elle s'en remettrait. Et puis, si cette expérience comtale avait été un échec, il y avait au moins une qualité qu'on ne pouvait lui enlever : elle avait su garder sa ligne de conduite, n'avait pas vendu ses idées au premier beau parleur venu. Ce qui en elle passait parfois pour de l'obstination était en réalité un fidèle attachement aux valeurs de liberté et de grandeur. Idées peu en vogue au conseil. Malgré deux ou trois alliés, elle se sentait un peu faible.

Oui, depuis que Theo était parti, elle se sentait un peu faible. Son regard vert balayait la campagne environnante. L'aventure, voila ce qu'il lui faudrait. Mais sans lui... que faire, qui contacter, quel chemin prendre ? On frappa à la porte de son bureau. Elle se détourna de la fenêtre et regarda le page.

Il la dévisagea, hésitant. Elle lui faisait face, petit bout de femme dans une jolie robe blanche et verte qui peinait à mettre en valeur deux petits seins pâles. Un sourcil blond se fronça, en signe d'impatience. Il demanda :


- Vous faites partie des 10 ?
- Des 10 quoi ? mercenaires ? commandements ? plaies d'Egypte ?
- Heu... qu'est-ce que j'en sais moi. C'est écrit "A vous, les 10," voyez par vous-même.
- " La diplomatie n'est pas une..." Ça doit s'adresser à celui qui va prendre ce bureau. Laissez-le là.
- Là ?
- Non là. Ça c'est la caisse que j'emporte. Vous êtes con ou vous le faites exprès ?
- Bien, Excellence.
- Il le fait exprès.


Une fois le page tourné (mouahaha le page tourné) Victorine jeta quand même un coup d'œil à la signature. "Aymeric de Wroclaw"

Et elle retourna à la fenêtre. Lui aussi, quelle déception... Elle croyait être son amie, l'avait soutenu souvent, même devant le conseil. Elle s'était confiée parfois et avait écouté. Elle avait répondu à chacune de ses lettres quand ils étaient loin. Leurs chastes baisers adolescents appartenaient à un passé bien révolu désormais. Ils ne se cherchaient plus. En grandissant, ils avaient atteint un équilibre, une certaine amitié. Du moins le croyait-elle.

Jusqu'à ce qu'il la menace. Physiquement. Devant témoins.
"Tu seras la prochaine."
Elle revoyait l'effrayante rage dans ses yeux, à l'instant où il avait proféré ces menaces insensées, les poings encore rouges des coups infligés à Poum, sous les yeux étonnés de Carmo et l'inquiétude d'Aldraien.
Oui, même pour l'amitié, elle était nulle.

Elle lâcha la lettre qui descendit en tournoyant vers les douves. (Douves qu'un jour franchiraient les armées barbares convoquées par Aymeric de Wroclaw pour assouvir sa soif de vengeance contre le Limousin entier. Mais Victorine, n'ayant pas lu toute la lettre, était loin de s'imaginer pareil dénouement.) La feuille fut happée par un souffle d'air, dansa, virevolta, et disparut. Oui, il était temps de faire comme elle.
Partir.

_________________
Zeinar
Promesses, trahisons, droiture, artifices, inspirations, idioties...
En Limousin, le conseil comtal s'apparentait à un long feuilleton criblé d'épisodes où se mélangeaient d'immuables ingrédients donnant un brin de piment au menu mais le rendant parfois indigeste.
Le brun y avait goûté une fois ou deux, avait même dû écourter son dernier séjour, préférant se taillant comme un prince avant d'être abaissé à hauteur des quelques malotrus qui nichaient dans les bas fonds de la rhétorique.

Depuis peu il y avait remis les pieds au conseil, nouvellement élu, enclin à apporter une fois encore sa pierre à un édifice parfois fragile. Construire un château de cartes en plein courant d'air relevait de l'exploit. C'est l'image que lui renvoyait certains débats promis stériles avant même d'avoir été entamés.
En attendant on lui confia temporairement la procure, tâche profondément ingrate lorsque la priorité consistait à chasser les fantômes qui hantaient les lieux pour d'obscures raisons. Ajoutez à ça une poignée d'affaires plus épineuses les unes que les autres, des dossiers mystérieusement classés sans suite, et vous obtiendrez un sacrée casse-tête.

Noyé dans ses papiers, le jeune homme reçut la visite d'un des larbins de service qui n'eut pas à toquer à une porte laissée volontairement ouverte.


- Vous devez être compris parmi les dix. Voici un courrier pour vous.
- Les dix doigts de la main? Ah, non les conseillers ne sont pas encore assez liés pour ça, je vous assure.
- Lisez ce pli, vous verrez vous-même ?
- Ici ce serait plutôt les douze apôtres. Montrez-moi ça.

Arrachant le papier des mains du domestiques, il parcourut les grands lignes, ponctuant sa lecture de quelques "bla bla bla" exaspérés.
Sans tarder, il se mit en devoir de répondre à Aymeric, limougeaud suffisamment connu par le bourgmestre.

Citation:
Aymeric de Wroclaw,

J'ai pris acte de vos déclarations, et m'autorise maintenant à vous répondre.
Je n'ai aucune idée de la façon dont vous vous être procuré les informations concernant votre procès, mais j'imagine qu'elles sont en partie tronquées, comme il est de coutume dans ces cas là.

Ma réponse sera directe, sans fioritures.

La Loi du Talion, symbolisée par cette expression bien connue "Œil pour œil, dent pour dent", n'est pas admissible en Limousin. Chaque individu soupçonné d'avoir commis un acte répréhensible sera amenée à s'en expliquer devant la Justice voulue impartiale et désintéressée.

Nul ne saurait passer outre cette Justice qui se définit aussi comme égalitaire pour tous. Vous ne faites pas exception, et cette cohérence est bien-heureusement nécessaire afin que notre Justice n'en trouve pas ébranlée et mise à mal. Ce serait la porte ouverte à toutes dérives dans le cas contraire.

Entre l'accusé à l'enfance malheureuse, celui qui ne dispose plus que de quatre doigts à la main droite, ou encore celui atteint d'un mal de dos atroce depuis ses cinq ans.... si nous devions épargner une explication au Tribunal à ces personnes ayant souffert de tous ces maux et éplucher le passé de chaque individu pour tenir compte d'éventuels traumas, nous n'en sortirions plus et nous écornerions l'un des caractères primordiaux qui fait de notre Justice ce qu'elle est : à savoir impartiale.

Peindre l'image tout à fait compassionnelle d'un système judiciaire impitoyable est peut être à la mode, mais évitez au possible de tomber dans ces tournures ô combien éculées.
Non pas qu'endosser le rôle du grand méchant loup me déplaise, mais ma pilosité n'est malheureusement pas encore assez développée pour cela. Et vous n'avez pas réellement la carrure de la jeune fille au capuchon rouge.
Gardez également à l'esprit que la Justice peut être un moyen de réhabilitation des plus efficaces.

Pour votre cas, il semble évident que si procès il y a, le poutrage sera retenue en circonstance atténuante. Sur les circonstances de votre attaque je ne peux me prononcer, mais sachez tout de même que j'ai appelé les personnes concernées à prendre leurs responsabilités et à désigner d'éventuel(s) coupable(s) s'il le fallait. Je ne puis vous en dire plus.

Je précise en passant que votre verdict n'a jamais été écrit "à l'avance", et comme pour tous s'il doit avoir lieu, il sera prononcé en fin de procès, et pas avant.

La colère et l'aigreur qui semblent vous habiter et vous amèner à proférer des menaces, ne sont pas les meilleures conseillères. Ça n'apportera rien de bon.

Ceci était pour l'explication.

Mais j'ai également une demande de réparation à vous formuler.

Vous avez enfin repris du poil de la bête d'après ce que j'ai pu voir, et de ce fait puisque vous avez entaché mon orgueil et que vous êtes capable de me sortir deux fois de suite de votre taverne manu militari, je demande réparation en lice.
Ce qui me semble tout à fait honnête.

A Limoges, le onzième jour de juillet de l'an de grâce quatre cent cinquante-neuf.

Zeinar.


Le courrier fut plié en quatre et rendu au domestique chargé de faire office de messager.

_________________
Aymeric
"Faire son devoir tous les jours, et se fier à Dieu pour le lendemain"
Baudelaire

Il ne vit plus, il est mort. Il ne dort pas, il attend le Jugement Dernier. Avachi sur le comptoir cabossé, les bras étendus devant lui pour servir de support à sa tête, il ne demande qu'à être réveillé pour qu'on lui apprenne sa mise en accusation ou l'abandon des charges contre lui. Épuisé de tourner en rond dans sa chambre, à court d'objets à casser, les mains trop abîmés pour frapper dans le mobilier, il avait fini par succomber à la fatigue, pour l'instant, comme des flammes qui disparaissent pour ne laisser que des braises ardentes attendant un coup de vent. Et il vint. La lourde porte de fer forgé fut poussée à bras le corps par un coursier qui tomba nez à nez avec le videur, un homme taillé comme une armoire normande avec une tête couturée qui n'inspirait pas au calme. C'est pour ses caractéristiques qu'il a été embauché, en plus qu'il ait des mœurs douteuses.

Le coursier fut dépouillé, de sa lettre et de sa bourse, ses vêtements étant trop petits, avant que la porte ne lui soit refermée au nez. Le vacarme réveilla Aymeric qui pensa tout d'abord que c'était un client qui pensait peut-être qu'il était roi ici. Il posa les yeux sur le parchemin enfermé dans la large main et fit signe qu'il lui apporte. S'il était encore fatigué, cela ne se vit pas. Redressé complètement, les sourcils légèrement froncés parce qu'il s'attendait à ce que ce soit une lettre officielle du conseil, il se rend compte que c'est une lettre personnelle de Zeinar. Il hésite à lui répondre, il n'est pas ouvert au dialogue, mais finit par le faire pour rétablir les choses.




Zeinar,

Tu me sers les mêmes arguments qu'en taverne, auxquels j'ai répondu. Mais peut-être qu'en réexpliquant une seconde fois, tu comprendras que c'est un dialogue de sourd.

Que vous le vouliez ou non, quoi que ça vous arrange de ne pas le vouloir, j'ai été poutré parce que supposé brigand -et j'aurais été condamné si j'étais passé devant un tribunal, ne faîtes pas comme si c'était pas le cas. J'ai payé ma dette comme on purge une peine, qui continue encore d'ailleurs, je ne vous dois plus rien, vous étant l'ensemble du conseil et le Limousin en général. C'est trop facile de dire que le poutrage résulte d'une bavure et qu'il faut s'en plaindre auprès l'ancien conseil. Je serais bien content de savoir que Carmody sera sanctionné, mais ça n'enlèvera pas ce qui a été fait, et "mérité" selon les propres mots de la comtesse d'alors. Le poutrage est une peine suffisamment lourde pour que vous ne cherchiez pas à me trainer devant un tribunal.

Et dans tous les handicaps que tu cites, ils ont tous un point commun : ce n'est pas une armée ducale, sous les ordres du comte, qui leur a fait ça, contrairement à moi. Que ce soit un tribunal ou une armée, ils sont tous les deux sous les ordres des dirigeants : j'en ai subi un, vous ne me ferez pas subir l'autre, même si le conseil a changé entre temps, c'est trop facile de dire "nous on t'a pas sanctionné alors on va le faire". C'est votre faute, y compris toi puisque t'es un politicard, si vous n'avez rien mis en place pour empêcher qu'un élu soit un procureur qui ne fait pas son travail. J'ai pas à payer pour incompétence de tous les conseils qui ont pu se succéder.

Et arrête un peu avec ta justice impartiale ; si la peine n'a pas été exactement définie au conseil, vous y avez réfléchis : un séjour au bagne pour casser des cailloux dans vos mines ou la prison. Reste plus qu'au juge, c'est à dire toi, de donner le nombre de jours pour les deux peines possibles et à me laisser choisir laquelle je préfère. Je te préviens tout de suite, je préfère croupir dans vos geôles plutôt que de récolter de la pierre pour vous. Et n'essaie pas non plus de me faire croire qu'un procès est un moyen de réhabilitation : vous essayez juste de vous sauver la face, de sauver la face de vos institutions, pour qu'on ne vienne pas dire que vous réglez vos problèmes de justice avec vos armées, ce qui est pourtant le cas puisque n'importe qui peut intégrer votre conseil tant qu'il a assez d'argent pour monter une liste aux élections.

Mais puisque vous semblez tous d'accord pour me mettre en procès, parce que c'est votre devoir de ne pas trainer un brigand dans un tribunal même si vous l'avez déjà puni manu militari, il sera de votre devoir d'assumer vos actes, et vous subirez la chute de votre château. Le Limousin tombera, car tel est son devoir. Vous pourrez vous faire passer pour des martyrs qui ont essayé de faire leur devoir jusqu'au bout, moi je sais ce qu'il en est.

Crois bien que je ne souhaite pas créer de crise en Limousin, mais juste vous voir tout le conseil au bout d'une corde. Et puisqu'il est dans votre devoir de vous battre jusqu'au bout, et donc de rester dans votre refuge, je viendrais vous y chercher avant d'y mettre le feu. Les dommages collatéraux seront à incomber aux dirigeants dont on trouvera les dépouilles en place publique. Et si tu penses que mes projets sont ceux d'un barbare, tu as sûrement raison : c'est mon côté paternel, qui vient du lointain royaume de Pologne, et où les maisons de noble s'affrontent en rase campagne pour régler leurs conflits. Le mariage de mon père avec une princesse bretonne n'a rien arrangé à mes façons de faire, tu penses bien.

Je transmettrai ta demande de duel à mon videur. Il t'attendra demain à midi devant la mairie. Moi, je n'ai pas bougé de derrière le comptoir, je suis en convalescence pendant encore 2 semaines selon les nonnes si les plaies ne s'infectent pas. C'est pour cela que je le paie d'ailleurs, pour ne pas avoir à me fatiguer. Mais j'imagine qu'il ne t'a pas laissé le temps de tourner la tête que tu avais déjà le nez dans la poussière. Estime toi heureux, moi, je t'aurais sorti empalé sur mon épée.

Aymeric


Il releva la tête du parchemin qu'il venait de signer pour regarder le videur qui attendait de recevoir des ordres, faute d'avoir un client à s'occuper. Sa voix est empreinte d'une froideur qu'il n'avait jamais manifesté, comme si la mort de cet homme qu'il appréciait autrefois le laissait indifférent, ou il faisait comme si.

Je te prêterai une hache à deux mains. Mais avant, je tiens à l'aiguiser moi-même. Rapporte moi la tête de Zeinar, ça en fera toujours un de moins à pendre...

Et sur ces mots, il lui tendit le parchemin. Nul besoin de mots : ce grand benêt a compris tout seul qu'il était chargé de trouver un coursier pour livrer la lettre à destination.
Zeinar
Si Cormec appartenait encore à ce monde terrestre, elle aurait surement gloussé à la lecture du courrier reçu, ils se seraient alors remémorés les deux fauchages subis en quinze jours d'intervalles, dont l'un dans un Comté jamais foulé. Le combat oral mené contre le listage intempestif, la longue attente.
Mais là, il n'avait pas particulièrement envie de se tordre de rire, ni même de s'empêtrer dans des explications sans fin.

Il ne coucha donc que quelques mots pour la forme.


Citation:
Aymeric,

Nous nous rejoignons sur un point: ca tourne au dialogue de sourd.
Vous me réécrivez quasiment mot pour mot ce qui a été dit dans votre premier courrier.

Vous répétez sans cesse que vous avez été poutré comme si vous étiez un cas unique, comme si cet épisode excusait tout ce que vous auriez commis avant, tout ce que vous pourriez commettre après.
C'est un élément à prendre en compte comme je l'ai dit, mais il ne vous autorise pas à vous laver de tout.

Je vous ai assez expliqué comment je voyais la Justice. Je ne vais pas m'échiner à vous convaincre. Surtout lorsque je lis votre certitude selon laquelle j'aurais une folle envie de "vous sanctionner". Franchement, vos mots me laissent sans voix. Mon rôle n'est pas de m'amuser à sanctionner, et la perspective de voir votre nom en procès ne me fait ni chaud ni froid.
On appelle ça l'impartialité car croyez le ou non elle existe encore.

Si vous tenez absolument à me faire endosser le rôle du grand méchant loup, allez-y. Vous jouez parfaitement celui du martyr, la victime du pouvoir qui appelle au soulèvement, et tout l'tralala.
Ce qui est amusant c'est que vous vous plaignez -peut être bien à juste titre d'ailleurs- du traitement subi avec cette armée, mais en même temps vous évoquez "un conseil au bout d'une corde" alors que la plupart des conseillers nouvellement élus ne connaissent même pas votre cas. Cherchez la logique...

Ce qui est sûr c'est que vous avez la langue bien pendue et le verbe haut. En revanche, après m'avoir viré de vous même de votre taverne hier, vous n'avez pas le courage d'accepter mon invitation en lice. Non, il vous faut envoyer quelqu'un à votre place. Si vous croyez que je vais lever le petit doigt sous prétexte que vous manquez de vaillance, vous rêvez.
Il n'y a pas de quoi faire le fier-à-bras.

En bon Aristotélicien je prierai pour vous.

Zeinar.

ps: Ne me remerciez pas pour la galette, le petit pot de beurre et le capuchon rouge. J'ai bon cœur et je reste persuadé que l'ensemble vous ira comme un gant.


En plus du courrier, une bourse bien pleine fut fournie au coursier qui s'empresserait d'aller acheter l'attirail du chaperon rouge avant de déposer l'ensemble chez Aymeric.

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Seleina
Comme je vous l'dis m'dame.
Il est fait mention d'votre nom dans ce courrier. Comment j'le sais ? Ben un des conseillers qu'avait laissé traîner une des copies alors bon, j'ai bien r'tenu vos l'çons d'lecture vous savez...


Hum... Et que dit-il à mon sujet ?

Ben il parle de détractionneuse... J'sais pas trop c'que ça peut bien vouloir dire, mais il ne semblait pas très content. Mais vous pourrez en juger vous-même...

Glissant le rouleau de ladite lettre dans la main de la brune, le vieil homme s'eclipsa en quelques courbettes.

Merci à vous. Je vais de ce pas régler cette histoire.


Saluant l'ancien greffier qui avait fait bon office pendant son mandat de juge, la brune reprit le chemin de sa bâtisse, l'air préoccupé, démarche hésitante, plongée dans la lecture de la missive.

Arrivée à hauteur des pierres blanches, elle s'abîma dans la contemplation de cet endroit qu'elle avait aménagé, aimé et où elle avait vécu tant de précieux moments.

Soupirant un instant, elle monta les marches quatre à quatre.
Son nécessaire à écriture posé négligeamment sur la table, elle déboucha son encrier, y trempa sa plume affutée, écrivit.



Citation:
Sieur de Wroclaw,


Je viens de prendre à l'instant connaissance de votre missive adressée aux dix.
Et ce que je lis m'a profondément étonnée. De quel droit vous permettez vous de me décrire comme votre détracteur ? Je pourrais vous poser la même question concernant Zeinar.

Quand vous ai-je déprécié ou émis un quelconque jugement sur votre valeur en tant qu'être pensant ? Où, à quel moment ?

M'avez vous entendu une seule fois vous manquer de respect ?
Pas une seule fois.

Par contre je vais vous dire le fond de ma pensée et vous en ferez bien ce que vous voudrez.

Qu'une armée vous ait poutré, cela est en soi inadmissible. Peu importent les raisons. Je suppose que les responsabilités seront démontrées et le coupable châtié.

Cependant, je persiste et affirme ici qu'étant soupçonné dans une sombre affaire de brigandage, vous restez néammoins sous le coup de la loi limousine et heureusement.
Qu'il serait anormal qu'une plainte ne soit pas traitée comme n'importe quelle plainte.
Que votre nom ne vous donne pas tous les droits. Et que votre jugement n'est en rien rendu.
Qu'il va vous falloir répondre de vos actes ce jour là, vous disculper aux yeux de tous.
Que si vous n'avez commis aucun acte répréhensible, alors vous serez relaxé et réhabilité aux yeux de tous.
Que dans le cas contraire vous pourrez faire preuve de ce qu'on appelle le repentir sincère.

Vous parlez d'amour et l'on sent la haine poindre à chacun de vos mots.
Votre amour est-il donc si facilement malléable ?
Et que sont-là ces menaces que vous proférez à l'encontre de cette province que vous dites aimer ? Est-ce cela aimer ?
Ne croyez-vous pas qu'elle a elle aussi suffisament souffert de j'en foutre ?

Servez-la et la tête haute si vous l'aimez au lieu de l'offenser.

Et n'allez pas imaginer que je puisse éprouver quelconque haine à votre égard. C'est bien plutôt une douce compassion qui m'anime à votre endroit.
Qu'Aristote veille sur vous et vous fasse entendre raison.

Bien cordialement,

Seleina.

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Aymeric
«A moi la vengeance et la rétribution, quand leur pied chancellera ! Car le jour de leur malheur est proche, et ce qui les attend ne tardera pas.»
(Deutéronome 32:35)

Plus rien n'était comme avant entre eux. Et s'ils continuaient de se voir dans le tripot sans nom qu'il avait réaménagé pour être à l'abri des entrées et sorties incessantes, l'ambiance n'était plus à la complicité mais à la peine de leurs corps lourds. Leurs mains se cherchent, se trouvent et entrelacent leurs doigts ; ils arrivent encore à avoir des gestes tendres, quelques uns, sans que l'idée qu'ils pourraient bientôt en arriver à se battre, à se tuer une nouvelle fois, ne les quitte. Et si elle s'abandonnait entièrement à son devoir, elle ne le reverrait même pas. Cela ne changeait pas le fait qu'elle ne pouvait plus lui faire confiance, il l'accompagna donc jusqu'aux portes de la ville sans savoir où elle va. Il sait juste que c'est une mission pour la Compagnie d'Ordonnance du Limousin et de la Marche. Il la regarda s'éloigner avec un pincement au cœur, se rappelant de leur conversation. A demi-mots, elle lui avait bien fait comprendre que c'est lui et son orgueil qui compliquait la situation. Mais plutôt la mort que la souillure, même si cette mort est longue comme l'âme qui se fait dévorer par la tristesse de l'amour perdu.

Il rentra d'un pas lent vers son établissement, la tête baissée. Il porte le fardeau de la culpabilité, de l'amour déçu. Il soulève ce poids sur ses jambes encore faibles malgré qu'il n'utilise plus de canne pour marcher. Il traine ses bottes sur les pavés jusqu'à pousser la porte de fer, aussi joyeuse que lui. Son regard se lève sur le videur qui tient en respect un coursier assis sur une chaise. Il l'avait oublié celui-là. Le messager de Zeinar. Coup d’œil vers les cadeaux qui furent déposer sur le comptoir. C'est là qu'il aperçoit une nouvelle lettre qu'il lit, remettant le cas du coursier à plus tard. C'est un nouveau conseiller qui lui répond, et comme chacun, il aura droit à une réponse.




Seleina,

Vous posez beaucoup de questions. Trop. Et le pire de tout, vous jouez sur les mots. Car oui, vous et Zeinar êtes mes détracteurs au conseil car vous êtes persuadés que je suis coupable, vous me voyez comme un brigand impuni et cela se sent dans vos propos, et c'est peut-être pour cela que vous insistez tant au conseil pour que je sois mis en procès. Sur 8 interventions prises au hasard, 4 sont soit les vôtres soit celles de Zeinar, les 4 autres étant de 3 conseillers différents. Si certains conseillers gardent le silence, vous vous êtes tout le contraire.

Mais puisque vous aimez jouer sur les mots, jouons. Vous ne m'avez jamais ouvertement manqué de respect, mais rien que le fait que vous essayez de me faire croire que je puis être relaxé à mon procès est une insulte à ma capacité de penser. Vous prêchez le froid dans votre lettre et vous prêchez le chaud au conseil, car ainsi vous avez parlé ou peu s'en faut : "la loi du talion ne s'applique pas en Limousie, Aymeric doit donc être mis en procès, car son acte est punissable". Quel acte ? Celui de brigander un soldat ? Vous avez avoué vous-même que vous croyez à ma culpabilité. Lors de vos discutions au conseil, vous parlez de me punir et pas seulement de me mettre en procès. Est-ce ainsi que vous parlez d'un homme qui a la présomption d'innocence ? Non. On ne discute pas non plus de la sentence lorsque le procès n'est pas terminé d'avance, on ne dit pas que "des travaux d'intérêts généraux lui seront sans aucun doute proposés en lieu et place de la prison". Vous n'avez aucun doute quant à ma culpabilité, et c'est pareil pour votre compère Zeinar qui est le juge. Mais vous vous en fichez tant que "son nom soit connu des services de justice", "parce que c'est ainsi que l'on procède" et non pas parce que c'est juste. Voyez comme je trouve vite des contrastes entre vos propres propos en deux endroits différents.

Vous ne reconnaissez pas la loi du talion malgré qu'une "tête pensante" de vos institutions l'aient appliqué. Et si Carmody est sanctionné pour m'avoir poutré, j'espère qu'il ne sera pas le seul. J'ai appris à connaitre cet homme qui est loin d'être le bougre que j'imaginais, voir même j'ai plus de points communs avec lui qu'avec n'importe lequel de vous. L'ordre vient d'ailleurs, mais l'histoire est trop confuse pour qu'on sache s'il a vu la contrindication trop tard ou si un de ses supérieurs de la COLM lui a demandé. Je pencherai pour la seconde option. Vous êtes responsables des faits et gestes de votre armée ducale "Bombarde et Châtaignes" face à l’extérieur, je me fous de savoir qu'il y a eu une bavure car à l'origine, c'est bien qu'un haut fonctionnaire du duché a appliqué la loi du talion. Si vous êtes trop lâches pour assumer, pour abandonner l'idée d'un procès qui ne serait qu'une double condamnation, l'une par l'armée et l'autre par le tribunal ; d'un côté la loi du talion et de l'autre la loi lemovice ; alors je réparerai cette injustice par la loi du talion en prenant votre château et en faisant pendre tous les conseillers ducaux, et en second lieu certains villageois à la langue trop bien pendue comme le cousin d'Arnaut.

Je ne suis pas soupçonné, je suis condamné d'avance, mais vous voulez suivre la procédure.
Ma plainte n'a pas été traitée comme n'importe quelle plainte, j'ai été puni selon la loi du talion.
Mon nom me donne le droit de mourir plutôt que d'être souillé.
Je répondrais de mes actes devant le Très-Haut et uniquement devant lui car Il est le seul à pouvoir me juger.
Ma réhabilitation se terminera dans moins de deux semaines, et ce n'est pas grâce à vous.
Ma repentance sincère était déjà faite, mais il a fallu que vous déterriez la hache de guerre.

Enfin, on ne peut aimer un comté lorsqu'on voit les gens qui en sont la tête. Jamais je ne me plierai à un conseil composé de gens comme vous tous. Autant j'aurais pu envisager de prêter de mon temps pour son corps, autant je le décapiterais sans hésiter.

Moi je n'éprouverai nulle compassion si vous m'obligez à me venger, car c'est le sentiment d'amour des hypocrites lorsqu'ils sont face à plus fort qu'eux, ou des forts envers les faibles -et vous n'oseriez pas me traiter de faible autant que je n'oserais pas vous trancher un sein.

Aymeric


La lettre es scellée, son regard sombre se pose sur le coursier. Que faire de lui ? Il avait songé à le tuer depuis qu'il avait lu la lettre. Le transpercer de sa lame aurait été si facile avec l'aide du mercenaire qui veillait comme un chien de garde. Mais il a promis à Ald' de ne pas tuer ce coursier qui n'a rien demandé à personne, sauf peut-être son chemin. Son regard serait pris d'une soudaine compassion pour ce pauvre gars plus vieux que lui mais pourtant à sa merci. Parce qu'on le paie pour cela, ou peut-être parce qu'il est animé par un sentiment d'avoir comme devoir de transporter le courrier des plus grands. Lui aussi, il sacrifie sa vie pour un comté qui n'en a rien à faire de lui, qui ne cherchera pas beaucoup s'il venait à disparaitre. Sait-il seulement qu'on l'a envoyé dans la gueule du loup ? Est-il un volontaire ou un inconscient ? N'a-t-il pas levé les yeux sur le corbeau empaillé au dessus de l'entrée qui joue le rôle de mise en garde ?

Le Très-Haut t'a créé, ce n'est pas pour que tu sacrifies ta vie pour un groupe de personnes qui pensent que ce qu'ils font est bien. Peut-être que tout le monde irait mieux s'il n'y avait plus d’État. Ainsi, ils se rendraient compte de la valeur de la vie et de la stupidité de la sacrifier pour... Pour quoi au final ? Ça ? dit-il en désignant une petite fenêtre d'où on pouvait apercevoir des gens passer, tout un flux de vies qui font leur chemin, régis sans y penser par un petit nombres de vies logées dans un château. Retourne dans ta marre, laisse toi porter par les vagues sans même te rendre compte qu'on t'utilise... Car tu ne participes pas à la vie de ta cité, pauvre fou, on sacrifie ta vie pour la préserver. Et moi, je suis le voyageur que vous n'aurez pas.

D'un geste las, interrompant son monologue écouté par un molosse aux capacités intellectuelles limitées et par un coursier qui ne pensait qu'à fuir, il ordonna à ce dernier de partir, non sans qu'il emporte avec lui la missive. Celle de Zeinar, elle, finirait dans l'âtre de sa forge, avec tout ce qu'il lui a envoyé. Et il finirait sa soirée tard, somnolant en taverne, à attendre une convocation au tribunal ou des gardes pour l'y emmener. Presque en hibernation alors qu'on est en été, il attend que le temps passe pour le prendre en route plus tard.
Seleina
Fronçant les sourcils, la brune prit connaissance du pli d'Aymeric.


Farfouillant dans ses papiers, elle lui renvoya cette réponse accompagnée des minutes de ce qui était dit au conseil. Elle en gardait toujours soigneusement copie.


Citation:
Sieur de Wroclaw,

Vous devriez prendre garde à qui vous divulgue nos conversations au conseil et dont j'imagine sans peine l'identité.

Faites lui confiance et vous courez à votre perte.

Voici les propos que j'ai tenus à votre égard. Je vous en fais cadeau. Il est de coutume de garder trace de ce qui se dit en tous les cas j'y mets personnellement un point d'honneur en ce qui concerne les affaires de justice. Mon greffier est efficace.

Et quoi de plus normal que je m'intéresse à ce dossier, étant juge au moment des faits, celui-ci ayant été archivé sans que personne n'en sache rien.

Quoi qu'il en soit, lisez, c'est instructif.

Votre informateur a du omettre inconsciemment quelques informations qui ont leur importance...



Seleina a écrit:
Ce que j'en dis.
Il est évident que des circonstances atténuantes vont de soi et que s'il est coupable, elles lui seront sans aucun doute accordées. Il faut arrêter de voir l'appareil judiciaire comme une institution sans coeur.

Cependant, il me semble que la loi du talion n'est pas de mise ici et que l'homme doit être traduit en justice. Parce que, s'il est coupable, son acte est punissable devant la loi et que passer outre affaiblit de fait cette justice qui n'est pas non plus à la carte.
Des travaux d'intérêts généraux lui seront sans aucun doute proposés en lieu et place de la prison et il aura alors l'occasion de faire amende honorable et de réparer l'erreur commise aux yeux de la société, ce qui, à mon sens ne peut que lui être salutaire.

Son nom sera toutefois connu des services de justice et s'il devait réitérer ce genre de délit, il sera alors poursuivi pour récidive. C'est en quelque sorte un garde fou.




Seleina a écrit:
Citation:
Ne pas prendre la mesure de toute chose, j'appelle cela de la partialité...


Je dirais plutôt que c'est justement le contraire...

Si vous commencez à tenir compte du passé de chaque prévenu pour lancer un procès vous n'avez pas fini mon pauvre Arnaut... Je dirai même que vous n'en lancerez aucun. Mais ceci explique peut être cela finalement.

Entre celui qui aura vécu les affres d'une enfance sans parents, ceux qui auront subi des violences de quelqu'ordre que ce soit, ceux qui auront un nez tordu, une verrue mal placée qui leur fera subir les quolibets de leurs semblables...

Vous prenez à ce moment là fait et partie pour cette personne, en tenant compte de ces événements.

C'est justement ce que la justice impartiale n'autorise pas. Et heureusement.

Ca laisse la possibilité à un prévenu de pouvoir se défendre de surcroit.

Et oui s'il est reconnu coupable, il lui sera proposé une peine alternative. Comme le permet dorénavant notre coutumier. Comme il est de mise de le faire pour TOUS les prévenus qui sont reconnus coupables. Sans exception aucune. Les peines classiques ne sont dispensées qu'en cas de refus, croyez le bien. Mais il peut tout aussi bien être relaxé. Tout dépendra du procès.
Citation:



Bonne lecture.

Seleina.
























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Aldraien
Ô douleur ! Ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
*

Vide. Aussi vide sans doute que cette fameuse journée où sa cousine lui avait balancé à la figure les mots les plus durs qu’elle n’avait jamais eu à entendre. Ceux-là même qui chaque jour que le Très-Haut faisait lui revenaient à l’esprit, claquant, profitant de la moindre petite faille pour s’immiscer inexorablement, sans qu’elle ne puisse rien y faire.
Vide. Mais cette fois avec cette lancinante douleur qui lui transperçait la poitrine à chaque respiration qu’elle prenait, lui rappelant à quel point la trahison qu'elle avait subi était bien trop grande pour être acceptée. Elle lui avait tout donné ou presque, elle lui avait cédé, entièrement. Et une fois de plus, elle en faisait les frais. Comment pouvait on encore seulement essayé de lui reprocher sa froideur et la distance qu’elle imposait après cela ? Elle ne pouvait plus faire confiance, elle était seule, à nouveau. Seule, avec ce sentiment de culpabilité dont elle n’arrivait pas à se débarasser. Sa cousine avait raison finalement, et elle ne l’avait pas écouté, trop aveuglée qu’elle était par ses sentiments.

En début de soirée vous souriez, vous buvez, vous êtes heureux et amoureux; en fin de soirée, vous pleurez, vous buvez encore plus, tout vous laisse un goût amer dans la bouche, vous êtes en colère et triste à la fois. La fameuse soirée qui avait été le déclencheur de tout le reste avait finalement été similaire des deux côtés, la Carsenac s’était sentie trahie, abandonnée, manipulée et se demandait encore comment elle n’avait pas pu se rendre directement auprès de sa cousine pour la supplier de la pardonner de sa bêtise incommensurable, pour la supplier d’oublier qu’elle avait douté d’elle. Il n’y avait bien qu’à elle qu’elle pouvait se fier pour finir.
Elle avait fait rempart de son corps plus d’une fois pour protéger les siens, aujourd’hui c’était son âme qui devait être le théâtre de ce combat sans merci, sans pitié, sans cessez-le-feu. Une âme tourmentée, anéantie, par les combats qu’on lui imposait, mais qui résistait pourtant, tant bien que mal, contre les assauts, et qui ne reculerait pas quoi qu’il arrive. Car vous ne vivez que pour protéger ceux que vous considérez comme les vôtres, car vous mourez d’accomplir votre devoir. Et chaque jour vous rapproche de cette inéluctable fin, comme une épée de Damoclès menaçant de vous rompre le crâne à chaque instant.

Ombre, elle s’était rendue au Conseil Comtal, dernier refuge où elle pouvait encore porter ce masque qui était le sien depuis bien des mois mais qui s’était vu fissurer par les dernières semaines. Elle était tombée sur la lettre adressée au Conseil, elle l’avait lu et un haut le cœur l’empêcha de tenter seulement d’y répondre. Morte, voilà ce qu’il pensait d’elle. Morte pour avoir décidé de son plein gré d’accomplir son devoir au péril de sa vie s’il le fallait, pour préférer protéger les intérêts d’un peuple entier plutôt que les siens propres. Morte…Existait-elle seulement aux yeux de ceux qu’elle protège corps et âme ? Ombre elle était, ombre elle resterait, elle n’avait aucun dû à demander à qui que ce soit. Qu’importe ce qu’elle représentait aux yeux des autres.
Omnes vulnerant, ultima necat…Elle mourait donc, puisqu’il en avait été décidé ainsi. Elle l’était déjà, quelque part. Elle puisait chaque jour dans ses réserves pour continuer à aller de l’avant, et Aymeric avait été son catalyseur pour lui permettre de continuer à suivre son chemin. Il n’était plus là à présent, plus comme il l’avait été.
Ses blessures physiques n’étaient qu’un détail comparées au débat intérieur que menait sa conscience.

Lequel des deux gagnerait n’était pas un mystère, jamais son devoir ne passerait en second. Jamais elle ne laisserait une armée ennemie prendre d’assaut le château de Limoges. Personne ne passerait tant qu’il lui resterait un souffle de vie, même si pour ça elle devait tuer l’homme devenu fou et irraisonnable qu’elle continue pourtant d’aimer du plus profond de son cœur et qu’elle ne cesserait d’aimer que lorsqu’une lame viendrait transpercer ce qui lui servait de palpitant. Qu’importe, qu’il en soit ainsi.
Les corps et les esprits fatigués se retrouvaient parfois en taverne, mais l’âme n’était plus là. Plus rien n’était comme avant entre eux, elle n’arrivait pas à oublier, elle n’arrivait pas à faire abstraction. La simple vision de son Comté à feu et à sang lui retournait continuellement l’estomac, l’empêchant de fermer l’œil, lui retirant tout appétit et toute envie de boire quoi que ce soit. Une ombre…Rien de plus. Une occasion de partir de Limoges, un signe sans doute. Elle ne lui avait rien révélé, elle n’avait rien dit à personne d’ailleurs, il l’avait juste regardé partir après qu’elle lui ai dit au revoir. Et la silhouette de la cavalière s’était fondue dans l’obscurité.
Une ombre…


*Baudelaire
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Aymeric
"Voilà cinq semaines que j'habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids !
Autrefois, car il me semble qu'il y a plutôt des années que des semaines, j'étais un homme comme un autre homme. Chaque jour, chaque heure, chaque minute avait son idée. Mon esprit, jeune et riche, était plein de fantaisies. Il s'amusait à me les dérouler les unes après les autres, sans ordre et sans fin, brodant d'inépuisables arabesques cette rude et mince étoffe de la vie. C'étaient des jeunes filles, de splendides chapes d'évêque, des batailles gagnées, des théâtres pleins de bruit et de lumière, et puis encore des jeunes filles et de sombres promenades la nuit sous les larges bras des marronniers. C'était toujours fête dans mon imagination. Je pouvais penser à ce que je voulais, j'étais libre.
Maintenant je suis captif. Mon corps est aux fers dans un cachot, mon esprit est en prison dans une idée. Une horrible, une sanglante, une implacable idée ! Je n'ai plus qu'une pensée, qu'une conviction, qu'une certitude : condamné à mort !"
(Le dernier jour d'un condamné, Victor Hugo)

S'il était mis en procès, il se vengerait par fierté, et là il serait sûr de la perdre à tout jamais, ce qui équivaudrait à une condamnation à mort. Cette idée hantait ses nuits et ses journées. Elle ne lui laissait pas un moment de répit, si bien qu'il avait envisagé tous les scénarios possibles mais aucun ne les arrangerait tous deux. Pourtant, il refusait l'idée qu'ils soient incompatibles. Plutôt mourir que d'ouvrir les yeux sur une triste réalité. Et il mourra. Sûrement. Pendu pour avoir comploter contre le château de Limoges. Empalé avec tant d'autres lorsqu'il essaiera d'assiéger la ville. Vidé de son envie de vivre s'il réussit parce qu'elle se détournera de lui. Il doit choisir entre se faire couper la main droite ou la main gauche. Autant se faire poignarder le cœur, il n'aura pas à choisir comme ça.

Carmody venait de sortir de taverne pour rentrer chez lui, les ruelles seront bientôt baignées dans les ténèbres et il ne sera possible à personne de retrouver son chemin sans une lanterne. Le jeune homme cherchait son trousseau de clé pour fermer son établissement et rentrer à l'auberge lui aussi, dans sa chambre désespérément vide sans elle, et où il trompera la solitude en lui écrivant. Mais un coursier vint interrompre sa recherche. Celui-ci portait une lettre de Seleina, encore. Trop fatigué pour réfléchir à une quelconque polémique, il tenta de remettre la lecture à demain mais lorsqu'il vit qu'il s'agissait d'un procès verbal, il prit la peine de lire, et même de répondre par quelques lignes.




Seleina,

Si vous étiez aussi procédurière avec vous-même qu'avec mon dossier, vous devriez porter plainte contre vous-même pour Haute Trahison. Mais ne faîtes donc pas les choses à moitié, montrez moi la totalité de la discution à mon sujet. Je la comparerai avec les autres sources d'information dont je dispose.

Ce rapport aurait très bien pu être modifier par vos soins, comme ceux que je détiens auraient pu être modifiés. Qui détient la vérité finalement ? Je ne fais confiance à aucun de vous, je ne trancherai donc pas. Et de toute façon, même si cette version était vrai, cela ne change pas grand chose. Je serais quand même curieux de l'avoir dans sa globalité. Cela restera entre nous bien sûr. Au pire, vous ferez porter le chapeau à Arnaut, il n'est plus à ça près.

Aymeric


Il remit la réponse au coursier armé d'une torche. Par devoir, on travaille même de nuit. Lui aller se coucher parce qu'il n'a aucun devoir, il peut vivre au jour le jour et dire tout haut ce qu'il pense sans être bâillonné par le respect pour la hiérarchie.
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Ma bannière ? C'est du made by Aldraien !
Gueldnard
Attaché une fois de plus à son secrétaire, Gueldnard finissait de répondre à un courrier à la lumière vacillante de sa bougie. La mèche baignait dans la cire chaude et était presque consumée lorsque la missive fût terminée. Le Comte remplaça la bougie avant de se mettre à répondre à une autre missive.



Le blond se redressa et scella la lettre. Il la laissa sur son bureau et la porterait dés l'aube à un coursier afin que cela soit transmis dans la matinée. Pour l'heure, il quitta son secrétaire et parti se glisser sous la couette en se collant contre un corps endormi.
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Aymeric
"Ma vengeance est perdue s'il ignore en mourant que c'est moi qui le tue".
(Andromaque, Jean Racine)

La journée de la veille s'était mal passée. Entre Ald' qui est loin, Victorine qui lui fait la tête, Victorine qui lui dit adieu, Baile qui a failli lui déboiter la mâchoire, il comptait passer un lendemain tranquille dans sa chambre. Le visage blafard éclairé par la lueur d'une bougie, il aurait voulu retourner dormir puisque le soleil se montrait tout juste mais il voulait absolument répondre à sa rousse pour avoir des nouvelles et lui en donner. C'est ce qu'il aurait fait mais à chaque jour suffit sa peine. Nouvelle journée, nouvelle peine. Une nouvelle lettre arrive, on pourrait même dire qu'elle frappe à la porte. Il a tellement vu de coursiers qu'il n'y fait plus attention, seul ce qu'ils transportent compte réellement. Il descend à la hâte, pensant qu'il allait enfin savoir s'il était en procès ou pas, surtout lorsqu'il vit que la lettre émanait du comte en personne. Déception de nouveau. Elle se mue aussitôt en colère. La plume gratte un vélin vierge comme un ongle qui racle la peau. Les mouvements du poignet sont brusques comme des coups de poing. Lui qui commençait à voir le bout du tunnel se retrouve dans l'obscurité et se débat. User de provocation avec lui n'avait pas servi à autre chose que de l'énerver d'avantage.




Gueldnard, car vous ne m'êtes pas cher,

Il y a plusieurs choses qui ne sont pas claires, car même si elles sont forts simples, votre petite tête n'arrive pas à en saisir toute l'étendue. Je n'appelle pas à la révolte, car je suis la révolte. Et si vous n'êtes pour la plupart que des bons à rien, sauf peut-être laisser les autres travailler, ce n'est pas pour cette raison que j’appellerai le peuple à la révolte. Qu'il se débrouille. Si tous ces gens qui ont voté pour vous sont incapables de voir que sur 4 conseillers sans poste, aucun ne veut assurer celui de commissaire aux mines, alors je ne peux pas réfléchir pour eux. Ensuite, si ma repentance n'était pas sincère, je n'aurais pas acheté de forge, et j'aurais déjà pris le château depuis longtemps. Mais ce raisonnement est sûrement trop subtil pour vous.

Ensuite, votre lettre ne fait que renforcer l'image que j'ai du conseil, une bande de bras-cassés qui mentent comme ils respirent. Vous savez pourtant que j'ai un informateur au conseil, alors à quoi bon essayer de me faire croire que vous êtes entrain de débattre sur mon cas ? Le débat est fini depuis quelques jours déjà, les arguments ont tous été exposé, les conseillers silencieux ne se réveilleront pas pour donner leur avis. Maintenant, qu'attendez-vous ? Que le procureur se décide à lancer le procès ? Que le juge tape du pied ? Mais vous n'êtes qu'une potiche, à peine bon à porter la couronne. C'est une affaire qui touche à la Justice, à la diplomatie et à la sécurité du Limousin. En clair, c'est au Comte de décider ce qu'il faut faire. Vous auriez mieux fait de laisser la place à quelqu'un d'autre, quelqu'un qui sait prendre des décisions ; lorsqu'on vous demande de choisir entre noir et blanc, vous choisissez gris, incapable de se mouiller. Et si des gens comme Aldraien et Sindanarie n'étaient pas là pour porter les conseils, le Limousin se serait écroulé sur lui-même. On vous disait pas mauvais conseiller au commerce, ce qui ne veut pas dire que vous étiez bon, et vous auriez dû y rester au lieu de convoiter une place dont vous n'avez pas la carrure pour l'occuper.

Je ne suis pas un martyr, je suis un homme fier qui ne se laisse pas porter ou écraser. Vous feriez mieux de prendre exemple sur moi car jamais vous n'auriez su faire ce que j'ai fait, et vous n'avez encore rien vu. Vous serez pendus comme les marauds que vous êtes, et les titres que vous avez pu accumuler jusqu'à maintenant ne feront pas la différence une fois au bout de la corde. Le peuple pourra s'en réjouir ou s'en plaindre, je m'en fous. Je me serais venger d'un procès injuste, c'est tout ce qui compte.

Vous êtes qu'un idiot bientôt ventripotent et Vicomte ou même Comte pour vous assurer une bonne fin de vie. Je ne préfère même pas vous raconter ce que j'aurais pu faire depuis le dispensaire où j'étais, ce ne serait qu'une perte de temps et j'en ai assez perdu. Maintenant, ce seront les faits qui parleront d'eux même. Soit vous annoncez officiellement qu'il n'y aura pas de procès, soit vous laissez l'affaire en suspend jusqu'à ce que tout le monde oublie, soit vous me mettez en procès. Au vu de votre couardise, vous allez choisir la seconde option, pour ne pas faire de mécontents.

Quant à une relaxe, je ne compte pas dessus. Si on m'a poutré, c'est que la comtesse et/ou le capitaine de l'époque en a donné l'ordre, et que donc, la parole d'un soldat qui dit que je suis son agresseur vaut plus que ma parole. De plus, lorsqu'on est un souverain digne de ce nom, on signe ses lettres. Cela ne m'étonne guère que tant de personnes osent convoiter la couronne du Limousin, et qu'on m'ait proposé de s'allier à eux pour vous la prendre, elle est plus un accessoire de mode qu'un réel honneur et devoir.

Aymeric de Wroclaw

Est-ce une coïncide ou un signe ? Quelques heures plus tard, sa belle-mère lui adressa une lettre pour lui dire qu'elle arrivait bientôt.
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