Enora avait passé une soirée dont on ne pouvait pas dire qu'elle soit belle. Du moins pas totalement.
Oh oui, elle avait été heureuse de voir quelques amis. Avait sourit à un petit bout de chou adorable. Avait même rit en se voyant coller un poulpe sur la figure, et pourtant, c'est pas franchement ce que l'on peut appeler un soins du visage agréable!!!
Mais encore une fois, elle avait vu le mal que pouvait faire la haine et l'ignorance. Cela la peinait. Voir son ami aussi mal en point l'avait bouleversée. Elle s'était sentie impuissante à le convaincre de se battre encore un peu. Heureusement qu'une certaine petite fantôme était venue à la rescousse...
Elle s'était finalement retrouvée seule, en taverne, un bon moment. Quelques personnes étaient passées la voir, mais aucun n'avait réussi à détourner ses pensées de la peine qui lui tournait autour depuis plusieurs jours.
Trop de personne s'en étaient allées, trop d'autres suivaient le même chemin. Et elle était là, impuissante face à cette contagion étrange. Elle tentait souvent de faire bonne figure, de dire que tout allait bien, de sourire ou même de rire. Mais bien souvent, le cur ne suivait pas. Sauf quand il était là... Avec lui, dans ses bras, sous son regard, tout semblait aller toujours mieux. Les peines sapaisaient, la haine disparaissait, le mal ne lui survivait pas.
Mais ce soir, il n'était pas là et tout l'étouffait.
Elle fini par quitter la taverne, après avoir arroser la rose en espérant qu'elle ne flétrisse pas. Direction, les remparts. De son pas lent de femme enceinte jusqu'aux oreilles, la brune gravit les marches qui menaient au chemin de ronde, puis s'accouda aux créneaux faisant face à la Sarthe.
Elle regarda un instant le paysage nocturne puis baissa son regard vers le pied des remparts. Serait-il là, le seul autre qui savait l'apaiser?
Elle observa. Elle attendit. Mais non, rien, personne.
Enora soupira, une main sur son ventre :
- On dirait qu'il ne veut plus me voir... Il est partit, lui aussi...
Une contraction la fit grimacer.
- Attend encore un peu, ma Crevette, tu veux bien? ce n'est pas encore le moment. Allons nous coucher, plutôt.
Toutes deux, pas le choix de toute façon, redescendirent des remparts et prirent lentement le chemin de la maison. Elle sourit au braiment de Gib qui l'accueillait. Il faudrait qu'elle aille les voir demain, son âne et ses chevaux. Elle demanderait à Mariotte de l'aider à nettoyer labri.
Elle rentra au chaud et se glissa sous les draps froids, se sentant toute petite dans ce grand lit. Elle n'avait plus l'habitude de dormir seule. Même quand il était de garde, elle avait la satisfaction de savoir qu'il l'a rejoindrait au petit matin pour finir sa nuit avec elle. Cette pensée la réconfortait et elle pouvait s'endormir tranquille.
Mais là... il ne l'a rejoindrait pas.
Recroquevillée sous les couvertures, l'oreiller du roux serré dans ses bras pour tenter de percevoir un peu de sa présence, Enora se demandait ce qu'il faisait, là bas, chez les moines.
C'est en pensant ainsi à son homme aux cheveux d'automne que la brune s'endormit.
_________________