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Info:
Orphelin dans une monarchie élective, Charlemagne, 7 ans, se croit encore héritier par le sang. Cherchant un régent dans l'attente de sa majorité, il va au devant d'Ingeburge Von Ahlefeldt Oldenbourg. Il ne trouvera pas de régent, mais une amie, et un héritage.

[RP] Où il est question de taupes

Ingeburge
— Non.

Un des mots favoris d'Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg, connu très tôt, question de caractère mais aussi par la force des choses et des événements et un mot prononcé bien souvent.
Non à sa mère quand elle avait compris qu'elle devait partir, quitter le Danemark.
Non à la mère supérieure qui tentait de lui faire rentrer des principes rigoristes dans le crâne.
Non à son fiancé qui avait voulu cueillir sa fleur avant les épousailles et non toujours à celui qui, devenu époux, se montrait entreprenant de satisfaire le devoir conjugal.
Non au félon provençal qui avait désiré la mettre dans sa couche pour annihiler la fibre contestataire en elle.
Non aux cardinaux qui voulaient la bâillonner.
Non à son foutu vassal qui selon les jours, voulait du bois, des écus, des étoffes, des vivres, des dispenses diverses et variées, des défraiements.
Non à tous les autres et à toutes les situations.
Non à... lui, enfin.


— Non.
Et au valet qui présentement lui tendait une lettre. Non car elle n'en avait aucune envie. Trop de mauvaises nouvelles ces derniers jours, beaucoup trop et parmi elle, celle du trépas du Souverain de Bolchen qui se disputait à celle du départ du vicomte du Tournel. Alors, non, le monde pouvait bien s'écrouler, elle ne voulait pas le savoir, le monde resterait à sa porte et il n'était pas dit qu'il parviendrait à venir jusqu'à elle, comme par cette lettre qui lui était présentée, avec insistance. Pourtant, elle était tentée, non pas parce qu'elle aurait voulu que telle ou telle personne lui écrivît, non, elle était tentée car elle était tout de même, parfois, un brin vaniteuse. L'on pouvait avoir ainsi avoir besoin d'elle ou de ses éclairages et il était bien commode de faire montre de prétention quand on occupe des charges qui requiert de vous une attention et une disponibilité de tous les instants.

— Hum.
Un petit soupir s'échappa quand sa poitrine gonflée s'affaissa. Autre trait caractéristique de la vAO, s'exprimer par bruits vagues et informes mais pour autant très explicites. Là, donc, elle se résignait, elle était disposée à être altruiste, égoïstement, elle pouvait bien décacheter le pli, sans compter que la situation ne pouvait pas être pire, non? Une main baguée et blanche se tendit, paume vers le ciel, réceptacle offert au parchemin qui, selon les probabilités tirées de la merde des derniers jours, allait à tout le moins la contrarier. La bombe potentielle lui fut remise et ses doigts, craintifs mais impatients se refermèrent dessus, tremblants. La main demeurée libre s'éleva pour que le domestique s'éloignât et l'homme, rompu au comportement de la dame, s'exécuta sans demander son reste.

La missive fut déposée sur la table, devant elle et songeuse, de son regard mort, elle examinait, tentant d'en deviner le contenu, comme si elle eut pu lire à travers la couche qui l'empêchait d'en prendre connaissance. Et si? Toutes les questions qui se bousculaient en son esprit débutaient de la même manière, étaient dotées de la même amorce et toutes les hypothèses les plus diverses en découlaient. Il lui était mortifiant de constater que beaucoup allaient dans la même direction et agacée soudain par ces chimères l'environnant, elle ouvrit la lettre et en commença la lecture :

Citation:
      Ici ou ailleurs le 8 juillet MCDLIX.


    A Sa Grasce Ingeburbe von tout-pleins-de-choses,



Erreur système. La lecture s'arrêta là, parce que là, lire son prénom ainsi déformé, ma foi, ce n'était pas la mettre dans les meilleurs dispositions du monde quand elle était déjà portée à l'irritation la plus franche. Bon, en fait, il y eut plantage généralisé car ça, ce truc-là, ça ne voulait dire qu'une chose sur l'identité de celui qui lui écrivait et sur son âge, aussi; tout venait d'un destinataire dont elle se serait bien passée, tout là-dedans, elle le pressentait, émanait d'un môme. Son saut de lignes jusqu'à la signature le lui conforma mais elle fut en revanche bien attrapée en constatant que l'expéditeur de ce qu'elle tenait entre les mains était en fait deux et intriguée cette fois par ce second nom qu'elle ne se serait jamais attendu à lire, elle prit le temps de revenir à tout ce qu'elle avait volontairement mis de côté et son agacement se mua en une vaste surprise. Bizarre, il n'y avait pas d'autre mot, rien de tout cela n'avait de sens. Sa main se leva à nouveau et le serviteur placé en son encoignure jaillit de l'ombre pour revenir auprès de sa maîtresse. Celle-ci lui demanda d'aller lui faire chercher ses mystérieux correspondants qui là ou ailleurs qu'ils fussent ne pouvaient en fait qu'être dans les parages et, de nouveau seule, elle reprit la missive. L'explication viendrait sous peu mais rien n'en était moins sûr, que pouvait-elle escompter du premier et que savait-elle du second?

Il y eut une nouvelle émission de petits bruits significatifs, dans quelle galère allait-elle se fourrer?

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Charlemagne_vf
    Au lendemain du maternel trépas, l'on essayait de couvrir l'ombre du Prince de France d'une tenue de deuil. L'on avait essayé le blanc, mais Charlemagne n'aimait pas le blanc. L'on essaya donc le noir, mais Charlemagne aimait trop le noir.
    Pourpre, ça serait pourpre.
    L'Aiglon, orphelin, devenait Aigle, l'Infant, dans son esprit, devenait Roi. Qu'entendait-il à une monarchie élective, le fils de Guise ?
    Arutha lui avait bien expliqué, alors il avait signé, mais en son for intérieur, le désormais Souverain de Bolchen se savait de sang royal.

    Un problème se posait néanmoins, il fallait bien quelqu'un pour monter sur le trône en attendant qu'il connaisse ses déclinaisons et sa géographie, et l'évidence était apparue : ce serait une princesse, comme lui, mais une vieille princesse.
    Dans son esprit torturé par la disparition définitive de deux parents disparus il y a déjà des mois, Charlemagne avait ourdi un plan.
    Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg montera sur le trône de France, et quand il sera majeur, elle lui donnera sa place, parce que c'était une amie de Papa, pour Papa.
    Une amie. L'Implacable n'avait jamais été homme à se confier à ses enfants, mais l'on savait assez qu'Auxerre était de ses proches, pour que le royal fils sache qui elle était, et l'incapacité à prononcer correctement son nom lui évoquait Bolchen, l'Empire, la Germanie.

    Lorsque l'envoyé de la Prinzessin eut bravé les barrières menant aux appartements princiers, l'on ne mit guère de temps à lui confier Charlemagne. L'on dut imaginer qu'il était question de succession, et que la généalogiste allait s'exprimer avec grande hardiesse à propos de l'héritage et de ce qui arriverait à la Royale Altesse.

    Mené, non sans garde, au bureau du Grand Maître des Cérémonies, le Von Frayner ne dit mot, parce qu'il n'aimait pas parler pour ne rien dire, parce qu'il pensait que l'économie menait à l'immortalité. Aussi ne fallait-il pas laisser trop d'air lui passer entre les lèvres.
    Arrivé, on le laissa entrer, puisque pour un temps encore, il était chez lui.

    Elle était grande, Elle n'était plus très jeune, Elle était blanche, et Sa froideur, Sa hauteur, offrirent à Charlemagne Henri Lévan un reflet de sa personne, qui de fait, lui inspirèrent grande sympathie.
    L'Infant, du haut de ses quelques années, attendit la révérence que l'on lui devait, avant d'offrir la parole en donnant la sienne.


    Ingerbur...Madame.

    Le "rge" étant parfois discuté, entre "je" et "gue", le garçon préféra se rétracter. Devait-il en dire plus ? Son regard soutenait celui de la Duchesse, sa tutrice féodale suppléante, encore ignorée. Un oeil chercha une touffe blonde, absente. Tant pis, ou tant mieux.

    Elle pouvait parler, puisqu'il l'avait fait.

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Arutha
En cette étrange journée, si sombre et si noire, au lendemain du trépas royal, le petit blondinet avait trouvé pour lieu de refuge, un des bureaux personnels de la Curia, normalement réservés aux Grands Officiers Royaux. Ce bureau dans lequel il se trouvait n'était autre que le bureau de Montjoie, la Reine d'Armes nouvellement intronisée, sa sœur. Arutha était vêtu de l'habituelle cape de Pair de Vinkolat, son géniteur, comme s'il s'agissait du seul objet encore réconfortant. Ce manteau d’azur à la doublure herminée, surmonté d’un dais au parement et cousu d’or, aux glands d’or pendants, fourrure de col d’hermine, était la seule parure blanche qu'il s'était permise. Ses bottes et tous ses autres vêtements paraissaient plus immaculés et plus noirs encore ; ce noir de circonstance accentuait pourtant la détresse dans laquelle il se trouvait. Seule, peut-être, la touffe blonde redonnait-elle un peu de gaieté, de joie et de vie à la chose.

La veille, longtemps, il avait pensé, plus que de coutume, plus que conseillé. Ses parents l'avaient quitté ; la Reine les avait quittés. Pourquoi partaient-ils tous, et pourquoi l'abandonnait-il ? Pensée bien égoïste, vous en conviendrez, mais pensée bien légitime aux yeux du garçon. Et, après une vague tentative de mourir, vague tentative avortée, après une rencontre avec Aristote qu'il ne conta à personne, car personne ne l'aurait cru, il s'était naturellement reporté vers sa sœur, seule figure maternelle et assez réconfortante pour lui. Il ne voulait pas l'embêter, c'était une évidence, mais il s'était rendu dans les bureaux de la Curia qu'il connaissait bien. Néanmoins, dans ce bureau-ci, il n'était jamais entré. Bientôt, peut-être, connaitrait-il tous les bureaux de la Curia. Celui de Connétable de France, de Grand Écuyer de France et de Premier Secrétaire d’État avaient déjà été visités du temps de ses parents. Le bureau de Roy d'Armes, il le découvrait.

Arutha avait eu une brève rencontre avec l'Infant, l'Aigle désormais orphelin, que Guise et Béatrice avaient quitté. Un problème s'était montré capital. Quelqu'un devait monter sur le trône, et ce quelqu'un devait être la Duchesse d'Auxerre. Le normand ne la connaissait pas vraiment, sauf de nom -et bien loin de lui l'idée qu'il s'agissait de la porte parole de Bourgogne, mais aussi de la dénommée Phylogène-, ce qui était bien suffisant pour savoir qu'elle était digne de confiance. Charlemagne avait renforcé cette confiance déjà offerte apr le Gisors. Oui, elle pouvait monter sur le trône. Elle devait monter sur le trône. Et, ils lui avaient envoyé une lettre, signée de leurs deux noms.

Il s'était assoupi dans ce bureau où il avait établi domicile, pour quelques heures au moins, lorsqu'il fut réveillé, non pas par sa sœur, mais par un envoyé qui s'avérait être celui de la Duchesse d'Auxerre. Et c'est ce dernier qui conduisit Arutha au bureau du Grand Maitre des Cérémonies.
Les gardes le laissèrent entrer.

Ce fut cette grande femme, déjà rencontrée, plus toute jeune, mais pas non plus très vieille, réputée Froide, qu'il vit tout d'abord. En la voyant, il comprit. Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg était la Duchesse d'Auxerre. Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg était la porte parole de Bourgogne. Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg était Phylogène. Une seule et même personne.

Charly, lui, était déjà là. Salut, Charly.

Ingebur... Madame.
A l'image du dodu royal quelques minutes plus tôt, il préféra ce simple, mais efficace, "Madame", à une erreur sur ce nom dont le mystère de prononciation lui était entier.
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Absent du 30 juillet au 13 ou 15 août... Si besoin, MP ou courrier IG !
Ingeburge
Elle était grande, l'on pouvait le voir en lui jetant simplement un coup d’œil elle qui se tenait debout, devant une croisée, contemplant d'un air vague des lieux déjà observés maintes et maintes fois. Aujourd'hui, elle n'y voyait rien, absolument rien et elle ne se rendant même pas compte de cela.
Elle était... ah, sans âge tant elle avait vécu, sans âge tant son teint marmoréen était lisse et dépourvu de ride, sans âge tant rien ne transparaissait; l'on disait son cœur enserré dans une gangue gelée et le sang lui parcourant les veines et les artères charriant des morceaux de glace. Etait-ce là le secret de cette allure adamantine? Glacée dedans, guère mieux dehors, ayant connu mille vies et pourtant en âge de vivre encore et longuement.
Elle était blanche, aussi, aussi blanche que la neige du Danemark où elle était née et qui, chaque hiver, recouvrait la Scandinavie d'un tapis épais et immaculé et elle était blanche comme ses vêtements étaient profondément noirs, ceux-ci la rendant plus pâle encore.
Mais était-elle froide celle que l'on désignait sous ce sobriquet en Bourgogne, elle était-elle aussi indifférente que ce l'on affirmait? Peut-être.

Debout et bras croisés devant sa fenêtre, c'est en tous les cas un visage impavide qu'elle présenta aux deux garçonnets introduits en son antre, le brun en rouge et le blond en bleu. Au premier, elle avait réservé une inclinaison de la tête gracieuse, parfaitement maîtrisée, accompagné d'un monseigneur neutre mais tout aussi respectueux des formes et quand le second fut arrivé, elle haussa un sourcil délié voyant la compréhension se peindre sur ses traits enfantins.

Son poste d'observation fut quitté et elle prit place dans un fauteuil confortable, le bas de sa houppelande de taffetas bruissant étrangement dans le silence et s'épanouissant en une sombre corolle. De sa main richement baguée et de quelques mots rauques, elle invita ses deux visiteurs à faire de même :

— Monseigneur, monsieur, je vous en prie.

Son regard passait lentement de l'un à l'autre, guettant, quêtant un signe, cherchant à découvrir le pourquoi de la lettre qui faisait une tâche claire sur sa robe maintenant qu'elle l'avait posée en son giron. Durant quelques secondes, elle hésita sur la conduite à adopter, ne sachant pas trop comment en venir aux faits. Elle ne voyait pas ce que les enfants avaient différents des adultes, ils étaient ennuyeux et réclamaient sans cesse et elle n'avait jamais su par quel bout les prendre, se bornant à parler aux uns et aux autres de la même manière. Sa maternité volée ne lui avait pas permis d'apprendre à se mettre à leur hauteur, sa fille éloignée volontairement n'avait pas pu adoucir les angles de son intransigeance. Et puis, il y avait deux ombres planant au-dessus d'eux, l'ombre des souverains défunts récemment, cette ombre qui avait pris le Louvre toute entier, qui polluait désormais les conversations, les regards, les activités, tout, cette ombre qu'elle était chargée de mettre en lumière, pour le dernier hommage. C'était ce à quoi elle s'occupait avant de recevoir la lettre, elle dressait des listes, rédigeaient des missives, confectionnaient des commandes car la comédie, aussi tragique qu'elle fût, ne s'arrêtait jamais. Elle était le maître d’œuvre de ce spectacle permanent et constant, malgré ce qu'elle ressentait et malade déjà de tous ces airs pleins de commisération et de ces murmures empruntés qui atteindraient leur paroxysme le jour de funérailles dont elle aurait réglé chaque détail. Béatrice en aurait compris la pompe sans pour autant la goûter, Guise en aurait vomi tripes et boyaux.

En hommage à l'Implacable, elle décida donc de ne pas présenter ses condoléances et fidèle à elle-même, elle ignora que c'étaient des enfants qui attendaient qu'elle parlât :

— J'ai bien reçu votre lettre. Je ne sais si c'était là le retour que vous escomptiez, peut-être vous attendiez à une réponse elle aussi manuscrite. En tous les cas, nous voici en présence.
Ses mains croisées devant elle s'écartèrent légèrement et elle ajouta, olympienne :
— Point n'était besoin de m'abreuver de pareilles billevesées pour venir me voir, il vous suffisait de paraître. Vous, Monseigneur, car vous êtes chez vous; vous Monsieur car vous agissez comme si c'était le cas.
Une question vint ensuite, tout aussi détachée :
— Quel autre officier royal a-t-il été victime de votre plaisanterie?
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Charlemagne_vf
    Elle avait des bagues à chaque doigt, aurait dit Jeanne Moreau. Tant de bagues. Charlemagne posa un oeil sur chaque, et les mains toujours gantées de sa mère lui apparurent. L'Infant n'aimait pas voir la Reine sans gants, elle avait de vilaines mains, rongées, et potelées.
    Béatrice avait porté des bagues, sur ses gants, sous ses gants.

    Plus tard, le Duc du Nivernais en aurait une pour chaque fief. Sept anneaux. Sept anneaux pour les Seigneurs Nains dans leur palais de pierre, aurait dit Tolkien.

    Obéissant à la sévère main, le Prince prit place dans Son fauteuil, le sien à lui, puisqu'il est dans sa demeure, pour un temps encore.
    On l'appelle Monseigneur, lui qui n'a bouffé que de l'Altesse Royale depuis des temps dont il peine désormais à se souvenir. Ces temps où sa mère arpentait encore les couloirs de Chastellux, de Bolchen, où son père le laissait encore à la porte du Conseil des Von Frayner.
    Paris avait été haï par l'Infant. Et puisque plus tard dans la journée, on lui ferait quitter le Louvre, ce serait pour abhorrer ces lieux, cette chambre où la veille, il avait appris Le trépas.

    La Froide amie du Duc des Ducs fut directe, et l'ego déjà surdimensionné de l'héritier fut conforté, et flatté, alors qu'elle s'adressa à lui comme à un homme, comme à son père, à beaucoup de choses près.
    Mais au plaisir d'être traité en égal, en supérieur peut-être, succéda la colère.
    Sujet à l'énervement, difficilement contrôlable, le Fils de France n'osa pourtant laisser son corps s'exprimer devant la Duchesse d'Auxerre, et serrant des poings, une fois encore, il trancha.

    Mère disait qu'il n'est de billevesées qui soit signées.

    C'était faux, Mère ne disait pas ça, mais la vérité sortant de la bouche des enfants, l'on supprimera le "mère disait" pour obtenir une merveilleuse et sensée maxime.

    Et on a écrit à personne d'autre, déjà, Arutha, il a mis longtemps à tout bien écrire pour vous, et puis les autres, ils connaissent pas papa.

    Le regard du jeune homme se fait tendre, un peu comme s'il espérait se rapprocher d'un Implacable défunt à travers les yeux d'Ingeburge, à travers ses paroles. Qu'importe qu'elle devienne Reine, il avait décidé de n'avoir confiance qu'en elle.

    Et c'est pas une plaisanterie.

    Parce que si elle le devient, c'est chouette quand même, et que l'heure est grave, et si le garçon n'y connait rien en politique, et n'imagine pas quel poids reposait sur les maternelles épaules, pas plus qu'il ne se doute de la course au trône qui déjà, a commencé en toute indécence à l'extérieur, il est persuadé de pouvoir décider de qui lui garderait la Couronne : Interbrigitte Von Ahlefeldt-Bismark. (sic)

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Arutha
[Navré de ce court post. Je fais au plus rapide, et au mieux, pour ne pas vous bloquer. Edit : Bon, d'accord, c'est pas terrible...]

Le petit blond, en cet instant, avait envie d'une pomme. Allez savoir pourquoi. Il appréciait les pommes, pas pour leur goût, mais plutôt pour leurs propriétés intéressantes. En général, il utilisait les pommes pour massacrer son adversaire, qui s'était avéré être, à plusieurs reprise, un coq. Un malheureux coq. Aujourd'hui, la Froide n'était pas une adversaire. Tout au plus une sympathisante, à défaut d'être une amie. La venue des deux mômes, bien qu'irréaliste, n'était pas complétement stupide. En effet, ils souhaitaient que cette dernière dépose sa candidature aux élections royales...

Ainsi, Arutha écoutait son ami bouboule répondre aux accusations masquées formulées par la Froide. Visiblement, l'orgueil qui était sien avait été entaché par cette demande ayant trouvé naissance dans l'esprit de deux enfants. Et, Arutha, toujours, hochait la tête, presque stupidement.
C'est pas une plaisanterie, finit-il par dire, comme si sa voix eût pu donner plus de poids à celle de l'Altesse orphelin.

Après tout, dans l'histoire, Charly était l’instigateur.
Qu'il se démerde, hein ! pensa-t-il.
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Absent du 30 juillet au 13 ou 15 août... Si besoin, MP ou courrier IG !
Ingeburge
Impavide, elle attendit la réaction des enfants et celle-ci vint de Charlemagne. Le regard froid de la Prinzessin qui jusque lors naviguait entre les deux garçonnets se fixa donc sur la rouge et enveloppée silhouette. Elle ne fut pas étonnée que ce fut lui qui prît la parole en premier, en ce que premier, il l'était en tout. Premier fils de Guise, premier Fils de France, premier parmi les princes, premier beau parti en devenir, premier de ce duo infernal... première victime désignée pour les appétits des puissants, de ceux se figurant l'être et de ceux aspirant à le devenir. Pour autant, elle n'en était pas encore à le considérer autrement qu'un étranger, elle refusait de voir en lui une émanation guiséenne; la perte était bien trop récente pour être déjà acceptée.

Très vite, le Premier se déchargea sur le second, désignant son acolyte comme étant l'auteur de la lettre et indiquant que ce courrier était unique. Les sourcils déliés d'Ingeburge se froncèrent, ce renseignement déjouait ses suppositions et de fait, la poussait à devoir réviser ses hypothèses maintenant qu'elle ne pouvait plus agir comme si elle avait été choisie comme d'autres. Et ils se froncèrent davantage quand le von Frayner fut évoqué sous un vocable qui lui allait si peu. Papa. Il avait été fou de joie quand l'Héritier avait paru, quand la manifestation tangible de son legs avait ouvert les yeux sur le monde. Papa. Non, définitivement, cela ne lui correspondait pas mais il aurait bien trouvé le moyen de s'en satisfaire, attaché comme il l'était à son sang. Il l'aurait même revendiqué comme Charlemagne le revendiquait maintenant. Enfin, elle tenait la raison de ce qu'elle considérait être une plaisanterie et elle en demeura mutique, ne s'attendant pas à ce que son lien avec Guise expliquât l'envoi de cette lettre.

Mais s'ils croyaient qu'ils l'auraient ainsi, erreur, et ce ne fut pas la déclaration énonçant que ce n'était pas une plaisanterie qui la dégela, pas plus que la reprise de celle-ci par le garçon bleu. Ses prunelles à l'opalescence dérangeante se déplacèrent sur Arutha. Pour une fois, Charlemagne ne serait pas le premier car c'est au Normand qu'elle répondit d'abord, mordante, lançant :

— Ma foi, la lettre étant signée par le roi de Falaise et cette même missive se répandant en suppositions plus que déplacées sur mon anatomie, il y a de quoi douter du sérieux du contenu de ce courrier.
Du bout des doigts, elle soulevait le parchemin, les prenant tous deux à témoin et elle fondit ensuite sur Charlemagne, indiquant :
— On ne signe que ce l'on doit signer, ce n'est ni un adage, ni un proverbe, c'est une recommandation que j'adresse bien humblement au fils de mes souverains. Mais soit, je vas tâcher d'imaginer que cette curieuse requête est on ne peut plus sérieuse.

Le feuillet reprit sa place initiale, sur ses genoux et, s'adressant toujours à Charlemagne, elle indiqua :
— Sa Grâce votre cousin Chlodwig von Frayner connaissait fort bien votre père, pourquoi donc ne pas lui avoir écrit? Idem pour Sa Seigneurie Thomas de Clérel.
Se penchant légèrement en avant, elle hocha la tête lentement, pour donner plus de poids à sa sentence :
— Il va falloir autre chose pour me convaincre.
Tout aussi lentement, elle se redressa, hiératique et elle se tut.

Soule au centre.

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Charlemagne_vf
    "Sa chaste beauté, n'avait d'égal que sa Sainteté." Guise Von Frayner.

    Beauté fulgurante au verbe tranchant. Les lèvres d'Ingeburge Von Ahlefeldt-Oldenbourg fascinaient l'Infant. De cette bouche sortaient des mots qui dépassaient l'être né six ans auparavant.
    Les paroles de la Cardinale n'étaient certes pas transcendantes, en fond, mais la Noirceur leur donnait une forme parfaite. La diction était soignée, la voix était placée, le ton était donné, et tout Prince de France qu'il était, Charlemagne se sentit petit.

    Petit. Tout petit. On le défiait presque, on lui faisait leçon. Oh, certes Jegun s'y était parfois employée. Un certain Jehan Jahen aussi avait tenté d'apprendre au Fils de France comment il convenait de se tenir, mais aucun n'avait telle prestance, aucun n'avait un lourd bureau, derrière lequel se tenir.
    Point Reine encore, sans doute jamais et pourtant, elle trônait.

    Froide ? Non. Sublimissime.*

    Et suivant l'admiration, la satisfaction fit son entrée. S'il avait pu saisir l'ironie émanant de ce "Roi de Falaise", l'Aiglon aurait savouré, mais il ne put que comprendre que l'on adressait au compère des reproches. Enfant trop gâté, enfant choyé, enfant élevé dans l'assurance d'être supérieur à tous les autres, il se repait de l'humiliation toute relative du blond, avant de froncer le regard guiséen, lorsque le rapace ébène fond sur son pourpre homologue.

    Chlodwig Von Frayner. Cousin apprécié. Le père de Catherine, la bâtarde, le Dauphin en qui Guise et Béatrice plaçaient leur confiance. Charlemagne ne savait pas quelle était l'importance du Duc de l'Aigle, moins encore quelle avait été la déception causée.
    Thomas de Clérel, certes ami du père, mais si le Fils de France avait peu vu sa mère en son règne, il l'avait entendue parfois, se plaindre des affaires royales à ses filles.


    Mon cousin Chlodwig aurait pu être Roi aussi, oui, mais...il n'est pas là, je crois. Non. Il n'est plus là.

    Et ledit cousin ne se serait sans doute pas encombré de deux enfants, fusse l'un d'eux celui de Guise. Et l'affirmation était vraie. Où était-il ? Du reste, Ingeburge savait l'absence de l'ancien Dauphin.

    Thomas de Clérel. Ma Majesté a parfois soupiré à cause de lui.

    Et aux yeux du Prince, si avoir eu l'amitié de mère n'était pas suffisant pour avoir celle du fils, en avoir eu l'inimitié, même passagère, était rédhibitoire.
    Puis l'Aiglon déploya ses faibles ailes.


    Je n'ai pas à vous convaincre. Je demande, c'est tout.

    Soule entre les mains de la Princesse, par le fait du Prince, un Prince qui pour une fois, n'exige pas, ne veut pas, mais voudrait, seulement.
    Enfant fatigué par le deuil.

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* Surnom donné par Guise et Chlo à La primat, Cardinale des Saintes Armées et voluptueuse Patronne de l'Église Aristotélicienne Impériale d'alors. (Mémoires de Guise. Wiki des 3 ans des RR.)
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Ingeburge
Les noms qu'elle avait avancés ne l'avaient pas été au hasard, ils constituaient une réalité, la réalité, celle d'Ingeburge et celle de ces absents qu'elle venait de citer. Ils avaient l'étoffe de ceux des Grands. Et, plus intimement, elle avait eu envie de les prononcer – comme elle avait envie de laisser s'échapper celui du Patriarche sans y parvenir – et elle avait eu envie de les entendre, encore une fois. Saisir ces noms, c'était restituer ce qui n'était plus, qui n'aurait jamais dû être mais qui avait été et qui ne serait donc plus. Le trio qu'elle formait avec les deux von Frayner avait éclaté, soudainement, même si les fissures étaient déjà bien présentes avant le trépas de l'Implacable. Le triumvirat infernal avait donc été tout à fait disloqué, il avait fait face à un adversaire que malgré sa puissance, son insolence, son arrogance, il n'avait su faire ployer. L'avait-il voulu d'ailleurs? Cette allure crâne, cette marque de fabrique qui était celle des trois acolytes n'étaient-elles pas le résultat de la conscience qu'ils avaient de la mort et de la volonté du Très-Haut? C'était certainement pour cela qu'ils se jetaient à corps perdu dans toutes leurs entreprises, dans tous leurs projets, c'était pour cette raison qu'ils faisaient montre de cet orgueil total, ils avaient beau être jugés par tous, seul Lui en avait le droit et le pouvoir. Alors, qu'importait les autres? Il n'y avait qu'une sentence pour eux, qu'un seul verdict, ils ne pouvaient comprendre, ils étaient dépassés et ne méritaient qu'un seul sort... Mort aux cons.

Oui, il était bon d'entendre tomber le prénom de Chlodwig de cette bouche d'enfant, il était bon de sentir celui de Thomas, le complice libre, pas tout à fait avec eux mais jamais contre eux. Il était arrivé, après, mais il avait été une évidence lui aussi. Mais il était tout aussi blessant d'entendre des constats qu'elle-même avait déjà dressés. Charlemagne avait hésité à propos du duc de l'Aigle, comme s'il cherchait une confirmation de sa part mais elle ne dit rien, car admettre que Chlodwig n'était plus là, c'était ajouter à la peine causée par le trépas du duc de Bolchen. Où était-il, bon sang, pourquoi ne se trouvait-il pas là, avec elle? Elle lui pardonnait tout, fermait les yeux sur sa conduite infâme et ignominieuse mais elle refusait de s'attendrir dès lors qu'il la négligeait ainsi. Il était le seul à pouvoir comprendre ce que cette perte représentait pour elle, personne d'autre ne saurait ni ne savait mieux que lui. Et elle frémit en entendant la conclusion de l'Aiglon, non, il n'était plus là, il serait mort que... Elle se mordit la langue, l'Ame Damnée morte, c'était inconcevable, tout aussi inconcevable que le trépas du duc des ducs. Alors, elle soupira, comme Béatrice avait soupiré après le Clérel. Lui aussi n'était plus là, il n'était plus là d'avoir trop soupiré aussi; du reste, combien de fois, tous les quatre s'étaient-ils trouvés désemparés face aux décisions de la Castelmaure?

Le silence était revenu avec la reformulation de la requête et elle fut bien obligée, cette fois-ci, de la considérer là où elle en avait fi quand elle l'avait découverte dans la lettre rédigée par Arutha. Et puis, ce n'était pas une plaisanterie, Charlemagne l'avait affirmé, pourquoi le traiterait-elle cette fois-ci en enfant? Aucune raison ne le justifiait et, puis, elle ne savait pas se comporter ainsi.

Une minute s'écoula, puis une autre, et au terme de celle-ci, elle parla, ouvertement, poussée par eux, ces trois absents qui l'avaient toujours entourée et protégée :

— Et ma réponse est non, Monseigneur.
Déférente, elle inclina la tête, respectueuse de ses devoirs comme ils l'étaient toujours malgré leur impertinence, et elle expliqua pourquoi même si elle ne s'en sentait nullement obligée :
— Je ne peux pas car ils ne sont pas là. Je n'attends pas à ce que vous compreniez mais sachez simplement que lorsque j'ai pour la première accédé au Trône de Bourgogne, ils étaient là. Les ducs de Bolchen, de l'Aigle, de Dun-le-Roi, ils étaient là, en Bourgogne, avec moi... comme ils l'ont d'ailleurs été pour celle qui était encore la duchesse du Nivernais. Ce motif vous sera peut-être insuffisant mais il ne l'est pas pour moi, ils sont ce que j'ai de plus cher au monde. Et puis...
La douceur qui avait émané de ces affirmations relatives à Guise, Chlodwig et Thomas s'effaça aussi vite qu'elle était parue. Pour autant, la Prinzessin ne redevint pas glacée, elle s'animait encore un peu, désireuse de détruire le moindre petit espoir que l'Héritier avait pu placer en elle. Un sourire ironique déforma alors ses lèvres incarnates et le regard hautain, le menton fièrement redressé, elle ajouta :
— ... les gens comme moi ne sont pas aimés. Et pour être un souverain, c'est une obligation, au moins a minima. Votre mère suscitait l'admiration, elle soulevait l'enthousiasme, elle était aimée. Bien sûr, il faut pouvoir s'affirmer, bien sûr, il faut pouvoir inspirer de la crainte et je pense que le Très-Haut, mille fois bénie soit Sa magnanimité, y a pourvu en ce qui me concerne. Mais oh...
Sa tête dodelina doucement, tandis qu'un peu d'air s'échappait de sa bouche entr'ouverte :
— Oh, j'entends les murmures effrayés sur mon passage, je vois les regards effarés, je devine les pensées affolées... « La duchesse d'Auxerre est froide », « la duchesse d'Auxerre n'est pas aimable », « la duchesse d'Auxerre est étrange », « la duchesse d'Auxerre est folle », « la duchesse d'Auxerre prend des bains de sang ». Il y en a des moins tendres, soyez-en assuré, je vous ai livré là ce qu'il y a de plus innocent. Cela est-il exact? La réponse importe peu, ce qui compte, c'est ce que l'on croit. Et le peuple ne peut placer sa foi en une personne telle que moi et le Royaume ne mérite pas qu'un tel fléau s'abatte sur lui.
Le sourire se fit davantage marqué et plus altière que jamais, elle semblait goûter ces constats, se fichant bien de ce que l'on pensait d'elle. L'enfant le comprendrait-il? Eux, auraient accueilli ses explications. Certes, ils auraient protesté mais butée, elle les aurait fait taire, comme il lui fallait fait taire le Prince :
— Je puis vous offrir ma fidélité, Monseigneur, comme je me déclarai fidèle à votre père, et je n'attends pas à ce que vous y souscriviez. J'espère simplement qu'un jour, vous comprendrez que cela est bien plus important que ce vous sollicitez de moi.

L'exaltation retomba et tout en elle se referma. Pourtant, à y regarder de plus près, une légère lueur pleine d'amour éclairait son regard. Ils n'étaient plus là, chacun happé par leur propre destinée mais pourtant, leurs ombres l'environnaient et la berçaient, tendrement.
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Charlemagne_vf
    S'était-il attendu à un épanchement, à des aveux, ou encore à une justification quelconque ? L'Infant, peu habitué des longs discours, adepte de l'économie du moindre mot, fut surpris. La glace fondait, il voyait le solide devenir liquide, et son regard dur aurait pu se muer en compassion, si l'objet de son attention n'avait pas été Ingeburge.
    Mais la Sublimissime avait été décrite à Charlemagne. Un culte voué par son père l'avait élevée à sa juste place en l'esprit du Prince.
    Guise, nostalgique à ses heures. Guise en compagnie de Chlodwig, avait évoqué l'Ahlefeldt, ses pieds, ses mocassins même, invisibles sous les voiles ébène.

    Voilà pourquoi elle avait été choisie par le Fils. Parce qu'autrefois, ce fut le Père, qui l'avait montée sur piédestal.
    Jeune pourtant, Charlemagne le connaissait, l'univers de toutes ces conneries. Oui, il avait entendu l'Implacable, il l'avait vu soupirer, il l'avait vu rire. Rire au souvenir d'un passé, regretter la déchéance de la Lorraine, et l'éclat d'une puissance en voie de disparition.

    Et Ingeburge parla.

    Non. On ne disait pas non au Fils de France, d'habitude. A peine osait-on lui expliquer le pourquoi d'un refus. Mais il écouta.
    Béatrice, elle aussi, n'avait pu car ils n'étaient pas là. Alors il comprenait. Confidences d'une mère à un enfant qu'elle croit trop jeune pour comprendre. Mais à six ans, l'on n'en saisit parfois plus que l'on aimerait nous voir en saisir.
    Ils avaient été la pour la Duchesse du Nivernais, certes, mais pour la Reine de France ?
    La détresse et les caresses parfois trop pressantes d'une génitrice en mal de soutien étaient un souvenir éclairant, et de fait, le garçon comprit, ce motif insuffisant.
    Après tout, pour lui aussi, ils étaient ce qu'il avait de plus cher. Et aucun n'était là. Était-il donc si étonnant, qu'à défaut des autres, l'Altesse Royale se soit tournée vers elle, l'Auxerroise ?

    Les gens comme elle n'étaient, ainsi, pas aimés. Charlemagne était-il comme elle ? Il chérissait le noir, il n'aimait ni ne faisait confiance au prime abord, il se savait haut, supérieur. Il ne pensait cependant pas que tout cela était synonyme de Froid.
    Prenait-elle vraiment des bains de sang ? L'idée eu le mérite d'offrir un frisson au garçon, qui se retint de faire un pas vers l'arrière. A cet âge, l'on croit aux légendes, et l'on craint les vampires. C'est normal.

    Puis elle cessa. Le répit fut bref, un sourire dont le Fils de France ne saisit pas la teneur et enfin, elle conclus.

    Sa fidélité.

    Quelque adulte, présent en ces lieux, aurait sans doute été surpris d'une telle offre, d'un tel présent. Il n'y avait pourtant que Charlemagne, et Arutha. Si le premier était tout ouïe, et absorbé par l’Éminence, le second n'était pour lui qu'un appui, une présence qui devint lourde, et dispensable.
    Faisant fi du blond, se disant qu'il y reviendrait plus tard, puisqu'il le faudrait, Charlemagne Henri Lévan tendit sa main, doucement, tremblant, craignant peut-être de se la faire happer par une bouche assoiffée de chair fraîche.


    J'y sous...

    Comment conjuguer souscrire ? Triste question pour un si jeune garçon, qui se ravise, une grimace confuse sur le visage.

    J'accepte votre fidélité. Merci, Madame. On m'a expliqué ce que ça voulait dire.

    Comment Béatrice aurait-elle pu ne pas le faire ? N'était-ce pas une valeur essentielle en ce monde féodal ?
    Quant au refus, quant au motif de leur venue, il avait du les oublier, parce qu'il n'y revint pas, se contentant d'attendre que les doigts furent pris, scellant le vœu de fidélité, les yeux dans ceux de la sombre et blanche Ingeburge.

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Arutha
Suppositions plus que déplacées sur l'anatomie ingesque ? Ainsi, donc, son orgueil en avait été blessé, ou, à défaut, agacé. Néanmoins, Arutha mit quelques temps à saisir le sens de ces paroles, comprenant après quelques secondes de réflexion qu'elle faisait référence aux allusions concernant sa possession, ou plutôt sa non-possession, d'un sexe masculin. Comment le jeune blond pouvait-il savoir si elle avait un zizi, ou non ? Cela était totalement impossible, à moins de s'être directement rendu à la source ; sous la robe de la Froide. Ce qui, loin d'être moins déplacé, était bien plus risqué et bien plus... suicidaire. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Adage, à n'en point douter, créé par un sot, un soir de sauterie particulièrement arrosé. Il n'était pas fou, ni lui, ni Charlemagne, d'ailleurs. Quoique ce dernier, on eût pu se le demander. S'il avait choisi la Froide, était-il bien conscient de ce que cela impliquait ? Pourtant bien loin d'être effrayante, la brune bourguignonne avait le don pour troubler. Si l'Altesse Royale ne l'était pas, lui, si. Il s'agissait là d'une raison bien suffisante pour que le Baron de Falaise ne parlât pas, ne disant mot, et écoutant la discussion qui se tenait dans ce bureau, goûtant chacun des mots ingesques comme on pouvait savourer un macaron. Cette dernière, bien que troublante, il était impossible de le nier, avait un charme qui permettait de captiver son auditoire. Et le môme Second, son camarade étant le Premier, ne dérogeait pas à la règle. Il goûtait ses mots, ne cessant de la regarder. Était-ce tant par son charme que par ses capacités que, à plusieurs reprises, elle avait pu accéder au trône bourguignon ? Impossible à dire, en de telles circonstances. Oui, elle le captivait. Non pas parce qu'elle lui plaisait, bien trop jeune et bien trop frêle qu'il était pour être intéressé par une dame de cet acabit, mais par sa capacité à écouler, avec fluidité, une à une de ses phrases, une grâce certaine toujours présente.

Et pourtant, oui, pourtant, le Roi de Falaise, tel qu'il s'était auto-nommé, et tel que, avec une ironie certaine, la Cardinale l'avait renommé, se trompait. L'Altesse Royale, elle aussi, était troublée. Ou intimidée. Il ne disait mot, face à une Ingeburge resplendissante, tant par son verbe, que par sa beauté. Altesse qu'il était, Charlemagne, était petit. La leçon lui été faite, et il se taisait. Arutha aurait-il dû en être heureux, grandi, ou juste satisfait ? Peut-être, mais il ne s'agissait là ni de son caractère, ni de l'éducation qu'il avait reçue. Le silence, jusqu'alors sien, n'en fut que renforcé. Charlemagne, parce qu'il devait en être ainsi, parla bientôt. En Altesse qu'il était, c'était son rôle. Néanmoins, pourtant, presque étonnement, l'Aiglon semblait s'incliner devant Auxerre. Il ne voulait pas la convaincre, non, il demandait seulement. Le silence, un instant, se fit pesant, à tel point que le « Roi de Falaise » eût l'irrésistible envie de le briser, par une phrase quelconque, directement sortie de sa bouche enfantine. Ou encore aurait-il pu, dans une originalité moindre, répéter les paroles du Von Frayner, « On demande, c'est tout ». Cela aurait été, en un mot comme en cent, d'une inutilité telle que, même lui, adepte des paroles à rallonge, au contraire de son camarade, s'en rendit compte.

Et Ingeburge, avec une grâce indéfinissable, prononça les quelques mots qui mirent fin à ses espoirs ; leurs espoirs. Cette grâce-même fit oublier au Gisors quel « non » elle avait prononcé. Cette grâce, pourtant, était accompagnée d'une douceur si rare qu'un sursaut de vitalité permit au blondinet de relever les épaules, dans un mouvement qui, à défaut d'être élégant, n'était pas disgracieux. Pourrait-il, un jour, non sans fierté, clamer haut et fort : « J'ai vu Ingeburge Von Ahlefeldt-Oldenbourg douce » ? En tirerait-il le moindre intérêt ? Aucunement. Mais la chose était si surprenante, si étonnante, qu'elle méritait écho. Elle semblait douce, oui. Plus tout à fait Froide, mais pas tout à fait Chaude non plus.


« La duchesse d'Auxerre est froide », « la duchesse d'Auxerre n'est pas aimable », « la duchesse d'Auxerre est étrange », « la duchesse d'Auxerre est folle », « la duchesse d'Auxerre prend des bains de sang ».


Tant de paroles que le blond saisit parfaitement. En étaient-elles pourtant véridiques ? Peut-être pas. Mais elles n'étaient pas dénuées de véracité, c'était un fait.

Le reste, Arutha ne le suivit que peu.
Tout juste, à la fin, lâcha-t-il un petit soupir imperceptible à toute oreille mal-attentive.
Non, il n'avait pas, ou plutôt plus, sa place ici. Il ne romprait pas le silence. Ce soupir valait tous les mots du monde.

Jalousait-il Charlemagne ?
D'avoir, et d'être toujours, Fils de France ? Non.
D'avoir acquis cette fidélité que lui n'aurait jamais ? Oui.

Jalousait-il Charlemagne ? Une question bien simple, et bien compliquée aussi. Et pourtant, la réponse se tenait en un mot. Oui.
Malgré cela, non, il ne le jalousait pas de cette envie maladive.

Non. Il le jalousait juste.

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